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LE ROLE DU NOTAIRE DANS LE CADRE DU DROIT DE L’ENVIRONNEMENT :

l.- Les préoccupations environnementales sont désormais omniprésentes dans les textes législatifs et d’une manière générale dans les projets des Pouvoirs publics tant français qu’européens : elles sont même devenues l’objet de débats passionnés (pensons aux  OGM), et s’imposent dans le débat politique.

 

       Une conscience commune et même, a-t-on pu dire, une véritable mystique écologique marquent notre époque.

 

       Des concepts radicalement nouveaux sont apparus dans la société française depuis que l’environnement a pris cette place essentielle.

 

On peut en relever principalement trois :

 

       -ce qui jusqu’à présent était dépourvu de valeur, -ce que les juristes romains appelaient « res communes », a soudainement une valeur inestimable : le paysage, l’eau, la forêt, le littoral,  la biodiversité …

 

       -la notion productiviste de l’exploitation agricole s’estompe :  à sa place, on voit apparaître des obligations de simple entretien (les paysans sont parfois dénommés les jardiniers du paysage), le concept de développement durable est prédominant dans les nouveaux Contrats d’agriculture durable.

 

-le droit de propriété, absolu dans sa conception héritée au 19ème,  subit des restrictions nombreuses en faveur de l’environnement : on voit émerger  l’idée que le sol privé est  un bien à l’usage de tous ; il ne peut être exclusivement réservé à l’usage de son seul propriétaire, mais doit être le bien commun de la collectivité : cette notion est apparue nettement dans la dernière loi sur la forêt ;  personnellement en tant que notaire breton vivant au bord de la mer, je pense également  à la restitution au public des marcheurs et des amoureux de la nature, des « chemins de douanier », souvent récupérés sur les propriétés privées bordant le littoral.

 

       -l’environnement s’invite au cœur des cités, avec les différentes « chartes » d’écologie urbaine et rôle majeur dévolu à des acteurs associatifs lors des projets d’aménagement des terrains en zone péri urbaines.

 

       2.- Cette préoccupation générale en faveur de l’environnement est déjà ancienne dans le notariat français : il lui a consacré tout un Congrès dès 1993.

 

A l’époque déjà,  le rapporteur général de ce Congrès soulignait déjà que la protection juridique de l’environnement que le notaire doit assurer, est confrontée à de multiples problèmes spécifiques :

 

 

 

·                          celui de l’abondance des sources du droit de l’environnement : malgré la codification récente  dans le Code de l’environnement, de nombreux textes à valeur légale ou réglementaires français restent éparpillés, et rendent problématique la sécurité juridique dans ce domaine largement régi par les impératifs d’ordre public.

 

·                          De nombreux textes environnementaux (en matière de lutte contre la pollution ou en matière agricole) doivent être complètement maîtrisés, malgré leur difficulté technique qui impliquent de la part des praticiens, des connaissances scientifiques voire mathématiques que les juristes ne possèdent pas toujours.

 

·                          Enfin, l’introduction récente dans le droit français de conventions internationales, souvent en provenance de l’ONU vient encore complexifier la matière.

 

Depuis ce congrès, de nombreuses études sur le thème de l’environnement ont été menées par les notaires au sein des divers Instituts au sein du CSN et ont abouti à la publication de documents pratiques : je citerai les derniers nouveaux-nés : le questionnaire environnemental datant du début de cette année et le dossier consacré à l’eau, et à la réglementation qui l’entoure, paru le mois dernier.

 

      3.- Les notaires s’occupent principalement des transferts de propriétés immobilières entre personnes privées, et sont au cœur de cette problématique : en tant qu’officiers publics, investis par l’Etat d’une mission de service public, ils doivent faire respecter  le Droit, tout le temps et par tous.

 

      Il  faut effet vérifier la conformité des contrats et des conventions conclus  directement par les parties elles-mêmes, ou par des professionnels de l’immobilier, avec la réglementation environnementale :

 

-qu’ils s’agissent de biens situés en zone urbaine, en zone péri urbaine, en zone rurale, littorale, ou de montagne ;

 

-et que les biens  transférés soient : des maisons d’habitation, des terrains à bâtir ou des terres de culture ou des entreprises avec toutes les contraintes qui s’attachent à leur exploitation lorsqu’elles sont considérées comme des établissements classés.

 

       4.- A ce rôle de vérificateur, s’ajoute aussi celui de créateur de règles environnementales de droit privé, destinées à organiser l’espace et son utilisation entre personnes de droit privé ; ces règles conventionnelles paradoxalement, peuvent durer, souvent plus longtemps que les lois elles-mêmes.

 

       Aussi, je vous propose d’étudier en deux volets le rôle des notaires français dans le cadre du droit de l’environnement :

 

I..– LE NOTAIRE, EXECUTANT DE LA LOI :

 

Ce respect scrupuleux de la loi, le notaire l’exerce dans deux domaines distincts (bien que souvent liés) pour lesquelles les Tribunaux n’hésitent pas à mettre en œuvre sa responsabilité civile professionnelle s’il faisait une mauvaise application des textes régissant la matière, ce qui inclut les règles environnementales :

 

A.- dans les actes qu’ils rédigent ou authentifient :

 

Il peut s’agir d’actes notariés ou d’actes sous-seings privés, ou d’attestations diverses :

 

a.- Les notaires doivent d’abord connaître les textes spécifiques du droit de l’environnement : nous avons déjà évoqué les nombreuses sources, parfois peu accessibles et compréhensibles :  les notaires français sont heureusement aidés dans leurs recherches par deux institutions créées et financées par eux.

 

Il s’agit des CRIDON et des Instituts évoqués plus haut ; j’ai l’honneur de présider l’un d’entre eux,  l’Institut notarial de l’Espace rural et de l’environnement : c’est  d’ailleurs à ce titre que je m’exprime devant vous ;

 

Ce savoir juridique est un préalable obligatoire ; comme vous le savez dans notre pays, les notaires établissent et rédigent seuls leurs actes, sans l’intervention d’autres professionnels du droit.

 

 Mais il faut s’entendre sur le mot « Environnement ».

 

On peut tout d’abord l’assimiler au « cadre de vie » et plus particulièrement celui des vendeurs et des acquéreurs,  clients des notaires.

 

Si le notaire est chargé de rédiger un acte de vente d’une maison, celle-ci doit faire l’objet de diagnostics techniques spécifiques, ainsi que d’une analyse des titres de propriété afin de rechercher la présence d’éventuelles servitudes de droit privé (droit de passage, de vue…) ou d’autres précisions indispensables à la sécurité juridique de l’opération.

 

Mais c’est aussi l’environnement d’un bien, entendu dans son sens de contexte ou de situation, au regard des plans d’urbanisme, des servitudes de droit public (alignement, plan d’exposition aux risques,.. ), qui régissent son terrain d’assiette et le secteur où il est situé,  qui doit être étudié et connu du notaire rédacteur.

 

b) Ils doivent ensuite appliquer les règles de droit qu’ils ont dégagées et les adapter à l’opération.

 

 Il peut s’agir :

 

-du droit de la construction : cela concerne la qualité des constructions, l’isolation, la sécurité, les normes de construction, l’accessibilité, la lutte contre l’incendie,

 

-du droit de l’urbanisme : dans ce domaine d’organisation de l’espace, il faut respecter le zonage des secteurs urbains : certains sont réservés à l’habitation, d’autres aux activités tertiaires ou aux commerces, à l’agriculture, aux loisirs, aux réseaux de communications : chaque secteur a sa réglementation propre.

 

-de la santé publique :les préoccupations sanitaires sont devenues prioritaires aux yeux des Pouvoirs publics et justifient des normes de plus en plus rigoureuses concernant la salubrité des locaux, la pollution des eaux, des sols ou des airs..

 

B- Egalement dans les conseils et avertissements qu’ils prodiguent à leurs clients :

 

En droit français le notaire est appelé à délivrer des conseils à ces clients même s’il ne rédige pas un acte :pour leur compte :ce qui ne signifie pas évidemment pas qu’il est dispensé d’en donner lorsqu’il établi un acte ; cela veut simplement dire qu’il peut faire du conseil, sans authentifier un document.

 

  Il doit apporter l’éclairage de ses connaissances à l’opération projetée : en percevoir les contraintes,  les zones d’ombres ou les risques, les conséquences sur la valeur des biens acquis.

 

Cela concerne non seulement les personnes privées dans leurs opérations personnelles ou familiales, mais également les collectivités locales,  généralement petites ou moyennes, qui confient de plus en plus de missions aux notaires : tel que les conseils en matière de plan d’urbanisme, le montage de dossiers de lotissement, la division en volumes, les baux emphytéotiques hospitaliers…

 

Progressivement il devient, par sa connaissance juridique et sa maîtrise technique de nombreux domaines complexes, un « maître d’œuvre » des opérations d’urbanisme.

 

II. – LE NOTAIRE, CREATEUR DE REGLES :

 

Du fait de son rôle d’officier public qui lui permet de rédiger, de recevoir et de conserver des actes qui reflètent les accords passés entre les parties, le notaire français crée des obligations opposables à tous, pour le présent et le futur.

 

A.- le domaine d’excellence du notariat est en effet, la rédaction minutieuse et efficace des conventions des parties qu’il s’agisse d’organiser les rapports entre vendeur et acheteur, bailleur et preneur, propriétaire du fonds dominant et du fonds servant.

 

 Son domaine d’activité est vaste, même s’il est axé prioritairement sur l’immobilier.

 

Je prendrai quelques exemples tirés à nouveau de mon expérience du monde rural  pour illustrer mon propos :

 

a.- des dispositions existent qui imposent de respecter des distances entre les bâtiments d’exploitation (élevage ou stockage) et les maisons voisines, souvent habitées par des résidents secondaires, ou des personnes travaillant en ville, mais préférant vivre en campagne,  que l’on a baptisé « rurbains »

 

Les lois dans ce domaine ont souvent varié : le notaire prévoira donc dans son acte de vente de la maison ou du terrain à bâtir ou encore de constitution de servitude, des distances à respecter qui ne varieront plus et protégerons efficacement les résidents des nuisances de l’exploitation toute proche.

 

Une telle convention garantit aussi l’exploitant agricole de toute réclamation ou contestation puisque les titres de propriété des uns et des autres en font état ;

 

Cette solution du recours à la convention des parties, de préférence à la loi, qu’elle peut littéralement écarter, vient d’ailleurs d’être expressément retenue par le législateur en 2005 : l’acte notarié est donc préféré à la loi, et par le législateur lui-même…

 

b.- L’Etat avait prévu antérieurement la signature des contrats territoriaux d’environnement (CTE): puis un texte récent  a abrogé le CTE pour le remplacer par un nouvel instrument juridique : le contrat d’agriculture durable (CAD).

Les conventions conclues sous l’ancienne législation reçues par des notaires restent  applicables et seront  respectées jusqu’à leur terme.

 

B.- le caractère de longue durée des conventions notariées :

 

a.- Le droit de l’environnement est bien souvent un droit de l’urgence : il faut réagir rapidement face à un nouveau danger : gaz à effet de serre, dioxine,  pollution ou autres risques.

 

S’y ajoute aussi la notion d’intérêt général (notamment la santé publique) qui rend ces textes impératifs et applicables immédiatement.

 

Le revers d’un droit réactif est son caractère mouvant, souvent modifié et remplacé par des dispositions jugées meilleures ou plus protectrices, au moins sur le moment : la France connaît en ce moment une inflation de textes relatifs aux diagnostics préalables aux mutations en propriété ou en jouissance des locaux d’habitation ou appelés à recevoir du public, que seul le notariat arrive à suivre et à respecter.. nous en sommes à 6 en 2007  (0 en 1999).

 

b.- Le notaire essaie d’inscrire son action, et donc son acte, dans le long terme : il cherche à répondre à la préoccupation du moment, mais il sait aussi que ce qui est signé par tous ne pourra pas être facilement défait.

 

C’est le paradoxe de l’intervention du notaire :

* elle est ponctuelle,

*elle n’a d’effet qu’entre les parties concernées,

 *mais l’acte qu’elle produit ne pourra pas être facilement remise en cause, et  en réalité, durera beaucoup plus longtemps que les textes légaux.

 

En un mot, le plus durable des deux n’est peut être pas le développement durable : l’avenir seul nous dira s’il s’agit la recherche de la durabilité est un phénomène de mode, par nature passager,  ou une véritable préoccupation, justifiée et efficace contre la pollution et la dégradation de notre environnement.

 

Dans le champ de réflexion  de l’Institut de l’Espace rural et de l’environnement, mes confrères et moi pensons que l’acte notarié pourra imposer sur le long terme le respect de règles culturales ou les conditions d’exploitation entre le bailleur et le locataire, ou encore permettra le maintien dans de bonne condition d’un droit de passage sur un terrain agricole, et que nos actes seront toujours appliqués quand la réglementation d’origine aura disparu .

        

 

       Dans le domaine de l’Environnement, le notaire français joue en effet un rôle non négligeable.

 

l’Etat le considère d’ailleurs comme un des vecteurs les plus performants de son action en plan local, en lui confiant de plus en plus de mission d’information, d’application et de contrôle.

 

 

 

 

Je vous remercie de l’attention que vous avez bien voulu m’ apporter.


 

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