La tutelle dans
les Dispositions générales du Code civil chinois[1]
HU
Jihua[2]
Le droit civil
est conçu comme une encyclopédie de la vie sociale, et le Code civil est la
traduction législative de l’esprit de son pays et son temps. L’objectif de la
codification civile est d’unifier les normes civiles existantes, et d’élaborer
un Code adapté aux développements du socialisme chinois, conforme à la réalité
de notre pays, présentant les caractéristiques chinoises et l’esprit
contemporain, avec un contenu cohérent et une structure scientifique. La
codification civile n’est pas l’élaboration de dispositions civiles entièrement
nouvelles, mais consiste davantage en une réorganisation des règles juridiques
existantes qui se trouvent dans un état dispersé ; elle ne se réduit non plus à
une simple compilation juridique, pour laquelle aucune modification n’est
requise ; la codification implique au contraire la suppression de textes
redondants, la simplification de règles compliquées, l’amélioration
indispensable pour les dispositions actuelles inadaptées et l’insertion de
nouveaux articles répondant aux nouvelles situations et aux nouveaux problèmes
dans la vie socio-économique.
L’élaboration du
Code civil est un travail difficile et complexe : il faut suivre les
consignes du Parti, avoir une vision d’ensemble, avancer progressivement le
processus de codification tout en garantissant la qualité législative. Le Code
civil contiendra la Partie générale ainsi que les Parties spéciales (le droit
réel, les contrats, la responsabilité civile, la famille, et les successions).
Les dispositions générales contiennent les principes généraux et des
dispositions communes auxquelles doivent obéir les acteurs du droit civil, et
qui constituent le tronc commun ; les Parties spéciales vont sur cette base
fournir des règles opératoires dans les différents domaines. Les dispositions
générales du Code civil (DGCC) comportent 11 chapitres : les dispositions
préliminaires, la personne physique, la personne morale, les entités dépourvues
de la personne morale, les droits civils, les actes juridiques, la
représentation, la responsabilité civile, la prescription extinctive, le calcul
des termes, et les annexes ; soit 206 articles. Les règles sur la tutelle se
trouvent dans le chapitre sur la personne physique.
La tutelle est
une institution visant à protéger les intérêts des personnes ayant totalement
ou partiellement perdu la capacité juridique - à savoir les mineurs et les
majeurs protégés - afin de remédier à leur incapacité d’exercice. Elle consiste
à protéger la santé physique et mentale de la personne, administrer et protéger
son patrimoine, le représenter pour accomplir des actes juridiques.
La tutelle est
l’une des institutions civiles élémentaires de notre pays et elle occupe une
place centrale dans les DGCC et même dans l’ensemble du Code civil. Il existe
des liens étroits entre la tutelle et beaucoup d’autres institutions comme les
agents civils, la famille, les actes juridiques, la représentation, la
responsabilité civile, etc.
Les règles sur
la tutelle dans les DGCC établissent, avec les dispositions dans la Loi sur la
protection des mineurs, la Loi sur la protection des intérêts des femmes, la
Loi sur la protection des personnes âgées, le système de la tutelle de notre
pays. Cette section concrétise les principes et l’esprit de la Convention des
Nations Unies sur les droits de l’Enfant et de la Convention des Nations Unies
sur les droits des personnes handicapées. S’inspirant des législations
étrangères et s’appuyant sur la réalité et les pratiques chinoise, les DGCC ont
apporté des améliorations importantes sur le régime de la tutelle en mettant l’accent
sur des problèmes aigus, réalisant ainsi un système qui a pour base la tutelle
familiale, pour complément la tutelle sociale, et pour le recours ultime la
tutelle d’État.
I Clarifier les
obligations d’entretien entre les parents et enfants
La famille est
la cellule de la société, et la base pour la stabilité sociale, et ainsi
la tutelle familiale est la forme principale pour la tutelle à la chinoise. Les
parents ont l’obligation d’élever, d’éduquer et de protéger leurs enfants, et
les enfants adultes ont le devoir de soutenir et protéger leurs parents. Ces
obligations constituent la base de la tutelle familiale, qui doivent être
insérée dans les DGCC.
II Élargissement du
domaine de la protection
Sur la base des
Principes généraux du droit civil, les DGCC ont ajouté certaines mentions,
comme la désignation du tuteur « selon l’ordre établi » :
peuvent être tuteur « les organismes qui veulent assumer les charges
tutélaires ». En outre, s’agissant des personnes physiques qui manifestent
leur volonté de devenir tuteur, le nouveau texte a supprimé la restriction
antérieure des « autres proches ou amis ayant une relation intime »,
remplacée par une notion générique de l’individu, augmentant ainsi le nombre
des personnes éligibles.
Selon
l’expression des DGCC, « les majeurs ayant besoin d’une mesure de tutelle
sont ceux qui ont perdu totalement ou partiellement la capacité
juridique ». Ce sont des majeurs qui manquent de discernement en raison
d’insuffisances intellectuelles, de troubles mentaux, de l’âge ou de la
maladie.
III Clarification
sur le rôle du gouvernement
Avec la
croissance économique et l’amélioration de sa capacité de gouvernance, l’État
en tant que dernier ressort pour la sauvegarde et la garantie pour la société,
doit renforcer sa mission en matière tutélaire. En cas de vacance de la
tutelle, le Ministère des affaires civiles assume les charges tutélaires, et le
Comité de quartier ou rural joue un rôle complémentaire. Selon l’article 32 des
DGCC, « en cas de vacance de la tutelle, le Ministère des affaires civiles
est nommé comme tuteur, les comités de quartiers ou ruraux ayant la compétence
requise peuvent également assumer les charges tutélaires ». « La
vacance de la tutelle » renvoie principalement aux hypothèses où les
parents de la personne protégée sont soit morts soit incapables d’assumer les
charges tutélaires, et il n’existe pas non plus d’autres proches compétents, ni
même d’autres individus ou organismes ayant la volonté d’en assumer les
charges. Ce texte ne s’applique pas au cas où une personne ayant la qualité
d’assumer les charges tutélaires refuse de le faire. Les DGCC effectuent
quelques modifications sur les règles contenues dans les PGDC :
premièrement, supprimer la qualité de tuteur des employeurs des parents du mineur
; deuxièmement, renforcer la responsabilité du Ministère des affaires civiles
en tant que tuteur en dernier ressort ; troisièmement, donner aux comités de
quartiers et ruraux compétents la possibilité de devenir tuteur le cas échéant.
IV La tutelle
testamentaire, la tutelle amiable et la tutelle conventionnelle
A - Sur la
tutelle testamentaire. Les relations entre les
parents et les enfants sont les plus proches, le lien affectif le plus fort, et
ce sont les parents qui se préoccupent le plus de la santé de leurs enfants et
des intérêts légitimes de ces derniers. Par conséquent, il faut admettre que
les parents puissent choisir la personne en laquelle ils ont le plus de
confiance comme le tuteur de leurs enfants mineurs. La tutelle testamentaire
satisfait aux besoins des parents qui veulent de leur vivant aménager la
tutelle pour leurs enfants. Cette faculté reflète le respect de la volonté des
parents et elle est favorable à la protection des intérêts des enfants. Elle
mérite par conséquent une consécration légale. Les parents des enfants
vulnérables (les mineurs, les majeurs qui ont perdu partiellement ou totalement
la capacité juridique) peuvent désigner le futur tuteur sous forme
testamentaire, à condition que ces parents assument les charges tutélaires. Si
les parents sont perdu leur capacité en matière tutélaire, ou s’ils se voient
leurs fonctions retirées en raison d’actes attentatoires aux intérêts légitimes
des personnes protégées, ils ne seront plus aptes à désigner le tuteur par voie
testamentaire.
B - Sur la
tutelle amiable. Dans la mesure où le droit pose
déjà des conditions rigoureuses pour les candidats au titre de tuteur,
l’admission par la loi d’un accord amiable sur la nomination du tuteur entre
ces personnes ne va pas compromettre les intérêts légitimes de la personne
protégée. Les articles 27 et 28 des DGCC fixent l’ordre selon lequel le tuteur
sera désigné, avec pour objectif d’éviter la vacance de la tutelle résultant de
situations où personne ne veut être nommé comme tuteur. La tutelle amiable peut
ne pas suivre l’ordre établi par les articles 27 et 28. Les candidats peuvent
tenir compte des éléments comme les relations avec la personne protégée, les
situations économiques, les conditions pédagogiques et les mesures de soins
disponibles, sur la base du respect de la volonté de la personne protégée, et
choisir la personne la plus appropriée à travers une négociation suffisante. Ce
procédé est non seulement respectueux du consensus des candidats, mais
également favorable à la protection des intérêts légitimes des personnes
vulnérables. L’accord amiable sur la désignation du tuteur est susceptible
d’influer de manière considérable sur les intérêts de la personne protégée, et
la volonté de cette dernière doit être suffisamment respectée.
C - Sur la
tutelle conventionnelle. Actuellement, la tendance
au vieillissement de la population est très nette en Chine, et le seul régime
de la tutelle légale ne suffit pas à satisfaire aux besoins présents.
S’appuyant sur la réalité concrète de notre pays, et s’inspirant des
législations étrangères, les DGCC ont créé la tutelle conventionnelle grâce à
laquelle le majeur peut choisir son propre tuteur selon ses vœux.
La tutelle
conventionnelle est la manifestation du principe de l’autonomie de la volonté
en la matière permettant au majeur d’aménager sa propre tutelle selon ses
souhaits au moment où il a encore la pleine capacité. D’après les dispositions
des DGCC, le majeur capable peut désigner par avance le tuteur qui interviendra
en cas de la perte totale ou partielle de la capacité juridique ; mais le
consentement de la personne désignée est requis, c’est-à-dire que la
désignation doit être le fruit d’une négociation. La tutelle conventionnelle a
un impact considérable sur les intérêts de la personne vulnérable, par
conséquent, il est préférable que la convention prenne la forme écrite, avec la
mention explicite que les parties sont d’accord sur le contenu de l’acte, ce
qui garantir la véracité et la légalité de l’acte, utile à la réduction
d’éventuels contentieux en amont.
La tutelle, en
tant que moyen de désigner le tuteur, doit être comprise en comparaison avec la
tutelle légale. La tutelle conventionnelle respecte le choix volontaire fait
par le majeur lorsqu’il est pleinement capable, et sa volonté joue un rôle
déterminant ; la tutelle légale, quant à elle, fixe le tuteur selon les
conditions et les procédures prévues par la loi, disposées aux articles 27 à 37
des DGCC. Il faut noter que la tutelle conventionnelle se distingue de la
tutelle amiable prévue par l’article 30 de la présente loi, cette dernière
faisant toujours partie de la tutelle légale, les parties étant des personnes
éligibles comme tuteur. En règle générale, la tutelle conventionnelle bénéficie
d’un rang supérieur par rapport à la tutelle légale.
V Amélioration du
retrait des charges tutélaires
Pour mieux
protéger les intérêts légitimes de la personne vulnérable, et sur la base des
pratiques judiciaires, les DGCC donnent des précisions sur les personnes ayant
la qualité d’agir en justice ainsi que les cas de saisie pour le retrait des
charges tutélaires, et renforce le rôle du Ministère des Affaires civiles.
Selon l’article 36 des DGCC, « dans les cas suivants, le Tribunal
populaire peut, à la demande des individus ou des organismes concernés,
prononcer le retrait des charges tutélaires, prévoir les mesures de protection
temporaires indispensables, et désigner le tuteur selon le principe du
meilleur intérêt de la personne protégée : A) Commettre des actes
gravement attentatoires à la santé physique ou mentale de la personne placée
sous tutelle; B) négligence de la part du tuteur dans l’exercice des fonctions
tutélaires, ou se trouvant dans l’impossibilité d’exercer personnellement ses
fonctions et refusant de les déléguer aux autres personnes, laissant la
personne placée sous tutelle dans une situation périlleuse; C) effectuer
d’autres actes portant gravement atteinte aux intérêts légitimes de la personne
placée sous tutelle ». « Les individus ou les organismes au sens du présent
article comprennent : les autres personnes éligibles comme tuteur, le
Comité de quartier, le Comité rural, l’école, l’établissement médical,
l’Association des femmes, l’Association des personnes handicapées,
l’Association de la protection des mineurs, les organismes légaux pour les
personnes âgées, le Ministère des Affaires civiles, etc. ; « lorsque
aucun des individus ou organismes mentionnés dans l’alinéa précédent, autre que
le Ministère des Affaires civiles n’agit en justice, ce dernier doit faire la
demande auprès du Tribunal populaire en vue du retrait des charges tutélaires».
Cette
disposition des DGCC précise d’abord les cas du retrait, et elle définit qui
sont les personnes ayant la qualité d’agir en justice.
Les cas
d’application du retrait des charges tutélaires.
Sont d’abord
visés les actes gravement attentatoires à la santé physique ou mentale de la
personne placée sous tutelle, tels que les agressions sexuelles, le trafic
d’enfants, l’abandon, la torture, la violence, etc. Ensuite, est mentionné le
cas dans lequel le tuteur est négligeant dans l’exercice des fonctions
tutélaires, ou se trouve dans l’impossibilité d’exercer personnellement ses
fonctions et refuse de les déléguer aux autres personnes, laissant la personne
placée sous tutelle dans une situation périlleuse; à titre d’illustration, ce
sont par exemple les parents qui quittent la maison pour travailler ailleurs,
sans déléguer les charges tutélaire à une tierce personne, laissant leur enfant
de bas âge vivre seul. Enfin le texte prévoit une catégorie résiduelle qui
englobe tout acte portant gravement atteinte aux intérêts légitimes des
mineurs. Il en est ainsi des incitations des mineurs à commettre des
infractions criminelles.
La
restitution des charges tutélaires.
Le retrait et la
restitution des charges tutélaires entretiennent un lien très étroit. Les DGCC
donnent des précisions quant aux conditions de cette restitution. L’article 38
dispose ainsi : « lorsque leurs charges tutélaires se voient retirés
à la suite d’une décision judiciaire, les parents ou les enfants de la personne
sous tutelle peuvent, sauf s’ils ont commis une infraction criminelle contre la
personne vulnérable, demander au Tribunal de la restitution des charges
tutélaires, ce dernier pouvant selon les circonstances donner gain de cause à
cette demande sous réserve du respect de la volonté de la personne
protégée ».
Dans la
pratique, certains tuteurs améliorent leurs comportement après s’être vus
retirés les charges tutélaires, et souhaitent redevenir tuteur. Vu la complexité
des cas d’atteinte aux intérêts légitimes de la personne vulnérable, il est
imprudent pour la loi de donner une réponse négative sans réserves, et il est
indispensable de laisser une porte ouverte.
Selon l’article
38 des DGCC, premièrement, la restitution des charges tutélaires doit être
demandée en justice, et seul le Tribunal populaire peut le décider. Les parents
et les enfants ont une relation la plus proche, et la restitution ne bénéficie
qu’à ces personnes ; les autres tuteurs qui voient leurs charges retirées, ne
peuvent en demander la restitution. Deuxièmement, lorsque les parents ou les
enfants de la personne protégée voient leurs charges tutélaires retirées, la
restitution de ces charges est soumise à plusieurs conditions : d’abord,
il n’y avoir pas eu d’infraction criminelle commise contre la personne protégée
- si par exemple le tuteur a commis des crimes intentionnels comme des
agressions sexuelles, la torture ou l’abandon dont la personne vulnérable a été
la victime, il ne pourra plus demander la restitution des charges. Par contre,
pour les crimes non-intentionnels, le juge peut apprécier le bien-fondé de la
demande selon les circonstances. Troisièmement, il faut constater une
amélioration dans les comportements, c’est-à-dire que les parents ou les
enfants doivent non seulement manifester leur volonté de redevenir tuteur,
encore faut-il qu’ils le concrétisent dans les actes. Le Tribunal populaire a
une marge d’appréciation sur cette condition. Quatrièmement, il faut respecter
la volonté réelle de la personne protégée : et si elle ne veut pas que ses
parents ou enfants redeviennent son tuteur, la restitution ne peut pas être
prononcée. Cinquièmement, même si toutes les conditions ci-dessus mentionnées
sont remplies, le Tribunal doit toujours fonder sa décision en tenant compte de
divers éléments afin de trouver une solution qui soit dans le meilleur intérêt
de la personne protégée.
Enfin, les DGCC
clarifient les procédures de la résolution des contentieux en matière
tutélaire, et énonce explicitement que, en cas de conflits sur la nomination du
tuteur, les intéressés peuvent aller directement devant les tribunaux
populaires.
[1] Source : Recueils des textes du
séminaire franco-chinois sur les services notariaux en 2017.
[2] HU Jihua, observateur du Bureau de droit
civil au sein du Comité permanent de l’Assemblée populaire nationale,
professeur pour le master du droit à l’Université de la politique et du droit
en Chine. Il a participé aux travaux législatifs sur le droit réel, le droit
des avocats, le droit notarial, la procédure civile, la médiation dans les
contentieux ruraux, le droit international privé, la responsabilité civile, la
médiation populaire ainsi que le droit de la protection des consommateurs. Il
participe actuellement à l’élaboration du Code civil.
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