À l’invitation du Conseil supérieur du Notariat français, la délégation notariale chinoise, composée de 20 membres, conduite par Monsieur HE Zhonglu, chef de l’administration notariale du Bureau de la Justice de la province du Hunan, directeur adjoint de l’Association notariale de Hunan et membre de l’Association notariale chinoise, a effectué une formation du 4 au 23 septembre en France.
Le Centre sino-français a minutieusement organisé la formation et notre séjour en France. À travers la visite, la formation et les échanges, nous avons acquis une connaissance directe et profonde du système notarial français, lequel, avec un développement de plus de 300 ans, dispose d’un régime mûr et cohérente et constitue ainsi un pilier important pour la stabilité sociale et le développement économique sain. Au fur et à mesure, le renouvellement continuel et les progrès de la pratique notariale traduisent encore plus la vitalité et l’excellence du régime. Ce qui suit est un résumé du contenu de cette formation et observation :
1. Régime mûr et cohérent
Le système notarial français moderne issu de la Loi de Ventôse 1803 a évolué au cours des 200 dernières années pour aboutir aujourd’hui à un système mûr et cohérent. Cela se caractérise par une procédure notariale éprouvée, la mise en place d’un régime de responsabilité stricte et transparent, ainsi qu’un régime d’indemnisation minutieux basé sur la Caisse de garantie collective. Pour illustrer la maturité du système en place dans le notariat français nous verrons en détail le système d’accès à la profession (a) la formation continue (b), le régime complémentaire de retraite (c).
a. Le système d’accès à la profession de notaire.
En France, les conditions d’accès à la profession notariale se révèlent rigoureuses.
En général, il faut suivre des études de longue durée, un stage, des examens pour être qualifié. Deux voies d’accès sont possibles : l’une dite voie normale l’autre voie spéciale.
La plupart des notaires obtiennent leur qualification par la voie normale. Chaque lycéen ayant obtenu le baccalauréat, diplôme sanctionnant l’enseignement élémentaire, peut suivre à l’université des études de droit. Au terme d’un cursus de 4 années et de l’obtention d’un Master I dans une université de droit, il peut soit être admis à suivre un master 2 de droit notarial dans une université soit intégrer une formation professionnelle dans une école. Il est à noter qu’environ 2/3 des étudiants inscrits en première année de droit sont éliminés avant d’avoir obtenu le diplôme de master 1.
La voie spéciale permet l’accès à la profession aux praticiens du droit tels que les collaborateurs des offices par le« recrutement interne » ou les autres professionnels du droit tels les professeurs, magistrats, avocats... « Recrutement parallèle » après qu’ils aient démontré leurs aptitudes professionnelles et sur avis du Conseil supérieur du Notariat français. Tous les notaires sont désignés par décret du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice. Cependant, ceux qui sont qualifiés de cette manière sont peu nombreux.
b. Le système de formation continue des notaires.
À la différence du système chinois, la formation continue des notaires français se caractérise par la mise en place de plateformes de formation à différents niveaux, la diversité des contenus dans un cadre contraignant. La loi promulguée en 2010 dispose que 30 heures de formation constituent une obligation légale pour les notaires (et les clercs). La formation professionnelle des notaires est passée d’une règlementation interne à un régime légal.
En France, la formation est premièrement organisée par le Conseil supérieur du Notariat français qui crée des plates-formes de formation au sein de la profession. La plus importante est l’Université du Notariat. Cette « université », non pas au sens habituel du terme, est un programme de formation organisé par le Conseil supérieur du Notariat, et destiné aux notaires français et internationaux. Notre délégation a suivi, à Poitiers, une formation de 3 jours portant sur le régime de formation des notaires, le régime matrimonial du point de vue du droit international privé, le Droit des successions français, la procuration notariale internationale et l’acte électronique.
En plus des notaires venant des différentes régions de France, il y avait également des notaires russes, polonais, roumains, nigérians et algériens.
Ensuite, il s’agit de la formation au niveau régional. Les études notariales de toute la France sont regroupés en différentes centres selon les régions. Chaque année, les instances régionales organisent une session de 1 ou 2 jours. Ce genre de formation demande que les études concernées soient fermées lors de la formation à laquelle tous les notaires et les clercs doivent assister. Il faut, dans ce cas, annoncer en avance dans les journaux locaux la date et le motive de cette fermeture.
Troisièmement, il y a un Centre de formation créé par l’Association du notariat au niveau départemental pour faciliter la formation des notaires de ce département. Les cours sont organisés régulièrement et les notaires peuvent les choisir librement.
Quatrièmement, le Centre de formation destiné aux étudiants en droit notarial organise maintenant aussi des cours pour des notaires en fonction.
Cinquièmement, le Congrès des notaires constitue également une plate-forme importante de formation pour la profession notariale. Les organisateurs du congrès déterminent en amont un sujet d’actualité qui donnera lieu à des travaux en commissions, et à l’établissement final d’un rapport. Les résultats des discussions jouent un rôle promoteur dans les amendements des lois ou de la réglementation professionnelle en vigueur.
La sixième plate-forme importante est le Centre de Recherches d’Informations et de Documentation notariale (CRIDON). Ces Centres, créés depuis 1965, sont dotés d’une personne morale indépendante. Leur vocation première était d’aider les notaires à résoudre les problèmes juridiques dans la pratique quotidienne. Actuellement, ils ont pour mission principale d’effectuer la consultation et la formation auprès des notaires de leurs ressorts.
La grande diversité des plates-formes de formation et des cours dispensés donnent aux notaires une grande liberté de choix dans l’exécution de cette obligation. Néanmoins, la mise en pratique de ce régime est très stricte : les notaires qui n’ont pas reçu une formation de 30 heures s’exposent à des sanctions disciplinaires. Alors, les notaires français, afin de remplir cette obligation légale, assistent le plus possible aux formations de différents niveaux. Grâce à des cours répétés les notaires renouvellent sans cesse leurs connaissances ce qui permet une grande stabilité voire même une amélioration permanente des compétences.
c. Le régime de retraite des notaires
Si la loi accorde un statut respectueux et remarquable aux notaires français, le régime de la retraite constitue la garantie ultérieure de ce statut et de cette position. Cela est le point d’orgue de la carrière notariale.
La retraite des notaires est composée de deux parties : la retraite de base accordée à tous les professionnels libéraux d’une part, le système de retraite complémentaire créé au sein de la profession notariale, d’autre part.
En général, la pension de retraite de base issue du régime générale constitue 15 % des revenus d’un notaire retraité, le reste des versements provenant de la partie complémentaire.
Pour la profession, la défense des intérêts des collaborateurs (clercs, comptables, secrétaires) est aussi importante. C’est pourquoi un système complémentaire de retraite qui leur est destiné est mis en place en plus du régime général de droit commun. Les notaires consacrent 4% de leur revenu à la retraite complémentaire de leurs assistants. Ce système montre l’engagement humain de la profession à préserver les intérêts de l’ensemble des salariés. D’autre part, cela encourage les notaires à apprécier et à respecter leur métier. Cela a également pour effet de contenir la poursuite exagérée des avantages purement économiques. Les notaires sont poussés ainsi à accorder l’attention à la qualité du service et aux demandes légitimes des parties.
2. Le pilier qui assure la stabilité sociale
Selon le Code civil, les transactions immobilières doivent obligatoirement être authentifiées par les notaires. Tout acte juridique constatant une transaction immobilière est soumis par le notaire à des formalités de publicité foncière. En France, le système du notariat constitue un gage de sécurité des transactions et de stabilité sociale. Nous observerons le rôle stabilisateur du notariat dans le cadre du droit rural (a) puis dans le régime du droit des successions (b) pour terminer par le régime de la protection du patrimoine historique (c).
a . Les relations entre le notariat et le Droit rural
Le droit rural français est un ensemble de règles vaste et complexe qui regroupe aussi bien la règlementation liée à la gestion des exploitations agricoles, la protection de l’environnement que l’agriculture a proprement parlé. Les notaires jouent un rôle d’équilibre et de garantie dans la sécurité juridique de ceux qui travaillent dans le secteur agricole.
D’abord, dans les transactions des terrains, les notaires occupent une place prépondérante. Ils sont chargés de la rédaction des actes et de procéder aux mesures de publicité de la transaction.
Ensuite, dans l’élaboration des baux ruraux, les notaires jouent également un rôle important. Il n’y a que les notaires qui peuvent rédiger et authentifier les contrats de location des terrains de longue durée. Et pour ces contrats de location qui ont une durée supérieure à 12 ans, ils doivent faire l’objet de publicité foncière sous la responsabilité du notaire.
Troisièmement, la loi française établit un système de servitude permettant la protection des intérêts privés ou publics. Les servitudes sont rédigées par les notaires et donnent lieu à des mesures de publicité. Elles sont liées au fonds grevé et non au propriétaire du fonds. Lors de la rédaction d’une transaction ou d’un bail, il appartient au notaire de faire des recherches sur les éventuelles servitudes liées au fond cédé. Dans le but d’informer les futurs acquéreurs ou locataires des droits et obligations liées au fonds et leur permettre de contracter en connaissance de cause. C’est pourquoi on peut dire que les notaires jouent un rôle essentiel dans la protection des droits de servitude des intérêts publics.
Quatrièmement, dans la protection de l’environnement rural, la déclaration, l’examen et l’approbation des activités agricoles qui ne sont pas ouvertes, l’exploitation des terrains dans les zones de protection naturelle, la délivrance de subventions du gouvernement destinées à l’agriculture biologique, les notaires assument aussi une fonction.
Dans le droit rural français, le notaire, est un défenseur de la justice. On peut dire que dans le système de droit rural français le notaire est un défenseur important d’un droit juste et équilibré. Dans ce secteur, les notaires en globalisant, analysant, équilibrant et clarifiant toutes les relations juridiques des dossiers où ils interviennent, et en mettant en place les servitudes, assure la bonne exécution et la réalisation effective de tous les droits. C’est peut-être, l’idéal de justice que tous les juristes recherchent.
b. Le notariat et la succession.
En France, le traitement des successions est une activité importante pour les notaires. Dans les cas sans conflit, il n’y a que les notaires qui peuvent s’occuper des affaires de succession. Les actes concernés sont uniquement reçus par les notaires. La Cour ne peut intervenir que lorsqu’il y a un procès.
Grâce au travail minutieux et complet des notaires dans le règlement des successions, le nombre des procès en la matière est largement réduit. Le notaire garantit ainsi l’harmonie familiale et la sécurité juridique du patrimoine.
c. Le notariat et la protection du patrimoine historique.
La commune de Versailles, située dans l’Ouest parisien, a été construite aux alentours du Château de Versailles. La plupart des immeubles datent des 17e et 18e siècles. L’étude que nous avons visitée se trouve dans un ancien immeuble construit au 18e siècle.
La France attache une grande importance à la protection et la conservation du patrimoine historique et culturel. Dans la transformation des villes, on démolit rarement les anciens immeubles. Des règles de droit spécifiques prévoient la transmission et la succession du patrimoine historique et culturel.
Lors de sa présentation, Maître Savouré nous a informé que les notaires de la commune de Versailles, lors d’une transaction immobilière, commencent par vérifier si l’immeuble concerné entre dans le cadre de la règlementation sur la protection du patrimoine historique et culturel.
Si l’immeuble fait partie de ceux qui doivent être protégés, les notaires doivent informer les parties des limitations en matière de décoration et de transformation du bien qu’ils convoitent et leur indiquer les démarches pour obtenir l’approbation du projet. D’autre part, les notaires doivent mener une enquête sur les éventuels travaux antérieurs à la transaction qui n’auraient pas donné lieu à autorisation. S’il y a des transformations ou des décorations sans autorisation, le notaire doit informer les parties qu’ils doivent procéder aux formalités.
Lors du règlement d’une succession, s’il y a des tableaux, des antiquités figurant dans le patrimoine du défunt, le notaire doit informer les héritiers qu’ils peuvent acquitter leurs droits de succession en offrant à l’Etat une œuvre d’une valeur équivalente (cette procédure se nomme la dation). Ce qui permet au patrimoine français de rester sur le territoire national et dans le patrimoine public.
3. Le développement : se dépasser
Pendant la visite d’une étude située sur le Quai Voltaire à Paris, nous avons été attirés par les imposantes armoires en bois placées contre les quatre murs de la grande salle au rez-de-chaussée. Ces armoires brun foncé, aussi hautes que des murs montrent la sérénité et l’élégance avec laquelle le notaire conserve la trace du temps. Au cours de l’entretien, le notaire nous a montré que cette étude fait partie des 40 plus anciennes études de France et que les armoires tricentenaires sont toujours utilisées.
En France, bien que le notariat soit une profession ancienne, elle n’est pas pour autant inerte. Son énergie et son dynamisme sont constants à travers les siècles. À l’image des propos tenus par le Président de la chambre des notaires de Tours : nous sommes sans cesse en quête de progrès et d’évolution.
Un notaire de l’étude sur le Quai Voltaire nous a cité un exemple : Nous pourrions prendre pour exemple, le fait qu’en 2001, alors que la France attendait le changement de monnaie et le passage à l’euro, les notaires ont commencé à inscrire dans les actes les prix en euro et en franc. Ce détail montre que le notariat français ne suit pas l’ornière de la routine, la tradition et l’histoire. Et que son engagement dans la protection des traditions ne l’empêche pas de mener à bien son processus de développement.
a. Le projet sur l’acte électronique
À partir de juin 2011, le Conseil supérieur du Notariat a lancé dans l’ensemble de la profession notariale française le projet sur l’acte électronique. La signature électronique, la documentation électronique et la publicité électronique seront réalisées dans toutes les études. Cela signifie que le notariat français va abandonner progressivement les actes sur support papier pour entrer dans l’ère du tout numérique.
b. La mise en place d’un Fichier Central des Dispositions de Dernières Volontés.
Au début des années 70, des notaires ont créé le Fichier Central des dispositions de dernières volontés. Selon le principe de la liberté testamentaire, un testateur peut établir et modifier ses volontés devant le notaire de son choix. Afin d’empêcher toutes ignorance ou révélation tardive de cet acte lors du traitement d’une succession par un notaire, la France s’est dotée d’un fichier central accessible par les notaires regroupant l’ensemble des actes notariés liés à l’établissement ou la modification d’un testament.
Le fichier central des dispositions de dernières volontés a évolué pour être aujourd’hui complètement dématérialisé, il contient environ dix-huit millions d’actes, et a donné lieu à plus de cinq cent mille recherches dans la base de données en 2010.
La mise en place du projet sur l’acte électronique et le développement de l’enregistrement dans le Fichier des testaments constituent un pas dans la modernisation du notariat français.
Pour un régime mûr et cohérent comme le notariat français, le développement et le dépassement sont sans aucun doute sains et salutaires.
Nous sommes repartis de France depuis Nice et la côte méditerranéenne sous un ciel bleu azur. Cette formation d’une dizaine de jours nous a permis de connaître un peu plus le cadre du notariat français. La Chine et la France sont toutes deux membres de l’Union Internationale du Notariat. Quant au notariat français, il y a beaucoup de domaines qui nous inspirent et auxquels nous pouvons faire référence. Le notariat chinois connait un renouveau depuis une trentaine d’année et il existe des problèmes qui se règleront à force de réflexions et de pratiques « sans accumulation de petit pas on ne peut parcourir mille lieues ». Pour nous, chaque recherche, qu’elles réussissent ou échouent, constitue des pavés sur le chemin de notre développement. Nous continuerons à exercer notre profession pour un jour atteindre notre idéal.
Le 30 septembre 2011
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