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Etude sur la conservation par le notaire des preuves fournies dans un procès par un témoin à distance

L’année dernière, l’Etude notariale Dongfang de Shanghai a authentifié à distance la conservation des preuves dans le cadre d’un procès lié à un contrat de travail. Monsieur Lin XX, témoin important dans un procès, parce que ne pouvant pas se rendre au tribunal pour témoigner, a demandé de pouvoir, avec l’approbation du tribunal, témoigner à distance devant le tribunal au moyen d’une vidéoconférence, et ce depuis l’étude notarial et sous la surveillance de notaires désignés. Finalement, à la suite de l’audition et suivant le témoignage de Lin XX et d’autres éléments de preuves, le tribunal a rendu un jugement en faveur de la partie plaignante.

Le recours au témoignage à distance à l’aide des moyens électroniques dans la pratique judiciaire en Chine a fait l’objet de rapport à de nombreuses reprises dans la presse, et ce pour différentes raisons. Tout d’abord, le taux de comparution des témoins devant les tribunaux reste encore faible en Chine ([1]), le témoignage à distance peut, dans une certaine mesure, faciliter le témoignage et encourager la comparution des témoins en cours d’audience. Or, l’intervention d’une étude notariale pour authentifier le cours d’un témoignage à distance constitue une grande première dans le pays. Considérée à première vue comme une innovation judiciaire, l’introduction de l’audition sous contrôle du notaire, comporte une dimension liée à la recherche juridique fondamentale et une dimension relative à la pratique judiciaire actuelle.      

 

I . L’intervention du notaire peut augmenter la force probante de l’acte du témoignage à distance

Le témoignage à distance auquel participe une étude notariale bénéficie d’une plus grande force probante comparée au témoignage à distance fourni directement par le témoin par voie électronique.

 

1. Confirmer l’identité du témoin

La confirmation de l’identité du témoin est la condition préalable pour juger de la véracité du témoignage et la condition principale de sa comparution devant le tribunal. En tant que tiers neutre, le notaire peut, en ayant recours à une série de procédures notariales telles que l’entretien préalable, la vérification des pièces d’identité, confirmer objectivement ces conditions préalables à la qualité de témoin, telles que  l’identité, sa capacité civile, etc.        

 

2. Garantir dans une certaine mesure la véracité du témoignage 

En cas de témoignage à distance sans participation du notaire, la technique de transmission et d’envoi de vidéo permet de résoudre le problème de l’identité du témoin jusqu’à un certain point, mais du fait que le témoin se trouve dans un lieu séparé de la salle d’audience, il peut subir des pressions venant de l’extérieure au cours du témoignage ou son témoignage peut comporter une certaine dose de désinvolture dans le cadre familier choisi par le témoin lui-même et où il se sent libre. Il s’agit là des problèmes majeurs que l’on rencontre généralement dans le cadre du témoignage à distance. Par conséquent, « la Loi de procédure civile » dispose que le témoin doit comparaître devant le tribunal pour témoigner. ([2]) « Les Règlements sur les preuves dans le cadre de la procédure civile » de la Cour populaire suprême ont aussi disposé que le témoin doit comparaître devant le tribunal et répondre aux interrogatoires. Les Règlements ont défini sept cas particuliers dispensant de la comparution des témoins à l’audience. ([3])

Mais la situation est différente en cas de participation d’un organisme notarial. Prenons le cas susmentionné, les notaires demandent d’abord au témoin de venir dans un espace relativement clos à l’intérieur de l’étude. Avant que le tribunal ne commence à interroger le témoin, les notaires contrôlent l’identité de ce dernier, présentent le lieu où il se trouve, c’est-à-dire dans une salle de réception de l’étude ainsi que les personnes présentes, à savoir deux notaires et un technicien du réseau informatique de l’étude. Cela permettra de réduire au maximum les risques de perturbations durant le témoignage à distance. Et la présence des notaires qui surveillent le témoin en exercent leur mission légale d’authentification apportent plus de solennité au lieu où se déroule le témoignage. Ce caractère sérieux dans la procédure réduira dans une certaine mesure la désinvolture que le témoin pourrait adopter dans un espace libre. Comme le témoignage à distance se déroule entièrement à travers le réseau de communication fourni par l’étude, cela garantit la maîtrise technique sur le réseau et donc la non altération du contenu du témoignage à distance à un niveau certain.      

Par conséquent, la participation de l’organisme notarial dans le cadre du témoignage à distance peut de fait réduire sensiblement le manque d’objectivité ou de véracité du témoignage, susceptible de se produire à cause de la séparation dans l’espace entre le témoin et la salle d’audience.  

 

3. Le statut juridique d’un établissement notarial et sa mission d’authentification renforcent la force probante conférée au témoignage à distance.

Sans la présence des notaires, il n’y a que le juge qui puisse juger, à travers la vidéo qu’il regarde, de la situation du témoignage. Même si le témoin est accompagné de son avocat ou de tierces personnes qui peuvent attester sur la situation dans laquelle se déroule le témoignage, leur attestation a moins de force probante que celle apportée par un établissement notarial.

Comme la notarisation est l’activité qui, atteste conformément à une procédure légale, de l’authenticité et de la légalité des actes juridiques, des faits et des documents ayant une portée juridique ([4]), les comportements juridiques civils, les faits et les documents ayant portée juridique passés devant notaire bénéficient d’une force probante particulière, qui est reconnue directement par le juge au cours d’une procédure, sauf  en cas de preuve contraire suffisant pour renverser cet acte notarié.([5])

C’est pourquoi les faits juridiques notariés ont une force probante supérieure aux preuves ordinaires. Ceci parce que l’instrumentation d’un acte authentique doit se conformer aux critères de vérité et de légalité fixés par le droit substantiel et le droit procédural. Le fait qu’un acte authentique réponde à des exigences strictes tant sur le contenu que sur la forme, le différencie d’un acte sous-seing privé et crée un effet juridique propre à l’acte authentique. Par ailleurs, l’établissement notarial engage sa responsabilité et assure l’indemnisation des parties s’il est démontré que des actes erronés en raison d’une faute commise par ses notaires ont été produits ([6]). C’est la raison pour laquelle le témoignage à distance effectué sous la surveillance d’un établissement notarial bénéficiera d’une plus grande force probante sur le plan procédural.  

 

II. Questions de droit liées à l’intervention notariale dans le témoignage à distance

Comme démontré précédemment, l’intervention notariale sert à garantir l’authenticité de l’acte du témoignage à distance. Mais une série de questions de droit se posent si on réfléchit profondément sur l’authentification notariale durant le procès.   

1. Contenu de l’authentification notariale : surveillance sur place ou conservation des preuves ?

Sur le plan théorique, la surveillance sur place et la conservation des preuves sont deux notions différentes. La conservation des preuves constitue une catégorie des activités menées par les notaires ([7]) tandis que la surveillance sur place est une formule consacrée par l’usage notarial qui se réfère à une méthode de travail. Mais dans le monde notarial, on croit généralement qu’il est assez important dans la pratique de faire une distinction entre les deux ([8]).

Il existe encore une polémique au sujet de la nature de l’intervention notariale pour le cas susmentionné : s’agit-il de la surveillance sur place ou de la conservation des preuves ? La particularité du témoignage à distance est que la conservation des preuves se déroule en même temps que le procès, le témoignage apporté par le témoin à l’aide des moyens de transmission électronique devient déjà un des éléments du jugement pour le juge, dès qu’il est fourni. Puisque la preuve apportée par le témoigne et la conservation de celle-ci par les notaires apparaissent simultanément devant le tribunal, à quoi sert-il de la conserver encore ? Ou même si les notaires conservent ledit témoignage, l’acte authentique délivré par l’établissement notarial après le procès consistera en une réitération des preuves. De plus, le recours aux techniques appropriées permet d’étendre l’espace du tribunal jusqu’à la pièce où se trouve le témoin, située dans l’établissement notarial, que nous appelons pour le moment « espace du tribunal étendu ». Au niveau de la forme, on a plus l’impression que les notaires participent à un événement dynamique pour surveiller et attester les faits qui ont lieu dans l’ « espace du tribunal étendu » où ils se trouvent. De ce point de vue, le travail des notaires s’apparentent davantage à de la surveillance sur place.

Mais la différence la plus fondamentale entre la surveillance sur place et la conservation des preuves est que la première vérifie si les activités se déroulent selon les règles ou procédures préétablies de manière à assurer la validité du résultat final desdites activités, tandis que la seconde vise davantage à fixer les preuves susceptibles de disparaître ou difficiles à prélever plus tard, ou à authentifier la méthode d’acquisition des preuves de la part du requérant.      

Par conséquent les résultats de ces deux types d’authentification ne sont pas identiques. Pour la surveillance sur place, le résultat atteste que les actes accomplis par la partie se conforment à la législation concernée, aux règles régissant les actes en question, et que ce qui est ainsi obtenu est véridique, légal et effectif. La conclusion dans ce cas-là est concrète, claire, permettant de déterminer directement la nature de l’affaire. Le résultat qui ressort de la conservation des preuves certifient par quels actes la partie a obtenu des preuves ou a fixé quelles preuves. Ce résultat ne détermine pas directement la nature de la preuve, car c’est à l’organe judiciaire de dire si les preuves obtenues par la partie confirment globalement ou juste une partie des faits à vérifier et s’il existe une corrélation entre les preuves et les faits à vérifier : cela ne relève pas de la compétence notariale.

Dans le cas précité, l’établissement notarial ne peut absolument pas juger de la validité du résultat du témoignage, encore moins se prononcer sur l’effet qu’il pourra produire dans le procès. La conclusion d’un acte notarié sert d’avantage à prouver la véracité de l’acte de témoignage, par conséquent, l’intervention notariale dans notre cas précis doit être considérée comme la conservation des preuves.     

 

2. Objet de la conservation des preuves et formes des preuves par le notaire

En raison des différences établies ci-dessus, on peut conclure que l’intervention notariale se situe dans le domaine de la conservation des preuves ; et donc il convient d’approfondir la réflexion sur l’objet de la conservation : le témoignage ou le déroulement de l’audience ?    

Sur le plan formel, les notaires effectuent la conservation des preuves relatives à l’acte du témoignage, de ce fait, cette conservation semble porter sur le témoignage. Mais comme cela a été montré auparavant, lorsque le témoin témoigne en présence des notaires, son témoignage est envoyé simultanément à la salle d’audience à l’aide du réseau de transmission et devient un des éléments de l’établissement de la décision du juge. Dans ce cas-là, la conservation du témoignage n’a plus grande importance. 

Par ailleurs, en témoignant dans l’« espace du tribunal étendu », le témoin participe en fait à l’audience, car la déposition du témoin se fait par rapport aux questions posées par le juge, le plaignant et l’avocat de la défense, dans un processus interactif. C’est pourquoi la conservation a pour objet le déroulement de l’audience dans l’« espace du tribunal étendu ». Comme l’établissement notarial enregistre par une caméra digitale le déroulement complet de la déposition faite par le témoin via le réseau de transmission et qu’en même temps un logiciel enregistre le dialogue vidéo qui s’affiche sur l’écran de l’ordinateur de l’établissement notarial, avant de les graver sur un CD-Rom, lequel sera apporté par la partie au tribunal comme annexe de l’acte authentique, la forme de ces preuves présentées au juge sont finalement un document audiovisuel notarié.        

 

III. La conservation des preuves par le notaire peut ne pas se limiter à avant la procédure

Chacun sait que la mission sociale du notariat est la prévention des litiges. Le caractère non contentieux du notariat conduit beaucoup de personnes à penser que toutes actions notariales y compris la conservation des preuves ont lieu avant le procès. Par exemple, certains chercheurs définissent la conservation des preuves notariées comme l’activité par laquelle l’établissement notarial, à la demande d’un citoyen, d’une personne morale ou d’autres organismes, vérifie et prélève les preuves ayant un lien avec leur affaire et susceptibles de disparaître ou difficiles à prélever plus tard afin de maintenir leur véracité et leur force probante ([9]).               

Or, le caractère non contentieux du notariat doit s’entendre comme désignant le fait que l’établissement notarial ou les notaires ne participent pas au procès en tant qu’intervenant ni comme conseil de l’une ou l’autre des parties en cause. En réalité, le système notarial et celui de la procédure civile sont indépendants. L’indépendance du dernier n’est plus à démontrer ; quant au premier, l’article 6 de la « Loi du notariat de la République populaire de Chine » dispose que « l’établissement notarial est un établissement d’attestation créé conformément à la loi et sans but lucratif, qui, conformément à la loi, exerce indépendamment les fonctions notariales et assume la responsabilité civile. » Cette indépendance est basée sur le fait que le notariat est un système juridique et procédural d’attestation para-judiciaire combinant un certain nombre de procédure et d’étapes, dans le respect de la Loi du notariat, des Règlements sur la procédure notariale ainsi que d’autres textes juridiques et normatifs ([10]). En plus le principe de neutralité contribue aussi à cette indépendance, car les notaires doivent traiter l’affaire notariale de manière impartiale et neutre.

  Par conséquent, le notariat appartient au système d’attestation juridique non contentieux tandis que le procès relève du système judiciaire et d’exécution. On peut dire que le premier a pour mission d’apporter au dernier une coopération potentielle et même réelle ; et le dernier peut assurer fortement l’accomplissement des effets notariaux. ([11])

  

Ayant compris l’indépendance et la complémentarité entre le système notarial et celui de la procédure, il est évident que l’indépendance notariale n’est pas fonction du moment où interviennent les notaires, avant ou durant le procès. L’indépendance du notariat, à l’instar de celle du procès, est déterminée par la nature du système juridique ; à priori, il n'y a pas de préséance dans le temps entre les deux. Bien au contraire, cela élargit le domaine d’attestation notariale et incarne mieux la valeur sociale du notariat dans la prévention et la résolution des litiges.  



[1] Zhang Zetao : « Analyse de la situation actuelle sur le comparution des témoins devant le tribunal et réflexions sur les mesures à prendre », in « Forum sur la Science des Preuves », volume 2, pp. 486-487.

[2] Voir l’article 70 de la Loi de procédure civile.

[3] Voir les articles 55 et 56 des « Règlements relatifs aux preuves dans la procédure civile » de la Cour populaire suprême.

[4] Voir l’article 2 de la Loi du notariat.

[5] Voir l’article 67 de la Loi de procédure civile et l’article 9 des « Règlements relatifs aux preuves dans la procédure civile » de la Cour populaire suprême.

[6] Voir l’article 69 de la Loi du notariat.

[7] Voir l’article 11 de la Loi du notariat, lequel a inscrit la conservation des preuves comme une des matières notariales.

[8] Voir Zuo Yanqin, « Analyse du concept de la surveillance notariale sur place », in « Notariat chinois », No. 7, 2005.

[9] Tian Jingchun, « Règlements de procédure du notaire », Editions Jilin, 2002, p.122.

[10] L’article 67 de la Loi de procédure civile stipule clairement que « les comportements juridiques civils, les faits et les documents ayant portée juridique passés devant notaire, doivent être reconnus par le juge comme preuve dans l’établissement des faits, à moins des preuves contraires suffisant pour renverser l’acte notarié. »

 

[11] Yang Rongyuan, Tian Shuyong, « Etudes sur le système notarial et celui de procédure civile », in « Juridiction chinoise », No.6, 2006.     

 


 

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