La donation-partage, autrefois dite aussi partage d’ascendant, n’est plus réservée aux seuls enfants et petits-enfants. Depuis la loi du 23 juin 2006, elle peut intervenir entre toute personne et ses héritiers présomptifs, par exemple un oncle ou une tante et ses neuves et nièces. Mais la réforme de 2006 lui a donné d’autres vertus, notamment la possibilité d’être « transgénérationnelle » avec intervention des petits-enfants prenant la place et la part, totale ou partielle, des enfants ou de l’un deux, avec naturellement l’accord de ceux-ci. Combinée avec les libéralités graduelles et résiduelles (voir p. 19), la donation-partage permet de trouver une solution dans diverses situations que nous avons évoquées dans Conseils, notamment en cas de famille recomposée ou de présence d’un enfant handicapé (voir encadré).
Un effet essentiel et une intéressante possibilité
L’avantage déterminant de la donation-partage, dès lors que certaines conditions sont réunies, est que les libéralités qu’elle contient ne sont plus à prendre en compte lors de la succession du donateur. Moins fréquemment, mais de façon très utile, la donation-partage permet de revenir sur ce qui a été déjà fait, de rebattre les cartes en quelque sorte afin que la transmission du patrimoine soit faite en considération de la nouvelle situation personnelle et patrimoniale de la famille.
Les difficultés des donations isolées
Lorsqu’une personne a plusieurs enfants, les donations qu’elle a pu consentir à l’un ou à l’autre doivent être prises en compte lors du décès. Si la donation a été faite en avancement de part successorale, ou comme on disait autrefois en avancement d’hoirie, elle doit être imputée sur la part de réserve héréditaire du donataire et, si nécessaire, sur la quotité disponible.
C’est ce que l’on appelle le rapport des donations. Dans tous les cas, il faut vérifier qu’elle n’entame pas la réserve des autres héritiers. Le problème est de savoir pour quel montant la donation doit être rapportée ou évaluée pour une réduction éventuelle.
Depuis 1937 et avant 1971
Le régime du rapport ou de la réduction a évolué dans le temps. Une réforme simplificatrice était intervenue en 1937. Les donations immobilières étaient reprises pour leur valeur au jour de la donation, c’est-à-dire le plus souvent pour la somme indiquée dans l’acte. Du fait de l’inflation, le système s’est révélé pernicieux ; on a parlé de comédie arithmétique ! La loi du 3 juillet 1971 est revenue, pour l’essentiel, à la règle du code Napoléon : pour le rapport et la réduction, le bien donné est évalué au jour du partage ou du décès d’après son état au jour de la donation. C’est plus juste, mais parfois fort complexe.
L’état du bien au jour de la donation
La prise en compte de l’état du bien au jour de la donation a pour but de laisser au donataire le profit des améliorations qu’il a pu apporter au bien et de lui faire supporter la charge des dégradations dont il est responsable. On fait comme si le bien était resté entre les mains du donateur. On pourrait donner de multiples exemples, comme celui d’une maison améliorée par le donataire sans qu’il puisse justifier des sommes dépensées, celui d’une commode ancienne restaurée par les soins et aux frais du donataire, celui d’un terrain sur lequel le donataire a édifié une maison.
La donation d’une entreprise
La donation d’une entreprise illustre parfaitement la difficulté qui prend alors une ampleur insoupçonnée. Le père ayant trois enfants donne son entreprise, individuelle ou en société, à son fils qui prend sa suite. Celui-ci la fait prospérer et y investi des fonds importants. Lors du décès, dix ou vingt ans après, l’évaluation de l’entreprise est source de difficultés presque insurmontables en cas de désaccord. La plus-value résulte-t-elle du travail du donataire, ce travail dépasse-t-il ce qu’aurait fait le donateur, le développement de l’affaire a-t-il pour cause l’évolution économique, celle du quartier, ou est-elle le fait du donateur ? Autant de questions auxquelles il fort délicat de répondre.
La donation-partage règle le problème
Il n’est pas nécessaire d’évaluer lors de la succession les biens transmis par donation-partage lorsque les conditions suivantes sont réunies : tous les héritiers présomptifs acceptent la donation-partage, reçoivent une part au moins égale à leur réserve héréditaire, et il n’est pas donné de somme d’argent avec réserve d’usufruit par le donateur. En ce qui concerne les biens donnés, la succession est réglée ; il n’y a pas lieu d’y revenir. Si l’on songe aux difficultés du rapport et de la réduction, on comprend que la donation-partage est un moyen de transmission patrimoniale incomparable.
Les libéralités antérieures
La réglementation existant depuis 1971 comporte aussi une très intéressante possibilité. A la donation-partage, on peut incorporer des biens précédemment donnés, en modifier éventuellement les modalités, transformer une donation hors part successorale en donation en avancement de part successorale, attribuer le cas échéant un bien à un autre héritier que le donataire. C’est un moyen d’adapter la transmission du patrimoine aux circonstances nouvelles, un procédé qui assure ce que l’on appelle la réversibilité des actes. Sous ce terme un peu vague, on désigne la possibilité de revenir sur ce que l’on a fait tout en respectant le principe « donner et retenir ne vaut ». Naturellement, cela ne peut se faire qu’avec l’accord des ceux qui ont bénéficié des donations antérieures et qui doivent intervenir à l’acte de donation-partage. Les dons manuels, source de multiples problèmes, peuvent aussi être régularisés.
Changement du chef d’entreprise
Là encore, de multiples exemples pourraient être donnés : changement de résidence de l’attributaire d’une maison, modification de la situation professionnelle d’un héritier, accident réduisant l’autonomie d’un autre. Reprenons les cas de l’entreprise déjà évoqué à propos d’une donation simple ou isolée. Supposons que l’attributaire ne puisse plus exercer ses fonctions de dirigeant et qu’un autre enfant puisse prendre sa place. La liberté déjà réalisée, éventuellement dans le cadre d’une précédente donation-partage, est reprise dans la donation-partage ; l’entreprise est attribuée à l’enfant qui est en mesure de la diriger et à l’ancien chef d’entreprise, on attribue d’autres biens, éventuellement ceux qu’avait reçus le nouveau dirigeant.
Des règlements successifs
Une succession peut ainsi faire l’objet de plusieurs règlements qui sont inattaquables si les conditions légales sont remplies. Une application pratique peut être évoquée. Lorsque les époux changent de régime matrimonial pour adopter la communauté universelle avec attribution intégrale au profit du conjoint survivant, les enfants risquent de perdre les abattements et les taux réduits des droits de succession puisqu’ils recueillent tous les biens dans la seule succession du survivants (Mémo de Conseils, Recueillir un héritage). La solution est alors de faire une donation-partage par les deux époux, avec les avantages fiscaux attachés à la transmission consentie par chacun d’eux.
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