Plan de site  |  Contact
 
2024
eVous êtes ici: Accueil → Courrier du Centr

Les lois applicables à la forme du testament

Le testament est sans nul doute l’instrument juridique de transmission le plus fréquemment utilisé à l’international. Il faut dire qu’on le retrouve dans presque toutes les législations étrangères. Pour des raisons de conservation, d’interprétation des dispositions ou encore de révocation, Il est souvent déconseillé aux clients de multiplier les testaments dans différents pays. Il est préférable, en effet, d’établir un seul document en le rédigeant le plus clairement possible et de choisir un lieu unique où il sera conservé. Mais encore faut-il s’assurer que le document qu’on aura rédigé sera valable au-delà des frontières.
La question de la validité en la forme d’une disposition testamentaire est une étape importante pour le praticien qu’il doit nécessairement solutionner préalablement au règlement d’une succession internationale.
Nombreux sont les exemples en droit comparé attestant de la diversité des formes, des exigences ou encore des personnes habilitées à recevoir un testament d’un pays à l’autre. En cela, les règles de conflit relatives à la forme des dispositions testamentaires sont très importantes car elles permettent de surmonter ces disparités.
Alors que la proposition du 14 octobre 2009 ne s’intéressait pas à la question de la loi applicable à la forme des testaments, comme l’indiquait son considérant 19
[1], le texte définitif, à la suite d’un amendement proposé dans le rapport Lechner[2], contient désormais une règle de conflit en la matière.
Il s’agit de l’article 27 qui régit « la validité formelle de toute disposition à cause de mort établie par écrit » et qui offre une pluralité de rattachements directement inspirés de ceux retenus par la Convention de la Haye du 5 octobre 1961 sur la loi applicable à la forme des dispositions testamentaires.
Il est d’ailleurs prévu à l’article 75 du règlement UE n°650/2012 du 4 juillet 2012
[3] que cette Convention, qui est en vigueur en France depuis le 19 novembre 1967, subsiste pour ce qui est de la validité quant à la forme des testaments et des testaments conjonctifs [4]. C’est donc ce texte que les notaires français devront continuer à appliquer tant pour l’établissement d’une disposition testamentaire (I) que pour sa modification ou sa révocation (II).

I-  Les lois applicables à la validité formelle d’une disposition testamentaire

Dans le but de favoriser la validité formelle des dispositions testamentaires, la Convention de la Haye du 5 octobre 1961 pose cinq critères alternatifs qui seront repris à l’article 27 §1 du règlement  (A) et continue à respecter les règles de conflits nationales dans l’hypothèse où elles admettraient d’autres rattachements (B).
A-    Les critères de rattachement alternatifs
Il est important de bien insister sur le fait qu’il s’agit de critères alternatifs et non hiérarchiques. Ils doivent être appréciés sur un plan d’égalité : aucun ne peut prévaloir sur l’autre. En outre, il convient de préciser que la règle de conflit fixée à l’article 1er de la Convention de la Haye exclut le mécanisme du renvoi à savoir que le texte se réfère au droit matériel du système juridique désigné et non à ses règles de conflit de lois.[5]
Quels sont ces critères ?
Le premier critère retenu est celui de la loi de l’Etat dans lequel la disposition a été prise. Il s’agit de la règle « locus regit actum » (règle de conflit de droit commun retenue en France avant l’entrée en vigueur de la Convention de la Haye) prévoyant qu’une disposition testamentaire est valable si elle respecte la loi interne du lieu où le testateur a disposé. Ce critère de rattachement est souvent utilisé en pratique car lorsqu’une personne souhaite rédiger un testament, elle se renseigne bien souvent sur la manière dont elle peut procéder suivant la législation du pays dans lequel elle se trouve. Ainsi, un Belge vivant à Montpellier pourra valablement rédiger un testament olographe ou authentique en application de la loi française. De la même manière, un français se trouvant à Londres pour affaires, pourra établir un testament en la forme anglaise même si l’intégralité de son patrimoine se trouve en France. Ce critère purement factuel, repris à l’article 27 du règlement, ne soulèvera aucune difficulté en présence d’un acte notarié mais pourra être fragilisé dans un testament olographe si une partie apporte la preuve que le lieu indiqué dans le testament est faux.[6]
Le second critère est celui de la loi d'une nationalité possédée par le testateur, soit au moment où il a disposé, soit au moment de son décès. Pour être valable, un testament doit respecter les formes d’une des nationalités du testateur dans l’hypothèse où il en aurait plusieurs. Il n’y a pas lieu de faire prévaloir une nationalité plutôt qu’une autre ou de déterminer la nationalité la plus effective du testateur. La Convention, animée de la « favor testamenti » (idée de faveur à la validité formelle du testament), a souhaité étendre au maximum la compétence de la loi nationale. Ainsi, le testament olographe d’un franco-portugais rédigé à Lisbonne où vivait le testateur sera valable en la forme au regard du droit français alors qu’il serait nul selon le droit portugais[7].
Lorsque le testateur est ressortissant d’un pays dont le système juridique n’est pas unifié (comme par exemple, un américain, un canadien…), l’article 1er al. 2 prévoit que « si la loi nationale  consiste en un système non unifié, la loi applicable est déterminée par les règles en vigueur  dans ce système et, à défaut de telles règles, par le lien le plus effectif qu’avait le testateur avec l’une des législations composant ce système ».
Le troisième critère prend en compte la loi du lieu où le testateur avait son domicile, soit au moment où il a disposé, soit au moment de son décès. Ce rattachement est surtout très répandu dans les systèmes anglo-saxons. Pour autant cette notion de domicile varie d’un pays à l’autre[8]. L’article 1er al.3 de la Convention a posé une règle de conflit prévoyant que « la question de savoir si le testateur avait un domicile dans un lieu déterminé est régie par la loi de ce même lieu ». Cette règle a été reprise à l’article 27 §1 al.2 du règlement UE du 4 juillet 2012[9] et le principe rappelé récemment par la première Chambre civile de la Cour de Cassation dans un arrêt du 14 novembre 2007[10].
En se fondant sur des définitions nationales, un individu pourra se retrouver avec des domiciles dans différents Etats membres. Dans ce cas, la validité formelle d’un testament résultera de la loi de l’un ou l’autre de ces Etats.
Le quatrième critère est celui de la loi du lieu où le testateur avait sa résidence habituelle, soit au moment où il a disposé, soit au moment de son décès. Notion moins juridique que celle du domicile, la résidence habituelle est avant tout une notion de fait qui relèvera de l’appréciation souveraine des juges en cas de difficultés notamment quant à savoir si elle est ou non « habituelle ». C’est une notion plus souple qui permettra à une personne d’être rattachée à un Etat quand bien même elle n’y aurait ni domicile légal ni domicile d’origine.
Enfin, le cinquième critère est celui de la loi du lieu de situation des immeubles. Malgré l’offre importante de rattachements, les rédacteurs de la Convention de la Haye ont souhaité y ajouter le critère de la lex rei sitae. A savoir qu’une disposition visant un ou des immeubles sera valable en la forme si elle répond à la loi interne du lieu de leur situation. Il s’agit de couvrir l’hypothèse où une personne aurait un immeuble dans un pays non partie à la Convention de la Haye et qui exigerait le respect des formes locales.[11]
Ce panel de lois proposées réduit inévitablement le risque qu’une disposition à cause de mort soit frappée de nullité pour des raisons de forme et on ne peut que sans réjouir. La plupart du temps, une personne pourra se prévaloir de plusieurs rattachements ce qui permettra parfois de sauver des dispositions qui auraient pu être nulles en vertu d’une loi généralement utilisée (loi nationale ou loi du domicile). Le fait que ces critères aient été repris dans le règlement UE n°650/2012 du 4 juillet 2012 garantira une meilleure réception des testaments dans les Etats membres. Ainsi, le testament olographe sera dorénavant recevable au Portugal.
B-    La prise en compte des règles de conflits nationales
L’article 3 de la Convention précise que « la présente convention ne porte pas atteinte aux règles actuelles ou futures des Etats contractants reconnaissant des dispositions testamentaires faites en la forme d’une loi non prévue aux articles précédents ». Cet article permet d’ajouter d’autres critères de rattachements différents de ceux de l’article 1er même si en réalité l’hypothèse d’un tel recours sera rarissime. Mais si un Etat dont les règles de droit commun admettent des critères de rattachements différents de ceux prévus à l’article 1er de la Convention de la Haye, il viendront s’y ajouter. Il pourrait s’agir par exemple de la loi successorale (bien que de nombreux Etats retiennent la loi nationale, la loi du domicile, la loi de la résidence habituelle ou encore celle du lieu de situation pour les immeubles), la loi du for ou la loi d’autonomie.
En France, la question ne se pose pas car notre règle de conflit de droit commun désignant la loi du lieu de rédaction de l’acte, les lois nationales des parties ou encore la lex causae (il s’agit le plus souvent de la loi successorale) entre dans les critères prévus par la Convention.[12]
La volonté des rédacteurs de la Convention de la Haye était réellement de favoriser la validité en la forme d’un testament. D’ailleurs, pour pallier d’éventuelles difficultés liées au changement de nationalité, domicile ou résidence, qui pourraient survenir au cours de la vie, il est prévu que la validité en la forme d’un testament doit s’apprécier au moment où il est établi ou au moment du décès.

II-Les lois applicables à la validité formelle de la modification ou de la révocation d’une disposition testamentaire

Si le principe retenu est celui de l’extension des règles prévues lors de l’établissement des dispositions testamentaires (A), la Convention prévoit également d’élargir le dispositif lorsque la situation du testateur a changé entre le moment où le testament a été établi et le jour où la révocation ou la modification intervient (B).
A-    L’extension des règles applicables à l’établissement d’une disposition
Selon l’article 2 de la Convention « l’article 1er s’applique aux dispositions testamentaires révoquant une disposition testamentaire antérieure ». La révocation d’une disposition testamentaire sera valable en la forme si elle respecte l’une des lois désignées par la règle de conflit posée à l’article 1er. Cette solution semble logique. Même si une personne se contente uniquement de révoquer son testament sans reprendre de nouvelles dispositions, cet acte entrera dans le champ d’application de l’article 2.[13]
B-    Un dispositif élargi en cas de changement de situation du testateur
L’article 2 alinéa 2 précise que « la révocation est également valable quant à la forme si elle répond à l’une des lois aux termes de laquelle, conformément à l’article 1er, la disposition révoquée était valable ». Il s’agit de l’hypothèse où les dispositions testamentaires répondaient aux conditions d’un Etat avec lequel le testateur n’aurait plus aucun lien (changement de domicile ou de nationalité) mais que la législation de cet Etat exigerait que les règles de formes respectées pour la rédaction du testament le soient également pour sa révocation. Dans ce cas, il sera possible de rattacher la révocation à un critère de rattachement antérieurement valable. Ainsi le testateur qui, entre temps, a changé de nationalité ou de domicile, pourra révoquer valablement son testament selon le droit de son ancienne nationalité ou de son ancien domicile.
Cette solution, reprise à l’art 27 §2 du règlement élargit encore la palette des lois désignées à titre alternatif. Il faut toutefois préciser qu’elle ne vaut que pour la  modification ou la révocation des dispositions antérieures. De ce fait, la validité des nouvelles dispositions contenues dans un testament ne pourra pas résulter de la loi sur laquelle reposait la validité du testament antérieur.
Illustration : Mr Fields, anglais, dont la résidence habituelle se trouve à Paris, prend des dispositions testamentaires en la forme olographe lors d’un séjour à Lisbonne au Portugal. Ce testament sera valable en la forme car la loi française (loi de sa résidence habituelle) admet la forme olographe. Par la suite, il s’établit définitivement à Lisbonne, et un jour où il retourne voir sa famille à Manchester, il décide de révoquer certaines dispositions testamentaires dans un nouveau testament olographe. Bien que le testament ne soit conforme à aucune des lois désignées par l’article 3 de la Convention de la Haye, repris à l’article 27 du règlement (la forme olographe n’étant admise ni au Portugal ni en Angleterre[14]), il sera valable en la forme car conforme à la loi française, en vertu de laquelle le testament révoqué avait été établi. Toutefois, si le testateur a profité  de acte de révocation pour prendre d’autres dispositions contenant notamment de nouvelles libéralités, ces dispositions ne seront pas valables et la succession de Monsieur Fields fera l’objet d’une dévolution ab intestat conformément au droit portugais si sa résidence est toujours fixée dans ce pays au moment de son décès.
Conclusion : La « grande révolution » annoncée par certains avec l’entrée en application du règlement UE n°650/2012  du 4 juillet 2012 sur les successions ne concernera pas la question de la forme applicable aux testaments. Pour les praticiens français, la Convention de la Haye du 5 octobre 1961 continuera à s’appliquer mais encore faudra-t-il en avoir compris les mécanismes. N’oublions pas que demain[15], les règles de la Convention, reprises à l’article 27 du règlement s’appliqueront à d’autres institutions contractuelles (donation entre époux, donation-partage…) comme aux pactes successoraux. A l’instar des testaments, ils bénéficieront de règles très favorables dans tous les Etats liés par le règlement. Sur le présent sujet, l’heure est donc aux révisions : courage…

 

Source : DEFRÉNOIS


[1] Si le souhait au départ était de ne pas empiéter sur la Convention de la Haye, texte entièrement consacré à la loi applicable à la forme des dispositions testamentaires, il a fallu admettre que sa ratification ne concernait que 16 Etats membres de l’Union européenne dont 13 liés par le règlement, ce qui signifiait que pour les autres Etats la question restaient soumises aux règles de conflit nationales donc non unifiées.  En outre la Convention de la Haye du 5 octobre 1961 est limitée aux dispositions testamentaires ce qui exclut par principe les pactes successoraux.

[2] Nom du député allemand, Kurt LECHNER (Parti populaire), qui a piloté la proposition pour le Parlement sur les successions transfrontières.

[3] L’article 75 sur les Relations avec les conventions internationales existantes dispose en son premier alinéa : «  Le présent règlement n'affecte pas l'application des conventions internationales auxquelles un ou plusieurs États membres sont parties lors de l'adoption du présent règlement et qui portent sur des matières régies par le présent règlement.

En particulier, les États membres qui sont parties à la convention de La Haye du 5 octobre 1961 sur les conflits de lois en matière de forme des dispositions testamentaires continuent à appliquer les dispositions de cette convention au lieu de l'article 27 du présent règlement pour ce qui est de la validité quant à la forme des testaments et des testaments conjonctifs. »

[4] Précisons que la Convention de la Haye du 5 octobre 1961 s’applique à « toutes les dispositions testamentaires ». Outre l’attribution de biens à certaines personnes par l’institution du legs, le testament peut prévoir la désignation d’un exécuteur testamentaire qui consiste à veiller ou à procéder à l’exécution des volontés du testateur ou encore à la désignation des bénéficiaires d'un capital décès dans le cadre d'une assurance-vie. Le testament peut englober également des dispositions non successorales telles que la reconnaissance d’enfant naturel, l’organisation des funérailles, le souhait d’effectuer un don d’organes ou encore la désignation d’un tuteur afin de protéger ses enfants mineurs dans l’hypothèse d’un décès prématuré des parents.

[5] A l’instar de la Convention de la Haye, l’article 34 §2 du règlement exclut le renvoi dans les cas régis par l’article 27.

[6] Andrea BONOMI et Patrick WAUTELET, Le droit européen des successions : commentaire du Règlement n°650/2012 du 4 juillet 2012, Bruylant, Bruxelles, p.433.

[7] Le droit portugais admet uniquement le testament authentique (ou « testament public »), dressé par un notaire, le testament fermé, écrit par le testateur ou par un tiers (soumis à l’approbation du notaire) et le testament international, signé devant deux témoins et un notaire.

[8]  Le domicile en droit français est déterminé par l’article 102 du Code civil comme le lieu du principal établissement. A la différence de la résidence habituelle, il suppose un élément intentionnel. Le domicile civil,  se distingue également du domicile fiscal (Cass. 1re civ., 30 octobre 2006, n° 05-17849).

Le droit anglais intègre à la question du domicile le lieu de naissance et l’esprit de retour. Une personne peut ainsi habiter physiquement dans un Etat mais être considéré, pour le droit anglais, domicilié au Royaume Uni. A l’inverse, une personne peut être « résident » au Royaume-Uni sans y être « domicilié ». Le concept de « résidence » est rattaché à la notion de résidence fiscale, lieu des intérêts économiques et de vie, tandis que le « domicile » est un concept né de la création de l’empire britannique et connu de tous les pays de Common Law (Etats-Unis et Australie compris).

[9] « Pour déterminer si le testateur ou toute personne dont la succession est concernée par un pacte successoral avait son domicile dans un Etat particulier, c’est la loi de cet Etat qui s’applique ».

[10] « Viole ce texte l’arrêt qui, pour annuler un testament rédigé selon les formes de la loi canadienne, décidait, en application du droit français, que le testateur n’ait pas conservé son domicile au Canada, sans rechercher si, au regard du droit canadien, il n’était pas domicilié au Canada au moment de la signature de sorte que le testament serait régi par les formes de l’Ontario » Defrénois 2008, p.1326, note Mariel REVILLARD, Rev. crit. DIP, 2008, p.263, note Paul LAGARDE, JDI 2008, p.1063, note A. RICHEZ ; Dr. Famille janv. 2008, comm 16. Note E. FONGARO.

[11] GAL DROZ et M. REVILLARD, JCL droit international Fasc 557-20, n°59.

[12] Sur ce point la Cour de Cassation a clairement limité les options possibles quant aux lois applicables en matière de forme des testaments (Cass. 1ère civ.10 déc. 1974, JDI 1975, note PH. KAHN, Gaz. Pal. 1975, I, p.178, Revue Critique DIP 1975, p.474, note A.P. p 542).

[13] GAL DROZ et M. REVILLARD, JCL droit int Fasc 557-20, n°61.

[14]  Alors qu’en Ecosse, le testament olographe, daté, écrit et signé par le testateur et le testament devant témoin qui requiert la présence d’un témoin est admis, en Angleterre, au Pays de Galles et en Irlande du Nord, il n’existe qu’une seule forme de testament, le testament devant témoins. Il doit être signé par le testateur et deux témoins.

[15] Dès l’entrée en application du règlement UE du 4 juillet 2012 prévue le 17 août 2015.


 

© 2008 Centre sino-français de Formation et d’Echanges notariaux et juridiques à Shanghai.

版权所有 2008 上海中法公证法律交流培训中心

沪ICP备17007739号-1 维护:睿煜科技