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2024
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Discours de Me Jean-Pierre FERRET, Président du Conseil Supérieur du Notariat

Madame le Ministre d’Etat,

Mesdames et Messieurs les parlementaires,

Mesdames et Messieurs les hauts magistrats,

Mesdames et Messieurs les personnalités,

Mesdames, Messieurs,

Chers confrères,

 

Ainsi donc le notariat inscrit le couple au centre de ses débats bordelais. L’équipe conduite par Damien Brac de la Pérrière et Jean François Sagaut dont nous venons d’entendre les remarquables introductions, a accompli un immense travail qui mérite d’ores et déjà notre reconnaissance.

 

Vous savez tous que le discours du Président du Conseil Supérieur lors du Congrès, n’a pas pour objet d’aborder le sujet de ce dernier. Pourtant mon propos ce matin restera sur le thème du couple. Mais les couples dont je veux vous parler sont d’une autre nature.

 

Je vous invite en effet à quitter la sphère familiale pour observer les alliances, les unions, qui se font (ou se défont parfois) dans la sphère publique. Elles obéissent en effet, pour l’essentiel, aux mêmes ressorts que les précédentes. Ces ressorts sont la confiance mutuelle, le respect partagé, la franchise réciproque, la vision commune de l’avenir.

 

Il en est ainsi d’un gouvernement à l’égard du peuple qui l’a élu. Il en est de même d’une tutelle à l’égard de ceux qui sont placés sous sa protection en même temps que son contrôle. Ainsi en est-il encore du Conseil Supérieur du Notariat que je représente aujourd’hui, à l’égard des notaires de France réunis en ce lieu.

 

Comme dans les couples qui fondent la vie de famille, les accidents, les crises, peuvent, lorsque leur fréquence met fin à la confiance, conduire à la rupture. Mais fort heureusement, tant que la confiance demeure, ces mêmes évènements peuvent constituer autant d’opportunités d’éprouver la solidité des liens, de les renforcer encore afin qu’une solidarité nouvelle permette d’affronter d’autres périls.

 

On les surmonte d’autant plus aisément que la passion est intacte.

 

Alors oui, je l’affirme, les notaires ont la passion du droit, la passion de notre droit, si patiemment élaboré par nos prédécesseurs, et qu’à notre tour nous contribuons à adapter aux attentes de nos contemporains.

 

...

 

Notre passion du droit s’exprime aussi par notre passion d’un métier qui présente le paradoxe d’être profondément enraciné dans notre civilisation et pourtant de demeurer méconnu.

 

Les notaires, de réputation si raisonnable, ont démontré qu’ils savaient exprimer cette

passion. Nos Etats Généraux du 28 janvier dernier, événement unique dans les annales du notariat, en ont témoigné avec éclat.

 

Nous étions alors 7200. Nous aurions pu être 9000, et même 50.000 tant nos collaborateurs souhaitaient participer à cette journée. Le notariat sait être discret, c’est là une de ses vertus, mais il sait aussi et saura encore se mobiliser si les circonstances l’exigent, et c’est là, n’est-ce pas mes chers Confrères, une de nos forces.

 

Mais si les notaires savent exprimer leur passion, cela n’enlève rien à leur raison. Même si passion et raison s’opposent, elles sont pourtant les deux extrémités du balancier qui permet de préserver l’équilibre. Qu’une des extrémités l’emporte sur l’autre et la chute n’épargnera personne. Il ne saurait donc, dans cette opposition, y avoir de vainqueur.

 

La passion sans raison conduit au dérèglement, alors que la raison sans passion mène au découragement.

 

C’est entre ces deux écueils qu’il nous faut naviguer : vous, Madame le Garde des Sceaux, à la tête de la chancellerie, moi, mes chers Confrères, devant vous.

 

Tous juristes dans cet auditorium, nous connaissons la sagesse et la passion du chancelier d’Aguesseau, l’un des précurseurs du Code civil. Il écrivait: « l’homme n’est jamais plus libre que lorsqu’il assujettit ses passions à la raison et sa raison à la justice ».

 

Je veux dans mon propos faire alterner passion et raison, afin d’engager les notaires de France à privilégier la seconde, conformément à leur tradition de sagesse, sans renoncer à la première, sans laquelle il n’est ni enthousiasme ni audace.

 

J’ai parmi mes pairs, l’image d’un homme paisible, rejetant la colère, méprisant l’excès et j’ai aussi, comme tous mes prédécesseurs, l’inestimable avantage de ne pas avoir à prolonger mon mandat.

 

C’est pourquoi, alors que ce dernier s’achèvera dans quelques mois, je vais me risquer à vous livrer mon sentiment sans crainte de déplaire, ni envie de complaire.

 

Tout au plus, mes Chers Confrères, puis je regretter que l’un d’entre vous ne soit pas devenu Président de la République, ma tâche en aurait été largement simplifiée.

 

La passion d’abord, que vous avez perçue j’en suis certain, aux Etats Généraux du

notariat auxquels vous nous aviez fait, Madame le Ministre, l’honneur de votre présence.Soyez certaine que les notaires de France sont attentifs à trouver, auprès de l’Etat et des pouvoirs publics, la même passion pour notre droit et pour l’authenticité qui en est l’un des fondements.

 

......

 

Je veux rappeler aussi, devant vous tous mes chers Confrères, la constance comme la vigueur de notre gouvernement à défendre ses notaires devant la Cour de Justice de Luxembourg, dans le contentieux qui l’oppose à la Commission sur la condition de

nationalité. L’audition publique devant la Grande Chambre de la Cour le 27 avril, a permis aux représentants de la France, de la Belgique, du Luxembourg, de l’Autriche, de l’Allemagne et de la Grèce, tous mis en cause, mais aussi de la Bulgarie, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Hongrie, de la Roumanie, de la Slovaquie, de la Pologne et de la Slovénie, venues en soutien, de faire entendre leurs arguments.

 

Nous le savons tous le notariat, contrairement à ce que certains voudraient laisser croire, n’est pas une exception française, il est profondément ancré dans la culture et la tradition de l’Europe continentale. Le représentant de l’Etat français l’a vivement rappelé devant la cour de Luxembourg et il s’est montré particulièrement convaincant. Une telle mobilisation des tenants du droit continental face à la Commission démontre que tous ont compris les véritables enjeux de cette procédure.

 

Je peux vous assurer, mes chers Confrères, que si certains dans nos rangs doutent parfois du soutien de notre tutelle, la démonstration faite à Luxembourg serait de nature à lever leurs appréhensions.

 

Mais si ceux là doutent à tort, d’autres s’inquiètent à raison sur la difficulté d’être prophète en son pays lorsque l’on prône la rigueur et la transparence.

 

Quand le discours n’y suffit, il peut arriver que les évènements y suppléent. Car voici venus les temps de vérité. La prétendue auto régulation des marchés financiers outre atlantique n’a pu faire obstacle à des pratiques bancaires qui privilégient la manipulation mathématique à la réalité économique. Prêter à des clients peu solvables en leur laissant croire qu’ils vont s’enrichir peut faire le profit des courtiers et satisfaire l’ego des banquiers, mais ne peut que contribuer à la création de bulles qui finiront forcément par éclater. Ce fut le premier coup dont l’économie mondiale peine à se remettre. Comme beaucoup d’autres, le notariat en a subi les durs effets.

 

Mais aujourd’hui, comme pour reporter sur les Etats la responsabilité de la crise, ces mêmes financiers spéculent sur le poids de leur dette. Comment peut-on dépendre de ceux, qui il y a peu encore ont apporté la preuve de leur légèreté, pour faire et défaire des politiques publiques ?

 

Quand cessera-t-on de vivre sous la houlette d’ayatollahs qui sont d’autant plus appréciées des tenants d’un libéralisme échevelé qu’ils ne s’embarrassent pas de légitimité démocratique?

 

Là aussi, après tant d’excès, la raison reprend le dessus. Fort logiquement elle appelle à l’effort collectif lequel sera d’autant mieux accepté qu’il sera voué tout entier à l’intérêt général.

 

Dans les périls et nul ne peut nier qu’ils sont grands, seul l’intérêt général doit dicter la

conduite des affaires publiques. Il doit aussi inspirer les professions qui y apportent leur concours.

 

Le notariat, parce que fidèle à l’Etat et conscient de ses missions, a toujours accepté

de contribuer à la réduction des dépenses publiques.

 

Garant de la sécurité des opérations immobilières, il a mis son savoir faire et sa maîtrise des nouvelles technologies au service d’un partenariat étroit avec le Ministère des Finances : l’opération télé@actes, par la dématérialisation des échanges avec les Conservations des hypothèques et le Trésor Public a permis à l’Etat de réaliser des économies significatives.

 

Le notariat s’est aussi mobilisé pour répondre avec encore plus d’efficacité aux attentes de TRACFIN dans la lutte contre le blanchiment de l’argent sale : adoption et diffusion de nouvelles instructions pour les inspections annuelles des études, publication et diffusion à tous d’un guide anti-blanchiment, organisation de séminaires de formation.

 

Pourtant tous ces efforts, qui font du notariat un contributeur important à la lutte contre le blanchiment pourraient être encore plus productifs. Chacun sait que les montages sociétaires sont souvent utilisés dès lors que les participants veulent rendre opaque des opérations immobilières douteuses. Combien de transmissions de parts de sociétés immobilières se réalisent en toute discrétion, échappant ainsi à tout contrôle pour le plus grand bonheur des protagonistes ? La réglementation en la matière devrait évoluer. Il est souvent question d’étude d’impact avant de proposer une nouvelle mesure. Dans ce domaine elle serait vite faite et ses conclusions évidentes : non seulement TRACFIN verrait croître ses moyens d’investigation, mais encore le consommateur, que la loi protège en matière immobilière, verrait ses droits respectés, et enfin le Trésor Public serait assuré de percevoir les droits d’enregistrement et les plus values. L’une des missions du notaire n’est elle pas justement de satisfaire à tous ces objectifs ?

 

Dans un autre domaine, sur la demande des pouvoirs publics, le notariat est déjà venu soulager les greffes et les tribunaux dans la délivrance des actes de notoriété et demain dans l’enregistrement des PACS. Il viendra bientôt soulager les consuls dans l’exercice de leurs fonctions notariales. Il signe des accords avec les collectivités locales pour la dématérialisation des déclarations d’intention d’aliéner, des documents d’urbanisme ou d’état civil.

 

Et, plus récemment, dans le cadre de la solidarité nationale, les notaires de Charente Maritime et de Vendée s’investissent au côté des familles, en partenariat avec France Domaine, pour faciliter le traitement des dossiers de rachat par l’Etat des maisons appartenant aux victimes de la tempête Xinthia.

 

Cette liste, Madame le Ministre, pourrait s’allonger à l’envi, tant le réseau notarial constitue pour les pouvoirs publics une ressource utile. La réforme de la perception des plus values immobilière a démontré que les notaires sont parfois mieux placés que les services de l’Etat pour accomplir certaines missions de collecte d’impôts ou plus simplement d’informations.

 

Nous sommes des officiers publics, et l’Etat doit demeurer conscient qu’il a à portée de main un allié fidèle qui lui apporte le triple bénéfice de son implantation locale, de sa technicité et de sa disponibilité.

 

Ainsi en est-il des statistiques immobilières. Un rapport récent stigmatise l’absence d’éléments fiables sur la réalité du marché de l’immobilier. Le ministre du logement manifeste une volonté impatiente de disposer de cette connaissance précise.

 

De toutes les sources, celle nourrie par les bases notariales paraît aux experts, la plus solide. Mais on leur reproche de paraître avec retard. Même s’il est souvent exact que fiabilité rime rarement avec empressement, le Conseil supérieur et la Chambre des notaires de Paris, unissant leurs efforts, ont fondé un nouvel outil d’élaboration d’indices plus précis et dans le même temps ils constituent une base des avants contrats. Ces avancées, confortées par l’obligation d’alimenter les bases contenue désormais dans notre règlement national, nous permettent de prétendre à une nouvelle mission de service public. Pour cela il ne manque qu’une disposition législative : nous sommes prêts, puisque l’Etat le demandait.

 

......

 

L’un des piliers de la permanence du service notarial au plus près des besoins des usagers tient à son implantation. Vous nous demandez Madame le Ministre de développer notre adaptation aux nouveaux besoins. Les décennies passées prouvent que le Notariat a sans cesse évolué pour répondre avec efficacité aux évolutions de notre société.

 

Mais il est des domaines dans lesquels nous n’avons pas de faculté d’intervention. Ainsi la crise de ces dernières années a fait ressortir la nécessité d’aménager en certains points le tarif des notaires de telle sorte que la mission de service public puisse être assurée, sur tout le territoire, dans des conditions de rentabilité honorable.

 

C’est pourquoi le temps nous paraît venu, Madame le Ministre, de bien vouloir mettre à l’étude la révision des tranches en matière de rémunération des ventes immobilières. Le but n’est pas d’augmenter le chiffre d’affaires de la profession. Ma demande a pour seul objectif de permettre une plus juste rémunération des opérations les plus courantes. C’est une question de justice que je vous propose de régler afin que les offices, quel que soit leur lieu d’implantation, puissent continuer à remplir leur mission.

 

Il est un autre domaine, dans lequel le notariat, dans son ensemble, doit avoir des certitudes quant à son avenir. Nous allons devoir faire face aux graves difficultés de la

Caisse de Retraite des Clercs et Employés de Notaires.

 

Ce régime spécial est comme d’autres, soumis à une asphyxie inéluctable. Compter plus d’ayant droits que d’actifs ne peut que générer un déficit insupportable. Depuis quinze ans, le conseil supérieur pressentant cette issue, appelle à des mesures raisonnables que la passion compréhensible des partenaires sociaux a rendues infaisables.

 

Aujourd’hui, il nous faudra agir sitôt que les dispositions générales sur les retraitesauront été arrêtées par le gouvernement et transmises au parlement. Le coût prohibitif d’un retour au régime général fera que la passion des uns et la raison des autres pourraient se rejoindre sur un plan de sauvegarde de notre caisse qui la préserve mais au prix d’aménagements importants. Les notaires sont prêts à faire les efforts nécessaires. Mais ils ne pourront être les seuls et devront être confiants quant à leur avenir.

 

Cependant la sauvegarde de nos entreprises ne suffit pas à elle seule à rasséréner la profession. Il est d’autres signaux qui laissent entrevoir un avenir plus prometteur.

 

L’Europe qui s’est montré par la voix de certains commissaires d’outre-manche si hostile au droit continental se révèle désormais plus ouverte au notariat. La reconnaissance mutuelle des actes authentiques fait son chemin quand bien même elle rencontre la réaction des britanniques malheureusement soutenus dans leurs visées par le Barreau français.

 

Dans le même temps, Bruxelles attend l’expertise notariale dans nombre de projets de droit civil tel le droit des successions, celui des régimes matrimoniaux, ou encore celui des contrats. Vous avez d’ailleurs engagé de nouvelles réflexions de fond sur ce sujet majeur en y associant la profession, ce dont je vous remercie.

 

Dès lors, mes chers confrères, nous continuerons à construire notre développement tant nous avons maintes fois prouvé notre aptitude à créer des méthodes et des outils collectifs :

 

Notre système de formation, nos CRIDON, notre démarche qualité, notre informatique sont là pour nous rappeler que nous sommes la profession du droit la mieux organisée et la plus performante.

 

Nos clients le savent bien !!!

Les notaires côtoient les infirmières et les pompiers dans le degré de confiance et de sympathie des français. C’est peut être pour cela que l’on nous demande d’éteindre les incendies et de remédier aux maux des autres.

 

Cette confiance doit nous inspirer pour aller de l’avant. Vous en connaissez le vecteur, c’est le projet notaires de France – Horizon 2020.

 

Une démarche inédite, audacieuse, fondée sur la participation de tous puisqu’elle apportera un bénéfice à chacun. Ce projet, basé sur l’expérimentation permanente d’idées nouvelles et concrètes, nous permettra non seulement de renforcer encore nos performances sur notre coeur de métier mais encore de répondre à des attentes nouvelles, tant de nos concitoyens que de l’Etat.

 

Mes chers confrères,

 

C’est dans l’union de nos forces que nous bâtirons le notariat de demain.

 

Chaque jour dans le secret de nos offices, nous savons bien, dans la confrontation des intérêts particuliers, devant l’expression des passions, faire entendre la voix de la raison.

 

Je vous convie plus que jamais dans ces temps difficiles non pas seulement pour nous, mais pour la nation, à faire valoir la raison.

 

Cela ne veut pas dire que la passion doit être bannie de nos ambitions, bien au contraire.

 

Sachons former le couple de la raison et de la passion. Prenons à la première la sagesse inhérente à notre art, saisissons dans la seconde le ferment de notre développement.

 

Donnons assez de raisons à notre passion pour nous persuader que d’un seul élan, nous emportions la certitude que le service public de l’authenticité a autant d’avenir que peut en avoir le sens de l’intérêt général.

 

Et puisque nous sommes à Bordeaux, je terminerai mon propos en citant Montaigne:

 

« Je tiens que ce qui ne peut se faire par raison, par prudence et adresse ne se fait

jamais par la force ».

 

Je vous remercie.

 

Source : www.notaires.fr


 

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