LES STRUCTURES
POUR L’EXERCICE DE LA PROFESSION DE NOTAIRE
Yann
JUDEAU, Notaire
INTRODUCTION
Le notaire
français a à sa disposition une palette de structures d’exercice, lui
permettant de choisir la forme juridique et fiscale qui lui semble la plus adaptée
pour exercer sa profession.
Avant de
présenter les formes d’exercice, il est intéressant d’examiner quelques données
statistiques.
Au
30 juin 2017, on comptait 10.781 notaires dont 9.272 exercent sous la forme
associée au sein de 3.119 sociétés. 86% des notaires exercent en société, 14%
exercent encore à titre individuel. Les
principales formes d’exercice sont la société civile professionnelle (SCP) à
83% et les sociétés d’exercice libéral pour le surplus (17%). Les sociétés
d’exercice libéral constituées sont majoritairement des SARL (SELARL), plus
rarement des SAS (SELAS). Les SEL peuvent être unipersonnelles. Quelques notaires ont constitué des sociétés commerciales
de droit commun (article 63 de la « loi Macron ») ou des sociétés
pluri-professionnelles d’exercice.
L’exposé des structures
d’exercice de la profession de notaire se fera en trois parties :
Nous étudierons tout d’abord les
« structures classiques » constituées par l’exercice individuel, la
société civile professionnelle et la société d’exercice libéral (II).
Nous examinerons les nouvelles formes d’exercice résultant de la « Loi
Macron » : les sociétés commerciales de droit commun et les sociétés
pluri-professionnelles d’exercice (III). Nous commencerons par les
dispositions communes aux sociétés de notaires (I).
PREMIERE PARTIE :
LE SOCLE COMMUN AUX SOCIETES DE NOTAIRES
Quelle que soit la forme choisie
par le notaire pour exercer sa profession, des règles communes lui sont
applicables. Elles tiennent notamment à l’objet social, aux apports réalisables
à la société, à sa responsabilité professionnelle, au commissariat aux comptes
et à la procédure de nomination ou de contrôle des cessions par le Garde des
Sceaux.
§1-L’objet
social :
Les différentes sociétés ont un
objet social identique : « l’exercice en commun de la profession de
leurs membres »[1].
La société peut être titulaire depuis 2016[2]
d’un ou de plusieurs offices notariaux.
Si deux sociétés d’exercice se
regroupent en fusionnant, la société fusionnée est titulaire des offices
notariaux des sociétés fusionnées. Il n’y a plus de suppression d’offices ni
d’ouverture de bureaux secondaires. Elle sera l’employeur unique du personnel
et les comptes de chacun des offices seront consolidés et cette société
multi-offices ne produira qu’une seule déclaration de résultat. Les associés
seront rattachés à l’office dans lequel ils exercent en qualité de notaire.
Ainsi, une société de cinq notaires pourra détenir cinq offices, dans cinq
départements différents. Chacun des notaires déclarant dans quel office il
exerce ses fonctions de notaire.
§2- les apports
possibles
L’apport à la
société d’exercice peut revêtir trois formes possibles : l’apport en
numéraire (a), l’apport en nature (b) et l’apport en industrie dans certaines
sociétés (c). Au préalable, il convient de préciser qu’il n’y a pas de
capital social minimum requis sauf à constituer une société sous forme de
société anonyme (SA) ou de société en commandite par actions (SCA). Le capital
minimum sera alors de 37.000 euros[3].
a-
L’apport
en numéraire
L’apport en numéraire consiste
pour les associés à apporter à la société de l’argent. Cet apport peut être
libéré (=versé) de manière étalée sur cinq ans. Le minimum à libérer à la
constitution de la société dépend de sa forme sociale[4]. Pour des
raisons fiscales, les apports en numéraires sont libérés intégralement à
l’immatriculation de la société.
b-
L’apport
en nature
Les apports en
nature possibles sont les suivants :
.
l’exercice du droit de présentation ;
.
le bénéfice de la suppression d’un office ;
.
tous droits incorporels et tous meubles utiles à l’exercice de la
profession ;
.
les immeubles.
Sauf
dans les SCP et dans les sociétés unipersonnelles (SASU, EURL), le recours à
un commissaire aux apports est imposé par les textes (L.223-9 et L.227-1 du
code de commerce[5]).
c-
L’apport
en industrie
L’associé
réalise un apport en industrie lorsqu’il met à disposition de la société son
travail. L’apport en industrie ne concourt pas à la formation du capital
mais peut donner lieu à des parts d’intérêts. Sauf clause contraire, sa part
dans les bénéfices et sa contribution aux pertes correspondent aux droits de
l’associé qui a le moins apporté (article 1844-1 du Code civil).Il en est de
même pour ses droits politiques.
§3- la
responsabilité du professionnel :
Depuis la loi du
28 mars 2011, il n’existe plus de différence sur le plan de la responsabilité
professionnelle. « Chaque associé répond sur l’ensemble de son
patrimoine, des actes professionnels qu’il a accomplit. La société est
solidairement responsable avec lui des actes dommageables » La responsabilité
indéfinie ne vaut qu’à l’égard de l’auteur de l’acte dommageable, ses associés
ne seront solidairement responsables qu’à hauteur de leurs apports si la
société est à responsabilité limitée. La responsabilité civile professionnelle
du notaire est couverte par une assurance obligatoire souscrite par le Conseil
Supérieur du Notariat (article 6-2 de l’ordonnance n°45-2590).
Cette
responsabilité professionnelle est à distinguer de la responsabilité sociale,
la responsabilité à l’égard des créanciers sociaux, qui opposent les SCP
(responsabilité indéfinie et conjointe) aux autres sociétés (responsabilité
limitée au montant des apports)
§4-La procédure
de nomination
La procédure de
nomination des sociétés d’exercice et de contrôle des cessions a été simplifiée
et uniformisée par la loi du 6 août 2015 et les décrets qui ont suivi.
1/ Nomination de
la société d’exercice
La société jouit de la
personnalité morale à compter de son immatriculation au RCS (C. civ. art. 1842)
qui ne peut intervenir qu’après son agrément par arrêté du garde des sceaux
Elle est constituée sous la condition suspensive de sa nomination par le garde
des sceaux, ministre de la justice. La condition est réputée acquise à la date
de la publication de l’arrêté.
La constitution
de la société d’exercice est soumise à la procédure suivante. La demande
est transmise directement au garde des sceaux par téléprocédure sur le site
internet du ministère de la justice. Dans les vingt jours suivant la demande,
le bureau du Conseil Supérieur du Notariat communique au garde des sceaux,
toute information sur les capacités professionnelles et l’honorabilité de
chacun des associés qui entendent exercer dans la société.
2/ Contrôle des
cessions de droits sociaux
La cession de
droits sociaux à un/tiers en vue de l’exercice de la profession est
soumise à l’agrément du garde des sceaux (téléprocédure sur le site
internet du ministère et avis du CSN dans les 20 jours)
Les cessions
entre associés exerçant sont à porter à la connaissance du garde des
sceaux dans un délai de 30 jours.
La cession au
profit de personnes qui n’exerceront pas leur profession au sein de la
société fait l'objet d'une déclaration à adresser au garde des
sceaux deux mois au moins avant la réalisation de la cession, qui peut
s’opposer au projet de cession par décision motivée.
§5- le régime
fiscal
Le notaire
individuel est imposé à l’impôt sur le revenu sur la totalité du résultat qu’il
réalise, quelle que soit son affectation : remboursement d’emprunt,
réserves ou prélèvements personnels.
Exercer en
société permet de choisir son régime fiscal : la société peut opter pour
l’impôt sur les sociétés. Le résultat taxable est réduit car avant de calculer
l’impôt, on va déduire du résultat la rémunération des notaires dirigeants. Les
notaires ne seront imposés que sur les sommes touchées comme rémunération ou
dividendes. Les sommes restées dans la société ne seront ni imposées à l’impôt
ni assujetties aux cotisations sociales.
Le socle commun des structures
notariales étant posé, il convient d’étudier les spécificités des sociétés
notariales en distinguant les « formes classiques » (deuxième
partie) des nouvelles sociétés d’exercice résultant de la loi de 2015 (troisième
partie).
DEUXIEME PARTIE :
LES FORMES CLASSIQUES D’EXERCICE DE LA PROFESSION
NOTARIALE
SECTION
1- L’EXERCICE INDIVIDUEL DE LA PROFESSION
On rappellera que 14% des
notaires exercent à titre individuel. Les 1650 nouveaux notaires nommés à
l’issue des créations par tirage au sort s’installent quasiment tous en
individuel sans recours à la forme sociétaire. Nous examinerons les avantages
et les inconvénients de ce mode d’exercice.
§1- Les
avantages
L’exercice individuel peut être choisi par des créateurs ou des
petites études pour limiter les coûts de fonctionnement. Quand on est notaire
individuel, il n’y a pas de secrétariat juridique et l’intervention d’un
commissaire aux comptes est facultative. Le fonctionnement juridique d’une
étude individuelle est plus souple qu’une étude exploitée en société : pas
de capital social minimum, pas de compte courant d’associé, pas de réserves
obligatoires et pas de publication des comptes au greffe du tribunal de
commerce.
Le notaire resté individuel pourra se rapprocher simplement d’une
société existante en apportant ou en cédant son droit de présentation. S’il est
déjà installé sous forme de société, le rapprochement avec une autre étude
nécessitera la dissolution - liquidation de sa propre structure à moins de
recourir à une société holding, complexifiant alors le montage.
§2- Les limites
Dans une entreprise
individuelle, l’entrepreneur exerce son activité professionnelle en son nom
propre. Sur un plan juridique, l’entreprise individuelle n’a pas de
personnalité morale, c'est-à-dire que l’entreprise et l’entrepreneur
constituent une seule et même entité juridique. On parle de « confusion
des patrimoines » : il n’y a pas de séparation entre le patrimoine
personnel de l’entrepreneur et son patrimoine professionnel. Ce qui peut avoir
des implications graves en cas de difficultés financières. En effet,
l’entrepreneur individuel est responsable indéfiniment des dettes de
l’entreprise sur la totalité de son patrimoine professionnel et personnel.
C’est le principe du droit de gage général des créanciers (Code civil, art.2284).
Ainsi, si l’office génère des pertes et que les actifs ne suffisent pas à
désintéresser les créanciers, ces derniers peuvent faire saisir les biens
personnels du notaire pour se rembourser.
Face à cette situation, diverses interventions législatives ont eu
pour objet de protéger l’entrepreneur individuel :
-
c’est tout d’abord la déclaration d’insaisissabilité de tout bien
immobilier non affecté à l’usage professionnel ;
-
c’est l’insaisissabilité de la résidence principale, rendue de
droit par la récente loi Macron ;
-
c’est enfin le dispositif de l’entreprise individuelle à
responsabilité limitée (EIRL) dont sont exclus les notaires en raison de leur
qualité d’officier public.
Le notaire qui exercerait en société unipersonnelle de type
société à responsabilité limitée (SARL) ou société par actions simplifiée
(SAS) verrait sa responsabilité sociale limitée au montant de ses apports.
Cette responsabilité limitée sera un rempart de papier si le notaire associé
accepte de cautionner les emprunts de la société ou s’il commet des fautes de
gestion susceptibles d’entraîner une extension de la procédure collective.
L’exercice en société unipersonnelle lui permettrait de voir ses
résultats imposés sur option à l’impôt sur les sociétés, générant des économies
d’impôts et de cotisations sociales, ce qui renforcera son fond de roulement.
SECTION 2- LA
SOCIETE CIVILE PROFESSIONNELLE (SCP)
§1- les associés
a-
Leur
qualité
La société civile professionnelle
est constituée par des personnes physiques qui exercent en son sein la
profession de notaire. (L n°66-879 art.3). La SCP ne peut être
unipersonnelle, elle doit compter au moins deux associés. Une « SCP à main
unique » ne peut perdurer.
Contrairement aux autres formes
d’exercice, la SCP ne peut pas avoir pour associés des personnes morales
(filiales ou holdings) ou des personnes qui n’exerceraient pas la profession de
notaire au sein de la société. Le notaire qui cesse son activité ou est atteint
par la limite d’âge doit quitter la société. Les ayants-droit du notaire décédé
ont un délai d’un an pour céder les titres du défunt.
b- Leur
responsabilité
La responsabilité sociale
est indéfinie et conjointe (L n°66-879, art.15 modifié par L n°2011-331
du 28 mars 2011).
Al.2 « les
créanciers de la société ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales
contre un associé qu’après avoir vainement mis en demeure la société et à la
condition de la mettre en cause »
Al.3 « Les
statuts peuvent stipuler que, dans les rapports entre associés chacun de
ceux-ci est tenus des dettes sociales dans la proportion qu’ils
déterminent. »
L’associé de SCP engage la
totalité de son patrimoine (responsabilité indéfinie) mais à
proportion de sa part dans le capital social de la société (responsabilité
conjointe). S’il est associé pour le tiers du capital, il devra s’acquitter
du tiers de la dette.
Avant la loi du 28 mars 2011, la
responsabilité de l’associé était indéfinie et solidaire : le
créancier de la société pouvait se retourner contre n’importe quel associé de
la SCP pour lui réclamer le paiement de la totalité de la dette.
a-
Les
droits des associés
1/ Droit de vote
Les statuts
fixent le nombre de voix dont dispose chaque associé (D n°67-868, art.21). Le
nombre de voix peut être proportionnel aux apports. Dans le silence des
statuts, chaque associé dispose d’une seule voix, quel que soit le nombre de
parts sociales qu’il détient (L n°66-879, art.13).
Le décret de
1967 ne l’interdisant pas, les statuts de société civile professionnelle
pourraient attribuer un droit de vote plural à certains associés.
2/ Droits
financiers
Généralement, le
droit aux bénéfices, sauf dispositions contraires des statuts, est
proportionnel au nombre de parts détenues par chacun des associés. Dans le
silence des statuts et en l’absence de dispositions règlementaires, chaque
associé, y compris en industrie, a droit à la même part dans les bénéfices (L
n°66-879, art.14 al.3).
§2- Le
fonctionnement de la société
a-
La
direction de la société
Tous les associés sont gérants sauf
stipulation contraire des statuts qui peuvent désigner un ou
plusieurs gérants parmi les associés ou en prévoir la désignation par un acte
ultérieur (L66-879 art.11). A défaut de précision statutaire, la révocation ne
peut intervenir que pour un juste motif, décidée par des associés représentant
plus de la moitié des parts sociales (Code Civil, art.1851).
A l’égard des tiers, le gérant
engage la société par tous les actes entrant dans son objet social (Code Civil,
art. 1849), accomplis dans l’intérêt de la société (Code Civil,
art.1851). Les limitations de pouvoir (dans l’acte de nomination, dans les
statuts) sont valables dans les rapports entre associés mais inopposables aux
tiers.
La prise de décision obéit à des
règles strictes tant en termes de quorum que de majorité, qui pourraient être
renforcées par les statuts.
b-
Les
cessions de parts
1/ L’agrément
Agrément
légal :
Lorsque le cessionnaire est un tiers (non associé), il doit
nécessairement être agréé par les autres associés (D.67-868, art.27)
représentant au moins les trois quarts des voix. Les statuts peuvent
prévoir une majorité plus forte ou l’unanimité.
Agrément
statutaire : Les parts sont librement cessibles entre associés.
Dans ce cas, les statuts peuvent prévoir une clause d’agrément. (L n°66-879,
art.20). La procédure d’agrément concerne également les transmissions à titre
gratuit. (D.67-868, art.30).
Si la société ne donne pas de
réponse dans les deux mois, l’agrément est acquis. En cas de refus d’agrément,
le cédant se voit racheter ses titres par la société ou par un associé ou un
tiers.
La société civile professionnelle
qui reste la forme d’exercice de la profession de notaire la plus courante, est
une société qui est composée uniquement de notaires personnes physiques en
exercice en son sein et dirigée exclusivement par ces derniers. Les règles qui
régissent son fonctionnement sont marquées par un fort « intuitus
personae ». D’autres formes sociétaires permettent une ouverture vers des
associés « non exerçants » et un fonctionnement plus souple, comme
les sociétés d’exercice libéral.
SECTION 3- LA
SOCIETE D’EXERCICE LIBERAL (SEL)
La société d’exercice libéral
peut revêtir quatre formes : Société anonyme (SELAFA), société par actions
simplifiée (SELAS), Société à responsabilité limitée (SELARL), société en
commandite par actions (SELCA).
§1- Les associés
a-
Leur
qualité
Initialement,
la majorité du capital et des droits de vote doit être détenue directement ou
indirectement par des professionnels en exercice au sein de la société.
Depuis la loi de 2015, la
majorité du capital pourra être détenue par des personnes établies en France ou
mentionnées au 6° du B du I de l'article 5[6],
exerçant la profession constituant l'objet social de la société
ou l'une quelconque des professions juridiques ou judiciaires. Parmi les
associés, la société devra comprendre une personne exerçant la profession
constituant l'objet social de la société.
Désormais, dans une SEL de
notaires, le bloc majoritaire pourra être détenu par des notaires qui exercent
leur profession dans d'autres structures ou par des professionnels qui exercent
une autre profession juridique ou judiciaire que celle de notaire.
Le complément du capital peut
être notamment détenu pendant un délai de dix ans, des personnes physiques qui,
ayant cessé toute activité professionnelle, ont exercé cette profession au sein
de la société ou par les ayants droit des personnes mentionnées
ci-dessus pendant un délai de cinq ans suivant leur décès.
b-
Le
nombre d’associés
La société civile professionnelle
doit comprendre au moins deux associés. Par contre, son nombre d’associé est
illimité.
Dans les sociétés d’exercice
libéral, les règles varient selon la forme sociale : entre 1 pour la
SELARL et la SELAS et sans maximum pour la SELAFA et la SELAS.
c-
La
responsabilité sociale des associés
Quelle que soit la structure
d’exercice, la responsabilité professionnelle du notaire est indéfinie
et la société est solidairement responsable avec lui des dommages causés.
Contrairement aux sociétés
civiles professionnelles, la responsabilité sociale, à l’égard des
créanciers, est limitée au montant des apports. Si le notaire a fait un apport
de 50.000 euros à la société, le créancier ne pourra pas le poursuivre au-delà.
Cette limitation de responsabilité est à relativiser en cas d’engagement de
caution de l’associé ou de procédure collective révélant une faute de gestion,
entraînant une extension de procédure.
d-
Les
droits des associés
1/ Le droit de
vote
Chaque associé dispose d’un
nombre de voix égal à celui des titres sociaux qu’il possède. Ce principe de
proportionnalité n’est pas d’ordre public : il est possible de créer des
titres à droit de vote double dans la SELAFA et à droit de vote multiple dans les
autres sociétés.
2/ Les droits financiers
La part de chaque associé dans
les bénéfices est à proportion de sa part dans le capital social. Les statuts
peuvent prévoir une répartition inégale sauf clauses léonines. (Code Civil,
art. 1844-1)
§2- Le
fonctionnement de la société
a-
La
direction de la société
Les dirigeants sont choisis parmi
les associés en exercice au sein de la structure. (loi n°90-1258,
art.12), sauf lorsque le bloc majoritaire est détenu par d'autres personnes que
celles exerçant leur activité au sein de la SEL. Si la société comprend un
conseil d'administration ou un conseil de surveillance, l'organe de contrôle
doit comprendre au moins un membre en exercice au sein de la SEL.
La direction d'une SEL notariale
pourrait donc échapper aux professionnels en exercice au sein de la société
s'ils ne détiennent pas le bloc majoritaire du capital, au profit d'autres
professionnels du droit, nationaux ou ressortissants européens.
b-
La
prise de décision
Dans les sociétés d’exercice
libéral, les règles de quorum et de majorité sont calquées sur celles de la
forme sociale empruntée :
-
SARL
(L.223-29 et L.223-30 du code de commerce)
-
SAS :
les règles sont fixées par les statuts sauf unanimité imposée pour certaines
décisions (L.227-19 du code de commerce)
-
SELAFA
(L.225-96 à L.225-98 du code de commerce).
c-
Les
cessions de parts
L’agrément des
nouveaux associés est donné par les associés exerçant leur activité
au sein de la société à la majorité des trois quarts (SELARL) ou des deux/tiers
(SELAS, SELAFA). Dans la SELARL, les parts sont librement transmissibles entre
associés, sauf dispositions contraires des statuts (L.223-16 du code de
commerce).
La procédure d’agrément dans les
SEL est identique à celle existant dans les SCP à l’exception des délais.
La société
d’exercice libéral de distingue de la société civile professionnelle par sa
souplesse en termes de composition du capital social et de direction. La
société civile professionnelle reste la société d’exercice détenue et dirigée
uniquement par des notaires qui exercent leur activité au sein de la société.
Alors que depuis la loi de 2015, le notaire peut être minoritaire dans sa
structure d’exercice et être exclu des fonctions de dirigeant.
La loi de 2015
crée des nouvelles formes d’exercice pour le notaire en lui permettant de
recourir aux formes sociales de commun en matière commerciale (art. 63) ou en
intégrant des sociétés pluri-professionnelles d’exercice (art.67)
TROISIEME PARTIE :
LES
NOUVELLES FORMES D’EXERCICE RESULTANT DE LA LOI DU 6 AOUT 2015
SECTION 1- LA
SOCIETE COMMERCIALE DE DROIT COMMUN (ART. 63)
L’article 63 de la loi de 2015
modifie l’ordonnance de 1945 pour prévoir que dans son article 1bis que le
notaire peut exercer « dans le cadre d'une entité dotée de la personnalité
morale, à l'exception des formes juridiques qui confèrent à leurs associés la
qualité de commerçant » (société en nom collectif,
société en commandite simple). Le décret n° 2016-883 du 29 juin 2016 en
prévoit les modalités d’application.
§1-
Constitution de la société
Le capital social et les droits
de vote peuvent être détenus par toute personne exerçant une profession
juridique ou judiciaire en France (en Europe ou en Suisse) ou par toute
personne morale, qui satisfait aux exigences de détention du capital et des
droits de vote prévues par la loi n°90-1258. (Ordonnance n°45-2590 art. 1er
bis al.2).
La seule limite est posée par
l’alinéa suivant : « toute société doit comprendre, parmi ses
associés, un notaire remplissant les conditions requises pour exercer ses
fonctions. »
Les règles de responsabilité sont
identiques à celles retenues dans les SEL : chaque associé répond sur
l’ensemble de son patrimoine des actes professionnels qu’il accomplit. La
société est solidairement responsable avec lui. Par contre, sa responsabilité
sociale sera limitée au montant de ses apports.
Les droits financiers et
politiques seront régis par le droit commun applicable à la forme sociale
retenue.
§2- Le
fonctionnement de la société
Il
est renvoyé aux organes de direction et d'administration dépendant de la forme
sociale. Seule contrainte spéciale : Au moins un membre de la profession
de notaire exerçant au sein de la société doit être membre du conseil
d'administration ou du conseil de surveillance de la société. (Ordonnance
n°45-2590, art. Ibis al.4)
SECTION
2- LA SOCIETE PLURI-PROFESSIONNELLE D’EXERCICE
§1-
L’interprofessionnalité avant la loi de 2015
Le concours de professionnels du
droit et du chiffre a toujours existé, même s’il était rarement formalisé par
une structure sociétaire. L’interprofessionnalité peut être de deux
natures : un ou plusieurs professionnels prennent une participation dans
une société qui n’exerce pas la même spécialité qu’eux. Il s’agit de l’interprofessionnalité
capitalistique qui peut être réalisée uniquement via une SEL ou une société
holding dénommée sociétés de participations financières de professions
libérales (SPFPL) car dans la SCP, le capital doit être détenu que par des
associés personnes physiques y exerçant leur profession au sein de la société
(L n°66-879, art.3).
Les différents professionnels
peuvent aspirer à exercer leur activité dans une société opérationnelle. Il
s’agit de l’interprofessionnalité d’exercice rendue possible par
l’ordonnance n°2016-394 du 31 mars 2016 (Journal Officiel
du 1er avril), prise en application de l’article 65 de la loi de
2015. Ces nouvelles dispositions sont entrées en vigueur, après publication des
huit décrets en Conseil d’Etat du 5 mai 2017 (JO du 6).
§2- Les caractéristiques des
sociétés pluriprofessionnelles d’exercice.
a- La forme sociale (art. 31-4
loi n°90-1258)- La SPE peut revêtir toute forme sociale, à
l’exception de celles qui confèrent à leurs associés la qualité de commerçant.
L’ordonnance reprend les mêmes termes que l’article 63 de la loi Macron. Il
pourrait s’agir d’une société civile, d’une société commerciale de droit commun
(SARL, SA, SAS) autre que la SNC ou la société en commandite simple ou encore
une SEL.
b-L’objet social
(art. 31-3 et 31-5 loi n°90-1258)- La SPE a pour objet l’exercice
en commun de plusieurs des professions d’avocat, d’avocat au Conseil d’Etat
et à la Cour de Cassation, de commissaire-priseur, d’huissier, de notaire,
d’administrateur judiciaire, de mandataire judiciaire, de conseil en propriété
industrielle et d’expert comptable (art. 31-3). Ce n’est que la reprise
du périmètre des SPE défini précédemment par l’article 65 de la Loi Macron.
Mais l’ordonnance va plus loin en autorisant la société à exercer, à titre
accessoire, toute activité commerciale dont l’exercice ne serait pas
interdit à l’une des professions constituant son objet social (art. 31-5).
c- La
composition du capital social (art.31-6)- La totalité du capital
social et des droits de vote doit être détenue par des personnes
physiques exerçant l’une des professions exercées en commun, au sein de la
société ou en dehors (1°) ou par des personnes morales dont le capital et les
droits de vote est détenu directement ou indirectement par les professionnels
en exercice (2°).
Deux limites sont posées par
l’article 65. D’une part, la SPE doit comprendre parmi ses associés, une
personne physique remplissant les conditions requises pour exercer la
profession (art.65 2°b). D’autre part, un membre de la profession exerçant au
sein de la SPE (associé ou salarié), doit être membre du conseil
d’administration ou du conseil de surveillance (art.65 2°f).
d- La responsabilité des associés
de la SPE (art. 31-4 5°)- Elle est identique à celle des
associés de SEL (art. 16). La responsabilité sociale sera limitée aux apports
si la société est à risques limités (SARL, SA, SAS). La responsabilité
professionnelle de l’associé sera illimitée car il répondra sur l’ensemble de
son patrimoine des actes professionnels qu’il accomplit. La société sera
solidairement tenue avec l’associé fautif.
§3- La
mise en œuvre de la SPE
Comme pour les SEL (art.3 loi
n°90-1258), la SPE ne pourra exercer son activité et être immatriculée qu’après
agrément par l’autorité compétente pour les officiers ministériels ou
inscription sur la liste ou le tableau de l’ordre pour les autres professions.
Les
demandes de nomination ou de modification relative à une SPE nécessitent la
transmission aux autorités compétentes de pièces relatives aux associés
exerçant, des actes se rapportant à la société et d’une déclaration sur
l’honneur de chaque associé déjà en exercice attestant de l’absence de conflit
d’intérêt entre ses activités en cours et celles des autres associés en exercice.
§4- Les enjeux de
l’interprofessionnalité d’exercice
L’interprofessionnalité peut être
une opportunité pour le notariat mais pose un certain nombre de questions de
déontologie, de responsabilité professionnelle, d’assurance auxquelles le
pouvoir règlementaire et les instances professionnelles devront répondre.
a- La
déontologie
L’interprofessionnalité
d’exercice peut laisser craindre une perte d’indépendance du professionnel
minoritaire en capital et d’éventuels conflits d’intérêts.
Les statuts de la société « comportent
des stipulations propres à garantir l’indépendance de l’exercice professionnel
des associés et des salariés et le respect de la règlementation de chaque
profession (dont la déontologie) » (Art. 31-8 L 31/12/1990).
Le professionnel doit signaler le
conflit d’intérêt à la société et à ses associés ; mais il n’est pas prévu
de sanctions.
Actuellement, Le secret
professionnel peut être levé en cas de divulgation rendue nécessaire pour
la défense de l’intéressé ou si la loi le prévoit.
Dans la SPE, le client peut en
délier les associés de la structure par un écrit préalable qui précisera
(art. 25 Décret 5/05/2017): la nature des informations communiquées, l’identité
des professionnels destinataires de l’information et la possibilité de dénoncer
ou de modifier cet accord par tout moyen sans préavis et sans pénalité .
Le contrat conclu
par la société et le client doit être constaté par écrit et comporte
notamment l’identité du ou des professionnels auxquels le client entend confier
ses intérêts;
b-
La responsabilité civile
Comme
dans les SEL, les SCP, « chaque associé répond sur l’ensemble de son
patrimoine des actes professionnels qu’il accomplit… La société est
solidairement responsable avec lui » (art. 31-4 L n°90-1258). Il s’agit
d’une responsabilité professionnelle indéfinie de l’auteur de l’acte
dommageable. Les associés ne sont solidairement responsables pour l’obligation
à la dette qu’à hauteur de leurs apports si la SPE est à responsabilité
limitée.
Le
devoir de conseil est de même intensité, quel que soit
le professionnel mis en cause. Il est impératif et absolu (Cass. 1ère
civ. 03/04/2007). L’étendue de l’obligation ne peut être pondérée en
fonction de la plus ou moins grande compétence du client ou de la présence à
ses côtés d’un conseiller. (avocat : Cass. 1ère civ. 21/01/2003
ou 2è civ. 25/02/2010 – expert-comptable : Cass. Com. 04/12/2012)
c-
L’assurance
« La
société souscrit une assurance couvrant les risques relatifs à sa
responsabilité civile » (Art. 31-11 loi n°90-1258)
« Le
contrat d’assurance (…) est conclu dans le respect des dispositions relatives
aux obligations d’assurance de responsabilité professionnelle, propres à
chacune des professions (…) »
L’opportunité du
changement de structure d’exercice
Le panel des structures
d’exercice offert au notaire français pour exercer sa profession est
varié : il va de la société détenue et dirigée uniquement par des notaires
(la société civile professionnelle) à la société pluri-professionnelle
d’exercice regroupant des professionnels libéraux exerçant des activités
différentes.
Le choix de la structure n’est
pas figé : la société civile professionnelle peut être transformée en
société d’exercice libéral, en société commerciale ou en société
pluriprofessionnelle d’exercice après un arrêté du Garde des Sceaux, Ministre
de la Justice.
Les motifs de changement
sont multiples. Le notaire peut souhaiter gérer son étude comme une
entreprise. Grâce à l’impôt sur les sociétés, il maîtrisera son niveau
d’impôt sur le revenu et ses cotisations sociales qui seront calculés sur sa
rémunération qu’il aura lui-même déterminée. Les sommes non prélevées (les
réserves) qui n’auront pas supporté de charges sociales constitueront un fond
de roulement propice à l’autofinancement ou à la création de nouveaux services.
Le notaire cherchera à
se rapprocher d’autres études pour mutualiser les moyens humains et de
production et spécialiser les associés dans un domaine d’activité. Le
rapprochement pourra se réaliser par fusion donnant naissance à une société
multi-offices ou par des prises de participations croisées.
A l’occasion de mouvement
d’associés (départ, arrivée), les associés ont intérêt à valoriser le droit
de présentation. Grâce à leur part de prix de vente, chacun des associés
soldera ses prêts professionnels. Une nouvelle structure s’endettant, l’accueil
des jeunes notaires sera facilité avec un effort financier limité.
Le notaire « chef
d’entreprise » sera aidé quant au choix de la meilleure structure
juridique et fiscale par son expert-comptable et par ses instances qui
organisent des réunions d’information ou mettent en place des outils, comme
« MaStructure », outil internet interactif et pédagogique créé par le
Conseil Supérieur du Notariat en mars 2017.
[1] L66-879 art. 1er ; L90-1258 art. 1er ;
O. n°45-2590 art. 1er bis al.1er
[2] décret n°2016-880 du 29 juin 2016 pour les SEL et les sociétés
commerciales (art.63) et décret n°2016-1509 du 9 novembre 2016 pour les SCP
[3] Code de commerce L. 224-2
[4] Le quart (1/4) pour les SCP (art.15 D67-868), le cinquième (1/5)
pour les SARL/SELARL (Code de commerce, L.223-7), la moitié (1/2) pour les
sociétés par actions (L.225-3).
[5] Les
statuts doivent contenir l'évaluation de chaque apport en nature. Il y est
procédé au vu d'un rapport annexé aux statuts et établi sous sa responsabilité
par un commissaire aux apports désigné à l'unanimité des futurs associés ou à
défaut par une décision de justice à la demande du futur associé le plus
diligent.
Toutefois, les futurs associés peuvent décider à
l'unanimité que le recours à un commissaire aux apports ne sera pas
obligatoire, lorsque la valeur d'aucun apport en nature n'excède un montant
fixé par décret et si la valeur totale de l'ensemble des apports en nature non
soumis à l'évaluation d'un commissaire aux apports n'excède pas la moitié du
capital.
Lorsque la société est constituée par une seule
personne, le commissaire aux apports est désigné par l'associé unique.
Toutefois le recours à un commissaire aux apports n'est pas obligatoire si les
conditions prévues à l'alinéa précédent sont réunies ou si l'associé unique,
personne physique, exerçant son activité professionnelle en nom propre avant la
constitution de la société, y compris sous le régime prévu aux articles L. 526-6 à L.
526-21, apporte des éléments qui figuraient dans le bilan
de son dernier exercice.
Lorsqu'il n'y a pas eu de commissaire aux apports ou
lorsque la valeur retenue est différente de celle proposée par le commissaire
aux apports, les associés sont solidairement responsables pendant cinq ans, à
l'égard des tiers, de la valeur attribuée aux apports en nature lors de la
constitution de la société.
[6] Toute personne physique ou morale légalement établie dans un autre
Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique
européen ou dans la Confédération suisse qui exerce, dans l'un de ces Etats,
une activité soumise à un statut législatif ou réglementaire ou subordonnée à
la possession d'une qualification nationale ou internationale reconnue et dont
l'exercice constitue l'objet social de la société et, s'il s'agit d'une
personne morale, qui répond, directement ou indirectement par l'intermédiaire
d'une autre personne morale, aux exigences de détention du capital et des
droits de vote prévues par la présente loi.
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