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LE TOUR DU DROIT RURAL FRANCAIS EN QUELQUES MOTS

Depuis toujours, l’exercice de l’activité agricole nécessite la maîtrise du sol. Le code civil, publié en 1804, consacre la propriété individuelle des biens. Chaque propriétaire dispose du pouvoir de disposer et d’user à sa convenance des immeubles lui appartenant, lesquels s’enrichissent, au fil des temps, de tous les éléments qui y sont incorporés (plantations ; constructions).

Les uniques limites à l’absolutisme du droit de propriété résident dans les servitudes (passage ; écoulement des eaux) destinées à faciliter la cohabitation entre voisins. L’un des autres fondements du système juridique français est le contrat par lequel deux ou plusieurs personnes se consentent mutuellement des droits et des obligations.

Mention doit également être faite des règles successorales qui prévoient une répartition égalitaire de l’actif laissé par le défunt entre ses descendants. Tel est le paysage juridique dans lequel a évolué l’agriculture française pendant plus de deux siècles.

La première constatation qui s’impose est que les modalités de la dévolution successorale ont eu pour effet de « hacher le sol ». A chaque changement de génération, l’exploitation était divisée en autant de parts qu’il y avait d’enfants.

Pour lutter contre le morcellement des domaines qui en résultait, le législateur a conçu divers outils. Tout d’abord, usage a été fait du remembrement rural ; opération qui consiste, au sein d’un périmètre géographique restreint (en général la commune), à faire abstraction des anciennes limites de propriété puis, après redécoupage et regroupement des terres autour du siège de l’exploitation, à attribuer à chacun un lot équivalent en superficie et en valeur de productivité réelle à ce qu’il détenait auparavant.

Ensuite, ont été conçus l’attribution préférentielle et le salaire différé. La première permet, dans le cadre d’un partage après décès, à l’un des héritiers de s’approprier l’intégralité des biens à vocation agricole laissés par le défunt, sauf à dédommager ses semblables au moyen du versement d’une somme d’argent (soulte). Le deuxième fournit la possibilité à celui des enfants qui a participé gratuitement à la mise en valeur du fonds familial, d’exiger a posteriori le paiement du salaire dont il a été privé au moment de l’exécution des travaux.

Le principe de la liberté contractuelle n’est pas toujours garant de l’équilibre des engagements souscrits par les parties à la convention. En matière agricole, le contrat de bail, celui par lequel un propriétaire transfère la jouissance d’un bien lui appartenant à un tiers moyennant le versement d’un loyer, avait le plus souvent pour conséquence de placer le preneur en position d’infériorité.

C’est pour remédier à cette situation qu’ont été adoptées des dispositions d’ordre public auxquelles la location des terres agricoles doit impérativement obéir. Dans le souci d’assurer la protection du locataire, il est prévu que la durée du bail ne saurait en aucun cas être inférieure à 9 ans et qu’à son expiration le contrat se renouvelle automatiquement sauf si le bailleur revendique la reprise afin de procéder personnellement ou par proche interposé à la mise en valeur des biens lui appartenant. De même, le fermage n’est pas librement négocié entre les parties auxquelles obligation est faite de respecter un barème défini localement.

Sous condition d’accomplir les formalités requises, faculté est offerte au preneur d’aménager le bien loué en vue d’en accroître le potentiel économique. En contrepartie de l’enrichissement procuré au bailleur par son action, le fermier est fondé à exiger le versement d’une indemnité au moment de la libération des lieux.

Enfin, en cas de vente, le preneur bénéficie d’un droit de préemption qui l’autorise à acquérir par préférence à toute autre personne le bien loué. Il convient de préciser que les droits du locataire revêtent un caractère strictement personnel.

A de rares exceptions près, interdiction lui est faite tant de céder le bail dont il est titulaire que de sous louer les immeubles dont il a acquis la jouissance. Il en résulte que le contrat de bail est totalement dépourvu de valeur patrimoniale.

Aux alentours de 1960, à l’échelon tant européen que national, l’accent a été mis sur la nécessité de produire davantage. Dans le cadre du marché commun agricole ont été instituées des organisations communes de marché (OGM), génératrices, dans les principales filières (lait ; céréales) de soutien des prix. Outre l’accroissement des rendements, la première loi d’orientation agricole a prôné la parité entre l’agriculture et les autres activités socio- professionnelles et élu pour modèle « l’exploitation de type familial ».

Les instruments juridiques placés au service de la politique agricole sont multiples. Au premier rang figurent les aides conçues à destination des exploitants qui acceptent de s’engager dans la voie de la modernisation. Elles prennent la forme, soit de subventions versées aux agriculteurs lorsqu'ils renoncent à poursuivre leur activité ou aux jeunes qui s’installent, soit de prêts à taux bonifiés c’est-à-dire d’emprunts dont les intérêts sont partiellement supportés par la collectivité publique.

Afin d’améliorer leurs résultats et leurs conditions de vie, les agriculteurs sont invités à recourir aux formules sociétaires. Aux propriétaires et aux investisseurs sont proposés les groupements fonciers agricoles (GFA) dont la fonction est de regrouper des terres et des bâtiments en quantité suffisante afin de constituer des domaines viables destinés à être mis à la disposition d’exploitants qui ainsi font l’économie du foncier et peuvent consacrer leur capacité d’investissement à l’achat de cheptel et de matériel performants.

Aux exploitants est offerte la possibilité d’adhérer à un groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC) dont la particularité est de n’être ouvert qu’à des personnes qui pratiquent l’activité agricole et au sein de laquelle l’égalité entre membres est la règle en ce qu’aucun des associés ne saurait diriger alors que les autres seraient cantonnés à l’exécution des tâches subalternes. D’un point de vue économique, social et fiscal, les adhérents du groupement sont soumis au même régime que les chefs d’exploitation à titre individuel. L’exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) fournit une autre solution pour les candidats à l’exercice collectif de la profession agricole. Ce type de société est destiné à réduire les risques encourus par les associés en cas d’échec de l’entreprise. Seuls les biens qui composent l’actif social, à l’exclusion de ceux qui demeurent dans le patrimoine privé des membres constituent le gage des créanciers.

Au rayon de l’agriculture de groupe il convient, en outre, de faire mention des coopératives agricoles, des groupements de producteurs et des organisations interprofessionnelles. Issues du mouvement mutualiste, les coopératives ont pour mission de faciliter tantôt l’approvisionnement des agriculteurs,  tantôt l’écoulement de leurs récoltes. Les autres structures ont pour rôle de faire régner la discipline au sein de la profession agricole ou de fédérer les divers acteurs d’une filière (producteurs ; transformateurs ; distributeurs).

     En vue de contribuer à la réussite de la politique prônée par les pouvoirs publics, des contrôles sont effectués sur les mutations de propriété et de jouissance de terres à destination agricole. Il revient à des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER), spécialement créées à cet effet, d’acquérir des immeubles à finalité agricole dans la perspective de les revendre aux auteurs d’un projet économique conforme à l’orientation préalablement définie. Toutes les aliénations à titre onéreux doivent être portées à la connaissance de la SAFER territorialement compétente par le notaire chargé d’instrumenter. Ainsi informée, la SAFER dispose d’un droit de préemption dont l’exercice lui permet d’évincer l’acquéreur pressenti à son propre profit.

La surveillance des changements de titulaire du droit d’exploiter est confiée au représentant de l’Etat dans le département, à savoir  le préfet. Les opérations sont réparties en trois catégories. La réalisation de celles qui sont hors norme est subordonnée à l’obtention d’une autorisation administrative. L’accomplissement de formalités préalables est requis chaque fois que la superficie finale de l’exploitation constituée ou agrandie excède un seuil fixé localement, que le fonds initial est démembré ou que le candidat à la mise en valeur ne dispose pas de la capacité professionnelle suffisante, est trop âgé ou exerce simultanément plusieurs activités. Une simple déclaration est exigée lorsque la transaction intervient dans un cadre familial. Enfin, la liberté d’agir est entière dès lors que le projet est conforme aux souhaits des pouvoirs publics. Le non respect de la réglementation expose les contrevenants à de lourdes sanctions ; en particulier financières.

A mesure que se sont fait ressentir les méfaits de la surproduction, sous forme d’excédents, les autorités européennes ont multiplié les aides à la réorientation du sol et les mesures de contingentement. Les quantités de référence laitières et les droits de plantation en fournissent l’illustration. En considération d’une période de référence, un permis, ici de mettre en marché du lait et des produits laitiers, sans encourir de pénalités, là, d’implanter de la vigne est délivré. Autant d’autorisations administratives qui peuplent la catégorie des droits incorporels mobiliers dont l’importance au sein des exploitations agricoles n’a pas cessé de croître au cours des dernières années.

Parallèlement, le soutien des prix a progressivement  été délaissé au profit d’aides compensatoires distribuées eu égard à la superficie cultivée (céréales ; oléagineux ; protéagineux) ou au nombre d’animaux élevés (vaches allaitantes ; brebis). L’organisation mondiale du commerce (OMC) a sonné le glas des primes à la production. Afin d’éviter des distorsions de concurrence, l’Union européenne a été contrainte de renoncer au dispositif jusqu’alors en vigueur. Les traditionnels soutiens à la production ont été remplacés par des aides au revenu sous forme de droits à paiement unique (DPU).

Longtemps, l’agriculture ne s’est préoccupée que de nourrir la population, sans considération particulière pour l’environnement dans lequel elle évolue. Les effets conjugués de la surproduction et des aspirations exprimées par le public en matière de protection de la nature ont conduit à un changement de cap. En 1992, à l’occasion de la réforme de la politique agricole commune, il a été clairement affirmé qu’outre la fourniture d’une alimentation  saine, l’agriculture a pour fonction de participer, à l’aménagement du territoire, à la gestion de l’espace et à la protection de l’environnement. Le moyen utilisé pour convaincre les exploitants de modifier leur comportement a été le contrat. A ceux qui le souhaitent, en contrepartie d’une prestation de services est proposé le versement d’une rémunération. L’originalité est que la convention n’est pas conclue avec un consommateur déterminé mais avec l’Etat qui agit  au nom et pour le compte de tous.

Chaque année, au titre de la modulation, les aides destinées à être distribuées aux agriculteurs sont amputées d’un pourcentage en constante augmentation en vue de financer la contribution des adeptes de la multifonctionnalité à la préservation des équilibres écologiques. Dans le même temps, les réglementations contraignantes destinées à garantir la conservation des espaces, des espèces et des paysages prolifèrent. Les parcs naturels, les réserves, les sites classés, les secteurs de montagne, les zones humides, le réseau natura 2000 sont autant de lieu où, au nom de l’intérêt général, la liberté d’usage est restreinte. Par ailleurs, l’activité agricole n’est pas exempte de reproches, lorsqu’est analysée la qualité de l’air, de l’eau ou du sol. Qu’il s’agisse de l’utilisation de produits phytosanitaires, de la dissémination d’organismes génétiquement modifiés ou du prélèvement d’eau à fin d’irrigation, les agriculteurs sont tenus d’obéir à des mesures de police en perpétuelle mutation.

La vérité est que le droit rural est à la croisée des chemins. D’un point de vue strictement agricole, le deuil a été fait de l’exploitation de type familial. Désormais, il est communément admis qu’il convient de promouvoir une logique d’entreprise. Techniquement, les outils d’accompagnement doivent être recherchés dans le droit commercial. La preuve en est fournie avec le bail cessible et le fonds agricole. Le bail cessible est révolutionnaire en ce qu’il permet au locataire de transférer à autrui les droits dont il est titulaire et ainsi d’organiser la transmission de l’entreprise à la tête de laquelle il se trouve ; ce qui lui était interdit auparavant.

Susceptible d’être aliéné, le bail cessible est pourvu d’une valeur patrimoniale. Il représente l’un des éléments essentiels du fonds agricole destiné à fédérer l’ensemble des biens mobiliers affectés à l’exercice de l’activité agricole (cheptel ; matériel ; stocks ; contrats et droits incorporels cessibles…). Le fonds ne surgit pas de nulle part ; son émergence est liée à une déclaration effectuée volontairement par l’exploitant auprès du centre de formalité des entreprises. Pour l’heure, la principale vertu du fonds est de pouvoir servir d’instrument de crédit par l’intermédiaire d’un nantissement destiné à permettre au bénéficiaire, en cas de non respect de ses engagements par le débiteur, de provoquer une vente forcée et de se faire payer par préférence sur le prix obtenu en contrepartie.

Sur le terrain, il serait faux de croire que les « entreprises agricoles » sont uniformes. Les structures orientées vers la production massive de matières premières côtoient celles où sont développées des activités situées dans le prolongement de la récolte (transformation ; commercialisation) ou des prestations à caractère touristique (chambres et tables à la ferme ; camping ; gîte rural…). A chacun de ces profils doit correspondre une formule juridique adaptée, sans perdre de vue les attentes de la société, inquiète au sujet de l’avenir de la planète.

Le Notaire interlocuteur "naturel" de l'exploitant est en permanence à ses côtés pour l'assister et le guider dans ses choix.

Il est révélateur qu’il y a quelques mois, à l’occasion de l’établissement du bilan de santé de la PAC, les autorités européennes aient, en préambule, affirmé que « le changement climatique, les énergies renouvelables, la gestion de l’eau et la biodiversité constituent de nouveaux défis vitaux pour l’agriculture ». Voilà qui, à n’en pas douter, préfigure les réformes à venir.


 

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