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La mitoyenneté

Qu’est-ce que la mitoyenneté ?

Et pourquoi s’y intéresser ?

 

La mitoyenneté est un rapport particulier de voisinage et une forme spéciale d’indivision, appelée, je crois, « co-propriété par indivision », c’est à dire « gong tong gong you » en droit chinois.

 

L’idée de mitoyenneté est liée à celle de la séparation entre deux propriétés contigües.

Si un mur, une clôture, une haie ou encore un fossé séparent deux fonds voisins, se peut-il que ce mur, cette clôture, ce fossé, cette haie, etc. appartiennent aux deux différents propriétaires à la fois ?

 

C’est le choix qu’a fait le Droit français lors de l’adoption du Code civil. Le système est très différent de celui par exemple du Droit romain, où la mitoyenneté n’existait pas car les maison étaient construites à distance notable les unes des autres : les insulae.

Les raisons qui ont conduit les rédacteurs du Code civil, en 1804, à retenir le système de la mitoyenneté peuvent être comprises à travers cet extrait d’une décision récente du Conseil Constitutionnel[1] :

 

« Il appartient au législateur, compétent (…) pour fixer les principes fondamentaux de la propriété et des droits réels, de définir les modalités selon lesquelles les droits des propriétaires de fonds voisins doivent être conciliés (…) la mitoyenneté des murs séparatifs est au nombre des mesures qui tendent à assurer cette conciliation ;

(…)

le régime de la mitoyenneté des murs servant de séparation détermine un mode économique de clôture et de construction des immeubles ainsi que d'utilisation rationnelle de l'espace, tout en répartissant les droits des voisins sur les limites de leurs fonds [et certains éléments de ce régime répondent] à un motif d'intérêt général.

 

 

Il ne faut donc pas réduire la mitoyenneté des murs à une simple relation entre deux propriétaires voisins : il faut au contraire la comprendre comme une technique d’organisation du voisinage à l’échelle d’un territoire dans son entier.

 

Faciliter, assouplir, pacifier les rapports entre les propriétaires voisins : tel est l’objectif de la mitoyenneté.

L’autre fondement réside dans le gain d’espace : en permettant qu’un seul mur puisse appartenir aux deux voisins, cela évite que chacun construise son propre mur sur son terrain afin d’y adosser une construction et, par exemple y enfoncer des poutres ou des instruments de soutènement.

 

Par commodité de langage, je parlerai de façon générale de la mitoyenneté du « mur » mitoyen, sachant qu’il peut en réalité s’agir d’une clôture, d’un fossé ou encore d’une haie d’arbres.

Entre deux propriétés voisines, le mur peut être mitoyen dans son intégralité ou bien seulement en partie, pour la portion du mur qui sert aux deux voisins, par exemple, mais pas pour le reste qui n’est qu’à l’utilité d’un seul.

 

Comment se présente la mitoyenneté en Droit français ?

 

Il faut présenter :

 

- les moyens de rendre un mur mitoyen (I) ;

- la preuve de la mitoyenneté (II) ;

- les droits et obligations de chaque voisin qui en découlent (II) ;

- les moyens de mettre fin à la mitoyenneté (III).

 

 

I - Les moyens de rendre un mur mitoyen 

 

Un mur ne peut être mitoyen que s’il est construit à l’extrême limite de la ligne divisoire entre les deux fonds contigus. Ce qui signifie que le mur ne pourrait être érigé à cheval sur la ligne séparative, sauf accord préalable des voisins.

Parmi les moyens de rendre un mur mitoyen, il faut distinguer deux cas : celui où une volonté unilatérale suffit (A) et celui où l’accord des deux propriétaires est nécessaire (B).

 

 

A- Une volonté unilatérale suffit 

 

La volonté d’un seul propriétaire voisin suffit ici à rendre le mur mitoyen.

Voici les hypothèses dans lesquelles la volonté de l’un prime celle de l’autre.

 

1- La « cession forcée » de mitoyenneté 

 

Dans cette hypothèse, un mur séparatif existe entre deux fonds. Il appartient privativement à l’un des deux. L’autre va pouvoir exiger que le mur ne soit plus privatif mais mitoyen, en l’indemnisant bien entendu.

Cette prérogative, permise par le Cod civil est discrétionnaire : son détenteur n’est pas tenu de justifier la mise en jeu de la faculté de rendre la mur mitoyen par une quelconque nécessité ni utilité.

 

2- L’ « acquisition forcée » de mitoyenneté

 

C’est l’hypothèse inverse de la précédente. Un mur séparatif existe entre deux fonds. Il appartient privativement à l’un des deux. Mais contrairement au cas précédent, c’est le propriétaire du mur qui souhaite rendre son voisin propriétaire indivis, afin de partager les frais d’entretien du mur. La jurisprudence admet cette possibilité.

 

3- L’obligation de se clore dans les villes

 

Ce cas est intéressant car il montre bien l’autre intérêt de la mitoyenneté à côté du gain d’espace : il s’agit ici de s’isoler du voisin. On cherche à cantonner la promiscuité, à en réduire les effets néfastes.

Dans cette optique, chaque voisin peut demander à l’autre que soit érigé un mur séparatif entre leurs deux propriétés, à frais communs, et l’autre ne peut pas refuser de participer financièrement à cette édification.

 

4- L’acquisition par prescription

 

Ici c’est une situation de fait prolongée qui va transformer le mur de privatif à indivis.

Le mur appartient à un seul voisin, mais l’autre va s’appuyer pendant des années au mur ; il va y adosser par exemple sa maison, un corps de ferme, un garage, un bâtiment quelconque marquant une certaine emprise physique sur le mur. Au bout de trente ans, il pourra demander à être reconnu copropriétaire indivis du mur. L’avantage par rapport aux deux cas précédents est qu’il ne devra pas d’indemnité au propriétaire d’origine.

 

 

B- Un accord est nécessaire 

 

Les volontés des deux propriétaires voisins est ici nécessaire pour rendre le mur mitoyen.

Deux hypothèses existent.

 

1- L’édification dite  ab initio 

 

Avant la construction du mur, les voisins se mettent d’accord pour ériger en commun le mur. Autrement dit, ils conviennent ensemble de tout : hauteur, épaisseur, emplacement du mur, matériaux de construction, partage du coût, etc.

C’est la solution idéale, car aucun voisin ne se sent lésé puisqu’on privilégie le consensus.

 

2- L’accord donné a posteriori 

 

Ici, le mur existe déjà. Le propriétaire privatif du mur convient avec le voisin que désormais, ils en partageront la propriété. Ils conviendront également de l’indemnité due au propriétaire initial, et qui a financé l’érection du mur. Cette situation se rencontre le plus souvent lorsque le voisin cherche à adosser, à prendre appuis sur le mur qui ne lui appartient pas : l’autre lui propose seulement d’en partager la propriété, c'est-à-dire, les utilités…et les charges.

 

 

II – Preuve de la mitoyenneté 

 

Il arrive fréquemment qu’un mur sépare fonds contigus, sans que l’on sache à qui il appartient : est-il privatif ou indivis ?

 

Pour le savoir, le Code civil a mis en place des présomptions de mitoyenneté et des présomptions de non mitoyenneté, c'est-à-dire que la physionomie du mur est censée révéler si le mur est privatif ou au contraire commun.

Pour l’essentiel, tout mur de séparation est présumé mitoyen, sauf s’il y a marque contraire, c'est-à-dire, la plupart du temps, si le mur est construit de telle manière qu’il semble n’avoir eu d’utilité que pour un seul côté. En général, le mur est mitoyen s’il est construit de façon symétrique d’un côté comme de l’autre ; il sera au contraire privatif, si on observe un e absence de symétrie : par exemple, la sommité du mur est recouverte de tuiles qui vont déborder d’un seul côté de manière à éviter que l’eau de pluie ne dégrade ce côté du mur. Cela fait présumer qu’il appartient au propriétaire du fonds situé de ce côté du mur que l’on cherche à préserver.

 

A côté de ces présomptions, interviennent bien entendu le titre émanant des deux propriétaires ou encore la prescription acquisitive trentenaire.

 

Une fois que le mur reçoit la qualification de mitoyen, quels en sont les effets ?

C’est s’intéresser à la question des :

 

 

III – Droits et obligations des propriétaires du mur mitoyen 

 

L’intérêt d’acquérir la mitoyenneté du mur est d’en retirer toutes les utilités, et notamment, le Code civil prévoit que « tout copropriétaire peut faire bâtir contre un mur mitoyen, et y faire placer des poutres ou solives dans toute l’épaisseur du mur (…) ou y adosser une cheminée »[2]. Mais le nouvel ouvrage ne doit pas « nuire aux droits de l’autre »[3].

Le code civil prévoit aussi qu’il peut exhausser le mur, c'est-à-dire le surélever, afin par exemple d’y adosser des constructions, de s’ombrager, de bâtir une verrière, etc.

 

A ces droits correspondent naturellement des obligations.

En pratique, c’est bien entendu l’inévitable dégradation du mur qui présente dans le temps le plus de charges pour les copropriétaires du mur. Le Code civil pose pour règle que « la réparation et la reconstruction du mur mitoyen sont à la charge de tous ceux qui y ont droit, et proportionnellement au droit de chacun »[4].

Par conséquent, chacun contribue aux frais d’entretien du mur. Si l’un des copropriétaires était entièrement responsable de sa dégradation, il devra en assumer l’entière charge.

 

Ces frais peuvent être très élevés si les dégâts sont importants et si le mur est étendu.

Ce qui conduit d’ailleurs à bien réfléchir, au moment du choix de la clôture, aux matériaux que l’on utilisera (vont-ils résister au temps et aux intempéries ?), mais aussi à l’opportunité de construire un mur plutôt qu’une haie arborée. Une haie d’arbustes, par exemple, générera parfois moins de frais qu’un mur qu’il faudra régulièrement entretenir et réparer.

 

Le coût élevé de cet entretient conduit parfois les parties à vouloir sortir de la mitoyenneté.

C’est la raison pour laquelle, à côté des modes classiques d’extinction de la mitoyenneté, il faut en dernier lieu envisager :

 

 

IV – L’abandon de mitoyenneté 

 

Imaginons que le propriétaire mitoyen d’un mur de plusieurs dizaines de mètres de longueur ne parvienne plus à l’entretenir. Pourrait-il décider de ne plus l’utiliser et faire valoir qu’un non-usage prolongé (de plus de trente ans, durée de la prescription extinctive, libératoire, en droit français) lui a fait perdre son droit de propriété sur le mur ? Cela serait avantageux puisqu’il n’aurait plus à assumer les charges de réparation et de reconstruction du mur. Mais ce n’est pas possible : la mitoyenneté est un droit de propriété et à ce titre, il ne se perd pas par le non-usage, même prolongé.

Alors que peut faire notre propriétaire ?

Le Code civil lui donne la possibilité d’abandonner son droit de propriété sur le mur ; il renonce à la mitoyenneté. C’est ce que l’on appelle la « faculté d’abandon ».

Il n’a pas de formalisme particulier à respecter, mais l’abandonnateur a tout intérêt à se pré-constituer une preuve de la date de l’abandon, car à partir de cette date il échappe à toute dépense d’entretien du mur, auquel il est désormais étranger. C’est l’effet « libératoire » de l’abandon.

Il faut signaler deux hypothèses où l’abandon de mitoyenneté n’est pas possible.

D’une part, si le mur soutient des terres appartenant au propriétaire qui veut abandonner la mitoyenneté : en effet, comme il retire du mur une utilité, celle de soutènement, il ne peut s’en départir.

D’autre part, s’il veut abandonner le mitoyenneté en raison de dégradations qui affectent le mur, cela n’est envisageable qu’à la condition que ces dégradations ne soient pas de son fait. Sinon, il doit remettre au préalable le mur en l’état et ce n’est qu’ensuite qu’il pourra l’abandonner.

 

L’autre propriétaire voisin se trouve, par l’effet de l’abandon, seul propriétaire de l’ancien mur mitoyen : c’est donc seul qu’il en assumera désormais les charges et seul qu’il pourra en faire ce qui bon lui semble.

 

 

 

CONCLUSION

 

La mitoyenneté fait partie intégrante de ce que l’on appelle les relations de voisinage. Elle vise plus précisément aux « bonnes relations » de voisinage.

On voit que la collectivisation du mur permet d’en partager les utilités, d’en répartir le coût et de réduire l’espace consacré aux séparations entre propriétés.

Cette technique semble particulièrement utile dans les sociétés de forte urbanisation, de grande densité démographique telles que les nôtres.

 

Je vous remercie de votre attention.



[1] Conseil constitutionnel, 12 novembre 2010n° 2010-60 QPC, Cons. 4 et 6.

[2] Art. 657 du Code civil.

[3] Art. 662 du Code civil.

[4] Art. 655 du Code civil.


 

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