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2024
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2. Discours de Madame Nicole BELLOUBET, Garde des Sceaux et Ministre de la Justice de France

Discours de Madame Nicole BELLOUBET, Garde des Sceaux et Ministre de la Justice de France, au Centre sino-français de formation et d’échanges notariaux et juridiques à Shanghai :

Panorama des récentes réformes en matière civile

 

 

Monsieur le Directeur du Bureau de la justice de Shanghai Lu Weidong, Monsieur le Président de l’Association des notaires de Shanghai Yang Changlin,

Monsieur le Directeur-adjoint de la Coopération internationale Yuan Liang,

Monsieur le Président du Conseil supérieur du notariat Didier Coiffard, Monsieur le Directeur général Jérôme Fehrenbach,

Monsieur le Président du Centre sino-français de formation et d’échanges notariaux et juridiques Antoine Desmiers de Ligouyer, Madame la Directrice Marylise Hébrard,

Mesdames, Messieurs,

 

Je vous remercie de m’accueillir dans vos locaux, et de me donner ainsi l’occasion de voir ce centre,  qui est une illustration exemplaire du partenariat étroit que nouent, ici à Shanghai, les notariats français et chinois, avec le bureau de la justice de Shanghai.

 

Ces échanges nourris sont permis grâce à l’investissement du Conseil supérieur du notariat – et je salue son président Didier Coiffard qui est à mes côtés-, de l’Ambassade de France en Chine, mais également de leurs partenaires chinois du bureau de la justice de Shanghai et de l’association des notaires de Shanghai. La cour de cassation française et l’université de droit de Paris II ont également soutenu sa création.

 

Le choix de Shanghai pour accueillir ces locaux n’est pas anodin : il s’agit en effet d’une ville qui a des liens historiques avec la France, issus de notre histoire, et qui accueille aujourd’hui une communauté française qui est la plus importante de Chine. Le dynamisme économique qui caractérise votre ville se traduit également par un dynamisme juridique : j’ai pu le constater ce matin en échangeant avec des membres de la communauté juridique francophone.

 

Mon déplacement en Chine, aux côtés du Premier ministre, témoigne du vif intérêt que nous portons à notre coopération juridique : elle a été  rappelée par le Président de la République française et le Président de la République populaire de Chine, à l’occasion de leur rencontre en janvier dernier.

 

Nous partageons en effet une culture juridique commune, celle du droit continental, ce qui constitue déjà un atout dans nos échanges. Je sais que ceux-ci sont riches, et s’appuient sur une coopération qui dure depuis maintenant plus de 15 ans. Elle est d’ailleurs en plein essor, comme en témoigne la l’agrandissement de votre centre et l’ouverture de nouveaux locaux, ainsi que la signature le 10 janvier dernier d’un accord de coopération entre le Conseil supérieur du Notariat français et l’association chinoise du notariat, à l’occasion du déplacement du président de la République français. Il s’agit désormais de mettre en œuvre cet accord, qui contient des avancées importantes telles que le principe de reconnaissance mutuelle des actes authentiques délivrés par les notaires.

 

Cette coopération se manifeste, vous l’avez rappelé, par des actions de formation des étudiants et professionnels du droit, par l’organisation de séminaires et colloques, mais également par la diffusion de publications telles que le Courrier du centre, qui permet, grâce à une traduction en français et en chinois, d’améliorer la connaissance réciproque du droit français et du droit chinois.

 

Nous sommes en effet confrontés à des préoccupations communes, qui touchent les citoyens à toutes les étapes de leur vie :

-       Le vieillissement de la population, qui nécessite de répondre aux attentes des individus (et de leurs proches) de pouvoir organiser à l’avance la transmission de leur patrimoine, ou mettre en œuvre des mesures de protection pour accompagner leur perte d’autonomie tout en préservant leur dignité et leur capacité de décider pour eux-mêmes ;

-       l’acquisition de biens immobiliers – je crois d’ailleurs que vous travaillez sur la mise en place d’un système d’enregistrement immobilier ;

-       la protection de nos espaces naturels, par le biais de l’encadrement juridique des conditions d’exploitation de nos ressources naturelles et  notamment des forêts  - il s’agit en effet de préserver nos générations futures.

-       Enfin, le recours à des modes alternatifs de règlement des litiges, et notamment la médiation, sur lesquels nous travaillons également comme j’aurai l’occasion de vous le développer.

 

Je voudrais en effet saisir cette occasion pour vous faire part des réformes que je suis en train de conduire en France, dans le cadre du projet de loi de programmation pour la justice qui sera débattu prochainement au Parlement. Pour la première fois, nous avons en effet mis en œuvre un agenda de réformes qui s’étalera sur 4 ans, avec une augmentation sans précédent du budget  du ministère de la justice : près de 24 %. Ce temps long, je souhaite en effet le mettre à profit pour réformer en profondeur notre justice, pour la rendre plus simple, plus efficace,  proche du justiciable, et en même temps tirer parti de toutes les opportunités qu’offre le numérique.

 

Ce projet de loi comporte 5 volets : un volet qui porte sur le droit civil et la procédure civile, un qui porte sur le droit pénal et la procédure pénale, un volet relatif au renforcement du sens et de l’efficacité des peines, un relatif à l’adaptation de notre réseau territorial, c’est-à-dire  des juridictions, et enfin un volet visant à lancer un grand plan de transformation numérique.

 

Je voudrais vous détailler quelques mesures relatives au droit civil et à la procédure civile, qui pourraient vous intéresser.

 

D’abord, sur le rôle des notaires. Nous souhaitons en effet, de façon générale, recentrer le juge sur le cœur de ses missions, c’est-à-dire l’acte de juger, d’interpréter la règle de droit, et de trancher le litige qui lui est soumis. Cela se traduit par le transfert de certaines compétences, autrefois dévolues aux magistrats, vers les greffiers, et les auxiliaires de justice. Ainsi, les notaires se voient confier de nouvelles missions, telles que, en matière de filiation, la rédaction de l’acte de notoriété qui constate la possession d’état, et qui était jusqu’à présent délivré par les juges d’instance (qui sont, en France, les juges compétents pour les petits litiges et les actes du quotidien : surendettement, droit de la consommation, baux d’habitation).

 

De même, en matière de protection des majeurs et des mineurs, le contrôle préalable du juge sur les actes d’administration et de disposition du patrimoine a été supprimé.

 

Nous allons également favoriser le recours à des procédures dématérialisées : ainsi, les requêtes en injonction de payer, qui permettent à un créancier de saisir un juge en vue d’obtenir un titre exécutoire seront désormais traitées par un tribunal numérique à compétence nationale. Sur ce point, j’ai pu constater hier, lorsque j’ai visité à Shenzhen le tribunal du district de Nanshan, que les juridictions chinoises avaient de l’avance sur nous puisque la moitié du contentieux traité par ce tribunal le serait désormais de manière dématérialisée. Nous ne sommes pas encore sur cet ordre de grandeur, mais je compte vraiment mettre la priorité sur l’équipement des juridictions, des magistrats et des professionnels de justice, pour les faire entrer dans la justice du XXIème siècle, qui est une justice dans laquelle le recours aux technologies numériques nous offre des opportunités sa précédent, mais nous impose également de conduite une réflexion sur ce qui ressort de

 

Nous souhaitons également développer le recours au règlement amiable des différends : désormais, le juge pourra enjoindre les parties de rencontrer un médiateur à toute étape de la procédure, qu’elle soit civile, administrative ou pénale. De même, sauf exception limitativement énumérée, la conciliation ou la médiation deviendront obligatoires avant toute saisine des tribunaux d’instance ou de grande instance (premier niveau de juridiction). En contrepartie, nous allons renforcer le contrôle sur les prestataires qui offrent, en ligne, des services d’aide à la résolution amiable des différends. Ceux-ci devront obtenir une certification.

 

Nous allons unifier les modes de saisine du juge, en instituant deux procédures qui remplaceront la multiplicité de modes de saisine actuels : pour les contentieux les plus simples, la procédure sera orale, sans représentation obligatoire ; pour les autres contentieux, la procédure sera écrite avec représentation obligatoire.

 

Au-delà de ce projet de loi, nous avons également mené plusieurs réformes :

 

En matière de droit des contrats : les grands principes sur lesquels se fonde notre droit des contrats étaient restés quasiment inchangés depuis la création du code civil, il y a plus de deux siècles. Nous avions seulement codifié de façon ponctuelle des évolutions jurisprudentielles. La nouvelle réforme, issue d’une ordonnance qui est entrée en vigueur le 1er octobre 2016, a amélioré la lisibilité de ces règles, pour faciliter leur application par les praticiens. Elle a également assoupli la cession de créances et développé les remèdes unilatéraux en cas d’inexécution d’un contrat, afin de permettre au créancier d’agir plus rapidement.

 

S’il est encore un peu tôt pour tirer les enseignements de cette réforme, les premiers retours que nous en avons sont encourageants. Je crois que la directrice adjointe des affaires criminelles et des grâces, Valérie Delnaud, vous en avait déjà présenté les grandes lignes  lorsque vous l’aviez accueillie dans vos locaux le 18 novembre 2016, peu après l’entrée en vigueur de l’ordonnance.

 

Je voudrais également évoquer la création de chambres commerciales internationales, au sein du tribunal de commerce de Paris et plus récemment de la Cour d’appel. Ces juridictions commerciales internationales permettront désormais aux entreprises de pouvoir échanger des pièces en anglais, d’avoir accès à des juges spécialisés en droit des affaires et plus spécifiquement dans certains contentieux  spécifiques (concurrence déloyale, transport, opérations sur certains instruments financiers…).

 

Je ne vais pas être plus longue car je voudrais que nous ayons assez de temps pour que vous puissiez me faire part de votre point de vue, et de vos attentes. Je voudrais simplement conclure en rappelant le soutien que j’apporte à ce format d’échanges, et plus généralement à l’approfondissement de la coopération entre nos deux pays. C’est le sens de l’accord de coopération juridique que je signerai lundi prochain à Pékin avec le ministre de la justice. J’espère que votre agenda continuera à être aussi nourri, et que les prochaines rencontres franco-chinoises du droit et de la justice qui se tiendront à Pékin en octobre prochain sur le thème du droit de l’environnement et de la santé pourront constituer une occasion de les prolonger.

 

Je vous remercie de votre attention.

 

 

 


 

© 2008 Centre sino-français de Formation et d’Echanges notariaux et juridiques à Shanghai.

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