Plan de site  |  Contact
 
2024
eVous êtes ici: Accueil → Courrier du Centr

Les relations de la profession et de l’Etat

Les relations de la profession et de l’Etat

 

Yves CHARPENEL, Premier avocat général à la Cour de cassation

Un peu d’histoire

Les relations entre l’Etat et la profession notariale en France sont une constante depuis la création des offices de notaires, héritiers des notaires gaulois du Bas Empire romain.

C’est Saint Louis, au XIIIème siècle qui nomma les premiers notaires du Royaume de France.

Mais c’est en 1539, par l'ordonnance de Villers-Cotterêts, que François Ier préfigure ce que sera l'organisation de la profession de notaire : les actes devront être rédigés en français, la conservation devra en être assurée et leur existence devra être consignée dans un répertoire.

La Révolution n'a pas remis en cause l'institution notariale et c’est Bonaparte, consul à vie, qui donne au notariat, par la loi du 25 ventôse an XI (le 16 mars 1803), un statut dont les fondements et les grands principes n'ont pas été, pour l'essentiel, modifiés depuis.

Cette attention constante des régimes politiques à réglementer la profession notariale ne s’est jamais démentie.

En témoigne la grande ordonnance du 2 novembre 1945 qui modernise l’exercice de la profession et organise ses structures institutionnelles dont le Conseil Supérieur du Notariat,  avant la loi du 24 juillet 1966 qui l’ouvre aux sociétés de notaires.

La loi du 31 décembre 1990 élargit encore les conditions d’exercice en rappelant que le notariat peut être exercé sous la forme de sociétés des professions libérales.

Au XXIème siècle il faut encore citer  la loi du 28 mars 2011 qui étend le champ des offices au structures interprofessionnelles et bien sûr la loi du 6 août 2015 dite loi Macron.

Celle-ci porte principalement sur deux volets.

Le premier est celui de la rémunération de l'activité notariale, autrement dit, le tarif.

Le deuxième concerne l'installation des notaires, qui répond à la fois aux anciens critères, avec la possibilité de céder les offices, et aux nouvelles dispositions visant à une liberté d'installation relative. C'est une cartographie établie conjointement par la Chancellerie et l'Autorité de la concurrence pour indiquer les zones ouvertes où de nouveaux notaires pourront s'installer librement.

Les raisons d’une proximité persévérante

Si l’Etat, qu’il soit Royaume Empire ou République, ne renonce jamais à réglementer avec soin cette profession singulière, forte d’à peine plus de 10 000 membres, c’est qu’il a depuis longtemps mesuré l’intérêt de garantir aussi bien pour les personnes privées que pour le domaine public une sécurité juridique essentielle à tous les échelons de la société : famille, fonction publique, économie.

La sécurité juridique est un élément de la sûreté. A ce titre, elle a son fondement dans l'article 2 de la déclaration de 1789 qui place la sûreté parmi les droits naturels et imprescriptibles de l'homme au même titre que la liberté, la propriété et la résistance à l'oppression.

 L’Etat délègue aux notaires, officiers publics et ministériels, cette mission de service public d’authentification et de conservation des actes. 

Le sceau que le notaire appose sur les actes n’est pas le sien, mais celui de la République.

C’est l’Etat qui fixe le nombre d’offices, en veillant à la bonne couverture de tout le territoire, y compris dans les zones rurales et les petites communes.

La solidité et l’efficacité de cette institution se déduit de sa capacité à survivre aux plus grandes mutations politiques ou économiques, nationales ou internationales.

Ainsi le vaste mouvement d’intégration européenne qui paraissait pouvoir marginaliser une forme d’organisation aussi ancienne n’a pourtant pas remis en cause sa légitimité après l’arrêt rendu à la demande de la Commission européenne en 2007 par la Cour de Justice des communautés européennes.

Si l’Etat consacre sans cesse l’existence d’une profession qui conjugue les qualités d’une profession libérale et d’un office public, c’est qu’il peut s’assurer que le caractère privé des actes destinés aux particuliers garantit la confiance de ces derniers en termes de confidentialité, et que le caractère d’officier ministériel garantit que les enjeux économiques dont les notaires ont à connaître ne seront pas traités de manière aventureuse. 

L’importance des missions stratégiques confiées au notariat suffit à expliquer la place éminente de l’Etat :

Son statut particulier l’investit d’une mission de service public aux termes de l’article 2 de l’ordonnance de 1945 :

« Les notaires sont des officiers publics établis pour recevoir tous les actes et les contrats auxquels les parties doivent ou veulent faire donner le caractère d’authenticité attaché aux actes de l’autorité publique ».

Rappelons qu’en tant qu’officier public et ministériel, il a le monopole de la rédaction de conventions dans la forme authentique, dans le respect d’un secret professionnel intangible.

L'Etat lui confie en outre au moins trois missions particulières par une délégation exclusive de sa propre autorité.  La réglementation assigne ainsi aux notaires des missions et des obligations qui profitent directement aux services de l’État et aux municipalités. Ces missions portent principalement sur l’exercice des droits de préemption, sur  la fiscalité et sur la publicité foncière des actes.

Le notaire doit ainsi  calculer et collecter plusieurs impôts dus par les parties à l’occasion d’une vente. Ce système fait de l’office notarial un guichet unique pour les clients qui acquièrent ou vendent un bien immobilier.

Le notaire est enfin responsable de l’enregistrement du transfert de propriété dans le fichier immobilier. D’après les règles du droit civil français, le transfert de propriété a lieu dès la signature de l’acte notarié. L’enregistrement de l’acte dans le fichier immobilier est obligatoire.

Le notaire français est ainsi la référence incontournable en matière de droit successoral, de droit immobilier ou encre de droit foncier.

La force exécutoire de ses actes en fait un véritable magistrat de l’amiable, essentiel pour la réalisation de l’état de droit.

Sa capacité à exercer, bien qu’investi de l’autorité publique, ses fonctions dans un cadre libéral, assure une forme moderne de service public sans coût pour l’Etat, puisqu’il assume la responsabilité économique de son étude. C’est un professionnel libéral, rémunéré par ses clients (et non par les contribuables) selon un tarif fixé par l’Etat pour les services qu’il rend.

Cette souplesse a survécu au temps  en raison de sa souplesse d’adaptation aux évolutions de la société et de l’économie,  mais aussi des liens étroits qu’elle entretient avec l’Etat.

 

La place de l’Etat

La présence constante de l’Etat dans la profession notariale porte principalement sur 5 domaines qui rythment l’existence du notariat :

Tout d'abord  l’accès à la profession de notaire

La nomination d’un notaire ne peut intervenir qu’après un processus méticuleux de vérification par les instances professionnelles  et par le procureur de la République qui constitue le dossier de candidature, reçoit le candidat pour vérifier qu’il satisfait bien aux 7 conditions prévues par  le décret du 5 juillet 1973 :

Une fois le candidat admis après parution d’un arrêté du Garde des sceaux, le nouveau notaire retrouvera le procureur de la République au moment solennel et symbolique de la prestation de serment  devant le président du tribunal de grande instance, qui lui remet alors le sceau, marque de l’autorité  publique qui lui sera personnel tout au long de son activité notariale.

Ensuite le suivi de la vie professionnelle  qui comprend la surveillance et la discipline, La prévention étant assurée par un dialogue constant entre le parquet général et les instances professionnelles régionales.

 

L’ordonnance du 20 avril 1810 sur l’organisation judiciaire et l’administration de la justice dispose en son article 45 que les procureurs généraux ont la surveillance de tous les officiers ministériels de leur ressort.

L’article 2 du décret du 12 août 1974, dans sa version issue du décret du 6 janvier 2010, relatif aux inspections des études de notaires  prévoit que le procureur de la République, accompagné par un membre de la chambre ou par un notaire inspecteur  peut procéder à tous contrôle.

En outre La réception des plaintes des particuliers, comme l’examen des rapports d’inspection, et l’analyse des vérifications effectuées sont l’occasion d’échanges locaux et régionaux qui déterminent les suites à donner.

Un fichier de ces plaintes est tenu dans chaque parquet local et dans les juridictions les plus importantes un magistrat du parquet est spécialisé au sein d’un service civil.

Il peut saisir la chambre de discipline ou le tribunal de grande instance dans les cas les plus graves.

C’est la 1ère chambre civile de la Cour de cassation qui est majoritairement en charge de la régulation des contentieux disciplinaires des notaires, alors que la deuxième  et la troisième  chambres ont à connaître des litiges où la responsabilité civile du notaire est en cause, la chambre criminelle traitant les poursuites pénales diligentées contre les notaires.

L'Etat est également attentif à l'Organisation professionnelle  du notariat.

Ainsi depuis 1945 le notariat est doté d’organes représentatifs, au premier rang desquels le Conseil National du Notariat, qui favorisent le dialogue avec l’Etat

Plus de 200 ans  d’expérience  commune a contribué à renforcer des liens qui font des  36 procureurs généraux  les interlocuteurs  privilégiés des notaires au plan régional, comme les 160 procureurs de la république le sont au plan local.

L’article 18 du décret de 1974 donne une consistance périodique à cette proximité en ce qu’il prévoit la communication annuelle, à chaque premier trimestre, au procureur général et au Garde des sceaux, des conclusions de leurs inspections et des conditions de leur réalisation  

Ces inspections qui sont inopinée sont faites dans chaque office une fois par an.

 

 

 

 

 

 

Enfin la garantie financière  est assurée par le rôle joué par la Caisse des Dépôts et Consignations, celle-ci est au service de l’intérêt général tout en étant autorisée par la loi à avoir des activités concurrentielles. Au titre de ses missions d’intérêt général, elle est reconnue par le Ministère de la Justice comme le banquier du service public de la Justice.

Donc les notaires sont des intermédiaires maniant des fonds qui ne leur appartiennent pas – des fonds de tiers. Et c’est auprès de la Caisse des Dépôts que, depuis plus de 120 ans ils déposent ces « fonds de tiers ». C’est même une obligation depuis 2000.

Près de 500 milliards d’Euros sont ainsi échangés chaque année entre les clients des notaires, pour lesquels les notaires assument la responsabilité financière.

 

L'adoption le 6 août 2015 de la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques est la plus récente des illustrations de la volonté de l'Etat de resserrer les liens avec une profession dont l'originalité séculaire, en dépit des interrogations récurrentes sur son avenir demeure un patrimoine juridique essentiel de notre paysage juridique français.

 

 

 

 

 


 

© 2008 Centre sino-français de Formation et d’Echanges notariaux et juridiques à Shanghai.

版权所有 2008 上海中法公证法律交流培训中心

沪ICP备17007739号-1 维护:睿煜科技