Avancées et
défauts des dispositions générales du Code civil chinois
Wang Liming Zhou Youjun*
Sommaire : La promulgation des dispositions générales du Code civil
(DGDC) constitue un jalon historique pour la législation civile en Chine. Elle
déclenche le processus de la codification civile de notre pays, pousse
largement en avant la construction du système du droit civil, renforce le
mécanisme de la protection des droits subjectifs, améliore le régime juridique
élémentaire pour l’économie de marché, et sauvegarde l’environnement juridique
du marché. Les DGDC présentent un caractère du pays et contemporain, en réalisant
des innovations institutionnelles importantes, ce qui favorise le développement
du droit civil chinois. Néanmoins, cette loi présente aussi des faiblesses. Des
lacunes peuvent être trouvées ; la systématisation du droit est loin d’être
parfaite, et les dispositions sur le droit de la personnalité présente un grave
défaut.
I
L’importante Signification historique des DGDC
A Déclenchement formel du processus de la
codification civile en Chine
La promulgation des DGDC déclenche formellement le processus
de codification civile en Chine. La République Populaire de la Chine a lancé 4
initiatives de codification en 1954, 1962, 1979 et 2001, mais aucune de ces
tentatives n’a abouti, en raison des conditions défavorables à l’époque. La
quatrième session plénière du 18ème Comité central du Parti
Communiste Chinois a lancé le programme de « codification du droit
civil », ce qui offre une nouvelle opportunité historique pour le Code
civil chinois.
Le contenu du Code civil englobe tout aspect de la vie
sociale. Par conséquent, l’élaboration d’un code civil a pour objectif premier
de créer un corps de règles générales régissant les différentes branches du
droit civil et commercial [1].Du point de vue du développement de la
législation chinoise, parmi les plus de 250 lois déjà promulguées, plus de la
moitié concernent les domaines civils et commerciaux, mais la Chine manque en
ce domaine d’une loi de portée générale. Dans ce contexte, la promulgation des
DGDC non seulement déclenche substantiellement le processus de codification,
mais en outre favorisera nécessairement l’amélioration de notre système
juridique en matière civile et commerciale. Parce qu’après l’entrée en vigueur
des DGDC, toutes les Parties spéciales du Code civil doivent être en conformité
avec elles. L’élaboration des DGDC adopte la méthode de « soustraire les
facteurs communs’, et contient des règles sur le sujet, l’objet, l’acte
juridique et la responsabilité civile, tandis que les parties spéciales
s’organisent selon les différentes branches telle que droit réel, obligation
contractuelle, famille, succession et responsabilité civile délictuelle, ce qui
forme un ensemble juridique complet.
B Promouvoir la systématisation de la législation civile
chinoise
‘Le code est la forme supérieure du droit, qui reflète la
raison de l’être humain[2].’ Par conséquent, la codification est
en même temps la systématisation. La promulgation des DGDC pourra rendre le
système du droit civil plus harmonieux et plus cohérent. Depuis longtemps,
faute d’avoir un code civil, la législation civile en Chine manque toujours de
cohérence et de caractère scientifique, ce qui empêche le droit civil de
remplir pleinement ses fonctions comme régulation de la vie sociale et la
garantie de la justice[3].À titre d’illustration, un conflit
patent existe entre les dispositions des Principes généraux du droit civil
(PGDC) et celles de la Loi chinoise des contrats. Un autre exemple : la
bonne foi est reconnue comme un principe général dans les PGDC, ce qui n’est
pas le cas pour certains textes législatifs comme la Loi chinoise des droits
réels, ce qui conduit à une divergence parmi les différentes branches du droit
civil au niveau des valeurs visées. Les DGDC établit des principes généraux
ayant vocation à s’appliquer dans toutes les lois civiles. Elle élimine ainsi
les conflits et contradictions entre les différentes branches de droit, ce qui
rendra plus cohérent le système du droit civil.
La promulgation des DGDC concilie efficacement les
relations entre le droit civil et le droit commercial. Notre pays choisit a
choisi d’unifier ces deux corps de règles, puisque le droit civil et le droit
commercial (le droit des sociétés, le droit des assurances, et le droit des
instruments du crédit) ont pour mission commune la régulation de l’économie du
marché, et ils partagent les moyens de régulation ainsi que les valeurs visées.
Cependant, les DGDC doivent constituer un corps de règles communes à toutes les
lois civiles et commerciales, elles sont en ce sens la base fondamentale pour
l’ensemble du droit privé[4]. L’unification du droit civil et du
droit commercial ne se traduit pas au niveau de la codification, mais force est
de souligner la vocation des DGDC à s’appliquer aux domaines commerciaux. D’un
côté, sous la direction des DGDC, les droits spéciaux en matière commerciale
peuvent former avec le Code civil un ensemble unifié et cohérent. De l’autre
côté, les DGDC et le droit commercial forment un ensemble dynamique, leur
relation étant celle entre le droit commun et les droits spéciaux.
Les DGDC englobe un nombre considérable de règles issues
des interprétations judiciaires, ce qui lui donne une forte empreinte de
pragmatisme. Pour faciliter l’application des lois en matière civile,
l’autorité judiciaire en Chine a publié un nombre important d’interprétations
judiciaires, contenant des règles précises et complémentaires du droit civil,
et ces interprétations jouent un rôle crucial dans l’amélioration de notre
législation civile. Au cours de l’élaboration des DGDC, le législateur a pris
au sérieux les expériences judiciaires, et a consacré formellement certaines
créations prétoriennes. Par exemple, un bon nombre de règles sur les effets, le
point de départ et la suspension de la prescription extinctive sont d’origine
prétorienne. Ce faisant, les DGDC résout le problème de discordance entre les
textes législatifs et les interprétations judiciaires, promeut ainsi la
systématisation de la législation civile.
C. Renforcer la protection des droit privés, améliorer le
système des droits
subjectifs
Les DGDC bénéficient des expériences des PGDC, et réservent
un chapitre intitulé « droits civils », regroupant ainsi les droits
civils dont bénéficient les personnes physiques, personnes morales et les
entités dépourvues de la personnalité morale, ce qui traduit la fonction
protectrice du droit civil. Les DGDC présentent beaucoup de points forts à cet
égard.
D’abord c’est le caractère moderne. Cette loi reflète les
caractéristiques de la Chine contemporaine, et répond aux besoins concrets de
la société actuelle. Par exemple, cette loi a pour la première fois admis
officiellement la notion de vie privée, ce qui en renforcera la protection
(art. 10). En outre, pour régir l’atteinte aux données personnelles en raison
des développements technologiques tels que l’Internet et le big data, les DGDC
prévoient des règles protectrices sur les données personnelles (art. 111),
préservant ainsi la dignité des individus.
Ensuite c’est le caractère complet. Les DGDC sont le
premier texte à avoir employé l’expression de protéger» sur un pied
d’égalité » les droits réels des sujets en droit civil (art. 113), ce qui
constitue une avancée remarquable en droit réel. Cette loi énumère de manière
détaillée les objets du droit de la propriété intellectuelle (art. 123),
élargit le domaine de protection, et renforce davantage le niveau de protection
des propriétés intellectuelles. Ladite loi renforce en outre la protection des
noms, de l’image des personnes, ainsi que de la réputation et des l’honneur
attachés aux héros et aux martyrs (art. 185), ce qui a pour effet de préserver
les bonnes mœurs de la société.
Enfin c’est le caractère ouvert. Selon l’article 126 des
DGDC, la loi protège non seulement les droits mais aussi les intérêts. Cette
disposition est en conformité avec le principe énoncé par l’article 3 de ladite
loi, et elle laisse une porte ouverte pour de nouveaux types d’intérêts à
naître dans le futur.
D Promouvoir les valeurs fondamentales du socialisme, améliorer
les normes élémentaires de la vie sociale
L’article 1er des DGDC dispose d’emblée que les
valeurs fondamentales du socialisme constitue l’objectif législatif, et la loi
promeut les idées comme la liberté, l’égalité, la justice et la gouvernance par
la loi, et consacre solennellement les principes de bonne foi et d’’ordre
public. Les valeurs fondamentales du socialisme sont en outre visibles dans les
normes et les institutions concrètes. A titre d’illustration, les DGDC
contiennent des règles sur l’exercice et la protection des droits civils, en
prévoyant que « Lors de l’exercice de ses droits, chacun doit obéir aux
dispositions de la loi ainsi qu’aux obligations conventionnelles »
(art.131), et l’abus de droit sera sanctionné (art. 132). Ces dispositions nous
fournissent des règles de conduite élémentaires. Un autre exemple : cette
loi exonère les personnes de leur responsabilité encourue en cas d’assistance
bénévole (art.184), afin d’encourager ce type de comportements.
E Améliorer le système juridique de l’économie de marché,
préserver le cadre juridique du marché
Le Code civil est considéré comme la loi élémentaire pour
l’économie de marché. La promulgation des DGDC peut accélérer considérablement
le processus d’amélioration du système juridique pour l’économie de marché, et
rehausser la compétence de gouvernance du pays.
Les DGDC améliorent le cadre juridique élémentaire de
l’économie de marché. Sur les sujets de droit, les DGDC confirme le principe de
l’égalité (art. 4), utile pour les échanges économiques sur un pied d’égalité.
S’agissant de la régulation des comportements dans le marché, Les DGDC établit
des principes fondamentaux du droit civil, et ils sont tous des normes
essentielles auxquelles obéir par tous les acteurs du marché. Cette loi a en
outre prévu des règles détaillées sur la conclusion et la validité des actes
juridiques, règlemente la manifestation de la volonté, et complète le
régime de la représentation ; toutes ces règles étant fondamentales pour le
commerce. Concernant l’objet des échanges économiques, les DGDC ont reconnu de
manière extensive les droits patrimoniaux des acteurs du marché, adapté aux
besoins du développement pour le nouveau type de Société. Quant à la sauvegarde
de l’ordre du marché, les DGDC renforcent la protection des tiers, et mettent
l’accent sur la protection de l’attente légitime.
II Le
caractère national et moderne des DGDC
A Le caractère national des DGDC
«Les
institutions juridiques font partie des institutions sociales, et elles ne
peuvent pas trahir la réalité et les besoins de la vie sociale. Dans le cas
contraire, les lois sont dépourvues d’utilité pratique, et deviennent ainsi
lettres mortes»[5]. S’appuyant sur la réalité actuelle de notre pays, les
DGDC résument les expériences législatives et judiciaires entamées depuis la
réforme économique et l’ouverture, et répondent aux besoins réels de la Chine
contemporaine. Concrètement, le caractère national des DGDC se manifeste sur
trois points :
1 Les DGDC sont le fruit de la synthèse d’expériences
judiciaire et législative, de nombreuses institutions et de règles, destinées à
résoudre les difficultés concrètes en Chine, ce qui donne à cette loi une forte
empreinte chinoise. A titre d’illustration, l’article 1er de cette
loi dispose que les valeurs fondamentales du socialisme doivent constituer l’objectif
législatif, et qu’il faut promouvoir des idées comme la liberté, l’égalité, la
justice et la gouvernance par la loi, utile pour réaliser les fonctions
primaires et les objectifs du droit civil.
2 Les DGDC reflètent les besoins de la réforme, et reconnaissent
pour la première fois le statut juridique les entités dépourvues de
personnalité morale, et règlemente une variété d’organismes sociaux, ce qui
accroît le dynamisme du marché. En outre, la loi dispose clairement que
« les droits patrimoniaux des sujets civils sont également protégés (art.
113) », ce qui constitue une avancée remarquable en matière de droit réel,
conformément aux besoins de la réforme actuelle visant à renforcer la
protection de la propriété.
3 Les DGDC héritent de l’essence des bons aspects de la
culture traditionnelle, et préconisent les valeurs fondamentales du socialisme.
Par exemple, selon l’article 26 des DGDC, « les parents
doivent élever, éduquer et protéger leurs enfants mineurs. Les enfants adultes
doivent nourriture, soutiens et protection à leurs parents».
Cette disposition s’inscrit dans la culture traditionnelle chinoise préconisant
l’harmonie au sein de la famille. L’article 10 des DGDC fixe la règle pour la
résolution des différents civils : d’abord selon les lois, à défaut, les
juges peuvent recourir aux coutumes. Le respect des coutumes donne au droit
civil un caractère ouvert, et lui permet de s’inspirer de la richesse contenue
dans les coutumes. En même temps, l’intégration des coutumes rende le contenu
du droit civil plus raisonnable.
B Le caractère moderne des DGDC
La modernité signifie que les idées, les institutions et
les règles des DGDC doivent résoudre les problèmes concrets en Chine,
elles doivent refléter les caractéristiques et l’esprit de l’époque contemporaine,
et illustre l’idée que la loi marche avec son temps. C’est grâce au caractère
moderne des DGDC que le futur Code civil reflètera réellement les besoins du
peuple, de notre temps et de la société. En résumé, le caractère moderne des
DGDC se manifeste de la manière suivante :
D’abord, les DGDC reflètent l’esprit de leur temps. Si le
Code civil français de 1804 représente le monde rural et agricole du 19ème
siècle, et le BGB de 1900 représente la société industrielle du 20ème
siècle, le Code civil chinois devrait être le représentant de la codification
pour l’époque post-industrielle du 21ème siècle. L’esprit du 21ème
siècle doit être le respect des êtres humains et la protection de la liberté.
Nombreuses dispositions des DGDC sont guidées par cet esprit humaniste. On peut
citer comme exemple la protection des groupes de personnes faibles (art.128),
la protection renforcée des droits du fœtus (art. 16), la protection des
personnes vulnérables (art. 28 et art.33, ect.) , l’exonération de la
responsabilité au profit de celui qui porte volontairement secours ( art. 184
), etc.
Ensuite, les DGDC reflètent les caractéristiques de son
époque. Le 21ème siècle peut être décrit comme l’époque de la haute
technologie, de l’Internet, du big data, de l’économie de la connaissance, ect.
La loi est un miroir de son époque. Pour les besoins de son époque, les DGDC
donnent des réponses positives suivantes : Premièrement, la consécration
explicite de la notion de vie privée en droit (art. 110) ; deuxièmement, la
règlementation sur le droit à l’information personnelle ; troisièmement,
l’annonce du principe de la protection des données (art.127) ; quatrièmement,
le principe de protection de la propriété virtuelle (art. 127) ; cinquièmement,
l’élargissement du domaine des objets de la propriétés intellectuelles ;
sixièmement, le Principe vert établi par l’article 9 des DGDC, selon lequel les
activités civiles doivent respecter l’environnement écologique et économiser
les ressources.
III Les
DGDC réalisent de grandes innovations, et font avancer le développement du
système du droit civil
On peut dire que les DGDC sont à la fois conservatrices et
novatrices. Cette loi résume les expériences législatives et judiciaires de
notre pays, s’appuie sur les fruits du droit comparé, et fait avancer le
développement du système du droit civil de notre pays. Concrètement, les
grandes innovations des DGDC sont les suivantes :
A Protection des intérêts du fœtus
L’article 16 des DGDC établit la protection globale des
intérêts du fœtus. Les caractéristiques de cette disposition sont les
suivantes :
Premièrement, via la technique de la fiction juridique, la
loi donne aux fœtus la capacité de jouissance. Après avoir énoncé le principe
selon lequel « la capacité de jouissance commence par la naissance »
(art. 13), la loi s’appuie sur la fiction juridique, et dispose que les fœtus
« sont considérés d’avoir la capacité de jouissance. »
Deuxièmement, les DGDC ont élargi le domaine de protection
des intérêts du fœtus. En droit comparé, s’agissant de la capacité de
jouissance des fœtus, les législations diffèrent selon qu’elles adoptent une
protection globale (à savoir la reconnaissance générale de la capacité de
jouissance du fœtus, ex., le droit suisse et le droit de la région de Taiwan)
ou une protection réservée à des domaines spécifiques ( à savoir l’énumération
des circonstances particulières dans lesquelles la capacité de jouissance du
fœtus sont reconnues, ex., le droit allemand ou le droit français ). Par le
passé, le droit chinois n’admettait le droit à hériter du fœtus lors du partage
successoral (art. 28 de la Loi chinoise des successions), et une telle
législation n’offre évidemment qu’une protection très limitée. Les DGDC non
seulement accordent aux fœtus le droit héréditaire, mais reconnaissent aussi
son aptitude à recevoir les donations. En outre, l’article 16 des DGDC a
employé l’expression « ect.’ », ce qui signifie que le fœtus peut
jouir d’autres droits. Le droit chinois opte ainsi pour la protection globale.
B Abaissement du seuil d’âge pour l’incapacité absolue
Les DGDC ont abaissé le seuil d’âge de l’incapacité absolue
de 10 ans à 8 ans (art.20), ce qui est conforme à l’évolution de la maturité
mentale des mineurs en Chine.
C Amélioration du système de la tutelle
Comme les PGDC, les DGDC règlementent l’institution de la
tutelle, au lieu de la renvoyer à la Partie du code sur la famille. Le
fondement juridique derrière un tel choix est de traiter la tutelle comme une
mesure complémentaire à la capacité d’exercice des personnes physiques. Ainsi
comprise, elle fait partie de la théorie de la capacité d’exercice.
1
Clarification sur la structure de la tutelle
Les DGDC ont établi la structure fondamentale de la
tutelle : à savoir basée sur une tutelle familiale, complétée par une
tutelle sociale, garantie par une tutelle nationale.
2
Nouvelles idées en matière de la tutelle
Sur le fond, les DGDC traitent les personnes sous tutelle
comme un sujet de droit, et respectent ses volontés individuelles, au lieu de
les traiter comme un sujet passif soumis au contrôle. L’article 35 des DGDC
dispose clairement que le tuteur ne peut pas intervenir dans les affaires où la
personne protégée peut décider seule, et que lors de l’exercice de ses
fonctions, le tuteur doit respecter au maximum la volonté réelle de la personne
sous tutelle.[6]
D Amélioration de l’institution de la personne morale
En comparaison avec les PGDC, les règles sur la personne
morale contenues dans les DGDC présentent les améliorations suivantes :
premièrement, l’adoption du but lucratif comme le critère de distinction des
personnes morales ; deuxièmement, amélioration de la structure de gouvernance
pour les personnes morales ayant un but lucratif ; troisièmement, amélioration
de certaines règles pour les personnes morales ayant un but lucratif ;
quatrièmement, reconnaissance de la qualité de personne morale pour les locaux
religieux ; cinquièmement, consacrécration du système des personnes morales spéciales.
E Entités dépourvues de la personnalité morale
Pour la première fois, les DGDC donnent un statut juridique
aux entités dépourvues de la personnalité juridique, à l’instar des personnes
physiques et morales, devenant ainsi la troisième catégorie des acteurs en
droit civil. Cela constitue une évolution importante en droit civil chinois.
F Les droits civils
Les DGDC consacrent un chapitre tout entier aux «
droits civils», cela non seulement éclaire le domaine
d’application du droit civil, et il est également utile pour les citoyens d’en
connaitre le contenu.
Premièrement, la loi établit la notion de droit général de
la personnalité, ce qui constitue une catégorie résiduelle. S’appuyant sur les
articles 37 et 38 de la Constitution, l’article 109 des DGDC crée l’institution
du droit général de la personnalité, confirme la primauté de la liberté et de
la dignité de la personne. Ces valeurs peuvent constituer le critère de
protection des droits de la personnalité. Pour décider quels sont les intérêts
susceptibles d’être protégés en tant que droit de la personnalité (les
atteintes aux intérêts dans les affaires comme la destruction de la tombe, ou
la discrimination, etc.), il importe de vérifier si ces intérêts représentent
la liberté de l’individu ou la dignité de la personne.
Deuxièmement, les DGDC énoncent pour la première fois la
notion de la vie privée et la protection des informations individuelles.
L’article 2 de la Loi chinoise de la responsabilité délictuelle ne fait que
mentionner la vie privée dans la liste des droits protégés, sans lui apporter
une définition concrète. Les DGDC règlementent le droit à vie privée de manière
positive (alinéa 1 de l’art. 110). En même temps, cette loi contient des
dispositions sur la protection des informations individuelles (art. 111). La
loi admet ainsi la coexistence de la protection de la vie privée et des
informations individuelles.
Troisièmement, la loi améliore le principe d’égalité dans
la protection de la propriété. S’agissant de la protection des droits
patrimoniaux des citoyens, les DGDC emploient pour la première fois le mot
d’égalité, ce qui constitue un progrès remarquable en droit des biens.
Quatrièmement, la loi offre une protection au big data et
aux propriétés virtuelles. Actuellement, la Chine entre dans une époque de
l’internet et du big data. Dans ce contexte, les données et des propriétés
virtuelles sont devenues des catégories de propriété importantes. Les DGDC
soulignent solennellement la protection due aux données et aux propriétés virtuelles
(art.127), et cette disposition constitue une base légale pour les futures
législations en la matière.
Cinquièmement, la loi établit pour la première fois la
règle d’abus de droit. L’article 132 des DGDC consacre la théorie de l’abus de
droit, et rappelle les limites raisonnables de l’exercice du droit.
G Théorie de l’acte juridique
Sur la base des lois et des interprétations judiciaires
préexistantes, les DGDC améliorent certains aspects du régime de l’acte
juridique, y compris notamment : les règles sur l’interprétation de la
manifestation de la volonté ; établissement de règles sur la simulation. Pour
la première fois, la loi affirme la nullité de l’acte apparent (art. 146,
alinéa 1), et fixe les règles sur la validité de l’acte caché (art. 146, alinéa
2) ; les règles innovantes sur le dol et la violence émanant d’un tiers ;
suppression de la possibilité de la modification du contrat en cas de vice du
consentement.
H Mécanisme de la représentation
La représentation fait
partie de la théorie de l’acte juridique lato sensus, mais puisqu’elle
forme aussi un système complet, les DGDC lui consacrent un chapitre entier. En
somme, les développements majeurs réalisés en ce domaine sont :
premièrement, la loi contient une règle sur la pluralité des représentants
(art. 166). Cette disposition tranche utilement la difficulté pratique quant à
la répartition des pouvoirs lorsqu’il existe plusieurs représentants.
Deuxièmement, la loi interdit la représentation par une seule personne pour les
deux parties ou la représentation pour soi-même (art. 168). Cette règle aide à
éviter les conflits d’intérêts, et offre en même temps un critère
d’appréciation éclairant pour la pratique judiciaire. Troisièmement, la loi
ajoute la représentation par les employeurs (art. 170).
I Système de la responsabilité civile
Pour mettre l’accent sur la protection des droits civils,
les DGDC tout comme les PGDC, créent un chapitre intitulé « la
responsabilité civile ». Les développements majeurs sont :
Premièrement, l’admission des dommages-intérêts punitifs en tant que mode
spécial de la responsabilité (art.179), et la loi les intègre dans le système
de la responsabilité civile. Deuxièmement, pour les dommages causés en cours
d’assistance bénévole, la loi énonce une exonération absolue au profit des
assistants, peu importe qu’ils soient négligent ou non (art. 170). Cette règle
est censée encouragée les secours volontaires dans la société. Troisièmement,
s’agissant de l’atteinte aux droits moraux des héros et les martyrs, la loi
établit expressément la responsabilité civile des auteurs de l’atteinte (art.
185). Quatrièmement, les DGDC établissent la primauté de la responsabilité
civile vis-à-vis des autres responsabilités (art. 187), renforçant ainsi la
protection des droits individuels.
J La prescription et le terme
La prescription peut se diviser en prescription acquisitive
et prescription extinctive. La première faisant parti du droit réel, les DGDC
ne règlementent que la prescription acquisitive. Si l’on se réfère aux
dispositions contenues dans les Chapitres IX et X des DGDC, les développements
majeurs sont : premièrement, la prescription extinctive de droit commun
est étendue de 2 ans (PGDC) à trois ans, en vue de renforcer la protection des
créanciers. Deuxièmement, elle crée une règle spéciale pour le point de départ
de la prescription pour les incapables (art. 190). Troisièmement, la loi
affirme pour la première fois que le délais de la prescription court, en cas
d’atteinte sexuelle sur des mineurs, à compter de la majorité des victimes
(art. 191). Quatrièmement, la loi énumère clairement les domaines auxquels la
prescription ne s’applique pas (art.196). Cinquièmement, le texte confirme la
nature impérative des règles sur la prescription. Sixièmement, la loi consacre
l’applicabilité des règles sur la prescription en cas d’arbitrage.
Septièmement, la loi ajoute les règles sur le calcul des termes comme
supplétives de la volonté. S’inspirant du droit comparé, les DGDC autorisent
les parties à limiter ou exclure l’application de ces règles par un accord
conventionnel (art. 204).
IV Les
points de faiblesse des DGDC
Dans sa globalité, les contributions historiques
constituent l’aspect principal des DGDC. Néanmoins, à cause des défauts dans la
technique législative, de la dépendance politique dans la codification, et
d’une préparation doctrinale insuffisante, la version finale des DGDC
présentent d’inévitables imperfections.
A Lacunes de nombreuses dispositions
On peut regretter que les DGDC n’aient pas saisi l’occasion
de prendre position sur de nombreuses questions, ce qui crée des lacunes de
droit. Il faut admettre cependant que les opinions doctrinales diffèrent sur
l’existence même de certaines de ces lacunes.
1 Le chapitre I sur les dispositions générales. Ce chapitre contient des dispositions sur les
sources du droit. La police administrative cesse d’être une source du droit, ce
qui constitue un changement par rapport à la loi antérieure (art. 6 des PGDC),
changement qui mérite d’être plébiscité. Cependant, le texte ne mentionne que
la loi et la coutume (qui renvoie en réalité le droit coutumier) comme source
du droit civil, mais demeure silencieux sur la base légale du jugement en
l’absence de la coutume (surtout, le juge peut-il utiliser comme la base
juridique la doctrine).
2 Le chapitre II sur la personne physique. Les lacunes législatives principales en la
matière sont les suivantes : en cas de la désignation testamentaire du
tuteur, lorsque les parents désignent chacun une personne différente, les DGDC
ne contiennent pas de règle pour déterminer le tuteur (par exemple, on peut
privilégier la désignation faite par le dernier vivant des deux parents ;
le texte ne prévoit pas la démission du tuteur pour cause légitime, ce qui
empêche de réaliser un équilibre entre les intérêts du tuteur et de la personne
protégée ; le système de la surveillance du tuteur fait défaut, de sorte que la
loi est dénuée de moyens nécessaires pour faire face à l’abus de fonction
tutélaire qui est récurrent dans la pratique ; la loi n’impose pas au tuteur
l’obligation de fournir un état des comptes, et cette lacune peut être
source de contentieux, et encourage les manœuvres dolosives du tuteur en
matière patrimoniale.
3 Le chapitre III sur la personne morale. Les lacunes principales sont : l’ambigüité
sur le statut juridique du syndicat de la copropriété. À la suite du changement
du mode d’habitation pour la population chinoise, le syndicat de la copropriété
devient un agent important dans la société. Le droit devrait se prononcer sur
son statut juridique. La section sur les « personnes morale
spéciales » adopte l’approche d’une énumération exhaustive, qui n’en
mentionne que quatre catégories. En réalité, il existe des organismes sociaux
remplissant les conditions pour la personne morale spéciale, et ils seront de
plus en plus nombreux dans l’avenir. Une énumération exhaustive est
problématique pour leur règlementation.
4 Le chapitre V sur les droits civils. Malgré le fait que ce chapitre établisse un
système relativement complet des droits subjectifs, les règles sur
l’enrichissement injustifié et la gestion d’affaire ne peuvent
qu’imparfaitement rencontrer les besoins pratiques, dans la mesure où le Code
civil chinois ne réserverait probablement pas un livre sur le régime général
des obligations. S’agissant de l’enrichissement injustifié, il est devenu le
troisième pilier du droit des obligations à l’instar du contrat et de la
responsabilité civile[7]. Les DGDC ne lui consacrent qu’un seul
article, ce qui conduit à une lacune grave du droit civil. , p>
5 Le chapitre VI sur les actes juridiques civils. Les lacunes principales sont les
suivantes : la loi ne prévoit pas explicitement la nullité pour cause
d’insanité d’esprit ; elle ne dicte la sanction de nullité pour les actes faits
par les incapables sans autorisation de leur représentant ; le texte ne
contient pas de règle sur la confirmation de l’acte nul ; la loi ne pose pas le
principe d’interdiction des conditions illicites, impossibles ou déjà
réalisées.
6 Le chapitre VII sur la représentation. Les lacunes principales sont : absence de
règle sur la pluralité de représentants en cas de représentation légale ;
absence de règle sur les actes juridiques passés en prête-nom,? actes fréquents
dans la vie quotidienne.
7 Le chapitre VIII sur la responsabilité civile. La loi ne règle pas certains problèmes du cumul
de responsabilité. Elle ne pose qu’une règle générale entre le cumul des
responsabilités contractuelles et délictuelles, et ne traite pas d’autres
cumuls éventuels (ex : entre la demande fondée sur l’enrichissement
injustifié et celle des dommages-intérêts extrapatrimoniaux).
8 Les chapitre IX et X sur la prescription et le calcul du
terme. Les lacunes principales
dans ces deux chapitres sont les suivantes : d’abord, la loi ne pose pas
le principe d’inapplicabilité du jeu de la prescription pour les demande ayant
pour l’objet un droit extrapatrimonial (ex., l’établissement de la filiation).
Ensuite, le texte ne présente pas la relation conjugale comme une cause de
suspension du délai de la prescription, ce qui nuit à l’unification des
pratiques judiciaires. Troisièmement, le texte ne fixe pas un délai de
prescription prolongé en cas de dommage corporel.
B Certains défauts sur la systématisation du droit
L’une des missions principales du code civil est de
construire un système du droit civil. A cet égard, les DGDC présentent les
défauts suivants :
1 Le problème de la répétition législative entre le droit
commun et les branches spéciales du droit civil est très grave. Par exemple,
les DGDC établissent le principe de légalité pour la constitution des droits
réels (art. 116), et énumèrent l’objet du droit réel (art. 115), mais ces
dispositions font naturellement partie du Livre consacré aux droits réels, et
la répétition de règles sera inévitable.
2 La raison d’être de certaines dispositions n’est pas
indiscutable. À titre d’illustration, l’article 166 des DGDC traite du problème
de la pluralité des représentants à propos de la représentation
conventionnelle, alors que cette situation se rencontre aussi bien dans les cas
de représentation légale.
C Nombre insuffisant de dispositions sur le droit de la
personnalité
Les DGDC utilisent trois articles (109, 110 et 185) pour
traiter la protection des droits de la personnalité. Pour la première fois,
cette loi consacre la notion du droit général de la personnalité (art. 109), et
affirme la protection de la vie privée et des données personnelles (art. 110),
ce qui doit être approuvé. Cependant, au regard des tendances législatives à
l’échelle mondiale et des besoins de la société, ces règles contenues dans les
DGDC paraissent trop générales, et ne reflètent qu’imparfaitement l’objectif
législatif qu’est la protection complète de la personnalité. Même si l’on
compare les DGDC avec les PGDC, le nombre d’articles sur le droit de la
personnalité dans le première s’avère largement insuffisant, puisque les PGDC
contiennent 9 dispositions sur la question. 30 ans après la promulgation des
PGDC, la protection des droits de la personnalité en Chine réalise des avancés
évidentes, si le droit de la personnalité ne feront pas l’objet d’un Livre
spécial dans le Code civil chinois, cela va conduire à une moindre protection
par rapport aux droits antérieurs, ce qui est évidemment inapproprié.
Le droit civil est une encyclopédie pour la vie sociale, le
droit fondateur pour l’économie de marché, et aussi la déclaration de la
protection des droits des citoyens. Le Code civil constitue un rêve des
juristes de toute génération. Après la promulgation des DGDC, la Chine entame
l’élaboration des Livres spéciaux du code civil, ce qui achèvera le processus
de la codification. On espère que le législateur pourra, sur la base d’un
consensus général, parvenir à élaborer un Code civil chinois qui sera à la fois
adapté aux réalités chinoises et inspiré des expériences utiles tirées du droit
comparé, qui sera en plus un véritable code du 21ème siècle.
* Wang Liming, Professeur de droit à
l’Université du peuple (Chine), docteur en droit; Zhou Youjun, Professeur de
droit à l’Université de Beihang, docteur en droit.
[1] Li Shishi (éd.), Explication de la Partie
générale du Code civil de la République populaire de Chine, Presse juridique
2012, p.4.
[2] Shi Jiayou, Etude sur les problèmes
méthodologiques de la codification civile, Presse juridique 2007, p.6.
[3] Voir Sun Xianzhong, Quelques problèmes sur la codification civile chinoise, L’assemblée populaire de Chine,
2016 n°19, p.42.
[4] Wang Zejian, Traité général du droit civil,
Presse de l’Université de Pékin, 2009, p.14-15.
[5] Huang Yangshou, La capacité de jouissance pour les entités dépourvues
de la personnalité morale, Bibliothèque deHaxin, 1996, p.3.
[6] Yu Yanman, Traité en droit de la famille, Presse juridique 2007,
pp.497-498.
[7] Voir Xiao Yongping, Huo Zhengxin, Le
troisième pilier du droit des obligations en common law : études sur la
restitution, Etudes du droit comparé, 2006 n°3.
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