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Les donations en droit français

Les donations en droit français

 

Charles GIJSBERS

Professeur à l’Université Paris II, Administrateur du Centre

 

Avant même de vous faire part des règles s’appliquant aux donations en droit français, il n’est pas inutile, en introduction, de préciser la notion même de donation.

 

Pour ce faire, il suffit de rappeler que la donation fait partie de la famille des libéralités, qui sont les actes de disposition à titre gratuit. Elle est, plus exactement, l’un des deux types de libéralités que connaît le droit français, aux côtés du legs fait par testament.

 

Quelle est au juste la différence entre la donation et le legs ? Elle tient tout simplement dans le fait que le legs est une libéralité à cause de mort, c’est-à-dire une libéralité qui prendra effet au décès du disposant, alors que la donation est une libéralité entre vifs.

 

De cette différence majeure découlent des conséquences importantes :

 

-        Premièrement, alors que le legs est un acte unilatéral, la donation est un contrat. Elle implique donc non seulement le consentement du donateur mais aussi celui du donataire, c’est-à-dire de la personne gratifiée.

 

-        Deuxièmement, alors que le legs est librement révocable par le testateur (= auteur du testament) jusqu’à son décès, la donation est irrévocable. Elle est même plus irrévocable que ne l’est un contrat à titre onéreux (nous y reviendrons). 

 

-        Troisièmement, alors que le legs peut porter sur un bien déterminé ou sur une universalité de biens, voire sur la totalité du patrimoine du disposant, la donation porte toujours sur un ou plusieurs biens particuliers.

 

La notion de donation étant précisé, je vais tâcher d’en brosser à gros traits le régime juridique en insistant surtout sur les donations simples puis en évoquant, d’un mot, quelques donations particulières.

 

– I –

Les donations simples

 

Examinons les règles de forme puis les règles de fond, qui s’appliquent à la donation. 

 

A – Règles de forme

 

Il est évident que la donation est un acte grave :

 

-        Acte grave pour le donateur qui se dépouille d’un bien sans contrepartie.

-        Acte potentiellement dangereux aussi pour le donataire, à tout le moins lorsque la donation porte atteinte à la réserve héréditaire des enfants du donateur, qui pourraient alors réclamer au donataire une indemnité de réduction (nous en reparlerons dans un instant).

 

1/ C’est la raison pour laquelle le droit français subordonne, par principe, la validité de la donation à une règle de forme, indiquée à l’article 931 du Code civil : la donation doit être passée devant notaire.

 

L’intervention obligatoire du notaire est justifiée par la nécessité d’attirer l’attention des parties, spécialement du donateur, sur la portée de cet acte.

 

Si la forme notariée n’est pas respectée, la donation est nulle.

 

Cela veut dire par exemple que si une personne promet à une autre de lui donner un bien et qu’elle le fait par un acte sous signature privée, cette promesse ne peut recevoir aucun effet. 

 

Voilà en tout cas le principe.

 

2/ La jurisprudence a admis certaines exceptions au formalisme notarié.

 

La principale d’entre elles est le don « manuel », ainsi nommé il elle prend la forme d’une remise de la main à la main de l’objet donné.

 

La jurisprudence y voit un contrat réel et estime que la donation se forme ici par la remise de la chose.

 

Longtemps cantonné aux biens meubles corporels, le don manuel a également été admis sur des valeurs scripturales puisqu’il est possible de les remettre par un virement de compte à compte : c’est le cas de la monnaie scripturale ainsi que des valeurs mobilières.

 

On pourrait se demander pourquoi la jurisprudence française a admis ce type de donations alors même que la loi française subordonne par principe la validité de la donation à la rédaction d’un acte notarié ?

 

Pour au moins deux raisons. 

 

-        D’abord parce que la forme notariée ne s’impose que lorsque les parties établissent un acte portant donation ; or, précisément, les parties ne rédigent ici aucun acte constatant la donation.

 

-        Ensuite parce que la remise de la chose au donataire est considérée comme permettant d’attirer l’attention du donateur sur la gravité de son acte. Ce dessaisissement permet d’éviter des générosités irréfléchies. Il se substitue à la fonction normalement dévolue à l’intervention du notaire.

 

Il faut cependant être clair. Le don manuel offre une sécurité juridique très inférieure à celle de la donation notariée :

 

-        Très inférieure d’abord car la preuve du don manuel et de sa date (qui peut avoir une grande importante au moment de régler la succession du donateur) est évidemment plus difficile à faire.

 

-        Très inférieure ensuite car les conseils prodigués par le notaire sont nettement supérieurs à la simple remise de la chose donnée par le donateur.

 

-        Très inférieure enfin car le notaire peut assortir l’acte notarié de donation de multiples clauses détaillant les conditions des libéralités et d’éventuelles charges. La stipulation de telles clauses, sans être impossible en présence d’un don manuel (grâce à la technique dite du pacte adjoint), est tout de même beaucoup moins aisé et source de potentielles contestations.

 

B – Règles de fond

 

S’agissant des règles de fond, deux séries de remarques peuvent être faites, les unes relatives à la formation de la donation, les autres à ses effets.

 

1/ Quant aux règles de fond relatives à la formation de la donation, je signale, sans les développer, trois questions importantes.

 

La première est relative à la qualité du consentement du donateur : la donation pourrait être annulée si le donateur y a consenti sous l’empire d’une erreur ou d’un dol. 

 

La deuxième est relative à la capacité des parties : celle du donateur comme celle du donataire.

 

-        Sur le premier point, il est certain que, compte tenu de la gravité de ses conséquences, la donation n’est possible que si le donateur a une pleine capacité juridique : un mineur ou un majeur placé sous un régime de protection ne peuvent pas, en principe, consentir de donation.

 

-        S’agissant de la capacité du donataire, le législateur pose ici certaines limites en interdisant que certaines personnes puissent recevoir une donation. C’est par exemple le cas des membres des professions médicales et, plus largement, de ceux qui prodiguent des soins aux personnes malades (art. 909, al. 1).

 

Une troisième règle de fond qui s’applique à la formation d’une donation est la règle dite d’irrévocabilité des donations.

 

L’idée est simple : on ne veut pas que le donateur puisse reprendre ce qu’il a donné, autrement qu’il se ménage par un moyen ou un autre la possibilité de revenir sur la libéralité.

 

Ainsi, l’on n’admet pas que la donation puisse être assortie d’une condition potestative, c’est-à-dire d’une condition dépendant d’un événement que le donateur a toute latitude de faire arriver ou non. Ex. : « je donne à la condition que je ne me marie pas ».

 

2/ Quant aux effets de la donation, ils tiennent pour l’essentiel dans le transfert de propriété au bénéfice du donataire.

 

Parce que le transfert procède d’un contrat, il est toutefois possible d’en aménager les effets.

 

Deux exemples :

 

-        D’abord, il est possible d’imposer des charges au donataire (par ex. : donner des soins au donateur, soumettre le bien donné à une affectation spéciale, etc.). Si la charge n’est pas respectée, le donateur pourra agir en révocation de la donation pour inexécution des charges (C. civ., art. 956).

 

-        Ensuite, il est possible de stipuler un droit de retour conventionnel, qui est une clause en vertu de laquelle la donation sera remise en cause si le donataire venait à décéder sans enfant avant le donateur. Cette clause joue comme une condition résolutoire de la donation.

 

Un dernier mot sur les effets de la donation dans le cadre du règlement de la succession. Les donations sont par principe « rapportables » et « réductibles » :

 

-        Elles sont rapportables en ce sens que, lorsque la donation est faite à un successible, elle est censée lui être faite à titre d’avance sur ses droits successoraux. En somme, cette libéralité s’imputera sur les droits successoraux du gratifié. Elle viendra, en quelque sorte, en déduction de sa part héréditaire.

 

-        Elles sont réductibles pour atteinte à la « réserve ». Il existe en effet, en droit français, une portion des biens du défunt qui sont réservés à certains héritiers, principalement les descendants et, s’il n’y a pas de descendant, le conjoint survivant. Si le défunt a réalisé des donations au profit d’un tiers qui privent les héritiers de cette part réservée, les héritiers pourront réclamer au donataire une indemnité, que l’on appelle une indemnité de réduction.

 

Observons que, pour la mise en jeu du rapport comme de la réduction, l’évaluation du bien est repoussée : elle l’est à l’ouverture de la succession pour le calcul de la réserve et au jour du partage successoral pour le rapport.

 

 

– II –

Les donations particulières

 

Ce schéma très simple peut parfois se compliquer en raison de modalités spécifiques que les parties ont souhaité imprimées à la donation.

 

J’en retiens brièvement trois exemples.

 

A – La donation graduelle

 

Elle se définit comme une donation « grevée d’une charge comportant l’obligation pour le donataire de conserver les biens ou droits qui en sont l’objet et de les transmettre, à son décès, à un second gratifié désigné dans l’acte » (C. civ., art. 1048).

 

La donation graduelle a donc l’originalité d’être une double libéralité faite par un même disposant à deux bénéficiaires successifs, qui devront tous deux accepter la donation.

 

La première libéralité est directe et s’exécute immédiatement.

 

La seconde libéralité est indirecte, et procède de la charge imposée au premier gratifié. Le premier gratifié a donc la double obligation de conserver et de rendre le bien au second gratifié, cette seconde transmission se faisant au décès du premier gratifié.

 

Cet outil permet généralement d’assurer la transmission d’un bien sur deux générations selon les plans du disposant. Elle a toutefois l’inconvénient de frapper le bien transmis au premier gratifié d’une charge ad vitam de conserver le bien.

 

B – La donation résiduelle

 

La donation résiduelle est une autre variété de donation à double détente : elle est faite à un premier gratifié sous la charge de transmettre à sa mort, à un second gratifié, le ou les biens reçus, s’il n’en a pas disposé de son vivant (C. civ., art. 1057).

 

Comme la libéralité graduelle, elle créé deux transmissions successives qui s’articulent autour de la mort du premier gratifié et qui procèdent, l’une et l’autre, de la même personne, le donateur initial.

 

Une grande différence les sépare toutefois : elle n’impose au premier gratifié qu’une charge de transmettre et non de conserver. Le premier gratifié n’aurait donc pas la possibilité de disposer du bien à cause de mort, en le léguant par exemple, mais il demeure libre d’en disposer entre vifs, à titre gratuit comme à titre onéreux.

 

L’avantage, par rapport à la libéralité graduelle, est qu’elle laisse les biens transmis dans le circuit économique, ce qui donne au premier gratifié l’avantage de pouvoir les vendre s’il en éprouve le besoin.

 

L’inconvénient, par rapport à la libéralité graduelle, est qu’elle fragilise les droits du second gratifié, qui ne peut savoir à l’avance l’importance du reliquat auquel il pourra prétendre. Pour renforcer quelque peu la vocation du second gratifié, il est toutefois possible de priver le premier gratifié de la liberté de disposer des biens à titre gratuit par des donations.

 

C- La donation-partage

 

Comme son nom l’indique, la donation-partage est bien sûr une donation en ce sens qu’elle réalise bel et bien une transmission à titre gratuit entre le donateur et les donataires.

 

Mais c’est davantage qu’une donation dans la mesure où, à travers la libéralité qui est faite, le disposant va anticiper le partage successoral entre ses héritiers présomptifs.

 

On comprend, par-là, la nature duale de la donation-partage, qui est à la fois :  1/  un acte de disposition à titre gratuit par lequel les biens du donateur sont transmis à plusieurs bénéficiaires, qui sont en principe les héritiers présomptifs du donateur ; mais aussi  2/  un partage, c’est-à-dire un acte de répartition entre les gratifiés de ce que le disposant leur a transmis (v. C. civ., art. 1075 du Code civil, selon lequel « Toute personne peut faire, entre ses héritiers présomptifs, la distribution et le partage de ses biens et de ses droits. »).

 

Dans son esprit, la donation-partage est conçue comme un acte d’autorité favorisant la paix des familles. Le père de famille (ou la mère de famille), respecté de ses enfants, se fait le juge et l’arbitre des règlements patrimoniaux découlant de son décès : il opère donc, de manière anticipée, le partage successoral de ses biens ou de certains de ses biens, en obtenant l’adhésion de ses enfants aux lots qu’il a constitués pour chacun d’eux.

 

Cet objectif produit des conséquences qui éloignent le régime de la donation-partage d’une donation simple, sur au moins deux points :

 

-        D’abord, les dispositions comprises dans une donation-partage sont toujours soustraites au rapport : cela s’explique par le fait que le rapport est une opération préliminaire au partage qui ne se conçoit pas lorsque la libéralité participe elle-même au partage successoral, ce qui est le cas de la donation-partage.

 

-        Une seconde particularité concerne la date d’évaluation des donations soumises à réduction : contrairement aux donations simples pour lesquelles on tient compte de la valeur du bien donné à la date de l’ouverture de la succession, l’évaluation du bien s’opère ici au jour de l’acte de la donation-partage (pour autant que certaines conditions soient remplies : art. 1078).

 

Un dernier mot sur la donation-partage : l’allongement de la durée de la vie humaine fait que l’on ne recueille souvent les biens de ses parents qu’à l’âge de la retraite. Il a donc paru opportun de permettre à un enfant de laisser sa place à ses propres enfants dans la succession de ses parents ou dans le bénéfice de la donation-partage que ces derniers souhaiteraient réaliser à titre de règlement anticipé de leur succession. La chose a été rendue possible grâce à une proposition du notariat lors du 96e Congrès des notaires. Cette proposition a été concrétisée par la loi du 23 juin 2006 qui a introduit en droit français la donation-partage transgénérationnelle. Cette innovation permet donc de réaliser la donation-partage tout en sautant une génération…

 

 



 

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