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L’exploitation et la transmission des droits de propriété intellectuelle

L’exploitation et la transmission des droits de propriété intellectuelle

 Michiel VAN SEGGELEN

Notaire

 

Rappelons d’abord en préambule que la durée de la protection accordée est assez variable suivant les droits envisagés, ce qui forcément donne une dimension particulière à leur gestion et à leur transmission, du vivant ou à cause de mort.

Si l’appellation d’origine a l’avenir devant elle puisqu’elle est par principe imprescriptible, la marque peut aussi s’inscrire dans un temps long par le jeu des renouvellements successifs lui accordant à chaque fois une protection pour une durée de 10 ans. En revanche, les droits sur les créations industrielles sont accordés de manière plus courte puisque le droit sur les dessins et modèles existe au maximum pour 25 ans), quand le droit sur les brevets est octroyé pour une durée de 20 ans maximum (25 ans pour les obtentions végétales. Même si cela apparaît comme un temps long pour certains, le droit d’auteur a une durée limitée en ce que le droit est accordé la vie durant de l'auteur et, post mortem, jusqu'à 70 ans après sa mort.

Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que passé le délai de protection accordé, quel qu'il soit,  le droit s'éteint et le bien objet de la protection jusqu’alors tombe dans le domaine public et est, par conséquent, libre d’utilisation. Passé 20 ans, le procédé de fabrication protégé dans le cadre d’un brevet est utilisable par n’importe qui sans risque. De même que 70 ans après le décès du titulaire d’un droit d’auteur, l’œuvre est dans le domaine public et peut être utilisée, reproduite par tout un chacun.

 

Nous prendrons deux exemples, relevant des deux branches de la propriété intellectuelle, pour illustrer la gestion et la transmission de ces droits particuliers.

 

I. - Le droit d’auteur

 

A la lecture du Code de la propriété intellectuelle, le droit d’auteur « comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial ».

 

a)             S’agissant des droits patrimoniaux, le Code de la propriété intellectuelle reconnaît à l’auteur le « droit exclusif d’exploiter son œuvre sous quelque forme que ce soit et d’en tirer un profit pécuniaire ».

Le droit d’exploitation appartenant à l’auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction. La représentation est définie comme « la communication de l’œuvre au public par un procédé quelconque ». La généralité de la formule permet d’y intégrer la communication directe : interprétation sur scène de l’œuvre dans le cas du théâtre, de l’opéra, de la danse ou encore dans une retransmission à distance de la représentation par exemple à la radio ou à la télévision ; ou s’agissant d’une œuvre graphique lorsqu’elle fait l’objet d’une exposition publique ; mais également la communication indirecte, avec pour illustration la diffusion publique d’une œuvre préalablement fixée sur un support matériel (film sur un DVD, sur une pellicule et diffusée dans un cinéma).

 

Le droit de reproduction consiste dans « la fixation matérielle de l’œuvre par tous procédés qui permettent de la communiquer au public de manière indirecte ». On peut citer pour illustration l’imprimerie, la photographie ou encore l’enregistrement.

 

Le droit de suite des auteurs d’œuvres graphiques et plastiques est prévu par le Code de la propriété intellectuelle et consiste en l’octroi d’une « droit inaliénable de participation au produit de toute vente de cette œuvre faite aux enchères publiques ou par l’intermédiaire d’un commerçant » ; de sorte que, sur chaque vente publique de ses œuvres sur le marché, l’artiste bénéficiera d'un prélèvement (taux dégressif par tranches) à l’occasion de chaque transaction.

 

Le monopole d’exploitation conféré par le droit d’auteur lui accorde aussi des éléments plus spécifiques tels que : le droit de traduction et d’adaptation (suppose l’autorisation du titulaire du droit d’auteur), le droit de location de prêt ou encore le droit de distribution (droit exclusif pour l’auteur d’autoriser ou d’interdire toute mise à disposition du public, notamment pour la vente de l’original de ses œuvres, ou de copies de celles-ci).

 

 

La dévolution successorale du droit d’auteur

Dès lors qu’elle survit aux auteurs, la protection des droits patrimoniaux est susceptible de transmission à cause de mort. Et le droit français a choisi de soumettre la propriété littéraire et artistique au droit commun des successions, tant pour ce qui concerne la dévolution que la taxation. Maintenant, le Code de la propriété intellectuelle contient quelques dérogations.

Ainsi en est-il en premier lieu de l’usufruit spécial du conjoint survivant, qu’il peut cumuler avec ses autres droits successoraux (issus de dispositions légales ou testamentaires) ; usufruit spécial qui lui permet par exemple d’autoriser ou non l’exploitation des œuvres concernées, d’en fixer les éventuelles conditions d’autorisation et, le cas échéant, d’en recueillir les revenus d’exploitation.

Le Code de la propriété intellectuelle a également prévu une transmission héréditaire du droit de suite ; transmission qui ne profite qu'aux héritiers désignés par la loi (et dès lors qu’ils acceptent la succession) et non transmissible par donation ou par testament.

 

 

Ont tout de même été prévues plusieurs limites au monopole d’exploitation.

  Ainsi le Code de la propriété intellectuelle fait échapper au monopole d’exploitation les « représentations privées et gratuites effectuées exclusivement dans un cercle de famille ».

De même, l’auteur ne peut interdire « les copies ou reproductions strictement à l’usage privée du copiste et non destinées à une utilisation collective ».

  Est également exclu du monopole de l’auteur « les reproductions intégrales ou partielles d’œuvre d’art graphique ou plastiques destinées à figurées dans le catalogue d’une vente judiciaire effectuée en France pour les exemplaires mis à la disposition du public avant la vente dans le seul but de décrire l’œuvre ».

  Enfin, citons également la limite selon laquelle l’auteur ne peut, dès lors que son œuvre est divulguée et sa paternité indiquée, interdire certaines exploitations de ladite œuvre (ex : analyses et citations courtes, information pédagogique..).

 

 

1.   Le droit moral

  C’est le volet extrapatrimonial des prérogatives conférés à l’auteur ; il comprend quatre éléments : le droit de divulgation de l’œuvre (et également des conditions et du procédé de divulgation), le droit à la paternité de l’œuvre (l’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité), le droit au respect de l’œuvre et enfin, le droit de repentir et de retrait (nonobstant la cession de son droit d’exploitation).

 

 

Les cessions des droits d’auteur

Naturellement, on va retrouver les règles générales applicables à tous les contrats, avec la rédaction d’un écrit approprié et la mention précise et détaillée des droits cédés (nature, limites, conditions financières..).

Mais il faut savoir que le Code de la propriété intellectuelle règlemente quelques contrats types particuliers. Ainsi en est-il du contrat d’édition, de représentation, de production audiovisuelle, de commande pour la publicité et de nantissement du droit d’exploitation des logiciels.

 

  Après la propriété littéraire et artistique, illustrons la gestion et la transmission des droits par un droit de propriété industrielle : la marque.

 

 

II. - La marque

L'exploitation d'une marque s'entend des différents moyens par lesquels son titulaire peut en tirer un profit pécuniaire. On distingue l'exploitation directe (qui consiste à jouir personnellement du signe sur lequel on a acquis un monopole en l'apposant sur les produits ou services que l'on fabrique ou distribue, et ne soulève pas de difficultés particulières) de l'exploitation indirecte, qui se réalise à travers un certain nombre de contrats dont la marque peut être l'objet.

 

Le transfert de la marque

  La loi se contente de déclarer que les droits attachés à une marque sont « transmissibles en totalité ou en partie » et peuvent faire l'objet d'une cession, d'une licence d'exploitation ainsi que d'une mise en gage.

  Nous envisagerons essentiellement les deux contrats les plus courants en matière de marque : la cession et la licence de marque.

  En France, c'est le système de la libre cession des marques qui prévaut, le Code prévoyant que les cessions peuvent être faites indépendamment de l'entreprise qui exploite ou fait exploiter la marque.

  Pour l'essentiel, il s'agit de cession volontaire, contrat par lequel le cédant transfère le droit sur la marque au profit du cessionnaire, moyennant versement d'une contrepartie en argent. Le transfert de la marque peut s'effectuer par d'autres opérations à titre onéreux où la contrepartie ne constitue pas en une somme d'argent (ex.: contrat d'échange ; apport en société). La marque peut également être cédée à titre gratuit (par donation, legs ou prêts).

  Le Code de la propriété intellectuelle comporte peu de règles spécifiques à la cession de marque ; celle-ci obéit au régime de la vente quant à ses conditions et ses effets. Doivent être respectées des conditions de fond et de forme.

  Au titre des conditions de fond, doivent être respectées les conditions générales relatives aux parties au contrat, à son objet, sa cause et son territoire.

  Différentes conditions de forme doivent être respectées. Les cessions doivent être constatées par écrit à peine de nullité. Vis-à-vis des tiers, la cession de marque est soumise à une double formalité (Registre national des marques (RNM) et Bulletin officiel de la propriété industrielle (BOPI)). La cession, comme du reste toutes les opérations qui touchent le droit de propriété sur les marques et notamment à sa modification (licence, mise en gage, renonciation, saisie, mutation par décès, fusion, absorption de personnes morales), doit être mentionnée au registre national des marques pour être opposable aux tiers.

Comme toute vente, la cession de marque a pour effet de transférer le droit sur la marque et créer des obligations à la charge des parties.

Par le contrat de cession, le cessionnaire est subrogé dans les droits du cédant. Dès lors qu'il a effectué les formalités de publicité, le cessionnaire profitera de tous les dépôts et antériorités dont bénéficiait le cédant. Le cessionnaire n'a qu'une seule obligation : celle de payer le prix convenu, librement fixé avec le cédant et qui peut consister soit en une somme forfaitaire, soit en une rémunération proportionnelle à l'exploitation (les deux formules pouvant être associées).

  Le cédant a lui plusieurs obligations : - l'obligation de délivrance qui se résume à la remise du titre de propriété, à en autoriser l'usage et se prêter à l'inscription du contrat au RNM ; - une obligation de garantie contre : l'éviction qui lui interdit, dans les limites fixées dans le contrat, d'utiliser la marque ou un signe distinctif trop proche de la marque cédée et qui en constituerait l'imitation ; les troubles de jouissance du fait des tiers élevant une prétention affectant le droit cédé (ex. action en revendication de la marque contre le cessionnaire) ; tout acte ou comportement de sa part pouvant altérer ou diminuer la valeur de la marque ; les vices cachés.

 

2° Les cessions forcées

Indépendamment de sa volonté, le titulaire d'une marque peut être amené à la céder, soit à la suite d'une saisie, soit suite à des mesures d'expropriation.

 

La licence de marque

C'est le contrat par lequel le titulaire d'une marque accorde à un tiers le droit de l'exploiter en tout ou en partie, moyennant une rémunération consistant le plus souvent en des redevances proportionnelles à l'exploitation : des royalties. Beaucoup moins fréquent qu'en matière de brevet d'invention, le contrat de licence de marque s'apparente au contrat de louage : le licencié a "loué" la marque d'autrui qu'il va alors pouvoir apposer sur des produits qu'il a personnellement fabriqués. C'est souvent un moyen pour le titulaire d'une marque de tirer profit de certains marchés qu'il ne peut exploiter directement, notamment à l'étranger.

Quant au licencié, c'est pour lui la possibilité par ce contrat de bénéficier du renom d'une marque pour commercialiser les produits qu'il fabrique.

Il ne faut pas confondre avec : - le contrat de concession commerciale : le distributeur, fut-il exclusif, se contente de revendre en l'état des marchandises fabriquées et marquées par le fournisseur ou - le contrat de franchise dans lequel souvent le franchisé doit être nécessairement titulaire d'une licence pour revêtir légitimement de la marque du franchiseur les produits qu'il fabrique, mais qui est généralement accompagnée de la fourniture d'un savoir-faire, d'un approvisionnement.

 

2° Les conditions du contrat de licence

La loi autorise la conclusion de contrat de licence de marque sans prévoir de règles spécifiques. Les conditions et les effets de ce contrat sont donc ceux du régime général du louage de chose.

Contrairement à la cession ou la mise en gage, le Code de la propriété intellectuelle ne prévoit pas l'obligation d'un écrit pour la licence ; cependant, la publication au RNM est une formalité qui implique l'existence d'un écrit.

La licence n'a aucun effet translatif du droit sur la marque ; celui-ci demeure le patrimoine du cédant. Elle produit seulement un effet créateur d'obligation à la charge du concédant de licence (délivrance, renouvellement, jouissance paisible et garantie d’éviction..) et du licencié. (payer le prix de la location, exploiter la marque objet de la licence afin que celle-ci conserve toute sa valeur et ce, conformément à ce qui a été convenu, sous peine que son usage constitue un fait de contrefaçon..).

 

Les contrats divers

La marque peut faire l'objet d'un apport en société en pleine propriété ou en jouissance, ce qui pose la question de savoir qui est titulaire du droit d'agir en contrefaçon. En cas d'apport en pleine propriété, la marque devient la propriété de la société et la suit.

Le nantissement : la marque peut être donnée en gage en même temps que le fonds de commerce ou indépendamment, avec existence d'un écrit et d'une publicité.

Les accords de délimitation ou de coexistence, entre titulaires de marques identiques ou proches, couvrant des produits identiques ou similaires sont valables. C'est la liberté contractuelle qui prévaut. Éventuellement, peut se poser un problème par rapport au droit de la concurrence français, ou européen.

 

 


 

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