A l’invitation du Conseil supérieur du Notariat français, une délégation de l’Association du Notariat de Chine composée de 18 personnes a reçu une formation de 2 semaines en France, du 31 août au 13 septembre. La délégation, dirigée par M. SUN Yanhui, secrétaire général adjoint de l’Association du notariat de Chine, a été chaleureusement accueillie par les confrères français.
Pendant ces 14 jours en France, la délégation s’est déplacée à Besançon, Poitiers, Paris etc. A Besançon, les membres de la délégation ont visité le Conseil régional de Franche-Comté, une coopérative agricole et un Bureau de la Conservation des hypothèques. Ils ont rencontré des experts français, et ont abordé les thèmes telles que le notariat au service du développement économique, le transfert des terres agricoles et la vente immobilière. La délégation a aussi visité des organismes professionnels : le Conseil supérieur du notariat, le Conseil Régional des notaires de Franche-Comté ainsi qu’une étude à Versailles afin d’observer l’organisation de la profession et le fonctionnement des offices notariaux. En outre, la délégation a participé à l’Université du notariat à Poitiers pendant trois jours et a participé à des séminaires de formation portant sur la fonction notariale, le fonctionnement des offices notariaux, la vente immobilière, l’hypothèque, la garantie collective et la conservation des minutiers. Les participants chinois ont profité de cette occasion pour échanger des idées avec les confrères français.
Grâce à ces visites et ces séminaires de formation, les membres de la délégation ont approfondi leurs connaissances sur cette profession en France. Le notariat français, qui n’a pas cessé d’évoluer pendant plus de 300 ans, s’exerce sa fonction dans le cadre d’un régime qui prouve sa perfection et son efficacité, alors que le notariat chinois, restauré il n’y a que 30 ans, a encore beaucoup à améliorer et à réformer.
Cette formation sur place nous a conduit à faire les observations et réflexions suivantes qui sont aussi les caractéristiques du notariat français :
I. Un statut de notaire particulier
Le notaire français est l’officier public qui exerce ses fonctions dans le cadre d’une profession libérale. Avant ce déplacement en France, nous avons pensé que l’officier public est l’équivalent du fonctionnaire d’État. Il nous était difficile de comprendre ce cumul. A l’arrivée en France, par les échanges, nous avons trouvé que la notion d’officier public est complètement différente de celle du fonctionnaire.
En termes de l’Etat de droit, ses responsabilités juridiques comprennent deux aspects : la justice préventive et la justice réparatrice. Les pays de la Common Law mettent l’accent sur la justice réparatrice, tandis que les pays de droit latin, représentés par la France, se concentrent sur la justice préventive. La construction d’un système de justice préventive exige de confier aux professionnels compétents et qualifiés les missions qui doivent être exercées au nom de l’Etat, mais auxquelles le pouvoir administratif ne conviendrait pas par une intervention excessive. C’est l’une des raisons d’être du notariat.
En France, le notariat est au cœur du système de la justice préventive. Le notaire est chargé par l’Etat de conférer l’authenticité aux actes juridiques civils et commerciaux. Un acte authentique délivré par le notaire fait pleine foi de la convention qu’il établit et il a également la force exécutoire. C’est pour cela que l’Etat délègue au notaire, en qualité d’officier public, mais pas fonctionnaire, une partie de sa puissance public, c’est-à-dire les quasi-pouvoirs judiciaires appartenant à l’Etat. Comme l’a indiqué l’arrêt de la Communauté européenne du 26 mars 1987: « Il n’existe pas de hiérarchie entre le gouvernement et les notaires. Ils exercent leurs activités sous forme libérale sans être intégrés dans l' administration publique. Ils sont responsables personnellement et exerce de façon indépendante des activités économiques consistant dans des prestations de services fournies à des tiers, en contrepartie desquelles ils perçoivent, pour leur propre compte, une rémunération. »
Dans les pays du notariat latin comme la France, les notaires ne sont pas payés par l’Etat, ni intégrés dans l’équipe des fonctionnaires. Ils n’ont pas de supérieurs qui leur donnent des instructions. En un mot, les notaire sont des professionnels du droit qui jouissent d’un statut particulier. Ce statut, en cumulant une fonction publique et une profession libérale, crée une profession notariale particulière et efficace. On peut dire qu’en observant le système notarial français, nous avons approfondi notre compréhension sur la relation entre l’Etat, le gouvernement, la puissance publique et les personnes privées.
II. Un modèle réussi dans l’exercice de la profession notariale
Professionnels libéraux, les notaires français sont les acteurs principaux dans l’exercice notarial. Ils peuvent mener les activités notariales sous forme de société et sont payés par leurs clients. La profession ne cache pas son aspect lucratif, mais le nombre des actes notariés mis en cause est très faible, si on exclu les actions contre les faux en écriture. Le notariat français, en touchant des revenus élevés, réduit efficacement le risque moral dû à la poursuite des bénéfices et maintient ainsi une haute crédibilité. Quelles sont les clés de ce succès ? A notre avis, la raison la plus fondamentale est dans l’authentification obligatoire.
En France, les transactions immobilières, le contrat de mariage, la succession immobilière sont les affaires auxquelles la loi impose l’intervention notariale. Sans être notarié, la transaction ne peut prendre effet. L’authentification obligatoire offre une garantie pour la survie de la profession notariale et lui permet un développement stable et durable. Assurés des domaines réservés et exemptés de la pression de survie, les notaires français traitent les actes de façon indépendante, neutre et rigoureuse, et sont capables de fournir un service juridique irremplaçable d'une haute qualité, ce qui donne à la profession notariale une place avancée en comparaison avec les autres prestataires de service juridique. En même temps, la bonne réputation et la qualité, à leur tour, renforcent la confiance du grand public à l’égard de son notaire, stabilisent le volume des affaires et consolident l’existence de l’authentification obligatoire. On peut dire que le modèle français en matière de l’exercice notariale est très réussi. Nous espérons que ce point peut inspirer les autorités de gestion de la profession notariale chinoise.
III. L'exploration des services supplémentaires
En plus, il faut relever comme positif que les notaires français, tout en suivant les chemins battus par l’authentification obligatoire, cherchent aussi à explorer des services notariaux supplémentaires. Par exemple, en intervenant dans les transactions immobilières, les notaires donnent des services supplémentaires tels que les diagnostics, le paiement de l’impôt, etc. Nous avons observé à Besançon que les notaires locaux mettent en place une organisation destinée à fournir aux acheteurs et vendeurs les informations sur l’immobilier et contribuent à promouvoir les transactions, une activité d’agent immobilier.
L'exploration des services notariaux est un geste d’innovation de la profession pour répondre au besoin du développement. Sous la direction de cette considération, le notariat français va créer de plus en plus de nouvelles variétés de services notariaux pour satisfaire aux besoins des citoyens de la société et s’assurer un développement durable. Dans ce processus, le notariat intervient en profondeur dans la vie sociale ; son influence est en augmentation et il occupe une place de plus en plus élevée dans les institutions nationales.
IV. La gestion auto-disciplinaire de la profession notariale
En Chine, la profession notariale se voit appliquer un système de «double gestion», mis en œuvre par l’administration et par les instances professionnelles. Cette organisation, censée être techniquement faisable et s’adapter à la situation réelle, n’est pas encore complètement mise en valeur, car la profession, détachée il n’y a pas longtemps de l’unique gestion par l’administration seule, est actuellement au cours d’une phase transitoire. Le rôle des instances professionnelles reste à renforcer en cette matière. En fait, le système de « double gestion », appliqué dans de nombreux pays étrangers tel que la France, est prouvé efficace. En France, le Ministère de la Justice, en tant que l’organe de tutelle de la profession notariale, contrôle la profession par voie de surveillance administrative, tandis que les organismes professionnels - le Conseil Supérieur du notariat, les conseils régionaux des notaires et les chambres départementales, ont, de leur part, les attributions telles que le contrôle de la régularité des activités notariales, la formation, la communication, la garantie collective, etc. Reposant sur ce schéma bien défini, le rôle de la gestion des instances professionnelles apporte aux notaires un haut niveau d’autodiscipline et une grande fierté. Les fonctions des membres de ces organismes sont gratuites, mais efficace. En Chine, après des années d’efforts, l’Association nationale des notaires et les associations locales disposent d’attributions précises et ont mis en place des services tels que le Conseil, le Conseil permanent, le secrétariat. Mais leur rôle en matière de la gestion de la profession doit se renforcer et le niveau d’autodiscipline augmenter. Elles peuvent penser à des solutions telles que la communication, les séminaires de formation qui consistent à promouvoir l’attachement des notaires au développement du notariat et leur participation dans la gestion de la profession, ce qui permettra de rehausser les avantages du système de « double gestion » et de contribuer au développement durable du notariat chinois.
V. Un système de surveillance professionnelle perfectionné
Le notariat français est doté d’un système de surveillance perfectionné, en plaçant les professionnels sous le contrôle du Parquet et de la Chambre des notaires qui veillent de façon continue à l’exécution correcte de leurs obligations. Les plaintes adressées par les clients soit au procureur de la République, soit au Président de la Chambre, sont suivies par les services de la Chambre, qui étudieront le dossier du notaire concerné. Afin d’assurer un contrôle rigoureux de la manière dont les notaires exercent leur activité et rendre compte de la situation réelle de l’office, la Chambre des notaires fait effectuer, avec l’assistance d’un expert comptable, l'inspection de la comptabilité et de la gestion de chaque office du département concerné. La Chambre des notaires peut prononcer trois peines contre le contrevenant : le rappel à l’ordre, la censure simple et la censure devant la Chambre assemblée. Si cette dernière estime qu’une des trois peines plus graves doit être infligée : la défense de récidiver, l’interdiction temporaire et la destitution, elle formule son opinion sous forme d’avis motivé transmis au Parquet. Le Procureur de la République saisit le tribunal et le juge prononce la sanction disciplinaire. Si la responsabilité pénale du notaire doit être mise en jeu, l’action est exercée devant le tribunal compétent par le procureur de la République. On peut voir que les organismes professionnels du notariat français, le Parquet et la juridiction, jouent ensemble un rôle très important dans la surveillance des notaires. Dans notre pays, les notaires sont soumis à la surveillance disciplinaire par les Associations notariales, sous la tutelle des autorités administratives de la Justice, et au contrôle au plan pénal par le Ministère public. En pratique, en raison de l’existence du système de « double gestion », les instances professionnelles maintiennent des liens étroits avec l’administration de la Justice, mais éloignées du Parquet. Il arrive très souvent que l’Association et l’Administration de la Justice ne sont informées qu’au moment où le procureur a lancé des investigations sur le dossier d’un notaire indélicat, ou même l’action publique a été mise en mouvement. Il peut aussi arriver que l’Association, l’Administration et le Parquet soient saisis en même temps par un seul client qui n’est pas satisfait de son notaire. Pour cette raison, il faut nous inspirer du savoir-faire de nos confrères français en matière de la surveillance professionnelle et mettre en valeur le rôle des Associations des notaires. Les plaintes contre un notaire indélicat peuvent être traitées tout d’abord par les organismes professionnels, qui, au cas par cas, soit prononcent des sanctions disciplinaires, soit déposent le dossier à l’Administration de la Justice, soit le transmettent au Parquet. Cette procédure, permettant à resserrer les liens entre les Associations des notaires, l’Administration de la Justice et le Parquet, mais aussi à économiser les ressources, rendra le système de surveillance de la profession plus cohérent et efficace.
A travers ces échanges « face à face », nous avons eu une connaissance plus profonde sur le notariat français ainsi que son développement. Mais Rome ne fut pas construite en un jour. Si le système notarial a pu atteint un niveau remarquable en France et mérite notre respect, c’est parce qu’il a dernière lui un long chemin d’évolution parcouru depuis des centaines d’années. Par rapport à sa longue histoire, le notariat chinois n’est qu’un nouveau né. L’implantation et la domestication d’un système notarial avancé exigent du temps et des expériences positives accumulées. Mais ce qui importe le plus, c’est qu’on a vu, on a compris, on va agir.
|