RESUMÉ
La procuration authentique, par laquelle le notaire assure la protection du consentement du mandant en respectant des conditions de forme très strictes, est imposée pour la signature de certains actes graves et/ou techniques.
La procuration sous seing privé rompt la chaîne de l’authenticité qui doit exister entre le consentement du mandant et la signature de l’acte pour son compte. C’est pourquoi la loi et la jurisprudence ont apporté d’importants correctifs.
Introduction
La procuration connaît aujourd'hui un succès considérable dans la pratique notariale.
Elle y présente l’avantage incontestable de permettre la conclusion d'un acte authentique lorsqu'une partie est empêchée ou éloignée géographiquement. Or les clients sont de plus en plus empêchés (vie professionnelle, maladies, loisirs, vacances) et de plus en plus éloignés (les familles ayant éclaté géographiquement).
Les notaires ont ainsi vu leurs actes se consteller de procurations.
Cette expansion trouve une limite dans des actes si personnels qu'ils ne permettent pas que leur auteur soit représenté : on pense au testament mais on pourrait songer aussi à l'acte de notoriété (C. civ., art. 730-1) ou à la clôture d'inventaire (C. proc. civ., art. 1330, 5°) en raison des déclarations personnelles qu'ils contiennent.
Dans ce mouvement d'expansion, les procurations authentiques, passibles du droit à enregistrement, ont été peu à peu délaissées par les clients en raison de leur coût, sans que les notaires n'aient osé, ni même voulu les imposer.
Or il faut revenir aux fonctions de l'authenticité pour comprendre tout l'intérêt d'une procuration authentique.
Une doctrine[1] et une jurisprudence[2] anciennes ont invité les praticiens à distinguer, lorsque l'acte en vue duquel la procuration est réalisée est authentique, suivant que cette formalité est exigée dans l'intérêt des contractants et pour protéger leur indépendance ou qu'elle est prescrite à fin de publicité à la conservation des hypothèques et pour donner date certaine à l'acte.
Dans le cas d'une authenticité exigée dans l'intérêt des contractants, le mandat doit être donné par acte authentique afin de maintenir la protection de leur consentement. Les notaires sont alors responsables s'ils enfreignent la règle du parallélisme des formes.
Dans le cas d'une authenticité exigée à fin de publicité, le mandat peut être donné par acte sous seing privé, étant ici observé que le caractère sous seing privé de la procuration ne nuit en aucun cas à la validité de l'acte principal reçu par le notaire. Il en est ainsi par exemple de la vente d'un immeuble achevé.
À l'invitation de ces doctrines et jurisprudence, nous examinerons la procuration authentique puis la procuration sous seing privé.
1. La procuration authentique
Nous avons vu que l'authenticité a ici une fonction de protection du consentement des parties. Elle est imposée par la loi comme condition de validité d'un certain nombre d'actes graves et/ou techniques. Elle s'étend naturellement aux procurations en vertu de la règle du parallélisme des formes.
Pour ces actes graves et/ou techniques, la procuration authentique présente nombre d'avantages : Le notaire garde un contact direct avec la partie représentée. Il recueille son consentement et exerce ses missions de contrôle[3] et de conseil auprès d'elle-même si celle-ci n'assiste pas à la signature de l'acte principal.
Dans la très grande majorité des cas, l'intervention d'un seul notaire sera suffisante (A). Mais dans certaines hypothèses spécialement visées par la loi, la réception de l'acte s'accompagne d'exigences supplémentaires comme l'intervention d'un autre notaire ou de deux témoins (B).
A. - La solennité « simple » de la procuration
Il s'agit de l'intervention d'un notaire.
1° Les cas
La loi prévoit expressément la forme authentique pour la procuration. C'est notamment le cas pour les procurations à effet d'établir :
● Les actes de l'état civil lorsque les parties ne sont point obligées de comparaître en personne (C. civ., art. 36),
● Toute sorte d'actes frappés d'un intuitu personae particulièrement marqué :
- la reconnaissance de paternité ou de maternité (C. civ., art. 316, al. 3) ;
- l'opposition au mariage (C. civ., art. 66) ;
- l'acte valant acceptation de donation (C. civ., art. 933, al. 2)
En dehors de ces cas légaux, il faut appliquer la règle du parallélisme des formes.
Classiquement, la procuration doit être authentique quand il s'agit de :
- contrat de mariage (C. civ., art. 1394) ;
- constitution ou radiation d'une hypothèque conventionnelle (C. civ., art. 2416 et 2441) sauf si ces actes émanent d'une société ;
- donation entre vifs (C. civ., art. 931), donation-partage (C. civ., art. 1075 renvoyant aux règles des donations entre vifs) :
- privilège de prêteur de deniers (C. civ., art. 2374, 2°) :
- subrogation conventionnelle consentie par le débiteur (C. civ., art. 1250, 2°) ;
- vente d'immeuble à construire dans le secteur protégé (CCH, art. L 261-11) ;
- contrat de location-accession (L. n° 84-595, 12 juill. 1984, art. 4).
Il en va ainsi plus récemment pour les contrats suivants :
- le consentement à une procréation médicalement assistée (C. proc. civ., art/ 1157-2) ;
- le mandat à effet posthume par lequel une personne désigne une autre personne pour gérer ses biens après sa mort (C. civ., art. 812-1-1 issu de la réforme du 23 juin 2006) ;
- le contrat de fiducie lorsqu'il porte sur un bien dépendant de la communauté conjugale ou d'une indivision (C. civ., art. 2012 créé par la loi du 19 février 2007).
Pour ces actes à la solennité ordinaire, le notaire seul recevra l'acte : cela pose la question de sa compétence.
2°. Les compétences
Le clerc habilité a une compétence qui semble générale pour cette catégorie d'actes. Deux exceptions sont cependant à signaler :
La première consiste en une liste limitative d'actes énumérés par l'article 10 de la loi du 25 ventôse an XI, modifié en dernier lieu par la loi du 23 juin 2006, pour lesquels un clerc habilité ne pourra pas intervenir[4] et ne pourra par conséquent recevoir une procuration.
La seconde exception réside dans la faculté pour le notaire habilitant de donner l'habilitation pour certains actes seulement (D. n° 71-942, 26 nov. 1971, art. 38, III).
Quant à la compétence du notaire lui-même : la procuration est-elle concernée par les exceptions au principe de la compétence territoriale nationale du notaire tel qu'il est mentionné dans l'article 8 du décret n° 71-942 du 26 novembre 1971 ?
On sait que le notaire a une compétence territoriale limitée pour des actes dits répétitifs, tels des actes constituant la première mutation à titre onéreux de biens immobiliers après un état descriptif de division ou un arrêté de lotissement[5].
Cette exception doit en tant que telle être interprétée strictement et, par conséquent, ne doit pas être étendue à l'hypothèse des procurations intéressant ces actes répétitifs.
B. - la solennité « renforcée » de la procuration
Il s'agit de la signature d'un second notaire ou de deux témoins.
Cette exigence de forme renforcée témoigne de la particulière gravité de l'acte à accomplir ou de la vulnérabilité supposée de la personne du mandant.
Sont concernées les procurations mentionnées à l'article 9 de la loi du 25 ventôse an XI, à savoir :
- les procurations données pour révocation de testament ;
- les procurations données par une personne qui ne sait ou ne peut pas signer.
Par ailleurs, l'article 930 soumet à la seule signature de deux notaires la renonciation à exercer l'action en réduction prévue à l'article 929 du Code civil. Par la règle du parallélisme des formes, la procuration emprunte les mêmes formes que l'acte principal.
Enfin, on rappellera qu'en vertu de l'article 10, alinéa 3 de la loi du 25 ventôse an XI, un clerc habilité ne peut pas recevoir de tels actes.
2. La procuration sous seing privé
La procuration sous seing privé interrompt-elle la chaîne de l'authenticité qui doit exister entre le consentement d'une partie et la signature de l'acte en son absence ?
Le cœur de l'authenticité est la réception de l'acte par le notaire qui est donc présent lors de l'échange des consentements des parties et, par conséquent, lors de l'apposition des signatures qui matérialisent cette expression d'une volonté commune.
La force probante, avec son corollaire la force exécutoire, s'explique par le fait que l'on doit faire confiance aux affirmations du notaire, témoin privilégié ; ce qui suppose bien entendu que le notaire soit présent lors de la réception de l'acte. La force probante ne s'attache donc qu'aux constatations personnelles du notaire et entrant dans sa compétence.
Or qu'en est-il lors de la réception d'un contrat de vente avec une procuration sous seing privé des deux parties donnant pouvoir à tout clerc de l'étude ?
Le consentement des mandants est donné hors la présence du notaire et ce dernier ne pourra ni vérifier l'identité et la capacité des mandants, ni même leur prodiguer ses conseils.
Tout ceci amoindrit les constatations du notaire et réduit donc le champ de la force probante de l'acte qu'il va dresser.
La jurisprudence s'est donc attachée à corriger cette faiblesse intrinsèque de la procuration sous seing privé en mettant à la charge du notaire un devoir de vérification particulièrement strict (A) et un devoir de conseil renforcé à l'égard du mandant (B). De son côté, la loi impose des mentions manuscrites dans certains actes, qui doivent figurer dans la procuration elle-même (C).
A. - Le devoir de vérification du notaire
1° Le devoir de vérifier la signature du mandant
La Cour de cassation a, par deux décisions, déterminé les vérifications que doit effectuer le notaire au regard des signatures apposées sur une procuration sous seing privé.
Dans un arrêt du 6 janvier 1994, la Cour de cassation a jugé que le notaire est tenu, en tant que rédacteur d'un acte, de procéder préalablement à la vérification des faits et conditions nécessaires pour en assurer l'utilité et l'efficacité.
Elle en a déduit que le notaire doit, quand une partie est représentée par un mandataire, vérifier la sincérité au moins apparente de la signature figurant sur une procuration sous seing privé[6].
Dans un arrêt du 20 janvier 1998, intervenu dans la même affaire, la Cour de cassation a ajouté que le notaire doit, à cette fin, se faire communiquer des éléments de comparaison qui lui permettent de prendre parti sur ce point[7].
Depuis ces arrêts, un contentieux nourri et persistant témoigne des difficultés de la pratique à mettre en œuvre ces vérifications qui sont pourtant essentielles.
Les juges du fond, qui rappellent systématiquement les principes posés par la Cour de cassation, ne manquent pas de retenir une faute du notaire lorsqu'il n'a pas effectué cette vérification[8]. Au gré des espèces, ils ont eu à déterminer les différentes méthodes de vérification auxquelles le notaire peut recourir.
Les notaires peuvent :
- procéder à la vérification par comparaison avec la signature de l'auteur de la procuration telle qu'elle figure sur une pièce d'identité officielle[9]. Par conséquent, le notaire, professionnel dont l'expérience et la prudence sont recherchées par ses clients, ne saurait se borner à comparer plusieurs signatures figurant sur d'autres documents sous seing privé, courant ainsi le risque, en l'absence de tout élément de référence fiable, de se contenter de la similitude existant entre plusieurs paraphes, tous également faux[10] ;
- pour plus de sécurité, faire signer la procuration dans son étude par le mandant après qu'il lui ait remis une pièce d'identité dont il aurait annexé une copie à l'acte[11] ;
- demander que la procuration soit signée devant un autre notaire ou un officier d'état civil[12].
Ce devoir de vérification dépasse aujourd'hui la seule signature.
2° Le devoir de vérifier les déclarations faites au nom du mandant
La Cour de cassation a retenu par deux fois la responsabilité d'un notaire qui n'avait pas vérifié la capacité de disposer du vendeur alors que celui-ci était représenté à l'acte de vente.
Le 8 janvier 2009[13], la Cour de cassation, après avoir rappelé le principe général selon lequel un notaire, qui reçoit un acte comportant des déclarations erronées d'une partie quant aux faits rapportés engage sa responsabilité seulement s'il est établi qu'il disposait d'éléments de nature à le faire douter de leur véracité ou de leur exactitude, a jugé qu'il était en revanche tenu en cas de représentation de cette partie par un mandataire de vérifier par toutes investigations utiles les déclarations faites au nom du mandant qui, par leur nature ou leur portée juridique, conditionnaient la validité ou l'efficacité de l'acte qu'il dressait et que cette vérification s'impose d'autant plus lorsqu'il existe une publicité légale aisément accessible.
Elle réaffirme cette exigence par un arrêt du 12 mai 2011[14].
Dans ces deux arrêts, les vérifications devaient porter sur la capacité de disposer du vendeur. Or la Cour de cassation, en utilisant une formule générale, laisse supposer que cette obligation de vérification sera appliquée plus largement.
B. - Le devoir de conseil du notaire
Alors qu'il ne rencontre pas le mandant, le notaire sera tenu, selon la jurisprudence, d'un devoir de conseil à son égard.
1° L'exécution du devoir de conseil
Ce devoir existe, que le mandataire soit un clerc de l'étude ou un simple particulier.
Si le mandant est représenté par un simple particulier, le notaire ne peut se contenter de signaler au mandataire toute difficulté du dossier[15] : il doit prendre contact avec le mandant.
Si le mandant est représenté par un clerc de l'étude, le notaire a tout autant une obligation de conseil envers lui. Les juges n’hésitent pas à affirmer l’existence de ce devoir de conseil du notaire à l’égard du mandant[16].
Ainsi le notaire devra informer un mandant belge sur les spécificités fiscales françaises[17].
Le notaire exécutera son devoir de conseil le plus souvent par l'envoi préalable d'un modèle de procuration ou du projet d'acte, le cas échéant accompagné d'un signalement des difficultés ou anomalies du dossier (par exemple, le maintien d'une surface erronée dans un acte de vente d'immeuble[18]).
Ce peut être aussi la communication d'autres documents informatifs tels le règlement de copropriété et l'état descriptif de division en matière de vente d'immeuble[19].
2° La preuve de l'accomplissement du devoir de conseil
La procuration est également source de chausse-trappes. On rappellera qu'il appartient au notaire de prouver qu'il a correctement rempli son devoir de conseil. Le contenu de la procuration est alors essentiel.
Une procuration qui se contente de viser la loi sans en rappeler les dispositions protectrices ou rédigée en termes généraux est impropre à démontrer que le notaire a exécuté son obligation de conseil[20]. Mais l'envoi d'un modèle de procuration aux termes clairs et simples à retourner dûment complétée suffit[21].
Les préparatifs d'une signature d'un acte au moyen d'une procuration sous seing privé s'avèrent donc particulièrement longs, difficiles et périlleux.
C. - Les mentions manuscrites imposées par la loi
La faiblesse de la procuration sous seing privé a par ailleurs été corrigée par la loi et la jurisprudence au moyen de l’exigence de mentions manuscrites. C'est notamment en matière de cautionnement que celles-ci imposent au mandant d'écrire de sa main certaines mentions sur l'acte de procuration sous seing privé. Ces mentions manuscrites ne sont pas seulement destinées à prouver l'engagement et son étendue mais elles assurent surtout la protection du consentement de la caution.
Cette exigence cède naturellement lorsque la caution s'engage par une procuration notariée en ayant reçu les conseils d'un officier public[22]. L'intervention du notaire doit assurer un consentement éclairé de la caution.
Plusieurs textes imposent ces mentions.
● Sur le fondement de l'article 1326 du Code civil, la procuration sous seing privé pour se porter caution devra comporter la signature de celui qui souscrit l'engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres[23].
Le développement du droit de la consommation nous offre d'autres exemples.
● Selon la loi Neiertz du 31 décembre 1989, toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution d'un consommateur de crédit doit, à peine de nullité de son engagement, écrire de sa main une mention dictée par la loi lui expliquant le sens et la portée de son engagement (article L 313-7 du Code de la consommation). Si le cautionnement est solidaire, une mention manuscrite supplémentaire est prescrite (C. consom., art. L. 313-8 ). La jurisprudence impose ces mentions manuscrites sur l'acte de procuration sous seing privé[24].
● La loi pour l'initiative économique, dite loi Dutreil, du 1er août 2003, a étendu ces mentions manuscrites à tous les cautionnements souscrits par une personne physique au profit d'un créancier professionnel (C. consom., art. L. 341-2 et L. 341-3).
● On pourrait encore citer le cas du cautionnement pour garantir le paiement des loyers prévu par l'article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 relative aux baux d'habitation (article introduit par la loi du 21 juillet 1994).
La loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 dite de modernisation des professions judiciaire ou juridique consacre cette différence de nature entre l'acte sous seing privé et l'acte authentique. En effet, en vertu du nouvel article 1317-1 du Code civil, « l'acte reçu en la forme authentique par un notaire est, sauf disposition dérogeant expressément au présent article, dispensé de toute mention manuscrite exigée par la loi ».
Conclusion
Après ce survol de quelques problèmes soulevés par la procuration, un double souhait visant à renforcer l'authenticité peut être émis :
- d'une part, la liste des actes interdits aux clercs habilités devrait être complétée afin d'étendre le domaine où seul le notaire doit intervenir ;
- d'autre part, la procuration sous seing privé, à défaut de son interdiction, devrait devenir exceptionnelle dans la pratique notariale et, pour ce faire, il appartient au notaire de proposer, voire d'imposer, le recours à une procuration authentique, alors que celle-ci n'est pas obligatoire. La jurisprudence semble l'y inciter[25].
[1] C. Aubry et C. Rau et P. Esmein, Cours de droit civil français, t. VI, § 411 : LexisNexis Litec, 7e éd., 1961. - G. Baudry-Lacantinerie et A. Wahl, Traité théorique et pratique de droit civil, t. 24 : Librairie de la société du recueil général des lois et des arrêts 3e éd., 1907, n° 465. - Plus récemment, Ph. Malaurie, L. Aynès et P.-Y.Gautier, Les contrats spéciaux ; Defrénois, 5e éd., 2011, n° 563.
[2] Cass. civ., 7 févr. 1854 : DP 1854, 1, p. 49 ; S. 1854, 1, p. 322. - Cass. civ., 12 nov. 1855 : S.1856, 1, p. 254.
[3] CA Caen, 16 déc. 2003 (inédit) : Des époux ont conclu des actes d’acquisition et de prêt. La femme, séparée de son mari, le représentait à la signature desdits actes au moyen d’une procuration authentique. Or le mari n’était pas le signataire de la procuration authentique, une tierce personne s’étant rendue à l’étude du notaire. Le devoir de conseil auquel est tenu le notaire lui imposait de vérifier l’identité des parties afin d’assurer la validité et l’efficacité des actes qu’il rédige.
[4] En matière de mariage et de filiation :
- le consentement à un mariage (C. civ., art. 73) :
- la reconnaissance d’enfant naturel (C. civ., art. 335) ;
- le consentement à une adoption (C. civ., art. 348-3) ;
- le contrat de mariage (C. civ., art. 1394) et toute contre-lettre à un contrat de mariage puisque les changements apportés aux conventions matrimoniales avant la célébration du mariage doivent être passés dans les mêmes formes que le mariage lui-même (C. civ., art. 1396 al. 1er) ;
- la modification ou le changement de régime matrimonial (C. civ., art. 1397).
En matière de donation :
- le consentement à une donation entre vifs (C. civ., art. 931) ou une donation entre époux pendant le mariage, étant rappelé que les conditions de forme applicables aux donations entre époux sont, en l’absence de dispositions particulières à leur égard, celles des donations entre vifs ;
- le consentement à une donation partage (C. civ., art. 1075, al. 2 renvoyant à art. 931).
En matière de succession :
- l’acte de renonciation à exercer une action en réduction dans une succession non ouverte par un héritier réservataire présomptif (C. civ., art. 929 issu de la loi du 23 juin 2006) ;
- l’acte de révocation d’un testament (C. civ., art. 1035).
[5] L’article 10 du décret n° 71-942 du 26 novembre 1971 énonce que les notaires « ne peuvent établir, hors du ressort de la cour d’appel dans lequel l’étude est établie ou du ressort des tribunaux de grande instance limitrophes de celui dans le ressort duquel est établi l’office, des actes constituant la première mutation à titre onéreux de biens immobiliers ou la première cession de parts ou actions à titre onéreux d’une société d’attribution après un état descriptif de division ou un arrêté de lotissement ».
[6] Cass. 1re civ., 6 janv. 1994 : Bull. civ. 1994, 1, n° 6, p.5.
[7] Cass. 1re civ., 20 janv. 1998 : Bull. civ. 1998, 1, n° 21, p.14.
[8] CA Aix-en-Provence, 22 janv. 2004 (inédit) : Une société civile immobilière composée de deux associés a acquis un bien immobilier à l’aide d’un prêt. L’un des associés, gérant de la société, a revendu ce bien à un prix très inférieur au montant du prêt en utilisant un pouvoir sous seing privé, dont la signature s’est révélée être un faux.
La cour d’appel a estimé que le notaire, qui n’arguait même pas s’être livré à un quelconque examen, a commis une faute en se bornant à annexer le pouvoir à l’acte sans autre contrôle, alors que la vérification normalement diligente à laquelle il était tenu de procéder devait le conduire, eu égard à la nature même du faux (en l’espèce, un faux servile et grossier), à rejeter ledit pouvoir.
CA Paris 4 mars 2005 (inédit) : Une banque a accordé à une société civile immobilière un prêt garanti par le cautionnement de deux particuliers ayant donné une procuration sous seing privé. La banque a exercé des poursuites contre les cautions dont les mandats se sont alors révélés être des faux.
La cour d’appel a considéré qu’il appartenait au notaire de la banque de recueillir les signatures des cautions, d’autant qu’il avait participé activement à la recherche desdites garanties.
Elle a estimé qu’ en s’abstenant de vérifier que la procuration qu’il annexait à l’acte authentique présentait des éléments propres à assurer sa validité et son efficacité, le notaire a failli à son devoir et a commis une faute à l’égard de sa cliente.
[9] Par ailleurs, bien qu’aucune décision n’ait été rendue sur ce point, la doctrine admet que, lorsque le mandant est client à l’étude et y a signé personnellement un ou plusieurs actes, le notaire puisse comparer la signature figurant sur la procuration avec celle apposée antérieurement sur les actes conservés à l’étude.
[10] CA Paris, 30 sept. 2005, 15e ch. B, nº 08/02028 : JurisData n° 2005-284553 : Une banque avait consenti à une société civile immobilière un prêt garanti par le cautionnement de ses deux associés. L’un d’eux représentait l’autre en vertu d’une procuration dont la signature avait été en réalité imitée. Le notaire avait comparé cette signature à celle figurant sur les statuts de la société civile immobilière et sur les documents nécessaires au prêt.
[11] CA Montpellier, 23 févr. 2010 (inédit) : Après son divorce, un mari a vendu un bien dépendant de l’indivision post communautaire, à l’insu de son ex épouse en utilisant une procuration sous seing privé que celle-ci a contesté avoir signée.
La cour d’appel a considéré que le notaire qui devait vérifier la sincérité de la procuration sous seing privé qui lui était présentée, en se faisant communiquer des éléments de comparaison lui permettant de prendre parti sur ce point ou qui pouvait pour plus de sécurité faire signer la procuration dans son étude par le mandant après qu’il lui ait remis une pièce d’identité qu’il aurait annexée à l’acte ou qui pouvait encore demander que la procuration soit signée devant un autre notaire ou un officier d’état civil, a commis une faute en ne procédant pas à la vérification efficace de la signature sur l’acte litigieux.
[12] CA Montpellier, 23 févr. 2010, préc.
Cependant, la certification par une autorité indépendante n’exonère pas le notaire de sa responsabilité dès lors qu’il a des raisons de soupçonner le caractère erroné des pièces qui lui ont été présentées. Cf. Cass. 1re civ., 12 juill. 2007 (n° 06-13.553, inédit : JurisData n° 2007-040159) : postérieurement à son divorce, un mari a vendu un bien propre de son ex-femme au moyen d’une procuration apparemment légalisée par le maire de la commune et a encaissé le prix de vente, se prévalant d’un prétendu protocole d’accord qui aurait été passé entre les époux.
L’invraisemblance du contenu de ce protocole d’accord, qui prévoyait qu’en contrepartie de l’encaissement du prix le mari payait à l’épouse une somme très inférieure, et le contexte litigieux entre les ex-époux dont le notaire avait connaissance constituaient pour celui-ci deux raisons de soupçonner le caractère erroné des pièces qui lui étaient présentées.
La Cour de cassation a jugé que la présomption de légalité de tout acte administratif et l’exactitude des renseignements délivrés par l’administration n’exonère pas le notaire de sa responsabilité dès lors qu’il aurait eu des raisons de soupçonner le caractère erroné de cette information.
[13] Cass. 1re civ., 8 janv. 2009, n° 07-18.780 : JurisData n° 2009-04644, rejet ; Bull. civ. 2009, I, n° 1 ; JCP N 2009, 1280, p. 30, obs. Fr. Vauvillé ; JCP G 2009, I, 136, p.25, obs. Ph. Pétel). Une personne, représentée par un clerc de l’étude en vertu d’une procuration sous seing privé mentionnant sa profession de serveuse, a cédé ses droits indivis sur divers immeubles. Antérieurement à la vente la cédante avait exercé une activité de vente ambulante de petite restauration et faisait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire. Le liquidateur judiciaire ayant assigné les acquéreurs en inopposabilité de la vente, ceux-ci ont appelé en garantie la cédante et le notaire.
La Cour de cassation a jugé que, la cédante étant représentée par un clerc de l’office, il incombait au notaire de vérifier les déclarations qui lui étaient faites quant à la capacité de disposer de celle-ci et que faute d’avoir procédé avant la réception de l’acte à la consultation du BODACC, laquelle lui eût révélé l’ouverture d’une procédure collective, le notaire avait engagé sa responsabilité à l’égard des parties à l’acte.
[14] Cass. 1re civ., 12 mai 2011, n° 10-17.602 : JurisData n° 2011-008478 ; Defrénois Flash, 2011, n° 22, p. 16.
Par acte notarié, un professionnel en liquidation judiciaire, représenté par sa mère et présenté de manière mensongère comme ne faisant l’objet d’aucune procédure collective, a vendu la nue-propriété d’un bien à une société dirigée par son frère. Le mandataire judiciaire chargé de sa liquidation a engagé une action en inopposabilité contre l’acquéreur, lequel a recherché la responsabilité du notaire.
Pour débouter l’acquéreur de sa demande indemnitaire la cour d’appel constate d’une part, que le notaire n’avait aucun motif particulier de douter de la véracité des faits déclarés de manière mensongère par le mandant, qui s’était présenté comme salarié, d’autre part, que les membres de sa famille qui étaient intervenus à l’acte en représentation du vendeur ou de l’acquéreur, selon le cas, étaient tout particulièrement à même de connaître la situation d’insolvabilité de leur proche et son placement en liquidation judiciaire.
Après avoir rappelé le principe général à l’instar de l’arrêt précité, la Cour de cassation confirme que le notaire est cependant tenu en cas de représentation de cette partie par un mandataire, de vérifier, par toutes investigations utiles, spécialement lorsqu’il existe une publicité légale accessible, les déclarations faites au nom du mandant qui, par leur nature ou leur portée juridique, conditionnent la validité ou l’efficacité de l’acte qu’il dresse.
[15] Cass. 1re civ., 21 avr. 1971, n° 70-10.018 : Bull. civ. 1971, I, n° 125, p. 104.
[16] TGI Paris, 16 mai 2002 (inédit) : À l’occasion d’une vente immobilière, les notaires ont failli à leur obligation de conseil en n’attirant pas l’attention du vendeur sur les conséquences du maintien dans l’acte notarié d’une surface erronée et sur les risques ainsi encourus d’une action en réduction du prix, et ce d’autant que le vendeur n’était pas présent lors de la signature mais avait donné procuration à un clerc de l’étude.
[17] CA Aix-en-Provence, 9 janvier 2003 (inédit).
[18] TGI Paris, 16 mai 2002, préc.
[19] CA Montpellier, 20 oct. 1992 (inédit).
[20] TGI Perpignan, 1er oct. 2002 (inédit) : La clause de la procuration qui se borne à viser la loi Carrez sans en reproduire les dispositions a été jugée peu claire et imprécise. Pour les juges, il n’est pas démontré que les vendeurs en aient compris la signification et que leur attention ait été suffisamment attirée sur l’importance de la précision du mesurage.
[21] CA Aix-en-Provence, 26 avr. 2005 (inédit) : Des époux se sont portés cautions solidaires d’un prêt. Le notaire leur a adressé par courrier une procuration sous seing privé afin de les représenter à l’acte de prêt. Les juges ont considéré que, bien que tenu d’une obligation de conseil, le notaire n’avait cependant pas à adresser aux époux qui ne souhaitaient pas être présents à l’acte une notice juridique explicative des droits et des devoirs de la caution alors que les obligations auxquelles elles consentaient ressortaient suffisamment des mentions même de la procuration. En outre, il était loisible aux destinataires de ce courrier de se faire expliquer ou préciser les modalités de l’opération si une difficulté de compréhension leur apparaissait ainsi que le notaire le leur avait suggéré en indiquant qu’il se tenait à leur disposition pour tout renseignement. Le notaire n’a pas manqué à son obligation de conseil.
[22] Cass. com., 20 mars 1990 : Bull. civ. 1990, IV, n° 83. - Cass. 1re civ., 13 févr. 1996 : Bull. civ. 1996, 1, n° 79.
[23] Cass. 1re civ., 31 mai 1988 : Bull. civ. 1988, I, n° 163. - Cass. 1re civ., 27 juin 1995 : Bull. civ. 1995, I, n° 286 ; D.1996, p. 133, note Micha-Goudet, Defrénois 1996, p. 807, obs. L. Aynès.
[24] Cass. 1re civ., 8 déc. 2009, n° 08-17.531 : JurisData n° 2009-050704 : JCP N 2010, 1119, note J.-P. Garçon ; JCP G 2010, note 149, Ph Simler.
[25] CA Toulouse, 1re ch., 1re sect., 14 sept. 2009, nº 08/02028 (inédit) : Un notaire chargé du règlement d’une succession avait confié des investigations à un généalogiste qui a régularisé un contrat de révélation avec les héritiers. Ces derniers ont vendu les immeubles de la succession à l’aide de procurations sous seing privé. Les procurations de vendre étaient rédigées en termes généraux confiant au généalogiste, auquel le recours n’était plus nécessaire, de larges pouvoirs pour effectuer les actes de gestion et surtout de disposition sur les biens de la succession et encaisser le prix de vente. Elles émanaient de personnes âgées, à la signature peu assurée, et étaient signées à des dates différentes par des indivisaires qui ne se connaissaient pas. Le généalogiste a touché le prix de vente qu’il a détourné. Le notaire aurait dû recourir à des procurations notariées afin que les parties donnent leur consentement en toute connaissance de l’étendue de leurs engagements et des dangers qui en découlaient.
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