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Analyse de la réponse judiciaire concernant l’irrecevabilité de l’action dirigée contre un titre exécutoire

Récemment, la Cour populaire suprême a émis une “Réponse à la possibilité ou non de recevoir les actions intentées par des parties qui contestent le contenu d’un acte authentique de créance doté de la force exécutoire”. Cette réponse estime que selon les dispositions de l’article 214 de la Loi de Procédure civile et de l’article 37 de la Loi sur le Notariat, un instrument de créance qui a pour objet une prestation et qui stipule expressément que le débiteur accepte l’exécution forcée est, conformément à la loi, doté de la force exécutoire. Lorsque le créancier ou le débiteur conteste le contenu de cet instrument de créance et intente une action civile directement devant la Cour populaire, la Cour populaire ne doit pas l’accepter.  Pourtant, lorsque l’acte authentique de créance contient effectivement des erreurs, et la Cour populaire a décidé de ne pas l’exécuter, les parties et les autres intéressés de l’affaire notariale peuvent intenter devant la Cour populaire une action portant sur le contenu en question.

 

Une compréhension correcte de la réponse pourra faciliter sa mise en application et diriger avec efficacité la pratique notariale en matière d’exécution forcée. L’auteur pense que la réponse de la Cour suprême populaire élucide les questions suivantes : 

 

I. Les articles 37 et 40 de la Loi sur le notariat entretiennent-ils une relation type clause spécifique et clause générale ou une relation parallèle ?    

L’article 37 de la Loi sur le notariat dispose que si le débiteur n’exécute pas ou exécute de manière incomplète un instrument de créance passé devant notaire ayant pour objet la livraison ou le paiement et qui comporte un engagement explicite de la part du débiteur d’accepter l’exécution forcée de ses obligations, le créancier peut en demander l’exécution à une Cour populaire compétente en vertu de la loi. Et l’article 40 de ladite Loi dispose que les personnes en cause et les personnes concernées par une affaire notariale peuvent intenter une action devant une juridiction populaire en cas de litige entre elles portant sur le contenu de l’acte authentique.

Comment faut-il comprendre la relation entre les deux dispositions susmentionnées? Si un acte authentique de créance doté de la force exécutoire fait partie de l’acte authentique défini dans l’article 40, le créancier qui conteste le contenu de l’acte authentique doté de la force exécutoire pourra entreprendre un procès devant la Cour populaire. Or, la réponse de la Cour suprême populaire a nié cette interprétation, c’est-à-dire que l’acte authentique de créance doté de la force exécutoire n’est pas susceptible d’être l’objet d’une action en justice. D’après nous, la Cour suprême populaire, dans sa conception législative, a vraisemblablement principalement visé les motifs suivants : (1). Elle reconnaît que les articles 37 et 40 de la Loi sur le notariat entretiennent une relation de type clause spécifique et clause générale et non une relation parallèle. Par conséquent, en cas de conflit entre la disposition spécifique et la disposition générale, l’application de la première, c’est-à-dire de l’article 37 de la Loi sur le notariat, est prioritaire ; (2). La Cour suprême populaire a donné une explication restrictive conformément à l’objectif de la législation notariale, c’est-à-dire au niveau du système notarial. L’un des trois principaux effets de l’acte authentique, la force exécutoire a été établie dans les pays de droit continental dotés d’un système notarial avancé. Si on reconnaissait le droit d’action en justice contre un acte authentique de créance doté de la force exécutoire, cela reviendrait à nier le fondement de la force exécutoire de l’acte authentique; (3). La Cour suprême populaire reconnaît le statut du titre exécutoire dont est doté un acte authentique de créance disposant de la force exécutoire. En tant que titre exécutoire valide, l’acte authentique de créance disposant de la force exécutoire ne doit pas faire l’objet d’une action en justice, à moins que le titre exécutoire ne comporte lui-même des erreurs.              

 

Par conséquent, comme le démontrent les analyses ci-dessus, la Cour suprême populaire a confirmé que les articles 37 et 40 de la Loi sur le notariat forment une relation de type clause spécifique et clause générale.

 

II. Est-ce que le créancier ou à la fois la créancier et le débiteur ne peuvent intenter un procès ?

 

Avant la réponse de la Cour suprême populaire, il existait sur la question deux points de vue. Selon le premier point de vue, le créancier a renoncé au procès tandis que le débiteur ne l’a pas. Par conséquent, ce dernier peut intenter une action devant la Cour populaire portant sur l’acte authentique de créance doté de force exécutoire et le créancier ne peut le faire ; selon le deuxième point de vue, l’acte authentique de créance doté de la force exécutoire signifie automatiquement que le créancier comme le débiteur renoncent tous deux à l’action en justice, par conséquent, aucun des deux ne peut intenter une action devant la Cour. Lequel de ces deux points de vue est le plus approprié ?    

 

La réponse donnée par la Cour suprême populaire a finalement soutenu le deuxième point de vue, peut-être à notre avis  pour des raisons suivantes: d’un côté, l’action en justice est la solution finale pour tout litige, c’est-à-dire qu’elle correspond au principe de la solution judiciaire finale, mais elle n’est ni la seule ni la meilleure solution. Le principe de l'autonomie de la volonté inclut également le principe permettant aux parties intéressées de choisir la solution qu’elles considèrent comme la meilleure pour traiter le litige. Le solution anticipée de litiges dans un acte notarié traduit relativement mieux l’autonomie de la volonté concernant le traitement des litiges ultérieurs et correspond également à la volonté populaire traditionnelle dans notre pays, à savoir de se doter d’un plan anticipé visant à résoudre harmonieusement les litiges grâce au respect consciencieux des contrats et sans recourir uniquement au procès. Le force exécutoire d’un acte  notarié ne peut exister qu’à condition de donner aux parties le droit de choisir le mode de traitement des litiges. En même temps, puisque le créancier renonce à l’action en justice, il faut admettre que le débiteur y renonce également, sinon on assistera à un grave déséquilibre entre les droits et les intérêts des parties en cause. La Cour suprême populaire ne permet pas la situation où pour un même titre exécutoire, une partie a le droit d’intenter une action tandis que l’autre ne l’a pas. En d’autre terme, les parties ne doivent pas instituer deux effets procéduraux (deux titres exécutoires) sur une même relation juridique substantielle, les deux devant se trouver dans une relation où l’un exclut l’autre. De l’autre côté, si on admettait pour le créancier le droit d’intenter une action devant la Cour pour l’acte authentique de créance, on admettrait une injustice de fait entre le créancier et le débiteur et on ne pourrait pas non plus expliquer pourquoi le créancier dispose du droit d’intenter une action lorsqu’il s’oblige envers le débiteur.     

 

Par conséquent, les analyses ci-dessus démontrent que la Cour suprême populaire soutient l’idée selon laquelle ni le créancier ni le débiteur ne doivent intenter d’action.

 

III. Les parties peuvent-elles restaurer le droit d’intenter une action en justice en cas d’erreurs contenues dans un acte notarié de créances ?

 

Avant la publication de la réponse, il existait deux points de vue sur cette question. Selon le premier point de vue, une fois qu’une partie a renoncé à son droit d’intenter une action, cette renonciation demeure de sorte que ce droit ne peut être restauré. Selon le deuxième point de vue, en cas d’erreurs constatées dans le titre exécutoire, il faut permettre de restaurer le droit abandonné d’intenter l’action afin de protéger les droits et les intérêts du créancier et du débiteur, sinon il pourrait y avoir des conséquences extrêmement préjudiciables pour les parties en cause. La Cour suprême populaire a finalement soutenu le deuxième point de vue dans sa réponse. Voici notre analyse sur le plan de la doctrine : lorsque l’acte notarié de créance contient effectivement des erreurs, et que le tribunal a décidé de ne pas l’exécuter, le créancier ne perd pas uniquement le droit de demander la livraison ou le paiement, mais un mode de recours relativement rapide et sécurisant. Le droit de demander le paiement dont bénéficient les parties est maintenu, la Cour doit encore par nécessité y apporter son assistance. La perte du recours via la voie notariale signifierait pour les parties la perte du droit de demander la livraison ou le paiement, entraînant un grave déséquilibre entre les droits et les intérêts du créancier et ceux du débiteur, ce qui est évidemment contraire à la première intention de la mise en place du système d’authentification de l’exécution forcée. Par ailleurs, en vertu de la doctrine selon laquelle le recours existe là où le droit existe, il faut apporter suffisamment d’assistance au créancier. Par conséquent, au cas où le tribunal a décidé de ne pas l’exécuter, les parties peuvent, munies de l’acte notarié et du jugement concerné,  saisir la Cour populaire. Comme il existe nombre de cas où la non-exécution est prononcée, on pourra également restaurer le recours via la voie notariale basé sur la force exécutoire en produisant un nouveau acte notarié, à condition que les parties soient d’accord.   

 

A l’exception des cas où la non-exécution est prononcée par le tribunal populaire, les actes notariés des créances dotés de la force exécutoire peuvent aussi faire l’objet d’une annulation par les établissements notariaux. L’article 39 dispose que « les personnes en cause et les personnes concernées par une affaire notariale peuvent déposer une demande de vérification à l’établissement notarial émetteur de l’acte en question, si elles considèrent que l’acte notarié contient des erreurs. Si le contenu de l’acte est contraire à la loi ou non conforme à la réalité, l’établissement notarial doit annuler l’acte et procéder à la publicité. L’acte en question est nul dès le début ; si l’acte contient d’autres erreurs, l’établissement notarial doit les rectifier». Le droit d’intenter l’action en justice des parties est-il automatiquement restauré après l’annulation de l’acte en question par un établissement notarial ? Nous pensons que oui. Parce que cette annulation est par nature identique à la décision de la non-exécution de l’acte notarié prononcée par le tribunal populaire : il n’y a pas de différence substantielle entre les deux. Si après l’annulation de l’acte notarié doté de force exécutoire par un établissement notarial, les parties concernées perdaient aussi le droit d’intente une action en justice, cela voudrait dire que l’établissement notarial a rendu un jugement judiciaire définitif sur le litige, ce qui n’est évidemment pas approprié, car c’est à la Cour populaire d’exercer le pouvoir de jugement définitif sur le litige. La réponse de la cour suprême populaire n’étant pas très claire sur cette question, nous pensons qu’il faut considérer cette annulation de la même manière que la décision de non-exécution de l’acte notarié prononcée par le tribunal populaire.          .       

  

La Cour suprême populaire soutient la restitution aux parties le droit d’intenter une action en justice au cas où l’acte de créance contiendrait des erreurs ; en cas de disparition du titre exécutoire, les dispositions de l’article 40 de la Loi sur le notariat seront appliquées pour restituer ce  droit.    

 

IV. La décision de ne pas exécuter l’acte authentique de créance prise par la Cour populaire est-elle la condition préalable à la restitution du droit d’intenter une action en justice ?

 

La réponse de la cour suprême populaire dispose clairement que les parties ne peuvent récupérer leur droit d’intenter une action en justice qu’à la condition que la Cour populaire ait décidé de ne pas exécuter l’acte authentique de créance. Par ailleurs, deux questions méritent d’être étudiées.   

 

A- Le titre exécutoire est-il encore nécessaire ?

 

 

La réponse de la Cour suprême populaire n’a pas mentionné le titre exécutoire ; mais la circulaire conjointe émise par la Cour suprême populaire et le Ministère de la Justice à propos de l’exécution forcée de l’acte notarié reste encore en vigueur. Par conséquent l’existence du titre exécutoire est encore nécessaire, ceci pour les raisons suivantes : le titre exécutoire constitue un document transitoire et non un document judiciaire final. Les effets des éléments qui figurent sur le titre exécutoire n’ont pas nécessairement de force contraignante sur la Cour populaire. Celle-ci pourra, en fonction des objections soulevées par les parties en cause, modifier le contenu du titre exécutoire d'après les faits et la loi. Et fait exécuter la livraison ou le paiement après la modification. La réalisation de l’examen et du réajustement final par le pouvoir judiciaire à l’égard du titre exécutoire se justifie par la réalité. Selon certains chercheurs, lorsqu’il émet le titre exécutoire, l’établissement notarial doit vérifier, en vertu des interprétations judiciaires, l’existence réelle des faits de non exécution ou d’exécution et des éventuels doutes de la part du débiteur sur les devoirs stipulés  dans le titre de créance. Assurer qu’un contenu notarié soit exempt de doute, cela nécessite évidemment la confrontation et le débat. De ce fait, le pouvoir d’authentification qu’exerce l’établissement notarial devient au fond un pouvoir judiciaire. Faut-il reconnaître que l’établissement notarial exerce un pouvoir judiciaire en émettant le titre exécutoire. Mais tant que ce titre exécutoire peut être modifié par la Cour, le pouvoir judiciaire final, définitif et de jugement est en fin de compte exercé par cette dernière, l’établissement notarial n’a donc pas de pouvoirs exorbitants.    

        

B- Comment confirmer qu’un acte authentique de créance contient vraiment des erreurs ? La réponse de la Cour suprême populaire n’a pas défini directement les cas concrets, ce qui veut dire qu’un pouvoir discrétionnaire est accordé au juge, cela est évidemment défavorable aux effets d’un acte authentique de créance. Dans ce cas-là, les notaires ne peuvent qu’essayer de convaincre les juges dans les dossiers concrets pour que ces derniers reconnaissent les effets de l’acte notarié. 

 

En conclusion, les analyses précédentes démontrent que la réponse émanant de la Cour suprême populaire correspond à la situation notariale réelle du pays et à la compréhension actuelle et générale sur la notion de force exécutoire. La mise en application de cette réponse va certainement calmer les débats actuels et contribuer à la mise en valeur efficace des fonctions notariales.   

 

Annexe : 

 

Cour populaire suprême

Réponse à la possibilité ou non de recevoir les actions intentées par des parties qui contestent le contenu d’un acte authentique de créance doté de la force exécutoire

(adoptée le 8 décembre 2008 par la session 1457 du Comité judiciaire de la Cour suprême populaire) 

 

Selon les dispositions de l’article 214 de la Loi de procédure civile et de l’article 37 de la Loi sur le notariat, un instrument de créance qui a pour objet une prestation et qui stipule expressément que le débiteur accepte l’exécution forcée est, conformément à la loi, doté de la force exécutoire. Lorsque le créancier ou le débiteur conteste le contenu de cet instrument de créance et intente une action civile directement devant la Cour populaire, la Cour populaire ne doit pas l’accepter.  Pourtant, lorsque l’acte authentique de créance contient effectivement des erreurs, et la Cour populaire a décidé de ne pas l’exécuter, les parties et les autres intéressés de l’affaire notariale peuvent intenter devant la Cour populaire une action portant sur le contenu en question.


 

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