LES PROPRIETES INTELLECTUELLES
DANS LE DROIT DES REGIMES MATRIMONIAUX ET LE DROIT DU DIVORCE
Michel GRIMALDI
Professeur de
l’Université de Paris II
1.
Les écrivains, les artistes (peintres ou sculpteurs), les interprètes (acteurs
ou chanteurs), les inventeurs et plus généralement les créateurs se marient
souvent et parfois divorcent… Dès lors, à partir du moment où leurs sont
reconnus, aux uns des droits de propriété littéraire ou artistique sur
leurs œuvres ou sur leurs interprétations, et aux autres des droits de propriété
industrielle sur leurs inventions ou sur leurs créations, la question du
sort de ces droits de propriété intellectuelle au regard des règles des
régimes matrimoniaux et du divorce se pose nécessairement.
Dans le souci de
clarifier une question difficile, je raisonnerai principalement sur la
propriété littéraire et artistique. C’est, en effet, le régime matrimonial et
le divorce des écrivains, des artistes et des interprètes qui a principalement
alimenté la jurisprudence, bien plus que ceux des inventeurs. Peut-être parce
que la vie sentimentale des écrivains, des artistes et des interprètes est plus
agitée que celle des inventeurs : bon nombre d’écrivains, de peintres,
d’acteurs ou de chanteurs célèbres ont connu une vie sentimentale tourmentée,
qui fait la fortune des paparazzi et d’une certaine presse à scandales…
On examinera
successivement les droits de propriété intellectuelle et les régimes
matrimoniaux (I), puis les droits de propriété intellectuelle et le divorce
(II).
I. Les droits de
propriété intellectuelle et les régimes matrimoniaux
2.
A titre liminaire, il convient de rappeler que le droit des régimes
matrimoniaux est en France dominé par le principe de la liberté des
conventions matrimoniales : les époux sont libres de déterminer dans un
contrat de mariage le régime matrimonial qui leur convient. Cela dit, les deux
principaux régimes pratiqués en France sont la communauté d’acquêts et
la séparation des biens : le premier est appelé régime légal, parce
que c’est celui auquel la loi soumet les époux qui, n’ayant pas passé de
contrat de mariage, n’ont exprimé aucun choix lors de leur mariage.
Les époux qui
adoptent la séparation des biens conservent chacun la propriété et la gestion
exclusives de tous leurs biens : ils ne partagent rien des richesses
acquises pendant le mariage et chacun fait ce qu’il veut de ses biens. On dit
parfois que c’est un régime matrimonial de célibataires. Il va de soi que, sous
ce régime, les droits de propriété intellectuelle ne posent aucune difficulté particulière :
comme n’importe quels autres biens, ils appartiennent exclusivement à celui des
époux qui les a acquis, donc à l’auteur ou à l’artiste, et celui ci les exerce
souverainement.
3.
C’est lorsque l’auteur ou l’artiste s’est marié sous le régime de la communauté
légale que les choses se compliquent.
Sous ce régime, en
effet, les biens des époux se répartissent en trois masses ou trois
patrimoines : deux patrimoines propres à chacun des époux et un patrimoine
commun aux deux époux. Les patrimoines propres comprennent les biens dont
chacun ses époux est seul propriétaire et qu’il gère seul ; le patrimoine
commun ou communauté rassemble les biens qui sont la copropriété des époux, qui
seront donc partagés lors de la dissolution du régime matrimonial, et que les
époux gèrent ensemble. Quant à la répartition des biens entre les patrimoines
propres et la communauté (question essentielle), elle est schématiquement la
suivante :
- La communauté ne
comprend que les seuls acquêts, c’est-à-dire les biens que les époux
acquièrent à titre onéreux au cours du mariage : biens dont on peut penser
qu’ils sont, d’une manière ou d’une autre, le résultat d’un effort commun
d’économie. Parmi ces biens figurent ceux qu’ils ont créés en cours de mariage
(une entreprise, par exemple), ainsi que tous leurs revenus, ceux de leur
travail, c’est-à-dire leurs gains et salaires, et ceux de tous leurs biens,
communs ou propres.
- Les patrimoines
propres comprennent principalement les biens acquis avant le mariage et ceux
acquis pendant le mariage à titre gratuit, c’est-à-dire par successions ou
libéralités. Mais ils comprennent aussi, à titre exceptionnel, certains biens
acquis à titre onéreux au cours du mariage, parmi lesquels il faut ici mentionner
les biens propres par nature : ce sont des biens qui présentent un
caractère si personnel qu’il serait contre leur nature d’en faire la propriété
commune des époux (exemple : les indemnités réparant un préjudice moral).
C’est au regard de
ces règles qu’il convient de fixer le sort des droits de propriété
intellectuelle.
4. S’agissant
des droits de propriété littéraire et artistique, il convient de
distinguer : 1°/ les droits proprement dits, qui constituent ce que l’on
appelle le monopole d’exploitation ; 2°/ les fruits ou redevances perçus
dans l’exercice de ces droits ou de ce monopole ; 3°/ s’agissant de la
propriété artistique, le support matériel de l’œuvre (tableau, statue).
1°/
Le monopole d’exploitation constitue un bien propre par nature.
C’est ce qui résulte à la fois expressément du Code de la propriété
intellectuelle (art. 121-9) et implicitement du Code civil (art. 1404).
Cette qualification a
deux conséquences majeures. La première est que l’auteur ou l’artiste
décide seul des conditions d’exploitation de son œuvre, et qu’il est le seul à
pouvoir en décider : son conjoint n’a pas son mot à dire sur le contenu
des contrats conclus pour l’exploitation de son œuvre, ni sur le mode de
rétribution (rémunération proportionnelle ou forfait) ni sur son montant. La
seconde est que, lors de la dissolution du mariage, la valeur de ce monopole
(estimée en fonction des revenus à venir) ne figure pas dans la masse commune,
de sorte que le conjoint de l’auteur ou de l’artiste ne peut en réclamer la
moitié.
Cette même
qualification est d’ordre public. La loi interdit toute clause du
contrat de mariage qui inclurait dans la communauté le monopole d’exploitation.
Ce caractère d’ordre public s’explique sans doute par le souci de protéger
l’indépendance de l’auteur ou de l’artiste (qui, dans l’imagerie populaire,
serait un pur intellectuel, médiocre gardien de ses intérêts matériels…). Il
doit être d’autant plus souligné que jadis, avant que le législateur n’intervienne
(en 1957), la jurisprudence avait décidé que le monopole d’exploitation tombait
dans la communauté dès lors que les œuvres avaient été créées pendant le
mariage.
Enfin, cette
qualification emporte l’application au monopole d’exploitation de l’ensemble des
règles relatives à la gestion des biens propres, y compris celles qui, à
titre exceptionnel, limitent la souveraineté de gestion de chacun des époux.
C’est ainsi que l’auteur ou l’artiste qui, négligeant l’exploitation de son
œuvre, mettrait en péril les intérêts de sa famille, en la privant des moyens
nécessaires à sa subsistance, pourrait être sanctionné : par exemple, être
dessaisi de la gestion de son œuvre, qui serait confiée à un administrateur
provisoire (C. civ., art. 219, 220-1, 1429).
2°/
Les fruits ou redevances échus pendant la durée du mariage tombent en
communauté. C’est l’application de la règle suivant laquelle les revenus des
biens propres sont communs : les fruits et redevances ne sont pas autre
chose que les revenus du monopole d’exploitation. Comme la précédente, cette
qualification est expressément prévue par le Code de la propriété
intellectuelle (art. 121-9) et elle résulte des dispositions générales du Code
civil (art. 1401).
Naturellement, la
règle vaut quelle que soit la date de création de l’œuvre : peu importe
que l’œuvre ait été créée avant ou après le mariage. Car, soue le régime de
communauté, sont communs les revenus de tous les biens propres, qu’il
s’agisse de biens qui sont propres pour avoir été acquis avant le mariage ou
qui sont propres à raison de leur nature. Ainsi, les revenus que tire
l’écrivain d’un livre édité avant son mariage (droit de reproduction) ou que
tire le sculpteur de l’exposition d’une statue réalisée avant son mariage
(droit de représentation) alimentent leur communauté.
Cette règle a pour
corollaire que les biens acquis grâce aux revenus de l’œuvre sont eux-mêmes
communs. Ainsi, toute la fortune acquise par l’accumulation des revenus et
redevances perçus en cours de mariage, qui peut être considérable, est commune.
Lors de la dissolution du mariage, elle sera partagée entre les époux ou leurs
héritiers. Et pendant le mariage, elle est soumise aux règles de gestion des
biens communs, qui, suivant diverses modalités, assurent l’égalité des
époux : par exemple, l’artiste ne peut, sans l’accord de son conjoint,
aliéner la maison qu’il a acquise grâce aux redevances touchées en cours de
mariage.
Deux
précisions : - 1°/ Les revenus du droit de suite, qui est reconnu
aux auteurs d’œuvres plastiques, sont assimilés à ceux du monopole
d’exploitation (c’est-à-dire aux revenus du droit de reproduction et du droit
de représentation) : la somme perçue par le peintre à l’occasion de la
revente en cours de mariage de l’une de ses œuvres tombe donc dans la communauté,
qui profite ainsi de l’accroissement de sa notoriété et de sa cote. - 2°/ Une
légère incertitude demeure sur le point de savoir si les revenus entrent en
communauté dès leur échéance, dès leur exigibilité, ou seulement à
compter de leur perception, de leur paiement. La question revêt une
certaine importance compte tenu de la pratique de certains éditeurs qui tardent
souvent à payer aux auteurs les redevances qui leurs sont dues. La Cour d’appel
de Paris, dans une affaire intéressant le chanteur Léo Ferré (CA Paris,
22 avril 1982, D. 1984.397), a retenu la date de la perception. Il serait
pourtant plus juste de considérer la date de l’exigibilité, car la composition
de la communauté ne doit dépendre ni du comportement du tiers débiteur de la
redevance, qui peut en retarder le règlement, ni du comportement de l’époux
créancier, qui peut en repousser la réclamation (notamment dans la perspective
d’un divorce). C’est en tout cas une question qui pourrait être utilement
réglée, sur le conseil du notaire, par contrat de mariage.
3°/ La
propriété du support matériel de l’œuvre n’est évoquée par aucun texte
du Code de la propriété intellectuelle. Peut-être parce que cette question ne
concerne que les auteurs d’œuvres plastiques, et que le législateur a eu
principalement en vue les œuvres littéraires. C’est donc la jurisprudence qui a
dû en régler le sort.
Par une série
d’arrêts échelonnés sur plusieurs décennies, la Cour de cassation décide que
les tableaux ou sculptures réalisés pendant le mariage sont communs. Et elle
donne à cette règle une portée absolument générale : peu importe notamment
que l’artiste ait ou non divulgué ces œuvres, en consentant à leur exposition
(dans une galerie ou un musée) ou à leur reproduction (dans un catalogue ou un
livre) : les tableaux qui se trouvent dans son atelier à la dissolution de
la communauté, et dont, pour certains, il n’est même pas sûr qu’ils soient
achevés, font partie de la masse commune. C’est ce qu’a jugé la Cour de
cassation dans l’affaire Picabia (peintre, impressionniste puis cubiste,
du début du XXe siècle), à propos du stock que le peintre avait conservé
par-devers lui (Cass. 1re civ., 4 juin 1971 : D. 1971.585,
concl. R. Lindon).
Cette jurisprudence
emporte deux conséquences importantes :
-
D’abord, en cours de mariage, les
règles de gestion des biens communs peuvent avoir pour effet d’empêcher
l’artiste de gérer ses œuvres, tableaux ou sculptures, comme il l’entend :
c’est ainsi que, la donation d’un bien commun supposant l’accord des deux époux
(C. civ., art. 1422), l’artiste ne pourra donner telle ou telle de ses œuvres à
un Musée sans le concours de son conjoint.
-
Ensuite, à la dissolution de la communauté,
par divorce ou par décès, le stock des œuvres qui n’ont pas été aliénées est
inclus dans la masse commune à partager entre les époux ou leurs
héritiers : ainsi, le conjoint de l’artiste, survivant ou divorcé, peut se
voir attribuer un certain nombre de ces œuvres.
Cette même
jurisprudence n’a cependant qu’une portée relative. En effet, la
qualification du support matériel de l’œuvre n’a aucune incidence sur le
terrain des droits de propriété intellectuelle. D’où deux conséquences :
-
En premier lieu, l’artiste ou son héritier
conserve le monopole d’exploitation des œuvres qui ont pu être
attribuées à son conjoint, puisque, comme on l’a vu plus haut, ce monopole lui
est un bien propre. Donc, lui seul peut décider de la représentation ou de la
reproduction des œuvres dont son conjoint est devenu propriétaire à la suite du
divorce ou du décès ; et, la communauté étant par hypothèse dissoute, lui
seul en perçoit alors la rémunération (qui, si le mariage durait toujours
serait entrée en communauté).
-
En second lieu, l’artiste ou son héritier est
toujours le seul titulaire de son droit moral. Il peut donc s’opposer à
la divulgation des œuvres, tableaux ou sculptures, dont son conjoint a
été attributaire dans le partage de la communauté, et celui-ci ne pourra alors
que les contempler dans le secret de ses appartements privés… A la limite,
l’artiste ou son héritier pourrait même décider de leur destruction,
sauf au conjoint à démontrer le caractère frauduleux de cette décision,
qui serait inspirée par le seul souci de le priver des bénéfices du partage de
la communauté[1].
Enfin, cette même
jurisprudence rend nécessaire l’évaluation de chacune des œuvres d’art,
tableaux ou sculptures, incluses dans la communauté. Or cette évaluation est
très délicate et génère souvent un redoutable contentieux. D’une part, le
marché des œuvres d’art est capricieux. D’autre part, la mise en vente d’une
importante partie des stocks est de nature à faire chuter le cours de
l’artiste. Mais ces difficultés-là ne relèvent pas de l’art du juriste, et le
juge ne manque pas de se défausser en désignant des experts.
5.
S’agissant des droits de propriété industrielle, sur lesquels il existe
peu de doctrine et de jurisprudence, il est raisonnable de transposer les
solutions qui viennent d’être énoncées à propos de la propriété littéraire et
artistique. Le monopole d’exploitation constitue un bien propre par nature,
mais les redevances ou revenus échus ou perçus pendant le mariage alimentent la
communauté. C’est ce qu’a jugé la Cour de cassation à propos d’un brevet, mais
en rappelant que la date d’acquisition des droits de propriété intellectuelle
est celle du dépôt du brevet, de sorte que, si ce dépôt est intervenu après la
dissolution de la communauté, les redevances perçues par l’époux inventeur
entre la date du dépôt et celle de la liquidation de la communauté sont sa
propriété exclusive (Cass. com., 4 octobre 2011, n° 10-21225).
II. Les droits de
propriété intellectuelle et le divorce
6.
Tout d’abord, il faut ici rappeler que, quelle que soit la cause de la
dissolution du mariage, divorce ou décès, le régime matrimonial des époux est
liquidé de la même manière[2] :
le conjoint de l’artiste, qu’il soit veuf ou divorcé, tire les mêmes droits de
son régime matrimonial.
Ce qu’il y a de
particulier en cas de divorce, s’agissant des intérêts patrimoniaux des époux,
c’est la possibilité d’une prestation compensatoire, que l’on peut très
sommairement présenter en trois points : - 1°/ Il s’agit d’une
prestation que l’un des époux peut être tenu de verser à l’autre afin de
compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage
créera dans leurs conditions de vies respectives (C. civ., art. 270) ; -
2°/ Il appartient aux époux de s’accorder sur son principe comme sur son
montant ; et, s’ils n’y parviennent pas, c’est le juge qui en décide ;
- 3°/ Cette prestation prend la forme d’un capital : versement d’une somme
d’argent ou attribution de biens en propriété, le jugement opérant, le cas
échéant, cession forcée en faveur de l’époux créancier (C. civ., art. 274).
Or lorsque l’un des
époux est titulaire de droits de propriété intellectuelle, ses œuvres ou
ses inventions peuvent, comme tout autre bien, former la matière d’une
prestation compensatoire, que celle-ci soit convenue entre les époux ou imposée
par le juge. Peu importe, ici, le régime matrimonial des époux :
communauté ou séparation de biens. Et la prestation peut porter aussi bien sur
le monopole d’exploitation de certaines œuvres ou inventions que sur le support
matériel d’œuvres plastiques (certains tableaux, par exemple) : s’agissant
du monopole d’exploitation, la Cour de cassation a jugé, à l’occasion du
divorce d’un chanteur célèbre (Cass. 1re civ., 18 octobre 1989,
affaire Nicolas Peyrac : D. 1990.505, note P.-Y. Gautier) que
l’interdiction de le faire entrer en communauté par une clause du contrat de
mariage (supra, n° 4) n’excluait pas d’en faire l’objet d’une prestation
compensatoire.
7. Pour
finir sur le cas de divorce, on signalera le cas particulier où le conjoint de
l’artiste a activement participé à la promotion de l’œuvre de celui-ci et par
là fortement contribué à sa célébrité : il ne s’agit pas ici du conjoint
qui, par sa seule présence aimante, a permis ou favorisé l’éclosion de l’œuvre
créatrice, il de s’agit pas de l’égérie ou de la muse qui inspire ; il
s’agit du conjoint, homme ou femme d’affaires, qui, agent de fait, a pris en
main la bonne exploitation de l’œuvre (le cas n’est pas rare : voyez le
célèbre peintre chinois Zao Wou- Ki) . Dans un tel cas, si les époux étaient
mariés sous le régime de la séparation des biens, le conjoint de l’artiste peut
s’estimer lésé de ne rien recevoir d’un patrimoine qu’il a pourtant contribué à
former. Et la question se pose de savoir s’il peut prétendre à une indemnité.
La Cour de cassation
l’a admis dans le cas d’une femme (Yvonne Printemps) qui, actrice de son
métier, avait joué gratuitement les pièces de théâtre écrites par son mari (Sacha
Guitry). Mais ce n’est là qu’une illustration particulière de la
jurisprudence suivant laquelle lorsqu’un époux séparé de biens a contribué à
l’activité professionnelle de son conjoint et qu’il est ainsi allé au-delà de
ce à quoi il était tenu au titre de son obligation de contribuer aux charges du
mariage, il peut en être indemnisé sur le fondement de l’enrichissement
injustifié (qui, en droit français, est une source autonome d’obligation).
*
*
*
8. Deux
observations pour conclure.
La première est que
le mariage n’est en France que l’une des deux formes de conjugalité
juridiquement organisées. L’autre, moins contraignante - parce qu’elle se forme
et se dissout plus facilement, et que les effets en sont moins denses - est le
pacte civil de solidarité (version française de ce que l’on appelle, dans
la terminologie internationale, un partenariat enregistré). Introduit en droit
français en 1999, dans l’intérêt des couples homosexuels qui, jusqu’en 2013,
n’avaient pas accès au mariage, le PACS a connu un très vif succès : en
2014, on compte 170.000 PACS pour 240.000 mariage (donc, environ 41% des
couples optent pour le PACS), et plus de 90% des PACS sont hétérosexuels. Or,
sur le terrain patrimonial, le PACS place en principe les partenaires sous le
régime de la séparation des biens ; et s’il peut, en vertu d’une clause
particulière, créer entre eux une masse indivise, qui évoque la communauté
entre époux, cette indivision ne comprend ni les biens créés par eux, ni leurs
revenus tant qu’ils n’ont pas été investis (C. civ. art. 515-5-1 et 515-5-2).
Il s’ensuit que le partenaire auteur, artiste, interprète ou inventeur,
conserve en toute hypothèse la propriété exclusive de son monopole
d’exploitation, des redevances qu’il perçoit et, s’il est peintre ou sculpteur,
du support matériel de chacune de ses œuvres. En outre, en cas de séparation
des partenaires, il n’y a lieu à aucune prestation compensatoire. C’est dire
que, s’il est soucieux de ses intérêts pécuniaires, il peut légitimement
préférer le PACS au mariage.
La seconde
observation, liée à la précédente, est relative au rôle du notaire.
Lorsqu’un auteur, un artiste, un interprète ou un inventeur entend doter son
couple d’un statut juridique, il lui faut choisir entre le PACS, sans ou avec
indivision, et le mariage, avec communauté (le cas échéant aménagée) ou
séparation de biens. Et pour bien saisir la portée de son choix, il lui faut
être éclairé, non seulement sur ces différents statuts juridiques aujourd’hui
offerts aux couples, mais aussi sur la spécificité des droits de propriété
intellectuelle, dont la complexité est avérée. Or le notaire, homme du contrat
et conseil des familles, est tout désigné d’abord pour l’informer, ensuite pour
donner à la commune volonté du couple l’expression juridique la plus
appropriée. C’est dire l’intérêt que le notaire d’aujourd’hui doit, en sa
double qualité de conseiller des parties et de rédacteur d’actes, porter aux
propriétés intellectuelles.
[1] Ajoutons
que, pour certains auteurs, le droit moral de l’artiste conduit à nuancer
sérieusement les deux solutions qui ont été exposées au texte : il
permettrait à l’artiste, en cours de régime, de donner une de ses œuvres
sans le consentement de son conjoint, et, à la dissolution du régime,
d’obtenir que toutes ses œuvres lui soient attribuées, mais sous la condition,
dans les deux cas, d’indemniser la communauté de la valeur de l’œuvre
donnée ou des œuvres dont il aurait exigé l’attribution (ce qui implique qu’il
dispose des liquidités nécessaires, ce qui peut ne pas être le cas…).
[2] Sous
quelques nuances qu’il n’y a pas lieu de développer ici.
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