Permettez-moi tout d'abord de rendre hommage à Jean-Pierre FERRET qui a marqué l'histoire des congrès comme il a marqué l'histoire du conseil supérieur.
Jean-Pierre aura été un immense serviteur de la profession encore grandi par sa modestie et par son courage.
Sa disparition a choqué nombre d'entre nous, anéanti ses amis, terrassé ses proches par sa soudaineté et son injustice flagrante.
Je veux dire à Sorella son épouse, l'amitié de tous, lui faire savoir qu'elle trouvera toujours auprès des notaires la chaleur d'une famille fidèle et aimante.
Pour remercier Jean-Pierre FERRET, Président honoraire du congrès des notaires de France, Président honoraire du Conseil supérieur du notariat, de tout ce qu'il a fait pour le Notariat, je vous demande de l'applaudir.
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Première partie
Mon propos sera si vous le permettez conçu en deux temps et le premier sera factuel, consacré aux épisodes que nous avons vécus depuis un an car leur rappel éclairera notre oeuvre commune qui est de préparer l'avenir de notre profession. C'est dans un second temps que je vous délivrerai le message politique que vous attendez.
18 mars 2014 : début des hostilités avec les premières banderilles plantées par le PARISIEN.
12 juin 2014 : rendez-vous de Jean TARRADE avec Emmanuel MACRON alors Secrétaire général adjoint de l'Elysée qui prévient d'un projet de loi qui impacterait les professions réglementées.
17 juin : Congrès de Marseille
Appel téléphonique de la Rapporteuse générale de l'Autorité de la Concurrence, venant informer de la saisine de cet organisme par M. Arnaud MONTEBOURG. /……/ 10 juillet : déclaration de politique économique de M. Montebourg à Bercy. Il annonce son grand oeuvre, et notamment la réforme des professions réglementées avec pour objectif de rendre aux français 6 milliards de pouvoir d'achat.
23 juillet : première audition du C.S.N. par les trois rapporteurs de l'autorité de la concurrence. Début août le C.S.N. reçoit les propositions de Bercy :
Liberté totale d'installation, abandon des tarifs proportionnels, ouverture du capital des offices,atteinte au périmètre de l'authenticité pour les actes de famille.
Parallèlement une vaste campagne de presse a été lancée pour stigmatiser les professions dites réglementées et singulièrement le notariat.
Vendredi 22 août, appel de Mme TAUBIRA au C.S.N.: elle sort du Bureau de Manuel VALLS, et comprend que le délai de grâce qu'elle avait demandé au Premier Ministre lui a été refusé.
I1 restait 8 jours, pas un de plus, pour tenter de modérer un projet qui signifiait la fin du notariat. /……/ Le 20 août, au Conseil des Ministres, le Président de la République annonce la mise en oeuvre rapide du projet de loi sur la croissance et le pouvoir d'achat des Français.
Le 27 août : nomination de M. MACRON, Ministre de l'économie.
Le même jour : assemblée générale extraordinaire du C.S.N.
Dès cet instant, les mouvements volontaires de la profession vont soutenir le C.S.N. dans son combat.Leur loyauté ne fera jamais défaut. /……/ 2 septembre 2014 : Réunion des Présidents de Chambre et de Conseil régional pour diffuser le plan d'actions à tous les offices de France.
Le même jour, rencontre avec M. SALZMANN,responsable à Matignon du projet porté désormais par M. MACRON.
Le C.S.N. fait valoir que depuis l'élection du Président HOLLANDE à l'Elysée, les listes de pôle emploi se sont alourdies de 500.000 chômeurs supplémentaires.
Il faut croire que ce record pourrait être battu en ajoutant le contingent des salariés des professions règlementées si le projet gouvernemental venait à prospérer. /……/ 17 septembre : les notaires et les collaborateurs -qui ont toujours fait preuve d'une solidarité sans faille dont je les remercie- manifestent à Paris et en province.
18 000 personnes se retrouvent place de la République. 22 000 devant toutes les préfectures.
18 septembre : rencontre à la Chancellerie avec Mme TAUBIRA et M. MACRON . /……/ Octobre 2014 :
Rendez-vous au Ministère de l'économie pour échanger avec M. MACRON.
Il déclare vouloir respecter l'ordre juridique et le périmètre de l'authenticité.
Mais il entend rédiger, selon son expression « une simplification radicale des conditions d'installation ».
Il y a aussi le souhait clairement exprimé d'un tarif plafond et d'un tarif planché pour organiser la concurrence. /……/ Novembre :
Je rencontre la Chancellerie le 7, M. MACRON le 8 et Mme TAUBIRA le 11. L'opposition entre les deux ministères est manifeste.
10 novembre : Tour de France avec les membres de mon Bureau pour donner la parole à tous nos confrères. Ce Tour de France est entamé à Toulouse pour aboutir le 28 novembre au Mans, après avoir visité Bordeaux, Paris, Mandelieu, Amiens, Avignon,Lyon et Metz et échangé par visioconférence avec les confrères ultramarins. /……/ 18 novembre : envoi du projet MACRON au Conseil d'Etat. /……/ 21 novembre : mail à tous les notaires : rendez-vous est donné à tous Place de la République pour une manifestation qui nous conduira à la Place de l'Opéra le mercredi 10 décembre.
21 novembre toujours : la D.G.C.C.R.F transmet officiellement le projet de loi de M. MACRON mais la lettre postée au tarif ECOPLI fait que le Conseil supérieur ne la reçoit que le 26 novembre et qu'il fallait bien sûr y répondre en toute urgence.
J'ai d'ailleurs obtempéré en répondant immédiatement pour demander le retrait du projet. /……/ 10 décembre : le Conseil des Ministres adopte le projet MACRON.
Le même jour : nous étions 50.000. La plus grande manifestation unitaire des professions du droit jamais organisée.
16 décembre : audition finale devant l'Autorité de la Concurrence qui doit rendre son rapport définitif dans les jours suivants. Il est alors clair que cette Autorité,au-delà de l'avis qui lui était demandé, est appelée à devenir un véritable acteur dans la gestion de la profession notariale. /……/ 17 décembre : réunion des élus de la profession : l'action auprès des parlementaires est engagée. /……/ Cécile UNTERMAIER, Rapporteure spéciale auprès de cette même Commission, en charge des professions réglementées.
Un courrier est proposé pour prendre rendez-vous avec les maires afin de leur proposer de prendre une délibération du conseil municipal en faveur du notariat. Cette action va avoir un succès remarquable.9 janvier : nouveau rendez-vous avec M. MACRON qui promet un atterrissage positif.
13 janvier : début des travaux de la Commission spéciale de l'Assemblée nationale. Mme TAUBIRA n'y est pas conviée.
15 janvier : Le Conseil supérieur du notariat a pris connaissance, sans surprise, du rapport de l'Autorité de la concurrence. Il préconise en réalité une vague sans précédent de licenciements dans la profession. Pour autant, l'Autorité de la Concurrence renonce à élaborer le système tarifaire notarial à partir des prix de revient par acte et par implantation parce que c'est impossible.
21 janvier 2015 : mail à tous les notaires : nouvelles rencontres avec M. Richard FERRAND et Mme Cécile UNTERMAIER. Ces parlementaires entendent désormais être les fidèles défenseurs du projet gouvernemental. /……/ Janvier toujours, je rencontre les principaux intervenants de l'opposition à commencer par M.Nicolas SARKOZY, mais aussi les députés qui seront les porte-paroles de l'UMP comme de l'UDI dans le débat qui va s'ouvrir. /……/ 30 janvier : Assemblée nationale.
Le débat commence. M. MACRON a été désigné comme unique représentant gouvernemental. Mme TAUBIRA, sur un texte qui traite des professions, parlera 1/4 d'heure, c'est ce que Bercy lui a concédé. /……/ 3 février : mail à tous les notaires.
Le débat est plus qu'animé. Ainsi le Ministre annonce qu'il dépose plainte pour des menaces de mort reçues de la part d'officiers publics.
La presse s'est emparée aussitôt de cette affaire. /……/ Aucune façon l'initiative de notre confrère ne peut être assimilée à des menaces de mort.
La plainte a d'ailleurs été classée sans suite par la justice.
Nous avons ainsi affaire à un ministre plus préoccupé par de pseudos menaces de mort sur sa personne que par les menaces de mort bien réelles sur l'emploi dans notre profession. /……/ 4 février : mail à tous les notaires.
Nouvelle avancée durant les débats : notre demande relative à l'exclusion du notariat d'Alsace -
Moselle a été retenue.
Mir Hans geschaft
Wir han alsass lothringe nit vegasse
Reste que le Minist re a présenté la l iber t é d'installation de la façon suivante, je cite : « En effet,que propose le texte ? De distinguer trois catégories : les zones où il y a besoin d'améliorer le service, parce qu'il manque des professionnels, et où s'appliquera le principe de la liberté d'installation ; les zones où l'on observe la même situation, mais où il existe un risque de déstabilisation des professionnels en place, et où prévaudra un système de liberté régulée, la garde des sceaux ayant la possibilité de bloquer une installation ; enfin, les zones où le nombre de professionnels en place est suffisant, et où il n'y aura pas besoin de créer de nouveaux offices.
Somme toute, il s'agit d'une simple amélioration du dispositif en place et de l'offre proposée à nos concitoyens. »
Hélas, cette présentation ne correspond pas au texte tel qu'il a été adopté. /……/ La discussion s'achève. M. MACRON est en difficulté.Son texte ne réunit pas de majorité. Une vraie concertation lui aurait évité cette déconvenue
En tout cas, après cet aveu de faiblesse, l'opposition dépose une motion de censure. Son rejet aboutit à l'adoption du projet MACRON en première lecture.
Février toujours, le Sénat fait aussi le choix d'une Commission spéciale avec un Président et des Rapporteurs spéciaux. /……/ La commission spéciale se réunit le 25 mars et le texte arrive en séance publique devant la Haute assemblée le 7 avril.
Le scrutin public sur l'ensemble du texte est prévu pour demain.
Le 9 avril : Certaines centrales syndicales appellent à une grève nationale interprofessionnelle et à une manifestation à Paris Place d'Italie. /……/ Le Sénat a achevé le 13 avril la partie du projet de loi de M. MACRON relative à notre profession. /……/ 14 avril : rendez-vous avec Mme TAUBIRA. Elle promet que la Chancellerie reviendra dans la partie pour la préparation des textes réglementaires. /……/ Le combat continue et nous le poursuivrons jusqu'au bout.
Chacun, depuis un an, y aura participé avec ardeur,avec passion, avec raison aussi.
Ceux qui croyaient en finir avec le notariat de France lui ont, au contraire, redonné une vigueur nouvelle.
Deuxième partie
/……/ Mais lorsque nos offices doivent faire face à une conjoncture dégradée par une politique de prélèvements confiscatoires dont le Premier ministre lui-même a relevé les excès, nul alors ne vient à notre secours.
/……/ Je vous invite ainsi à parcourir le dernier rapport de la cour de comptes.
Non celui fait tout exprès, sous prétexte d'une analyse des comptes de la caisse des dépôts pour nous mettre en cause. Mais bien celui qui s'affole à juste titre, de l'envolée des effectifs de la fonction publique. En 2013, le nombre d'agents publics a progressé de 1,5 %, soit un effectif supplémentaire riche de 100 000 inscrits aux rôles de la fonction publique, avec la crainte certainement mal placée, que ce ne soit pas les rangs des infirmières et des magistrats qui en bénéficient le plus.
Voilà une bien mauvaise pensée, mais elle m'est soufflée par le maitre de l'autorité de la concurrence,qui après avoir réclamé la mission de prescrire le tarif des notaires, entend maintenant disposer des moyens pour accomplir son oeuvre.
Pas moins de 7 millions par an qui ont là une utilisation bien plus judicieuse que de les affecter à l'hôpital de Strasbourg ou aux services de votre cour d'appel.
Vous admirerez en cette occasion, mes chers confrères, une nouvelle illustration du brio politique français.
Puisqu'un projet de loi consacré dans un premier temps à redonner du pouvoir d'achat aux français et dans un second à servir la croissance se traduit d'abord par une hausse de la dépense publique.
Car le texte gouvernemental en l'état ne réunit pas moins de trois services au chevet de notre tarif.
Quand hier, il n'en fallait qu'un seul à la sous-direction des professions de la chancellerie sans d'ailleurs qu'on lui accorde jamais les moyens pourtant infiniment plus réduits qu'elle espérait.
/……/ La Caisse des dépôts a plaidé en vain notre cause.
Et vingt fois les membres du Bureau ont tenté de briser ce barrage, mais l'aveu est trop lourd ou plutôt trop cher pour que nos interlocuteurs y consentent.Immanquablement viendra l'instant où l'ensemble du dispositif voulu par monsieur Macron sera adopté et publié et où chacun ira aux résultats.
/……/ Je veux croire pour l'avoir côtoyée que notre ministre a combattu pour défendre avec conviction les professions et singulièrement le notariat.
Je veux croire qu'elle était sincère dans ses déclarations à nos congrès.
Mais les résultats sont là :
Elle a, chaque fois, connu la défaite et c'est la profession qui fait les frais de la déconfiture du ministère du droit réduit au silence par Matignon.
/……/ Cette aimable plaisanterie nous coûte un million par an ! Mes chers confrères ! Et là encore qui s'en préoccupe en haut lieu ? Personne !
Et voilà que le notariat pour la première fois de son histoire risque d'être contraint d'assigner l'État pour le mettre face à ses responsabilités. Ainsi toutes ces joutes font une unique victime et c'est le notariat de France. C'est nous !
/……/ Pourtant la France au premier chef, comme tous les pays de droit continental, dispose d'une arme magnifique dès lors qu'il convient d'accomplir des missions de service public sans coût pour l'Etat et cette arme : ce sont les 9500 notaires de France et leurs 48000 collaborateurs.
S'agit-il de collecter l'impôt des plus-values ? Et le notariat s'y emploie mieux que Bercy.
S'agit-il de lutter contre le blanchiment et le notariat s'y consacre mieux que les autres professions.
S'agit-il de dématérialiser les échanges avec les services des finances, ou de l'état civil et le notariat le fait, proposant même de reprendre la gestion du fichier immobilier, ce qui permettrait aussitôt de redéployer 2000 postes de fonctionnaires pour des missions de proximité, alors que déjà la mise en place de télé acte a permis d'en redéployer plus de 3000.En maintes circonstances, le recours au notaire réduit la charge publique et de surcroit avec sa garantie.
/……/ Le ministre de l'économie a les cartes en main. Deuxmois nous séparent de l'issue de ce combat législatif.Elle peut ouvrir la voie de l'apaisement comme celle de l'affrontement.
Nous sommes prêts à ces deux hypothèses avec une détermination inoxydable.
Si le gouvernement parie sur la lassitude des notaireset de leurs collaborateurs. Il se trompe !
Ce congrès en apporte une preuve magnifique ! Noussommes 3000 aujourd'hui à Strasbourg !
Alors que la lutte se poursuit, nombre de nos officessont exsangues, nombre d'entre nous sont acculés,nombre de nos collaborateurs à bout de souffle.
Il faut en urgence un plan de sauvegarde et le Conseil supérieur s'y emploie avec le concours de l'ANC et avec l'appui de la caisse des dépôts.
/……/ N'ayons garde d'oublier, mes chers confrères, que durant cette année, les dirigeants de la caisse furent toujours à nos côtés et pour avoir rencontré son directeur général Monsieur Pierre-René Lemas à maintes reprises, je puis porter témoignage qu'il a été de ceux qui nous ont aidé sans relâche.
/……/ Dès ce congrès, je réunirai tous les présidents de conseil régional et les délégués de cour au conseil supérieur, eux qui depuis le début de cette crise avec les Présidents de chambres ont fait preuve d'une grande pugnacité et d'un immense courage. Je les salue ici et je vous demande de les applaudir.
/……/ Mes chers confrères, les gouvernements sont éphémères, les ministres passent, mais le notariat demeure. Il travaille à la paix sociale et à la prospérité de notre pays, celles-là même qu'on lui refuse aujourd'hui.
Vivent les notaires des France ! Vive le notariat français !
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