Le système de la gestion et la
formation du notariat chinois
Ma Hongjun,
Professeur du droit, Responsable du Centre
de recherche en droit notarial à l’Université de Droit et Science politique et
de Chine
C’est un grand
honneur que de pouvoir partager avec nos collègues des expériences sur la
formation juridique du notariat chinois. Mon intervention se divise en trois
parties. La première porte sur le système de la gestion du notariat en Chine.
En simpliant les choses, le système de la gestion actuellement en vigueur en
Chine peut être décrit comme un modèle d’une « double combinaison »,
c’est-à-dire la combinaison entre la gestion administrative du Bureau de la
justice et la gestion professionnelle par les diverses associations notariales
à différentes échelles. Le contrôle de l’Administration sur le notariat se fait
principement au moment de l’accès à la profession et du prononcé des sanctions.
Actuellement, de nombreuses études notariales « économiquement
indépendantes » déplorent néanmoins qu’elles ont seulement la liberté de
recevoir les fonds, tandis que leur liberté de disposer est loin d’être
consacrée. Comme pour d’autres établissements d’intérêts publics, il existe
dans ce domaine à la fois la surveillance et la gestion par l’Administration,
ce qui est la particularité liée à la profession notariale. Depuis l’année
dernière, le Ministère de la Justice a avancé sur un processus de réforme de la
profession notariale, et la Conférence nationale des activités notariale qui a
eu lieu le 17 juillet 2017 a mis en place des
mesures innovatrices, ce qui présente une importance historique pour le
notariat à l’échelle nationale. Mais peu de temps après , vu l’impact de la
responsabilité
notariale sur la société,
notamment celle du scandale de « la maison des personnes âgées », le
gouvernement a recommencé à intervenir dans les services notariaux. Le modèle
de la « double combinaison » accompagne le développement de la
profession notariale en Chine, et pendant très longtemps, ce modèle a exercé
une inflence à la fois positive et négative sur le développement et la réforme
du notariat chinois. Pour le système de la gestion actuellement en vigueur, je
crois que mes collogues ici présents ont tous une perception plus proche de la
réalité. La principale cause est que la loi demeure ambigue quant au statut
juridique de la profession notariale, et que le milieu social n’a pas une
vision claire sur les fonctions du notariat.
Ensuite, je vais
aborder la formation juridique en Chine sous deux angles : le premier
étant celui de la formation générale à l’Université, le second étant celui de
la formation professionnelle et de la formation continue dont le Professeur
Gijsbers vient de nous parler. Le 3 mai 2017, le Président de la République
populaire de Chine, Monsieur XI Jinping, a visité l’Université de Droit et de
Science politique de Chine et a donné une série de conférences importantes.
Ici, je veux simplement citer certaines expressions utilisées par le Président.
La première c’est la « combinaison du droit et de la morale ». Pour
les juristes, le mot « morale » renvoie notamment à la déontologie
professionnelle. Le Centre de Recherche où je travaille est
intitulé «Déontologie des professions juridiques ». L’Association du
notariat chinois réfléchit aussi sur ce point : Quel est le contenu de la
déontologie en matière notariale ? Quelles sont les différences éventuelles
entre la déontologie professionnelle et la morale sociale ? Comment les
services juridiques délivrés par les notaires peuvent mieux répondre aux besoins
de la société ? Comment le notariat peut-il être reconnu par la société ? En
bref, le mot « moral » a un contenu très riche, et il faut d’abord
saisir son sens pour pouvoir ensuite diffuser les idées et faire des
applications de manière efficace. En outre, le Président Xi a exprimé l’idée
selon laquelle « le droit doit faire l’objet de la confiance», et les individus doivent croire et obéir aux règles
de droit volontairement. Cette phrase a une signification très profonde, car
l’obéissance au droit n’est possible que si elle est fondée sur la confiance et la foi. À cet égard, le notariat se
présente comme le garant de l’authenticité et de la légalité au profit de
l’économie du marché. Surtout, par des mécanismes préventifs, le notariat
assure la sécurité des transactions, réduit le côut de la justice, et résoud
les conflits de manière plus impartiale et équitable. Le notariat est un
composant indispensable pour le système juridique de tous les pays, par
conséquent, nos discussions d’aujourd’hui portent sur les moyens d’améliorer la
profession notariale, afin qu’elle puisse jouer un rôle plus important dans
l’économie de marché. Le nombre de notaires en Chine est approximativement égal
à celui de la France, tandis que les charges sur les épaules des notaires
chinois sont plus lourdes, et les difficultés rencontrées dans la pratique plus
nombreuses, ce qui demande un haut niveau de la formation juridique afin de
renforcer l’efficacité des services. Il est regrettable de constater que dans
le milieu universitaire, un petit nombre d’universités offrent des cours en
matière notariale, et même si certains droits des procédures touchent au droit
notarial, ces cours se contentent d’interpréter des textes législatifs,
ignorant ainsi leur application concrète. A vrai dire, ceci constitue le gros
problème pour la formation juridique chinoise. L’actuelle réforme de la
formation juridique consiste à combiner la culture locale et les expériences
utiles des deux grandes familles du droit. Pour la formation juridique générale,
le mode d’organisation par discipline est très présent, et le droit notarial
n’est pas encore devenu une discipline ; ce qui est regrettable vu la grande
valeur attachée à cette matière. En l’absence d’une formation générale, les
notaires en fonction sont tenus d’apprendre au cours de l’exercice de leur
profession, et il est tout à fait remarquable qu’ils puissent atteindre un tel
niveau de compétence.
Ensuite,
s’agissant de la formation prefessionnelle, la formation des notaires doit se
concentrer sur l’aspect professionnel, mais maleureusement, la formation
professionnelle est aussi un point de faiblesse pour notre pays. Jusqu’à
présent, le statut de la formation professionnelle est encore très bas, et elle
n’atteint que le niveau de la licence. Contrairement à la France qui a créé un
Master du droit notarial spécialisé, destiné à former les notaires
professionnels, le Master de droit professionnel en Chine ne fait pas de
distinction selon les disciplines. Evidemment, que ce soit sur les techniques utilisées
ou sur la perception par la société, les différentes professions juridiques
(avocats, magistrats, notaires) ont un regard différent sur une même
affaire : les avocats se préoccupent des intérêts de leurs clients, les
magistrats cherchent les faits d’espèces soutenus par les preuves, et les
notaires doivent prévenir les conflits. Par conséquent, différentes professions
exigent des formations juridiques variées. On peut dire que la compétence
juridique et de la déontologique professionnelle ne peuvent être acquises qu’à
travers des exercices. Pourtant, dans la formation juridique actuelle, que ce
soit pour la formation générale ou la formation professionnelle, on privilégie
l’acquisition des connaissances professionnelles, mais ignore le développement
et les exercices pour des compétences propres à chacune des professions. La
future réforme de la formation juridique doit se concentrer sur ces points de
faiblesse.
Si on regarde la
formation juridique sous l’angle du système de la gestion du notariat, force
est de constater qu’il existe beaucoup de choses inadaptées. L’Université et la
profession doivent travailler ensemble, faire des progrès aux bénéfices
réciproques, clarifier les orientations, et promouvoir la réforme. Dans une
perspective internationale et historique, il faut continuer à apprendre et à
tirer des leçons utiles, afin que la réforme du notariat soit conforme à
l’évolution sociale, et que le notariat devienne le véritable garant pour les
transactions du
marché.
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