Pour mieux comprendre ce projet de réforme des professions réglementées, Boris Walbaum, économiste, nous livre son analyse.
Conseils: Le gouvernement affirme que la réforme des professions réglementées doit permettre l'augmentation du pouvoir d'achat des Français. Que lui répondez-vous?
Boris Walbaum : Une réforme ? Oui mais laquelle? De quelle profession parle-ton? Les études économiques qui ont été faites sur le lien entre niveau de la réglementation et croissance montrent des résultats très hétérogènes selon les professions. Les économistes sont aujourd'hui tous d'accord pour dire que chaque profession, chaque marché, présente des caractéristiques économiques très spécifiques qui appellent un degré de réglementation, ou de régulation, adéquat.
Si la question est : les Français vont-ils gagner du pouvoir d'achat si les tarifs des notaires sont libéralisés, la réponse est simple: si gain il y a, il sera empoché par les Français les plus aisés alors que les Français percevant des revenus moyens et modestes y perdront. C'est un enseignement sans équivoque de la libéralisation des tarifs menés depuis dix ans aux Pays-Bas. Enfin, la réforme détruira globalement de l'emploi car le notariat est une profession riche en main-d'oeuvre française. Aussi un transfert de pouvoir d'achat du notariat vers le reste de l'économie française conduit à une destruction nette d'emplois.
La non-concurrence ne nuit-elle pas à l'efficacité du service?
B.W.: Mais les notaires sont en concurrence entre eux, comme les avocats ou les médecins! On voit aujourd'hui que la liberté d'installation et l'absence de numerus clausus sont devenues problématiques pour les avocats dont beaucoup considèrent que leur nombre est excessif. De même, malgré l'existence d'un numerus clausus, l'État et l'assurance maladie ont toutes les peines du monde à obtenir un maillage territorial satisfaisant pour les médecins. La liberté n'est donc pas la panacée pour ce type de professions qui participent au service public. Il faut doser et cela doit se faire dans un dialogue informé entre l'État et la profession. Pour répondre à cette question, il faut donc analyser précisément la rentabilité globale des offices, mais également la satisfaction des clients des offices.
Selon vous, le système français est-il plus performant économiquement que le système anglo-saxon?
B.W. : Deux rapports européens ont violemment remis en cause le notariat français au motif qu'il était parmi les plus réglementés et les plus chers. Outre leurs défauts méthodologiques, ce type d'étude très large compare en réalité des choses peu comparables. Plus le droit immobilier ou de la famille sont complexes, plus le travail du notaire ou de son équivalent est complexe, et nul doute que la France est en bonne position en matière de complexité... Dans le domaine de l'immobilier et des successions, la comparaison terme à terme entre le système français - très réglementé - et le système anglais – très déréglementé - montre que 90 % des transactions immobilières (hors frais liés à l'emprunt) présentent un meilleur bilan économique en France malgré des tarifs plus élevés. En effet, en qualité d'officiers ministériels, les notaires garantissent, contrairement au soliciter anglais, l'efficacité du recouvrement des taxes, l'effectivité du droit de propriété, la confiance des investisseurs et la sécurité juridique des acquéreurs et des vendeurs, élément fondamental de l'efficacité du marché immobilier. Ces contributions produisent des avantages très concrets qui ont une valeur économique indiscutable et font plus que compenser les écarts de tarifs entre les deux pays.
Dans le champ des successions, la comparaison est encore plus favorable.
Source : Conseils des notaires - Octobre 2014 - N° 441
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