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Le mandat de protection future

 

 

Le mandat de protection future

 

Ecrit par Maître Tifanny ATTIA

 

 

 

Introduction

 

Le mandat de protection future a été créé par la loi du 5 mars 2007 plus largement consacrée à la réforme de la protection juridique des majeurs.

 

Depuis le 1er janvier 2009, date de l’entrée en vigueur de la loi, ce mandat permet de désigner la personne par qui l’on souhaite être pris en charge en cas de dégradation de sa santé mentale ou physique. Il est possible d’anticiper et d’organiser non seulement sa propre protection, au moyen du mandat pour soi-même, mais aussi celle de son enfant mineur ou handicapé, au moyen du mandat pour autrui.

 

Cet acte permet de choisir soi-même une personne de confiance (le mandataire), qui sera chargée de gérer le patrimoine, les revenus et la vie quotidienne de la personne (le mandant) devenue incapable de le faire seule.

 

Cet outil juridique sert à anticiper les conséquences d’une éventuelle incapacité, sans qu’il y ait lieu de recourir automatiquement au juge des tutelles lorsque l’incapacité devient réelle. L’intervention judiciaire devient subsidiaire.

 

De nombreuses législations utilisent avec succès le mécanisme du mandat.

 

La loi québécoise du 15 avril 1990 a organisé le mandat en prévision de l’inaptitude qui a suscité un réel engouement. De 1990 à juillet 2005, plus d’un million de mandats pour inaptitude ont été régularisés sur une population de sept millions d’habitants. Actuellement une mesure de protection sur deux résulte de la mise en application d’un mandat pour inaptitude.

 

La loi allemande du 12 septembre 1990 a mis en œuvre le mandat pour soins de vieillesse.

 

La loi espagnole du 18 novembre 2003 a instauré le mandat de protection future.

 

L’objectif de ces mandats est le même à chaque fois : prévoir les mesures de protection appropriées tant pour le patrimoine que pour la personne elle-même pour le cas où une incapacité surviendrait.

 

Encore trop peu utilisé en France, ce régime conventionnel de protection offre une grande liberté au mandant.

 

Le législateur a accordé une place prépondérante à la volonté du mandant puisqu’il peut choisir son mandataire, et déterminer l’étendue de sa mission de protection (partie I). Toutefois, dans des circonstances particulières ou des situations de crise, les pouvoirs du mandataire sont encadrés ou limités (partie II).

 

 

I-                   La liberté d’anticiper son inaptitude

 

A-    La volonté de la personne à protéger

 

1)            Pour qui et pourquoi ?

 

Le mandat est d’abord conçu pour soi-même, en prévision d’un accident de la vie qui altèrerait les facultés mentales ou corporelles, et empêcherait l’expression de la volonté.

 

Le mandant doit avoir sa pleine capacité pour signer le mandat de protection future. Il peut l’établir à tout moment dans sa vie, à condition de ne pas être soumis à un régime de tutelle. S’il est soumis à un régime de curatelle, il devra être assisté de son curateur.

 

Le jour où survient l’inaptitude, le mandat prend effet sur production d’un certificat médical attestant de cette situation.

 

Le certificat médical doit être établi par un médecin choisi sur la liste établie par le Procureur de la République et doit indiquer que le mandant se trouve hors d’état de manifester sa volonté.

 

 

Le mandat peut également être conçu pour autrui.

 

Ce mandat est exclusivement réservé aux parents ou au dernier des vivants des père et mère, ne faisant pas l’objet d’une tutelle ou d’une curatelle. Comme il s’agit de désigner un mandataire pour une autre personne que soi-même, le législateur a prévu la forme exclusivement notariée de ce mandat.

 

Le mandat concerne :

-          L’enfant mineur

-          L’enfant majeur dont les parents assument la charge matérielle ou affective

 

Les parents soucieux de prévoir l’avenir de leur enfant handicapé peuvent désigner une ou plusieurs personnes pour assurer la protection de leur enfant le jour où ils ne le pourront plus.

 

 

2)            Quel mandataire ?

 

Le mandant dispose d’une grande liberté rédactionnelle qui lui permet de construire un mandat sur-mesure.

 

Le choix du mandataire est immense : il peut s’agir d’un mandataire unique ou au contraire deux ou plusieurs mandataires, avec faculté d’agir ensemble ou séparément, ou avec obligation d’agir ensemble. Si plusieurs mandataires sont désignés, ils peuvent avoir des fonctions sectorisées.

 

A titre d’exemple, Madame Wang est une veuve de 70 ans. Elle est aimée et entourée par ses deux fils. Par un mandat de protection future établi alors qu’elle est en bonne santé, elle choisit l’un de ses fils pour gérer le patrimoine, et l’autre fils pour s’occuper de sa santé, de la maison de retraite, et de ses relations aux autres. Chacun des deux mandataires devra accepter sa mission en signant le mandat.

 

Le mandataire peut être une personne physique ou une personne morale désignée sur la liste des mandataires judiciaires à la protection des majeurs.

 

Il est possible de choisir un mandataire, puis en cas de décès ou d’empêchement du premier, un second.

 

 

Tant que le mandat de protection future n’a pas commencé à fonctionner, le mandant peut le modifier ou le révoquer. Le mandataire peut y renoncer en notifiant sa renonciation au mandant.

 

Durant le mandat, le mandataire ne peut être déchargé de ses fonctions qu’avec l’autorisation du juge des tutelles. En revanche, il peut se substituer un tiers pour les actes de gestion du patrimoine mais seulement à titre spécial, selon les dispositions de l’article 482 du code civil.

 

Le mandat de protection future est particulièrement utile pour le chef d’entreprise. Dynamique et vaillant, il n’en demeure pas moins prudent. Avant la survenance d’une incapacité, il désigne une personne compétente et en qui il a confiance (comme par exemple un expert-comptable, ou  un ami chef d’entreprise …) pour prendre les rênes de son entreprise le jour où il ne pourra plus le faire seul. Si le chef d’entreprise se rétablit, le mandat cessera de fonctionner.

 

 

B-    Les missions du mandataire

 

L’objectif du législateur est de personnaliser la mesure de protection. Le mandat répond parfaitement aux volontés du mandant de protéger sa personne et son patrimoine.

 

1)            Protection de la personne

 

Le mandataire doit veiller à la santé du mandant, selon les modalités adaptées à son état physique et à son discernement.

 

Le mandataire doit protéger le mandant en s’assurant du respect de son intimité, de son cadre de vie, et du suivi de ses relations habituelles avec la famille, les tiers, ou les membres de sa vie sociale et associative. 

 

En cas de maladie, le mandataire doit s’assurer que le mandant reçoit des soins médicaux appropriés.

 

La volonté du mandant peut aller jusqu’à donner pouvoir au mandataire de s’opposer à l’acharnement thérapeutique (art L 1111-11 Code santé publique), ou à la prolongation artificielle de la vie (article L 1110-5 alinéa 2 du Code de la Santé Publique)

 

La législation sur la fin de vie du 2 février 2016 autorise des directives anticipées dans des situations extrêmes avec des lésions cérébrales majeures et irréversibles suite à un accident ou à une maladie grave. Ces directives anticipées sont une forme de mandat de protection future à taille plus réduite puisqu’elles ne concernent que la personne elle-même et non son patrimoine.

 

Le mandat de protection future est un support plus large qui permet de prévoir des dispositions personnelles et patrimoniales.

 

En revanche, les actes à consentement strictement personnel ne peuvent jamais donner lieu à représentation ou assistance de la personne protégée.

 

Il ne pourra jamais être prévu dans le mandat de protection future :

 

-          La déclaration de naissance d’un enfant ou sa reconnaissance

-          Le consentement à adoption

-          La déclaration de choix ou de changement de nom d’un enfant

 

 

2)            Protection du patrimoine

 

La forme du mandat pour soi-même est libre : il peut être rédigé par acte sous seing privé ou par acte notarié.

 

Le recours à l’acte authentique donne davantage de pouvoirs au mandataire.

 

Avec le mandat notarié, le mandataire peut réaliser tous types d’actes patrimoniaux, y compris les actes de disposition comme la vente des titres sociaux ou la vente d’une résidence secondaire (à l’exception de quelques actes que nous verrons en seconde partie).

 

Le mandat sous seing privé donne moins de pouvoirs au mandataire. Il peut accomplir uniquement des actes conservatoires ou de gestion courante (par exemple : gérer des revenus, souscrire une assurance habitation). Si le mandataire souhaite accomplir des actes de disposition, il doit demander l’autorisation du juge des tutelles, ce qui n’est pas le cas en présence d’un mandat notarié.

 

Les pouvoirs du mandataire varie en fonction de la forme du mandat.

 

La forme notariée du mandat donne une grande liberté et permet au mandant d’élargir les pouvoirs de son mandataire. Il existe malgré tout des limites aux pouvoirs du mandataire.

 

II -  Les limites à la liberté d’anticiper

 

Fort heureusement, le mandataire n’a pas complètement les mains libres. Dés l’ouverture du mandat, et dans certaines circonstances, le législateur a prévu d’encadrer, de limiter, ou de compléter les pouvoirs du mandataire.

 

       A – Intervention du juge des tutelles

 

Le juge intervient dans le cadre d’une mission de contrôle de certains actes et à la demande de toute personne intéressée ayant un intérêt.

 

1.      Circonstances particulières

 

L’intervention judiciaire devient obligatoire lorsque le mandataire doit :

 

-          Vendre, conclure ou résilier un bail portant sur le logement principal et les meubles du mandant (article 426 alinéa 3 du code civil).

 

-          Procéder à un acte de disposition à titre gratuit, quelque soit sa forme et sa nature :

 

·         une donation

 

·         une renonciation à une succession bénéficiaire

 

·         une opération liée aux assurances-vie 

 

Le mandataire ne pourra souscrire, modifier ou racheter un contrat d’assurance-vie, désigner ou substituer un bénéficiaire, sans l’autorisation du juge des tutelles lorsque l’opération envisagée traduit une intention libérale.

 

Rien n’interdit au mandataire de souscrire une assurance-vie mais une analyse approfondie de la rédaction de la clause bénéficiaire devra être faite pour s’assurer qu’aucune donation indirecte n’a été faite au bénéficiaire désigné.

 

-          Changer le titulaire des comptes bancaires : le mandataire qui procède à une modification des comptes bancaires du mandant ou à l’ouverture d’un autre compte que ceux déjà existant, devra solliciter l’autorisation du juge des tutelles. En revanche, la gestion normale et quotidienne des comptes bancaires peut être faite librement par le mandataire.

 

 

2.      Situations de crise

 

Toute personne intéressée peut saisir le juge afin de contester la mise en œuvre du mandat de protection future.

 

Plusieurs possibilités s’offrent au juge :

 

-          Ecarter le mandat au bénéfice d’une mesure légale de protection (com, me la tutelle ou la curatelle) s’il s’aperçoit que les intérêts patrimoniaux du mandant ne sont pas suffisamment protégés. Dans ce cas, le mandat prend automatiquement fin.

 

-          Maintenir la mise en œuvre du mandat mais adjoindre une mesure de protection complémentaire. Dans ce cas, la protection conventionnelle et la protection légale coexistent de manière autonome et fluide.

 

-          Autoriser le mandataire ou désigner un mandataire ad hoc pour accomplir des actes non couverts par le mandat.

 

 

B - Surveillance du notaire

 

Le mandataire n’est pas libre d’agir comme il le souhaite. Il est soumis à des obligations d’ordre comptable.

 

A l’ouverture du mandat, il doit réaliser un inventaire du patrimoine du mandant. Il devra l’actualiser tout au long du mandat.

 

Ensuite, il devra dresser chaque année ainsi qu’à la fin de son mission un compte annuel de gestion et le transmettre au notaire, ou au juge des tutelles s’il s’agit d’un mandat sous seing privé. Le mandataire est responsable des fautes de gestion et de ses agissements dolosifs.

 

Le notaire vérifiera les comptes de gestion et les actes accomplis. Le notaire a une obligation d’alerte : il doit saisir le juge de tout acte et mouvement de fonds non justifiés, non conformes aux clauses du mandat ou contraire aux intérêts de la personne protégée.

 

 

Conclusion

 

Le recours à la justice s’efface de plus en plus au bénéfice de la convention des parties.

 

Le mandat de protection future est une convention qui ne nécessite pas systématiquement l’intervention du juge.

 

Sous la forme notarié, le mandat de protection future offre de nombreux avantanges :

 

-          La sécurité juridique et l’équilibre contractuel

-          La précision et la cohérence rédactionnelles

-          L’accroissement des pouvoirs du mandataire

 

Le mandat de protection future permet à une personne, alors qu’elle est saine d’esprit, d’organiser sa protection pour le jour où elle deviendrait dépendante.

 

Cette mesure d’anticipation est une des solutions pour répondre aux besoins de la dépendance, devenue un véritable enjeu de notre société.

 

Sources

 

-          Congrès des Notaires de France sur les personnes vulnérables - Mai 2006

-          La Semaine Juridique Notariale et Immobilière n°42, 19 octobre 2007, 1262

-          Conseils des notaires Hors Série n°5 - Mai 2016

-          Notaires vie professionnelle – Juillet Août 2016 – n°319

-          www.notaires.paris-idf.fr - personnes et familles – le mandat de protection future

 


 

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