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Etudes sur certaines questions juridiques relatives à l’authentification en matière successorale comportant un élément d’extranéité

C.- Applicabilité des lois sur la succession testamentaire ayant trait à l’étranger[30]

1Généralités

Le testament est un acte juridique unilatéral par lequel une personne de son vivant organise la transmission de ses biens, et qui produira des effets juridiques après son décès[31]. La succession testamentaire signifie qu’un héritier, désigné par le défunt dans son testament légal et valide, recueille l’héritage du défunt selon ce testament.[32] La succession testamentaire a pour condition préalable l’existence d’un testament valide. Il en est de même pour l’authentification de la succession testamentaire internationale. Le principe fondamental, adopté par la législation des différents pays au monde, est l’existence d’un testament légal et valide. Tant que le testament établi par le défunt se conforme aux dispositions légales concernées, il est considéré comme juridiquement valide pour régler la succession. La constitution d’un testament valide doit remplir les conditions à la fois de fond et de forme, incluant la capacité pour tester, les formes de testament, la validité au fond du testament, l’interprétation du testament, ainsi que l’annulation du testament, etc.     

La succession testamentaire internationale désigne celle qui comporte des éléments internationaux ou ayant trait à l’étranger.[33] A cause de la diversité des régimes politiques, des systèmes économiques, des coutumes et des traditions culturelles, la législation nationale relative aux conditions de fond et de forme en matière de testament n’est pas totalement identique d’un pays à l’autre, d’où les conflits juridiques.

Il existe deux systèmes juridiques fondamentaux sur lesquels reposent les lois applicables à la résolution des conflits : le système unitaire et le système scissionniste. Dans le système unitaire, le testeur n’ayant pas établi la distinction entre les biens mobiliers et immobiliers dans son testament, une même loi s’applique. En revanche, dans le système scissionniste, le testeur ayant établi la distinction entre les biens mobiliers et immobiliers dans son testament, les lois différentes s’appliquent selon le cas.   

Cette partie se concentre sur l’analyse de la capacité pour tester, du contenu de testament ainsi que des formes de testament, trois aspects générateurs d’éventuels conflits juridiques en matière de la succession testamentaire internationale afin de résoudre le problème de la loi applicable en cette matière.   

 (1) Conflits juridiques et lois applicables

Les conflits juridiques dans le cadre de la succession testamentaire internationale se trouvent essentiellement au niveau de la capacité pour tester, des formes de testaments et de la validité au fond du testament.   

① Conflits relatifs à la capacité pour tester

Le testeur doit jouir de la capacité de tester pour pouvoir établir un testament valide. La capacité pour tester désigne l’aptitude du testeur à disposer de ses biens par le biais d’un testament.[34] La législation varie entre les pays en ce qui concerne la réglementation sur la capacité pour tester, qui fait partie des éléments de fond du testament. La plupart des pays assimilant la capacité pour tester à la capacité d’exercice, seule une personne entièrement capable d'exercer ses droits peut établir un testament tandis que le testament établi par une personne incapable ou jouissant d'une capacité limitée n’est pas valide.[35] Cependant dans un nombre restreint de pays, l’âge légal de tester est inférieur à l’âge de la pleine capacité d'exercice.[36] La législation chinoise, elle,  exige que le testateur jouisse de la pleine capacité d’exercice.[37]  

Par conséquent, il faut fixer le principe de la loi applicable afin de résoudre les conflits juridiques relatifs à la capacité pour tester. Le principe adopté par le pays au système unitaire est en général comme suit : la capacité pour disposer des biens mobiliers par voie testamentaire est soumise à la loi du domicile du testateur tandis que pour disposer des biens immobiliers, la loi est celle du lieu de situation de la chose.[38]  Le pays au système scissionniste utilise la loi personnelle du testateur pour régler le problème de la loi applicable.[39] Il est à souligner que parmi les différentes législations nationales, la réglementation Suisse[40] et la Código Bustamante[41] adoptent la loi du domicile, la loi de la résidence habituelle ou la loi nationale du testateur, ce qui marque le souci législatif de rendre le plus possible le testament valide et correspond à la tendance du droit international privé.         

② Conflits de droits concernant les formes de testament   

Le testament, expression de la dernière volonté de son auteur, par lequel le testateur dispose de ses biens, est un acte juridique unilatéral et aussi un acte juridique formel.[42] On entend par « les formes de testament », différentes formes juridiques que doivent prendre les testaments. Il s’agit de savoir si le testament doit être « écrit » ou « authentifié ». Sur cette question, il existe une assez grande différence entre les législations nationales[43]. La Chine a déterminé cinq formes de testament : testament authentique, testament olographe, testament écrit au nom du testateur, testament enregistré et testament oral[44].   

En ce qui concerne le droit applicable aux formes de testaments, les pays n’ont pas le même principe selon qu’ils adoptent le système unitaire ou le système scissionniste. Le pays au système unitaire adopte en général la loi personnelle en matière de succession testamentaire internationale[45] ou adopte en même temps la loi du lieu du testament.[46] Dans un pays au système scissionniste, les biens mobiliers sont soumis en général à la loi personnelle du testateur ou la loi du lieu du testament tandis que les biens immobiliers le sont à la loi du lieu de situation de la chose. [47]       

Compte rendu des avantages et des désavantages de deux systèmes, le système unitaire a pour qualité d’être facile à utiliser dans le règlement des conflits juridiques relatifs aux formes de testament. Il permet de garantir l’intégralité de la loi applicable, et de mieux refléter la dernière volonté du testateur. Mais ce système néglige les liens étroits entre les biens immobiliers et leurs lieux de situation. Et la plus grande qualité du système scissionniste consiste justement en ce qu’il tient amplement compte du lieu de situation des immobiliers de sorte que l’intérêt public du pays où se situent les biens immobiliers est préservé. Mais l’application du système scissionniste doit tenir compte de la législation de deux pays, voire plus, ce qui complique la succession testamentaire internationale. Toute réflexion faite, nous pensons qu’il vaut mieux adopter le système scissionniste pour le choix des formes de testament.   

Il est à noter que la Convention de La Haye sur les conflits de lois en matière de forme des dispositions testamentaires [48]signée en 1961 est entrée en vigueur à partir de 1964, a exercé d’importantes influences sur la réglementation des différents pays en ce qui concerne l’applicabilité des lois en la matière.[49] Certains pays commencent à étendre progressivement le champ des lois applicables et à rendre plus souple l’application de la loi. Cette tendance se traduit concrètement par l’extension à la fois temporelle et spatiale de la loi personnelle qui réglemente traditionnellement les formes de testament. Au niveau temporel, la loi personnelle peut être celle au moment où le testateur dispose ou au moment de son décès ; au niveau spatial, la loi nationale du testateur, celle de son domicile ou celle de son lieu de résidence habituelle sont toutes applicables.  

Selon les dispositions de la Convention de La Haye sur les conflits de lois en matière de forme des dispositions testamentaire de 1961, « une disposition testamentaire est valable quant à la forme si celle-ci répond à la loi interne a) du lieu où le testateur a disposé, ou b) d'une nationalité possédée par le testateur soit au moment où il a disposé soit au moment de son décès, ou c) d'un lieu dans lequel le testateur avait son domicile, soit au moment où il a disposé, soit au moment de son décès, ou d) du lieu dans lequel le testateur avait sa résidence habituelle, soit au moment où il a disposé, soit au moment de son décès, ou e) pour les immeubles, du lieu de leur situation. » [50]

Nous estimons que la Convention de La Haye sur les conflits de lois en matière de forme des dispositions testamentaire reflète bien la tendance du droit international privé et possède une valeur de référence. A la lumière de cette Convention, la loi applicable en matière de forme des dispositions testamentaire doit non seulement tenir entièrement compte de la particularité du testament lui-même mais aussi garantir au mieux la validité de celui-ci au niveau de la forme afin de réduire le nombre de testaments qui encourent la nullité pour vice de forme.     

Conflits de loi sur la validité substantielle du testament

La validité substantielle du testament, appelée aussi l’effet du testament, détermine dans quelle mesure le testateur peut disposer de ses biens, incluant la question de savoir si la succession testamentaire est permise ou limitée, le testateur doit-il laisser une quotité à son conjoint et enfants ou si le legs est valable[51], etc. [52]Comme le testament exprime concrètement la volonté du testateur de disposer de ses biens, les législations varient d’un pays à l’autre concernant les restrictions à apporter à la liberté de disposer des biens personnels. Les pratiques juridiques montrent que les pays de Commun Law accordent au testateur un plus grand droit de disposer avec une règlementation plus souple, [53]tandis que les pays de droit continental ont établi des règles plus strictes en la matière en apportant certaines restrictions. [54]La Loi successorale de Chine a aussi limité le droit de disposer du testateur, le testament doit réserver une part successorale nécessaire au profit des héritiers dans l’incapacité de travailler et sans ressource de subsistance.[55]

Sur le principe de la loi applicable concernant la validité sur le fond du testament, dans les pays qui connaissent le système scissionniste en matière de succession testamentaire internationale, la succession des meubles est régie par la loi du domicile du testateur au moment de son décès (la loi du lieu de résidence du défunt), celle des immeubles par la loi du lieu de situation de la chose. [56]Les pays qui optent pour le système unitaire en matière de succession testamentaire internationale appliquent la même loi personnelle du testateur en ce qui concerne la validité substantielle du testament. [57]   

Il est à noter que certains pays ont déjà introduit le principe de l'autonomie de la volonté à la loi applicable aux successions internationales en stipulant que le testateur peut, en vertu du principe de l'autonomie de la volonté, choisir librement la loi applicable à la succession.[58] Mais dans l’ensemble, les pays ayant adopté le principe de l'autonomie de la volonté restent relativement peu nombreux. Ceux qui ont fait la démarche prescrivent encore des restrictions assez draconiennes sur le choix de la loi applicable de la part du testateur. Malgré cette réalité, l’introduction du principe de l'autonomie de la volonté à la succession testamentaire internationale constitue une nouvelle tentative concernant l’applicabilité des lois en la matière. Ce principe a été aussi exprimé dans la Convention sur la loi applicable aux successions à cause de mort conclue en 1989 à la Haye. Bien qu’elle ne soit pas encore entrée en vigueur de nos jours, elle témoigne d’un nouveau progrès en matière de loi applicable à la succession internationale. Les principes qu’elle introduit et l’esprit législatif qui l’anime comportent des éléments pouvant nous inspirer. Voici une brève présentation sur des points qui nous concernent.[59]

La Convention de la Haye sur la loi applicable aux successions à cause de mort [60]a été conclue en octobre 1988 après 20 ans d’effort déployés par la Conférence de la Haye de droit international privé, et suite à une série d’études relatives à la loi applicable à la succession internationale. Il s’agit d’un autre résultat important de la Conférence de la Haye désireuse d’établir des dispositions communes concernant la loi applicable aux successions internationales.

Comme ce qui a été mentionné ci-dessus, la Convention de la Haye introduit le principe de l'autonomie de la volonté à la loi applicable aux successions internationales. L’article 5 dispose dans son alinéa 1 qu’une personne peut désigner la loi d'un Etat déterminé pour régir l'ensemble de sa succession. La désignation ne prend effet que si cette personne, au moment de la désignation ou au moment du décès, possédait la nationalité de cet Etat ou y avait sa résidence habituelle. [61]

Un autre principe introduit par la Convention est celui du lien le plus étroit. En vertu de l’article 3 de la Convention, la succession est régie par la loi de l'Etat dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès, lorsque le défunt possédait alors la nationalité de cet Etat. La succession est également régie par la loi de l'Etat dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès, s'il avait résidé dans cet Etat pendant une période d'au moins cinq ans précédant immédiatement son décès. Cependant, dans des circonstances exceptionnelles, si le défunt avait, au moment de son décès, des liens manifestement plus étroits avec l'Etat dont il possédait alors la nationalité, la loi de cet Etat est applicable. Dans les autres cas, la succession est régie par la loi de l'Etat dont le défunt possédait la nationalité au moment de son décès, à moins que le défunt n'ait eu, à ce moment-là, des liens plus étroits avec un autre Etat, auquel cas la loi de cet autre Etat est applicable. [62]

                                                                                                   

2 La législation chinoise concernant la loi applicable à la succession testamentaire internationale

La législation de la Chine continentale n’a pas encore établi de règles explicites  en la matière. L’article 36 de la Loi successorale énonce seulement la règle générale sur la loi applicable en matière de succession internationale sans préciser si celle-ci comprend la succession testamentaire internationale, encore moins les aspects plus concrets relatifs à la succession testamentaire tels que la capacité de disposer, les formes de testament, le contenu du testament.[63] L’article 149 des Principes généraux du Code civil définit seulement le principe de la loi applicable à la succession légale sans parler de la succession testamentaire. Par conséquent, la législation chinoise actuelle présente des lacunes en ce qui concerne la loi applicable à la succession testamentaire internationale qu’ il est urgent de combler.          

Vu que la 9ème version du Droit civil de la République populaire de Chine (projet) et La Loi type du droit privé international de la République populaire de Chine qui ont été examinés, ont établi des règles de succession testamentaire assez concrètes et détaillées pouvant servir de référence, nous nous proposons d’en donner une brève analyse ici.

Questions à propos de la capacité de disposer

Le Droit civil de la République populaire de Chine (projet) dispose, dans son article 72 du livre 9, que « la capacité de disposer est régie par la loi nationale du testateur, la loi du domicile de celui-ci ou celle de sa résidence habituelle au moment où il dispose. Si le testateur n’est pas capable de disposer par testament en vertu de l’article précédent, mais qu’il en soit capable en vertu de la loi du lieu de l’acte juridique, il est considéré comme ayant la capacité de disposer. »   

Au regard de cette règle qui établit une distinction entre les immeubles et les meubles selon le principe scissionniste, le testateur possède la capacité de disposer dès que celle-ci est reconnue par l’une des lois suivantes : la loi nationale du testateur, la loi du domicile de celui-ci ou celle de sa résidence habituelle au moment où il dispose. A la lumière des solutions généralement adoptées par la communauté internationale en vue de résoudre les conflits juridiques relatifs à la capacité de disposer par testament, nous pensons que le Droit civil de la République populaire de Chine (projet) s’est inspiré des expériences internationales en général, de celles de la Suisse en particulier en les développant. Il a établi une règle relativement souple et propice à l’établissement valide du testament, ce qui correspond au besoin des échanges internationaux en matière civile et commerciale.  

L’article 142 de la Loi type du droit privé international de la République populaire de Chine a fait une proposition similaire à celle du Droit civil de la République populaire de Chine (projet). [64]

②Questions à propos des formes de disposition

L’article 73 du Droit civil de la République populaire de Chine (projet) dispose que « le testament est légalement valable sur le plan de la forme lorsqu’il se conforme à l’une des lois suivantes : 1. la loi du lieu où l’acte juridique est accompli au moment où le testateur dispose ; 2. la loi nationale du testateur au moment où il dispose ou au moment de son décès ; 3. la loi du domicile du testateur au moment où il dispose ou au moment de son décès ; 4. la loi de la résidence habituelle du testateur au moment où il dispose ou au moment de son décès. La succession des biens immobiliers est régie par la loi du lieu de situation de la chose. » 

Cette règle a choisi la norme de conflit appropriée concernant les formes de testament où sept points de rattachement peuvent s’appliquer de manière souple. Elle s’inspire de la Convention de La Haye sur les conflits de lois en matière de forme des dispositions testamentaires, marque le souci de rendre le plus possible le testament valide et correspond à la tendance du droit international privé.

L’article 142 de la Loi type du droit privé international de la République populaire de Chine a fait une proposition similaire à celle du Droit civil de la République populaire de Chine (projet)[65]

③Questions à propos de la validité substantielle du testament

L’article 74 du Droit civil de la République populaire de Chine (projet) dispose que « le contenu et l’effet du testament sont régis par la loi nationale du testateur, la loi du domicile de celui-ci ou celle de sa résidence habituelle au moment où il dispose ou au moment de son décès selon le choix explicite de son auteur. En l’absence de choix de loi applicable de la part du testateur, on appliquera parmi les lois susmentionnées celle qui est la plus favorable à la validité du testament. »  

Cette disposition, d’inspiration scissionniste qui établit la distinction entre les meubles et les immeubles, applique la même loi personnelle du testateur au contenu du testament, ce qui rend l’application juridique plus simple, facile, uniforme et complète. Elle renforce la prévisibilité du testateur sur l’appropriation de l’héritage de sorte que ses dernières volontés puissent être mieux réalisées.

Cette disposition s’est d’ailleurs inspirée des expériences internationales et de La Convention de la Haye sur la loi applicable aux successions à cause de mort, et a adopté le principe de l’autonomie de la volonté restreinte[66] en se plaçant sous l’angle le plus favorable à la validité du testament et a incarné à un certain niveau le principe du lien le plus étroit selon la tendance du droit international privé.    

A ce propos, la Loi type du droit privé international de la République populaire de Chine a établi des règles similaires. [67]

3Règlement des conflits interrégionaux en matière de succession testamentaire

Le Code civil de Macao est relativement plus complet en matière de capacité de disposer. Il dispose que la capacité d’établir, de modifier ou d’annuler le testament est régie par la loi personnelle du testateur au moment où il dispose (il exprime sa volonté)[68] ; à Taiwan, la capacité d’exercice est régie par la Loi sur la loi applicable aux relations civiles internationale et par les Règlements sur la relation du peuple entre les deux rives du détroit de Taiwan ;[69] la détermination de la loi applicable à la capacité du testateur à Hong Kong trouve son fondement dans le dépeçage utilisé dans le droit anglais.[70]

En ce qui concerne la validité de la forme du testament, le droit de Hongkong a fixé un champ plus large en incluant toutes les lois ayant des liens avec la succession testamentaire [71]; le Code civil de Macao dispose que la modalité de l’établissement du testament est régie par la loi du lieu de l’acte ou par la loi personnelle au moment de sa rédaction ou au moment du décès du testateur ;[72] la règlementation à Taiwan préconise que le testament est régi par la loi personnelle au moment où le testateur dispose. [73]

A propos de la validité substantielle du testament, Hong Kong adopte le système scissionniste ; [74]le Code civil de Macao dispose que les conditions de fond du testament sont régies par la loi personnelle du testateur au moment où il dispose (il exprime sa volonté) ; la règlementation de Taiwan sur ce point est un peu plus complexe, ajoutant quelques restrictions[75].

4Principe concret sur la loi applicable à la validité du testament

La succession testamentaire a pour condition préalable l’existence d’un testament valide, d’où l’importance de reconnaître la validité du testament. S’il existe un testament valide, la succession se fera selon le contenu de celui-ci ; au cas où le testament serait invalide, c’est la succession légale qui s’impose. Dans le domaine de l’authentification notariale des successions testamentaires internationales, il est impossible de procéder à ladite authentification avant d’avoir confirmé la validité du testament.

Comme la législation chinoise actuelle n’a pas encore fixé explicitement les règles régissant la loi applicable à la succession testamentaire internationale et que la 9ème version du Droit civil de la République populaire de Chine (projet) comme La Loi type du droit privé international de la République populaire de Chine ont plutôt une valeur de référence doctrinale, certains spécialistes pensent que l’article 36 de la Loi successorale peut être considéré comme applicable à la succession légale comme à la succession testamentaire[76] ; d’autres pensent qu’il faut, selon la disposition de l’article 142, alinéa 3 des Principes généraux du code civil, se référer à la pratique internationale pour régler les conflits de lois en matière de succession testamentaire au cas où les règles sur la loi applicable à la succession testamentaire internationale seraient absents dans la législation chinoise actuelle et dans les conventions internationales dont la Chine est signataire ou adhérente.[77] Certains encore pensent que parce qu’établir un testament est un acte juridique et qu’il existe un lien de parenté entre le défunt et les héritiers, les lois qui régissent la validité du testament devraient inclure la loi personnelle du testateur et la loi du lieu où est établi le testament.[78]       

A partir de l’article 36 de la Loi successorale et de l’article 149 des Principes généraux du code civil, ainsi que des principes fondamentaux des interprétations juridiques, on peut tirer les conclusions suivantes[79] : en ce qui concerne la capacité de disposer, un étranger désireux d’établir un testament en Chine, où que se situent ses biens, en Chine ou à l’étranger, doit être pleinement capable. Un étranger qui établit un testament à l’étranger pour disposer de son patrimoine situé en Chine doit se soumettre à la loi de son pays ou à celle de son domicile. Un Chinois établissant un testament à l’étranger doit se soumettre à la loi du pays où il a fixé son domicile, et ceci sans distinction du pays où se trouve le patrimoine qu’il veut transmettre. Sur le plan de la forme du testament, les testaments établis en Chine sont régis par la réglementation chinoise tandis que ceux qui sont établis à l’étranger peuvent être régis par la loi du domicile du testateur, la loi nationale de celui-ci ou la loi du lieu où est conclu le testament, afin de protéger les parties concernées par la succession. A propos du contenu du testament, un étranger qui dispose de ses biens situés en Chine ne doit pas contrevenir à la législation chinoise ; un Chinois qui transmet ses biens situés en Chine en établissant un testament à l’étranger doit aussi se conformer, sous peine de nullité, à la législation chinoise en la matière.

 

Dans la pratique légale, les conditions de fond requises se réfèrent au principe des lois applicables à la succession légale internationale et aux actes civils ordinaires.[80] Dans la pratique notariale, les règlements fixés par le Département des notaires et des avocats relevant du Ministère de la Justice exigent que le testament établi à l’étranger soit régi par la loi du lieu de l’acte.[81]

A notre avis, la succession étant fondamentalement différente du testament[82], les principes juridiques régissant les conditions de forme et de fond du testament doivent être différents. [83]Par conséquent, lorsque l’on examine les conditions de forme, il faut d’abord tenir compte des exigences de la loi du lieu où le testament est établi. On  verra les conditions de fond que doit remplir un testament seulement lorsque ladite loi aura validé la forme de celui-ci. Dans le territoire où le testament sera mis en exécution,  existe-il des dispositions d’ordre public susceptibles de frapper le testament de nullité ? ceci est aussi un élément sur lequel il est nécessaire de réfléchir.[84]

S’agissant de la loi applicable régissant les conditions de fond du testament, au niveau de la capacité de disposer, un étranger qui établit un testament en Chine doit jouir de la pleine capacité civile en vertu de la législation chinoise ; en cas d’établissement du testament à l’étranger, si le testateur est Chinois, sa capacité de disposer est régie par la loi du pays où il a fixé le domicile, lorsque le testateur est un étranger et qu’il dispose des biens situés en Chine, sa capacité est régie par la loi de son pays ou par la loi de son domicile. La validité substantielle du testament peut être appréciée selon l’article 36 de la Loi successorale et du principe fixé par l’interprétation juridique donnée par la Cour suprême concernant la loi applicable. Mais comme la loi applicable à la succession internationale des meubles visée par l’article 36 de la Loi successorale adopte le lieu du domicile et non la nationalité comme point de rattachement, deux cas de figure dans la succession internationale sont négligés dans cet article, à savoir 1. le citoyen chinois succède à un héritage laissé en Chine par un citoyen chinois dont le domicile se trouve à l’étranger, 2. un étranger succède à l’héritage situé à l’étranger laissé par un étranger dont le domicile se trouve en Chine. Les deux cas peuvent être régis par la loi applicable à la succession légale.  

Pour résumer, à l’heure actuelle, on peut séparer les conditions de fond et celles de forme pour traiter concrètement ce problème : lorsque le défunt a laissé un testament, les conditions de forme sont régies par la loi du lieu où il a établi son testament, on s’assure d’abord de la validité formelle du testament au regard de la dite loi avant d’envisager la loi applicable régissant les conditions de fond du testament. La capacité de disposer est appréciée selon le principe susmentionné tandis que la validité substantielle du testament est régie par la Loi successorale et le principe régissant la loi applicable qui a été défini par les interprétations juridiques de la Cour suprême. Si la Loi successorale et les interprétations juridiques de la Cour suprême n’ont pas fixé les règles concernées, s’appliquera la loi applicable à la succession légale.[85] Si à l’avenir la législation chinoise fixe des règles concrètes concernant ce point ou que la Chine adhère aux conventions internationales du domaine, on s’y conformera pour régler ces points.

Il est à noter qu’en vertu de l’article 150 des Principes généraux du code civil, l’application des lois ou des pratiques internationales ne doit pas enfreindre l’intérêt social et public de la République populaire de Chine. Le principe mis en oeuvre par la pratique est que le contenu du testament ne doit pas enfreindre les dispositions légales de notre pays lorsqu’un étranger établit un testament visant à disposer de ses biens situés en Chine ou lorsqu’un Chinois établit un testament à l’étranger visant à disposer de ses biens situés en Chine. Il s’agit dans ce cas-là essentiellement de l’interdiction de priver les héritiers incapables de travailler et sans ressource de subsistance de leur part d’héritage.[86] Ce point sera abordé dans le reste de l’article.  

5Restrictions apportées de la liberté de disposition pour cause de mort

La liberté de tester fait certes partie des principes fondamentaux de la loi successorale, mais afin de garantir des intérêts sociaux spéciaux, la loi va y apporter des restrictions en créant par exemple le régime de la réserve héréditaire. La réserve héréditaire est une part des biens que selon la loi le défunt réserve à certains héritiers légitimes au moment où il organise la transmission de son patrimoine[87], tel est le cas comme par exemple du Code civil de Macao qui consacre le chapitre 3 du livre 5 aux règles de la réserve héréditaire. [88]L’article 19 de la Loi successorale de Chine dispose que « le testament doit réserver une part de biens nécessaire au profit des héritiers incapables de travailler et sans ressource de subsistance». L’article 17 de l’Avis sur la loi successorale dispose que « lorsque le défunt n’a pas réservé une part de biens au profit des héritiers incapables de travailler et sans ressource de subsistance, au moment de la distribution de l’héritage, il faut réserver au profit de ces héritiers une part des biens nécessaire avant de pouvoir partager le reste des biens selon le principe de distribution retenu par le testament. »      

Une société de droit moderne place la société au cœur de ses principes législatifs. [89]Lorsqu’un acte individuel va à l’encontre des intérêts publics voire risque de leur nuire, la loi va restreindre l’exercice de la liberté individuelle. Produit par ce souci d’équilibrer les conflits entre « libéralisme en matière de testament » et « prohibition de disposer de l’héritage », entre « la liberté individuelle » et « les intérêts sociaux et publics », le régime de la réserve héréditaire incarne au mieux la valeur du système de la succession testamentaire.[90] Réserver une part de biens nécessaire au profit des héritiers incapables de travailler et sans ressource de subsistance est une disposition qui traduit les intérêts sociaux et publics de notre pays et peut être considéré comme la réserve d’ordre public en Chine. Par conséquent, lorsqu’une succession testamentaire est régie par la loi étrangère ou par la pratique internationale, le testament qui n’a pas réservé une part de biens nécessaire au profit des héritiers incapables de travailler et sans ressource de subsistance contrevient à l’ordre public de notre pays, ce dernier peut confirmer que la partie incompatible est entachée de nullité en appliquant le principe de la réserve d’ordre public.  



[30] Il s’agit ici de la loi applicable au testament ayant trait à l’étranger ou de la loi applicable aux effets du testament ayant trait à l’étranger. 

[31] Cf. Han Depei, Nouvelles études sur le droit privé international, Presses de l’Université de Wuhan, 2003, p.260 

 

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