Plan de site  |  Contact
 
2024
eVous êtes ici: Accueil → Courrier du Centr

Du droit d’usage à habitation du donateur en cas de donation notariée d’un bien immobilier

Authentifier un contrat de donation d’un bien immobilier  est une matière traditionnelle pour les notaires. Dans la plupart des cas, ce sont les parents qui donnent aux enfants  le bien immobilier dont ils sont propriétaires. Les personnes âgées, en s’adressant  au notaire, poursuivent souvent un double objectif, à savoir la transmission du bien au donataire et la garantie de leur propre droit d’usage à habitation. Si les notaires n’accordent pas suffisamment d’attention  au droit d’usage à habitation du donateur ou qu’ils ne le traitent  pas de manière appropriée, les études de notaires pourront se trouver dans une situation très embarrassante lorsque, une fois le bien immobilier cédé,  les relations entre le donateur et le donataire se dégraderont, parfois le donataire allant jusqu’à chasser le donateur de son domicile. Par ailleurs, le droit d’usage à habitation n’étant pas clairement disposé dans la législation chinoise en vigueur, lorsque le donateur souhaite réserver dans l’acte notarié le droit d’habiter le bien, le notaire a souvent du mal à décider. Par conséquent, il est temps de s’intéresser au problème concernant le droit d’usage à habitation du donateur en cas de donation d’un bien immobilier  et d’y apporter une réponse appropriée.    

I. Analyse doctrinale

1. Analyse du droit d’usage à habitation

Le droit d’usage à habitation, tirant son origine du droit romain, est une des composantes de la servitude personnelle (un droit réel sur un bien appartenant à autrui mais consenti au bénéfice d’une personne désignée). Durant l’élaboration du droit réel de la République populaire de Chine, le droit d’usage à habitation avait été inscrit dans le projet de loi, mais cela a provoqué un tel débat qu’on a fini par l’en écarter. Dans la législation actuelle, il n’y a que l’interprétation sur certaines questions d’application de la Loi sur le mariage  en République populaire de Chine qui mentionne le droit d’usage à habitation. L’article 27,  alinéa 3,  de cette interprétation judiciaire émise par la Cour suprême populaire dispose que « en cas de divorce,  lorsqu’une partie aide l’autre partie en difficulté de logement, cette aide peut se traduire par le biais du droit d’habiter l’immeuble ou  du droit de le posséder. » Cette interprétation judiciaire a formulé clairement la notion du droit d’usage à habitation, mais le bénéficiaire de ce droit visé par l’interprétation est spécifique, c’est-à-dire l’une des parties  au divorce ; le droit d’usage à habitation dont il est question dans cette interprétation  n’est donc pas applicable aux autres relations juridiques civiles. Le vide juridique en matière de droit d’usage à habitation nous empêche de juger la légalité de la réserve établissant le droit d’usage à habitation dans le contrat notarié de donation d’un bien immobilier. Comme les établissements notariaux ne peuvent ni contourner ni refuser les problèmes existant réellement en invoquant la carence juridique, nous sommes obligés de nous appuyer sur le principe le plus élémentaire du code civil pour trouver une approche conforme aux bonnes mœurs  et  à l'ordre public, correspondant à la vision morale des gens ordinaires.  

On pourra veiller aux points suivants à propos de la réserve établissant un droit d’usage à habitation dans un contrat de donation :

A.  Lorsque le donateur demande à se réserver le droit d’usage à habitation, et que l’autonomie de la volonté de la  partie à l’acte n’enfreint pas la loi,  cette volonté doit être respectée. 

B. Le droit d’usage à habitation, institué par l’article sur la réserve dudit droit, est né de la convention établie dans le contrat de donation. Selon le principe de numerus clausus, ce droit d’usage à habitation créé par le contrat de donation est au fond un droit de créance et non un droit réel et il n’est donc pas opposable aux tiers selon le principe de  l’effet relatif des droits de créance.

C. Comme ce droit d’usage à habitation est un droit de créance dont la réalisation dépend de la bonne foi du donataire,  si celui-ci dispose du bien immobilier mais pas du droit d’usage à habitation, la demande en indemnisation est le seul recours qui reste.  

2. Distinction entre l’effet du contrat  et celui du droit réel de l’immeuble donné

L’entrée en vigueur  de la loi sur les droits réels en Chine a permis une distinction claire entre l’effet du contrat et celui du droit réel.  Le contrat de donation, puisque  consensuel, prend effet dès la date de sa signature s’il n’existe pas d’autres conventions. Mais le transfert de la propriété du bien donné n’est effectif qu’à partir soit de  la remise de la chose pour le bien mobilier, soit de son enregistrement pour l’immobilier. L’objectif  fondamental recherché par les parties signataires du contrat de donation est de transférer  la propriété du bien de A à B ; par conséquent, si un acte de donation ne permet  pas de parvenir à cet objectif fondamental, il n’a de donation que le nom et il s’agit en réalité d’un autre acte civil. Si par exemple les parties stipulent dans l’acte  que « le donataire doit laisser le donateur habiter le logement jusqu’à son décès  pour que le présent acte prenne ensuite effet juridique ».  Ce type de convention  a fait de l’acte de donation un contrat qui mixe conditions et date de validation : laisser le donateur habiter le logement étant la condition de validation, et le décès du donateur, la date de validation. Dans ce cas-là, il vaut mieux conseiller au requérant de faire un testament, car sur le plan juridique, le contrat de donation susmentionné présente beaucoup de similitude avec un testament.  

Face à la complexité des relations sociales et devant les expressions si subtiles de la langue chinoise, distinguer les effets du contrat et ceux du droit réel nous aidera à mieux saisir les vraies intentions des parties, à trouver avec précision les solutions juridiques qui leur conviennent et à déterminer le type d’acte notarié à établir.   

3. Réserve du droit d’usage à habitation et l’obligation attachée au contrat de donation

Dans une certaine mesure, même si les parties n’ont pas précisé que le contrat comporte des obligations, se réserver le droit d’usage à habitation peut être compris comme une obligation convenue entre les parties dudit contrat. Droits et devoirs étant réciproques dans un contrat, le droit de l’un entraîne nécessairement le devoir de l’autre, par conséquent lorsque le donateur demande à garder le droit d’usage à habitation, le donataire a le devoir d’assurer que le donateur peut habiter dans le logement.       

L’inverse est aussi vrai : le devoir par lequel le donataire est tenu de laisser le donateur habiter dans l’immeuble confère à ce dernier le droit de réserver son droit d’usage à habitation. Les deux parties peuvent alors convenir dans le contrat : « vu que le donataire doit établir son domicile au logement donné, le présent contrat prend effet dès sa signature, les deux parties se doivent d’accomplir en même temps les formalités de transfert du titre de propriété. La présente donation comporte aussi une obligation, à savoir le donataire doit assurer que  le donateur peut habiter dans le logement jusqu’à son décès. » Il s’agit à la fois d’un contrat de donation avec réservation du droit d’usage à habitation et  d’un contrat de donation assorti d’une obligation.

4. Comment comprendre l’annulation de la donation dans un contrat  de donation

Pour rester centré sur le sujet,  nous n’allons pas faire une description globale sur l’annulation de la donation, mais nous focaliser uniquement sur l’annulation motivée par la défaillance du donataire dans l’application du contrat. Selon les articles 190 et 192 de la Loi des contrats, lorsque le donataire ne remplit pas le devoir défini dans le contrat de donation, le donateur a le droit d’annuler ce dernier. Se posent alors deux questions. La première : peut-on annuler l’inscription si la propriété du bien immobilier est  déjà transférée au donataire ?   La deuxième : si le donataire, devenu titulaire de la  propriété, a revendu le bien immobilier à un tiers de bonne foi et accompli  les formalités d’enregistrement, l’annulation de la donation ne va-t-elle pas nuire aux intérêts du tiers de bonne foi ? 

Pour répondre à cette double interrogation, il est important de clarifier deux points juridiques  relatifs au contrat de donation assorti d’obligations. Premièrement, la défaillance du donataire dans l’exécution du contrat  n’empêche pas l’entrée en vigueur de celui-ci  ; elle donne au contraire le droit au donateur d’annuler le contrat. Deuxièmement, la réclamation  par laquelle le donateur exige la restitution du bien immobilier n’est qu’un recours économique en cas d’annulation de la donation. Si la restitution réclamée s’avère impossible,  le donateur peut exiger une réparation de la part du donataire. De ce fait, s’élucide plus clairement le problème de l’appartenance du bien immobilier suite à l’annulation de la donation : si la propriété n’est pas encore transférée au donataire, on met fin naturellement au contrat. Si  la propriété est déjà transférée au donataire et que ce dernier veuille coopérer pour rendre au donateur la propriété du bien, ou bien un  jugement valable confirme que le bien immobilier doit être rendu au donateur, dans ces cas-là, le donateur peut naturellement récupérer son bien.  Si la propriété du bien est déjà transférée à un tiers de bonne foi dans cette acquisition, le droit d’usage à habitation du donateur n’étant pas opposable au tiers de bonne foi, ce dernier ne peut qu’exiger du donataire des dommages et intérêts.  

II. Conseils pour mieux régler les problèmes relatifs au droit d’usage à habitation dans un contrat de donation.

A. Respecter la volonté du requérant

 

Comme la donation est un acte gratuit qui ne nécessite pas  le paiement d’un prix, la donation du bien immobilier a lieu en majorité dans la parenté. Une grande partie d’actes notariés concernent  la donation du bien immobilier faite par les personnes âgées  au profit de leurs enfants.  Dans la pratique notariale, le testament, la donation et  le contrat d’entretien-legs peuvent tous conduire au transfert de la propriété au profit du bénéficiaire, mais le client a souvent du mal à distinguer les trois actes. Le notaire, en sa qualité du professionnel du droit, doit, à partir de l’expression de la volonté du requérant,   analyser ses vraies intentions afin de trouver la meilleure solution. Sensibles à la différence des émoluments  qui varient selon les types d’actes, une infime partie des notaires bafoue la volonté des requérant s,  et, au lieu d’établir des actes de testament ou de  d’entretien-legs,  amène le requérant à faire un acte de donation. Ces pratiques irrespectueuses de la volonté du requérant  sont contraires à la déontologie notariale et porteuses des conflits ultérieurs. 

Par ailleurs, le respect de la volonté du requérant se reflète dans le respect du vœu de réserver le droit d’usage à habitation émis par ce dernier. Si on refuse simplement cette demande de la part du requérant, parce que la question est difficile à cerner, on augmentera la probabilité des conflits ultérieurs. Face à la demande de la réservation du droit d’usage à habitation, le notaire doit faire preuve d’une grande prudence  en conseillant au requérant  de formuler avec précision et rigueur cette demande dans le contrat, sans oublier de remplir pleinement son devoir d’information.         

B. Suivre de près le problème d’habitation du donateur après donation  

Si le bien immobilier donné est l’unique logement d’une personne âgée, il faut lui demander si les mesures ont été prises concernant le logement après donation. Lorsque la personne exprime son inquiétude parce qu’il n’y a pas mûrement réfléchi, il faudra lui proposer des solutions. Par exemple incorporer la jouissance du droit d’habiter dans le logement donné  ou demander au donataire de lui fournir un logement. 

Lorsque le donateur souhaite d’intégrer dans le contrat la réservation du droit d’usage à habitation, le notaire doit  remplir pleinement son devoir d’information. A part les informations conventionnelles, le notaire pourra attirer l’attention sur les points suivants :

1. La réservation du droit d’usage à habitation engage seulement les parties à l’acte, mais  ne s’oppose pas au tiers. La réalisation dudit droit dépend entièrement de la bonne foi du donataire,  si celui-ci dispose du bien immobilier, le droit d’usage à habitation ne pourra pas se réaliser.   

2.  La réservation du droit d’usage à habitation engendre le devoir qui incombe au donataire de s’assurer que le donateur habite dans le bien immobilier donné.  En cas de manquement audit devoir, le donateur peut annuler la donation. Mais si la propriété du bien immobilier est acquise par un tiers de bonne foi, et que l’annulation ne permette pas au donateur de retrouver ce bien, celui-ci ne peut que réclamer  au donataire les dommages et intérêts.   

 C. Renforcer sur tous les aspects l’expression de la donation volontaire du donateur

Mieux vaut prévenir que guérir. A la réception et vérification des demandes d’intervention notariale, le notaire doit être sensible aux points à risques et capable de traiter de manière adéquate chaque risque qu’il a perçu, notamment face aux personnes âgées qui donnent aux enfants leur unique logement. A part des questions de routine,  il faut accorder une attention particulière aux trois points suivants : 

1. Le notaire doit se renseigner minutieusement sur les raisons et les motivations de la donation. Ceci revêt une importance particulière, car il renforce l’expression de la volonté du donateur, réduit le risque qui pèse sur l’Etude, et constitue des preuves fort utiles  au cas où la personne âgée se rétracterait. 

2. il faut se renseigner attentivement sur la situation des membres de la famille, sur les personnes qui habitent  actuellement dans le logement visé par la donation ; cela permettra de connaître le contexte dans son ensemble et de découvrir les risques éventuels.     

3. On pourrait penser à prolonger, dans le respect du délai légal régissant la délivrance de l’acte notarié, le temps de ladite délivrance et demander expressément au donateur de réfléchir encore. En cas de rétractation avant la délivrance de l’acte authentique, le donateur pourra exercer librement son droit d’annulation.   Si, à l’issue de ce délai de réflexion,  le donateur ne change pas d’avis, le notaire peut alors continuer le traitement du dossier. Comme la donation d’un bien immobilier  est une décision importante et que les personnes âgées  ont tendance à changer d’avis facilement, le notaire doit être plus prudent dans ce cas-là : la prolongation du délai de délivrance est une solution de nature  à renforcer l’expression de la volonté de donation.

III. D’autres conseils sur l’exercice du devoir d’information 

A. La Commission du règlement   des services notariaux relevant de l’Association des notaires de Chine a élaboré un Formulaire type sur le contenu des informations et le procès-verbal en matières notariales (tome I). Ce document contient l’Avis sur les informations sur la donation notariée d’un bien immobilier et le Procès-verbal sur les renseignements relatif au contrat de donation d’un bien immobilier, textes assez complets qui  peuvent inspirer les notaires dans leur travail. 

B. Compte tenu de la particularité de la donation notariée d’un bien immobilier, afin de renforcer davantage l’expression de la volonté du donateur, il convient d’interroger le donateur et le donataire individuellement  et de rédiger les procès-verbaux de renseignement séparés. 

C. On doit procéder à l’enregistrement audio ou visuel si le donateur est d’un âge avancé ou de santé fragile.

 

 

 

 

 

 

Contrat de donation

   

Partie A (donateur) :

Partie B (donataire) :

 

En vertu des Principes du Droit civil de la République populaire de Chine, de la Loi des contrats  de la République populaire de Chine et de la Loi sur les Droits réels de la République populaire de Chine, au terme d’amples consultations relatives à la donation du bien immobilier suivant, les deux parties ont convenu et arrêté ce qui suit : 

 

1. L’immeuble visé par le présent contrat est situé à ... avec une superficie construite s’élevant à ... m2. L’immeuble, dont le titre de propriété est numéroté ... n’est grevé d’aucunes charges telles que l’hypothèque par exemple.  

2.  La partie A  consent librement à donner au donataire  gratuitement le bien susmentionné ;  en même temps le donataire manifeste sa volonté d’accepter la donation.  

 

3. La donation du bien immobilier  est destinée uniquement à la partie B comme son patrimoine personnel, l’immeuble donné n’entre pas dans les biens communs du couple  de la partie B.

 

4. La présente donation est assortie d’une obligation : la partie B  doit garantir au donateur le droit d’habiter dans le logement jusqu’à son décès.   

 

5.  En cas de manquement de la partie B à son obligation visée par l’article 4 du présent contrat pour des raisons  qui la regardent,  et que la partie B détient encore la propriété du bien immobilier, la partie A peut annuler la présente donation et  demander à la partie B de lui transférer  la propriété. Les taxes et frais qui en déroulent seront à la charge par la partie B.    

 

6. Au cas où l’immeuble ci-dessus ferait l’objet d’une démolition ou aurait été transféré ou mis à  disposition par la partie B,  de sorte qu’il n’est plus possible de transférer la propriété à la partie A, les deux parties choisiront l’une des solutions suivantes pour réparer l’atteinte au droit d’usage à habitation de la partie  A :  

 

A. La partie B fournit à la partie A un logement par la location ou d’autres moyens  et assure que la superficie de ce dernier soit au moins égale à celle de l’immeuble donné.

B.  A titre de réparation des préjudices subis par la partie A qui a perdu son droit d’usage à habitation,  la partie B verse à la partie A ... % de la valeur estimée du marché au moment du transfert, de la mise à disposition ou de la démolition de l’immeuble.    

7. Après la signature du présent contrat, les deux parties doivent coopérer pour accomplir les formalités de transfert de propriété dudit immeuble, les taxes et d’autres frais qui en découlent sont entièrement à la charge de la partie B. 

 

8. Rédigé en ... exemplaires, le présent contrat prend effet dès la signature des parties. 

 

Remarque : les articles du contrat seront modifiés si le donateur ne demande pas à se réserver un droit d’usage à habitation.

 

 

In « Le notariat chinois », numéro 5, 2013,   numéro de série, 129  


 

© 2008 Centre sino-français de Formation et d’Echanges notariaux et juridiques à Shanghai.

版权所有 2008 上海中法公证法律交流培训中心

沪ICP备17007739号-1 维护:睿煜科技