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Le divorce sans juge

Le divorce sans juge

 

Marie GORÉ

Professeur à l’Université Paris-Panthéon-Assas

Directrice de l’Institut de droit comparé

 

Le divorce sans juge a été introduit en droit français à l’occasion de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle et il est entré en vigueur le 1er janvier 2017 : c’est une nouvelle forme de divorce par consentement mutuel sans juge par acte sous seing privé contresigné par avocat et déposé au rang des minutes d’un notaire.

Cette innovation s’inscrit dans un double contexte :

D’abord, celui d’un engorgement des juridictions qui rend difficile le fonctionnement de la justice au quotidien. Il est urgent de décharger les juridictions en vue de permettre aux justiciables d’obtenir des décisions plus rapidement tout en respectant les impératifs de sécurité juridique.

Ensuite, le divorce sans juge participe du mouvement général de remise en cause de l’intervention du juge en droit des personnes et de la famille. La déjudiciarisation du divorce est le reflet de l’esprit de notre époque qui favorise en droit de la famille les règlements non contentieux et le recours à la médiation. Sans doute a-t-il les faveurs des époux pressés et sans désaccords majeurs.

Il est prévu aux articles 229-1 à 229- 4 du code civil. L’article 229-1 alinéa 1 dispose : « lorsque les époux s’entendent sur la rupture du mariage et ses effets, il constate, assistés chacun par un avocat, leur accord dans une convention prenant la forme d’un acte sous signature privée contresigné par leurs avocats et établis dans les conditions prévues à l’article 1374 ».

Quand les époux peuvent-ils y avoir recours ? En principe à tout moment.


Le divorce sans juge peut être retenu par les époux alors qu’une autre procédure de divorce a été engagée : le législateur a prévu les passerelles (articles 247 et 247-1 du code civil) permettant aux époux ayant entamé un divorce contentieux de basculer à tout moment vers un divorce par consentement mutuel.

Toutefois il est exclu dans deux hypothèses prévues à l’article 229-2.

En premier lieu, lorsque les époux ont un enfant mineur et que celui-ci informé par ses parents de son droit à être entendu par le juge demande son audition (art. 388-1 C.civ.).

En second lieu, lorsque l’un des époux se trouve sous l’un des régimes de protection (curatelle, tutelle ou autres).

Par souci de clarté, nous allons présenter les principaux traits de ce divorce par consentement mutuel non judiciaire en suivant un ordre chronologique qui révèle l’articulation des rôles de l’avocat et du notaire, leur complémentarité.  Fruit d’une collaboration entre le Conseil national des barreaux et le Conseil supérieur du notariat, une charte commune sur le divorce par consentement mutuel a été signée le 23 décembre 2020.

 

1/ Première étape : l’établissement de la convention

Quelques observations relatives au consentement des époux, au contenu et à la signature de la convention.

 

Le consentement.

Le divorce sans juge n’est possible que lorsque les époux s’entendent sur la rupture et ses effets. L’article 229-3 dispose que le consentement au divorce et  à ses effets ne se présume pas. En d’autres termes le consentement des époux doit être exprimé de manière expresse.

Et ce tant sur le principe même du divorce que sur l’ensemble des conséquences patrimoniales et extrapatrimoniales : le règlement complet des conséquences du divorce doit être accepté par les deux époux.


L’établissement du projet de convention est du ressort des avocats. Afin d’assurer un accompagnement efficace chacun des époux est assisté par un avocat qui doit contresigner la convention : il n’y a pas d’avocats communs ce qui permet de garantir une meilleure protection des intérêts du conjoint.

Après un processus de discussion et de négociations, les avocats élaborent un projet de convention. Chaque avocat envoie à l’époux qu’il assiste le projet  de convention par lettre recommandée avec avis de réception, laquelle peut se faire par lettre recommandée électronique. L’époux ne peut signer à peine de nullité avant l’expiration d’un délai de réflexion et d’une durée de 15 jours à compter de la réception. Ce délai de réflexion permet de garantir le consentement éclairé. Le formalisme dans l’échange entre l’avocat et son client évite que le délai de réflexion ne soit contourné par une signature antidatée de la convention.

 

Quant au contenu de la convention.

L’article 229-3 énumère les mentions obligatoires sous peine de nullité. Il s’agit d’abord des informations relatives à l’identité des époux, et à l’identification de leurs avocats. Il s’agit surtout qu’apparaisse la mention de l’accord des époux sur la rupture du mariage et sur ses effets. La convention doit contenir les modalités de règlement des effets du divorce, notamment le versement de la prestation compensatoire, l’état liquidatif du régime matrimonial, le cas échéant en la forme authentique devant le notaire lorsque la liquidation porte sur des biens soumis à publicité foncière ou la déclaration qu’il n’y a pas lieu à liquidation. Enfin la convention doit préciser que l’enfant mineur du couple a été informé de son droit d’être entendu par le juge et qu’il ne souhaite pas faire usage de cette faculté.


Quant à la signature de la convention.

Le divorce est subordonné à la conclusion de la convention par acte sous signature privée contresignée par les avocats. Les époux et leurs avocats doivent signer et contresigner la convention « ensemble », c’est-à-dire simultanément, en présence les uns des autres.

De la contre-signature apposée sur la convention de divorce par les deux avocats à la suite de la signature de chaque époux, il résulte que la convention, conformément aux conditions prévues à l’article 1374 du code civil « fait foi de l’écriture et de la signature des parties, tant à leur égard qu’à celui de leurs héritiers ou ayant cause ».

 

2/ Deuxième étape : le rôle du notaire

La convention prend dans un premier temps la forme d’un acte sous signature privée contresigné par les avocats. C’est dans un second temps qu’elle est déposée au rang des minutes d’un notaire. Précisément, celui-ci exerce une mission importante, qui est loin d’être celle d’un simple greffier.

D’abord, il est chargé du contrôle des formes de la convention et du respect du délai de réflexion des époux. Si le notaire constate une irrégularité avérée, l’absence d’une exigence formelle dans la convention ou le non-respect du délai de réflexion, il doit refuser le dépôt et renvoyer sans délai par lettre recommandée avec avis de réception la convention de divorce à l’avocat qui l’a sollicité (art. 229-1 C.Civ).

Ensuite, il est investi de la mission de contrôler la légalité de la convention de divorce. Certes les textes ne sont pas très explicites sur ce point et l’on pourrait penser qu’ils donnent au notaire un simple contrôle formel en seulement enregistrant passivement la convention. En réalité, ce contrôle de la légalité s’impose en ce qu’il est plus généralement une manifestation de ce que le notaire est tenu d’un devoir de conseil et de vérification de la légalité des actes auxquels il prête son ministère.

Le notaire doit donc refuser le dépôt de la convention en cas de contrariété manifeste à l’ordre public : par exemple en cas de renonciation à l’autorité parentale ou aux droits de visite de l’enfant. Et de fait en tant qu’officier public chargé d’une mission d’authentification il est interdit au notaire de donner son concours à un acte illégal.

Il est important de bien comprendre les rôles respectifs du notaire et de l’avocat. La fonction de contrôle de la légalité de la convention de divorce ne doit pas empiéter sur les attributions spécialement confiées aux avocats. Le notaire n’est pas pour autant une autorité d’homologation de la convention en remplacement du juge. Mais son intervention est un élément nécessaire du divorce par consentement mutuel sans lequel celui-ci ne peut produire aucun effet. En réalité le notaire partage avec les avocats le contrôle de la validité et de l’efficacité de la convention, qui est consubstantiel à l’authentification. Mais c’est bien son ministère qui confère en définitive à la convention de divorce par consentement mutuel les attributs de l’authenticité que sont la date certaine et la force exécutoire.

Ce qui implique un minimum de contrôle de sa part.

Le notaire n’effectue pas pour autant un contrôle d’opportunité, comme pourrait le faire un juge dans un divorce judiciaire : il ne pourrait s’immiscer dans la convention afin de s’interroger par exemple sur le montant de la prestation compensatoire ou celui de la contribution à l’entretien de l’enfant et éventuellement refuser que celle-ci soit déposée au rang des minutes.

 

3.   Troisième étape : les eets du dépôt de la convention contresignée au rang des minutes du notaire

 

Trois observations principales ici.

D’une part, le divorce par consentement mutuel contresigné par avocats emporte en principe exactement les mêmes effets que le divorce par consentement mutuel homologué par un juge. Il emporte révocation de plein droit des avantages matrimoniaux qui ne prennent effet qu’à la dissolution du régime matrimonial ou au décès de l’un des époux et des dispositions à cause de mort, accordés par un époux envers son conjoint par contrat de mariage ou pendant l’union, sauf volonté contraire dans la convention de l’époux qui les a consentis.

D’autre part, il sera toujours possible de remettre en question la convention. Non seulement les époux pourront modifier la convention d’un commun accord, mais la révision judiciaire de la prestation compensatoire et des modalités de l’exercice de l’autorité parentale sera toujours possible (C. civ., art. 279, 373-2-13).

Enfin, c’est le dépôt qui réalise juridiquement le divorce en achevant sa constitution : il est un élément de perfection du divorce à lui seul. Cela résulte très clairement du troisième alinéa de l’article 229-1 du Code civil : « Ce dépôt donne ses effets à la convention en lui conférant date certaine et force exécutoire ».

 

Deux précisions doivent être apportées ici.

En premier lieu la date certaine. C’est à cette date de que le mariage sera dissous (art.260 alinéa 1). Les distinctions suivantes s’imposent.

Quant aux rapports patrimoniaux entre époux : le divorce prend effet au jour du dépôt de la convention (au jour où le divorce acquiert force exécutoire), à moins que la convention n’en décide autrement (C. civ., art. 262-1 ) ;

Quant aux effets personnels entre époux : pour qu’ils puissent se remarier ou se pacser, le divorce doit être mentionné à l’état civil. À cet effet, le notaire délivre une attestation de dépôt au moyen de laquelle les ex-époux ou leurs avocats peuvent faire porter mention du divorce en marge de l’acte de mariage et de l’acte de naissance de chaque époux ;

Quant aux effets patrimoniaux à l’égard des tiers, le divorce doit être transcrit à l’état civil : c’est à cette date que la convention de divorce est rendue opposable aux tiers. Ainsi, au vu d’une attestation de dépôt délivrée par le notaire ou d’une copie certifiée conforme (avec ses annexes le cas échéant), pourront être effectuées toutes modifications sur les registres fonciers (mainlevées, radiations de sûretés, mentions, transcriptions ou publications) rendues nécessaires par le divorce (CPC, art. 1148-1).

 

En second lieu la force exécutoire.

La convention de divorce figure désormais parmi la liste des titres exécutoires. C’est un titre exécutoire. Les époux peuvent la faire exécuter y compris de façon forcée. La certification du titre exécutoire en vue de sa reconnaissance et de son exécution à l’étranger en application de l’article 39 du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003, est assurée par le notaire qui a reçu en dépôt la convention de divorce.

 

Conclusion.

On ajoutera pour terminer que les époux ne peuvent divorcer sans juge que si la loi française est applicable au divorce, plus exactement aux causes du divorce. Ce qui signifie que l’un et l’autre époux ont la nationalité française ou qu’ils ont l’un et l’autre leur domicile en France. De plus, depuis le 1er août 2022, en vertu de l’article 65 du Règlement UE 2019/1111 du 26 juin 2019, dit Bruxelles II ter, (se substituant au Règlement Bruxelles II Bis) relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale. « Les actes authentiques et les accords relatifs à la séparation de corps et au divorce qui ont un effet juridique contraignant dans l’État membre d’origine sont reconnus dans les autres États membres sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure. ». Par voie de conséquence, il reconnait un nouveau type d’acte : « l’accord » qui sans être authentique a été conclu « par les parties » dans les matières du règlement et « enregistré par une autorité publique ». Le divorce par consentement mutuel qui est un divorce sous signature privé entrera dans son champ d’application.


 



 

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