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Le nouveau cadre de la déontologie des notaires français

Le nouveau cadre de la déontologie des notaires français[1]

 

Yves CHARPENEL

Premier avocat général honoraire à la Cour de cassation

Membre du Collège de déontologie du notariat

Président de la Commission de déontologie de la Ville de Paris

Administrateur du Centre

 

Le terme « déontologie » vient du grec deontos, qui veut dire « devoir ».

Dans son sens courant, il renvoie aux obligations que des personnes sont tenues de respecter dans leur travail.

On peut généralement convenir que les règles déontologiques sont la mise en œuvre des principes éthiques qui gouvernent une institution.

 

La déontologie notariale à des racines anciennes et profondes

C’est probablement à partir de la Révolution française et de la nouvelle organisation du notariat, à travers la loi du 6 octobre 1791, que la déontologie au sein de la profession s’invite dans les prérogatives de ce nouveau rôle d’officier public.

Dans l’exercice de sa fonction, dans son comportement, le notaire doit toujours donner la meilleure image de la profession.

Pour assurer son travail, il doit toujours entretenir et renouveler ses connaissances. Il doit également se tenir au courant de l’évolution du droit étant donné que ce domaine évolue avec le temps.

Le notaire doit remplir son devoir avec loyauté envers l’État grâce à sa délégation de puissance publique. Ainsi, il doit expliquer la loi et surtout en assurer la parfaite application. En vertu de son devoir de conseil, le notaire doit assurer ce service à tout moment et à toute personne qui le requiert dans un constant souci d’impartialité.

Entre eux, les notaires se doivent mutuellement conseil, appui et service. Chaque notaire a le devoir de contribuer à la formation de ses collaborateurs et de leur assurer des conditions de travail matériellement et moralement satisfaisantes.

 

Un cadre nouveau pour la culture déontologique notariale

La loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire a réformé la responsabilité des notaires et refondu leur déontologie : élaboration d’un code de déontologie, conciliation obligatoire, mise en place de véritables juridictions disciplinaires régionales, d’une Cour d’appel nationale et réforme des peines applicables sont autant d’outils pour mieux encadrer la profession et renforcer la confiance du public dans l'action des professionnels du droit, au premier rang duquel sont les notaires.

Une ordonnance n° 2022-544 du 13 avril 2022 et un décret 2022-545 du 13 avril 2022 sont venus compléter cette réforme. 

L’élaboration d’un Code de déontologie (article 32 de la loi du 22 décembre 2021- article 2 et 3 de l’ordonnance du 22 avril 2022) a été initiée par le Conseil Supérieur.

Il a confié à un collège de déontologie, placé auprès du Conseil supérieur du notariat (CSN), la  mission de participer à l’élaboration de ce code et d’émettre des avis et des recommandations sur son application.

Le décret n°2022-545 du 13 avril 2022 entré en vigueur le 15 avril 2022, définit l’organisation les missions et le fonctionnement de ce collège. 

Le collège de déontologie présidé par la présidente du Conseil supérieur du notariat, composé de 5 membres, 3 notaires et 2 magistrats représentant la Cour de cassation et le Conseil d’État a été installé le 6 juillet 2022 et a commencé ses travaux en examinant le projet de code de déontologie de la profession notariale et le projet de règlement professionnel du notariat.

Ce code de déontologie énonce les principes et devoirs professionnels permettant le bon exercice des fonctions et s'applique en toutes circonstances aux notaires, dans leurs relations avec le public, les clients, les services publics, leurs confrères et les membres des autres professions.

En effet, il est rappelé que toute contravention aux lois et règlements, tout agissement contraire au code de déontologie, y compris se rapportant à des faits commis en dehors de l'exercice de sa profession, et toute infraction aux règles professionnelles commis par un notaire peuvent être sanctionnés disciplinairement.

Ce code s’adresse à tous, notaires à titre individuel, structures professionnelles collaborateurs et stagiaires.

Le règlement professionnel des notaires complète le code de déontologie en précisant les  principes régissant le bon exercice de la profession, fixant les règles d’attribution des minutes de partage des émoluments et les règles de fonctionnement des instances et des organismes statutaires du notariat.

 

Le nouveau cadre déontologique clarifie et développe deux mécanismes de prévention :

D’une part les demande d’explications, rappel à l’ordre et injonction avec astreinte avant toute procédure disciplinaire (article 35 loi précitée et 6 de l’ordonnance).

En cas de manquement d'un notaire à ses obligations, l'autorité habilitée peut, même d'office, avant l'engagement éventuel de poursuites disciplinaires prendre des mesures préventives :

Demander des explications à ce professionnel et, le cas échéant, le convoquer ;

Lui adresser, à l'issue d'une procédure contradictoire, un rappel à l'ordre ou une injonction de mettre fin au manquement. Elle peut assortir cette injonction d'une astreinte, destinée à obliger le professionnel à exécuter son obligation. Elle consiste généralement dans le paiement d'une somme d'argent par jour de retard.

D’autre part l’amélioration de l’accueil des réclamations et conciliation obligatoire (article 36 de la loi et 4 de l’ordonnance).

Toute réclamation à l’encontre d’un notaire doit donner lieu à un accusé de réception.

Le notaire concerné est informé et invité à présenter ses observations.

Lorsque la nature de la réclamation le permet, et sous réserve des réclamations abusives ou manifestement mal fondées, l'autorité convoque les parties en vue d'une conciliation, à laquelle prend part un membre au moins de la profession. 

En cas d’échec de la conciliation, l’auteur de la réclamation peut saisir le procureur, ou directement les nouvelles juridictions disciplinaires.

 

De nouvelles juridictions disciplinaires sont créées (article 38 de la loi) 

Des chambres de discipline composées d’un magistrat du siège de la Cour d’appel et de deux membres de la profession seront instituées auprès de chaque Conseil régional des notaires.

Ces chambres rendront des jugements contre lesquels il sera possible d’interjeter appel devant une Cour nationale d’appel, qui est instituée auprès du Conseil supérieur du notariat. 

Elle sera composée de trois magistrats et de deux notaires. 

Les arrêts qu’elle rendra, pourront faire l'objet d'un pourvoi devant la Cour de cassation.

Les poursuites disciplinaires pourront être diligentées par le président du conseil régional ou interrégional, ou dans certains cas le président du Conseil supérieur du notariat (notamment en cas de carence du Président du conseil régional ou interrégional).

Le procureur général peut également exercer l’action disciplinaire (article 8 de l'ordonnance).

Il exerce une mission de surveillance de la déontologie et de la discipline des notaires du ressort de la Cour d'appel dont il dépend. 

Il peut saisir les services d'enquête de ces professions et demander toute explication à un professionnel ou aux instances représentatives de la profession.

Il exerce l'action disciplinaire à l'encontre des notaires concurremment avec les autorités habilitées à l'exercer.

Les sanctions prévues par le nouveau dispositif prévoient la possibilité d’une suspension en cas d’urgence ou pour la protection d’intérêts publics ou privés (article 40 de la loi et 17 de l’ordonnance). 

Les peines disciplinaires qui peuvent être prononcées au terme de l’instruction  sont L'avertissement, Le blâme, L’interdiction d’exercer à titre temporaire pendant une durée maximale de 10 ans (sursis possible), La destitution qui emporte interdiction d’exercice à titre définitif,  Le retrait de l’honorariat.

Une peine d’amende pourra également être prononcée et dont le montant ne pourra excéder la plus élevée des deux sommes suivantes : 10.000 euros ou 5% du chiffre d’affaires HT de l’année en cours. 

En conclusion la loi nouvelle est entrée en vigueur le 1er juillet 2022, exception faite de celles concernant les collèges de déontologie (article 3) entrées en vigueur au 15 avril 2022.

Plus que jamais l’ambition d’un tel cadre déontologique vise à rendre plus performante la prévention des conflits dans la pratique notariale.



[1] Source : Le notariat chinois, parrainé par l’Association du Notariat de Chine, no 12, 2023.



 

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