Le testament est
censé être exécuté[1]
- À propos du
rôle de l’exécuteur du testament (administrateur de la succession)
CHEN Danni
Notaire à l’Étude notariale Shangxin,
ville de Wuhan, province du Hubei
I. L’origine du
problème
Dans la pratique de l’exécution
de l’acte de succession, les notaires sont souvent confrontés à deux
situations. Premièrement : le défunt a laissé un testament, mais pour des
raisons diverses – par exemple le testament n’a pas été authentifié qui se
prête difficilement à la vérification, ou il présente des vices formels, ou encore
les héritiers sont parvenus à un certain accord, etc. – les héritiers déclarent
à l’unanimité qu’au lieu d’agir selon le contenu du testament, ils préfèrent adopter
la méthode de succession légale. Dans ce cas, la plupart des notaires respecteront
la volonté des parties (héritiers) qu’ils enregistreront sous forme de
procès-verbal, et exécuteront l’acte de succession suivant la procédure légale.
Ceci étant, certains notaires mentionneront explicitement dans l’acte l’existence
du testament mais qu’il ne fait pas l’objet de l’exécution, sans quoi une
personne tierce non impliquée dans l’affaire ne connaîtrait pas l’existence
d’un tel testament. Deuxièmement : le défunt a désigné clairement un exécuteur
du testament, mais au moment de l’exécution de l’acte de succession, souvent l’exécuteur
n’est plus joignable car le testament date de trop
longtemps, ou il refuse de s’acquitter de son
obligation légale, ou encore il est disposé à exercer ses fonctions mais les
héritiers ne veulent pas qu’« un étranger se mêle à leurs affaires
familiales », ce qui fait que l’exécuteur du testament n’existe que de nom. Dans
ces cas, certains notaires exécutent l’acte de succession selon le scénario
sans exécuteur testamentaire, pendant que d’autres ne laissent à celui-ci qu’une
marge de manœuvre très limitée, tout en prétendant pourtant reconnaître et
respecter son statut.
Les deux situations citées
ci-dessus reflètent un même problème : au cours de l’exécution de l’acte
de succession testamentaire, comment le notaire doit-il agir pour s’assurer que
le testament soit vraiment exécuté ? En d’autres termes, comment le notaire
joue-t-il son rôle pour que la volonté du testateur puisse être satisfaite ?
II. Les
garanties juridiques de l’exécution du testament : une comparaison avec
des pays étrangers
L’article 133 du
Code civil de la République populaire de Chine stipule : « Un acte
juridique civil est un acte par lequel une personne de droit civil, par
expression d’intention, crée, modifie ou met fin à une relation juridique
civile. » Le premier alinéa de l’article 134 du même Code précise
: « Un acte juridique civil peut être accompli par consentement unanime de
deux ou plusieurs parties, ou par l’expression unilatérale d’intention d’une
partie. » Selon ce qui précède, l’acte testamentaire est un acte
juridique civil fondé sur une manifestation unilatérale d’intention du
testateur. Par ailleurs, selon le premier alinéa de l’article
136 du Code civil : « Sauf disposition contraire de la loi ou
accord des parties, un acte juridique civil prend effet au moment où il est
accompli. » Et l’article 1121 : « La succession commence au décès du
défunt. » En conséquence, un testament prend effet au moment du décès du
testateur et constitue un acte civil pour cause de décès. Les actes juridiques
civils valides sont protégés par la loi. S’agissant du testament, tant qu’il
répond aux exigences de la loi en matière de forme et de fond, il doit être
protégé par la loi après son entrée en vigueur. Cette protection se manifeste
sous forme d’exécution efficace du testament, sans quoi la partie aurait droit
au recours. Cependant, par rapport à d’autres actes juridiques civils, les
recours en cas de non-exécution d’un testament sont limités. En cas de
non-exécution, un contrat conclu sur la base des intentions de plusieurs
parties pourrait être modifié ou annulé, ou c’est la partie en défaut qui en assumerait
la responsabilité ; de même, un mandat fondé sur une intention unilatérale
pourrait être ajusté par annulation, modification, reconnaissance posthume,
etc., ou le mandataire pourrait être poursuivi pour responsabilité civile. En
bref, dans tous ces cas, les parties disposent de différents moyens de recours pour
protéger consciemment et activement leurs droits et intérêts. Cependant, le fait
qu’un testament entre en vigueur signifie que le testateur est déjà décédé, tandis
que dans la plupart des cas les héritiers testamentaires ne sont que des bénéficiaires
purs et simples, qui assument très peu ou n’assument pas du tout d’obligations
ou de dettes. Si le bénéficiaire refusait d’exécuter le testament en raison de
ses propres intérêts, la réalisation de la volonté du testateur serait bien difficile ;
dans ce cas, le manque de recours approprié constituerait une injustice tant
pour le testateur que pour l’acte testamentaire qu’il a commis de son vivant.
Jetons un coup d’œil sur
les règles juridiques de l’Allemagne et de la France. Le Code civil allemand a
instauré un régime dit « contrat de succession »[2]. L’article 1937 dudit Code stipule : « Le défunt
peut désigner un héritier par une disposition unilatérale pour cause de décès
(testament, disposition définitive). » L’article 1941 précise
: « Le défunt peut, par contrat, désigner des héritiers, déterminer des
legs directs et des charges, et choisir la loi applicable en matière de
succession (contrat de succession). Peuvent être désignés comme héritiers
(héritiers contractuels) ou légataires l’autre partie du contrat ou une
personne tierce. » En fait, l’article 1937 ci-dessus concerne
justement la disposition unilatérale pour cause de décès, c’est-à-dire le
testament ; alors que l’article 1941 concerne la disposition bilatérale
pour cause de décès, c’est-à-dire le contrat de succession. Lequel contrat (qui
fait l’objet de l’authentification légale) indique clairement les droits et
obligations de toutes les parties, les conditions de sa résiliation et de son
annulation, l’effet de la disposition unilatérale, etc., ainsi est-il susceptible
de résoudre le problème éventuelle de non-exécution qui découle du testament conclu
unilatéralement.
En ce qui concerne la
nullité du testament, le Code civil français[3] stipule
ainsi dans son article 1043 : « La disposition
testamentaire sera caduque lorsque l’héritier institué ou le légataire la
répudiera ou se trouvera incapable de la recueillir. » Le premier
alinéa de l’article 1044 : « Il y aura lieu à accroissement
au profit des légataires dans le cas où le legs sera fait à plusieurs
conjointement. » En ce qui concerne le partage des biens,
l’article 1079 précise : « Le testament-partage produit les
effets d’un partage. Ses bénéficiaires ne peuvent renoncer à se prévaloir du
testament pour réclamer un nouveau partage de la succession. » Les
dispositions ci-dessus précisent les conséquences de l’abandon par les
héritiers testamentaires des biens donnés par le testament, lesquelles
conséquences sont, de plus, défavorables à l’abandonnateur. Au fond, c’est pour
protéger la volonté du testateur en matière de transmission des biens.
Le Code civil chinois n’a
pas prévu de dispositions similaires à celles susmentionnées, mais il a mis en
place un régime de protection de la succession en partant d’un autre point de
vue, à savoir celui d’exécuteur testamentaire. Le premier alinéa de
l’article 1133 du Code civil stipule : « Une
personne physique peut, en faisant un testament conformément aux dispositions
du présent code, disposer sa succession et nommer un exécuteur testamentaire. »
L’article 1145 : « Lors de l’ouverture d’une succession,
l’exécuteur testamentaire est l’administrateur de la succession. »
L’article 1150 : « Lors de l’ouverture de la succession, les
héritiers qui ont connaissance du décès du défunt sont tenus d’en informer les
autres héritiers et l’exécuteur testamentaire dans le meilleur délai. »
Bien que dans la pratique, l’effet du régime d’exécuteur testamentaire attende
encore à être évalué, il n’en est pas moins une solution au problème posé par
la loi. En outre, la remise de la rédaction du testament dans le domaine des
actes juridiques civils nous permettrait également de trouver certaines
solutions au problème.
III. La
fonction et le rôle du notaire pour assurer l’exécution du testament
Étant un important système de
justice préventive, le notariat est également une partie cruciale des services
juridiques publics. Les testaments notariés ont joué depuis longtemps un rôle positif
dans la prévention des litiges, la résolution des conflits et l’assurance de la
circulation ordonnée des biens au cours du processus de la succession
patrimoniale. Même si le Code civil chinois avait supprimé l’effet prioritaire
du testament notarié par rapport aux autres types de testaments, celui-là demeure
toujours un choix pertinent et crédible des citoyens en raison des atouts en
matière de fonctions et de rôles du notaire. Par conséquent, quand il fournit
aux parties des services juridiques liés à l’authentification du testament, le
notaire se devrait de les guider et de les aider à conclure un testament
conforme aux souhaits du testateur et susceptible d’être exécuté de façon
active. Au contraire, au cas où les héritiers abandonneraient l’exécution
d’un testament véridique et valide et qu’il n’y aurait aucun exécuteur
testamentaire désigné, le notaire devrait orienter les héritiers vers
l’exécution du testament tout en s’en tenant aux principes d’équité, de justice
et de respect de la volonté du testateur ; il devrait également utiliser d’autres
outils juridiques afin de réaliser l’objectif de répartition successorale.
1. Aider à
rédiger des testaments complexes contenant de multiples conditions de validité
Aux yeux des notaires,
tout testament, si simple soit-il, ne fait que répondre à trois
questions : Qui suis-je ? Quels biens ai-je ? À qui donnerai-je
mes biens ? En principe, la réponse à ces trois questions suffit de satisfaire
les besoins les plus essentiels du testateur en matière de succession.
Cependant, un tel testament serait trop simple pour répondre aux diverses
situations ou aux changements qui surviendraient dans l’avenir. Un des aspects
importants que le notaire devrait rappeler aux parties lors de la rédaction du
testament, c’est de savoir s’il faudrait établir un plan B voire même C au cas
où le plan A de la succession serait impossible à mettre en œuvre. Par exemple,
le testateur A avait deux enfants B et C. B n’avait pas accompli correctement
ses devoirs filiaux et A ne voulait pas qu’il hérite ses biens. Cependant, B s’entendait
bien avec sa sœur C qui, pour des raisons personnelles, ne voulait pas hériter
les biens de A. Ainsi, bien que A ait établi un testament par lequel il laisserait
ses biens à C, ce dernier, après le décès de A, a proposé d’adopter la méthode
de succession légale au lieu de testamentaire, et déclaré explicitement qu’elle
renoncerait à l’héritage de tous les biens de A. Dans ce cas, tous les biens de
A seraient hérités par B, ce qui irait complètement à l’encontre de la volonté
initiale de A. Pour cette raison, si lors de la consultation le notaire
décelait la volonté ferme de la partie A en matière de partage des biens
successoraux, il devrait lui signaler l’éventuelle conséquence indésirable de
cette volonté et lui suggérer d’optimiser les conditions de succession dans le
testament. La solution la plus simple serait d’y ajouter une clause : si
les héritiers nommés dans le testament n’étaient pas disposés à accepter les
biens successoraux ou souhaitaient renoncer à ces biens, alors la succession ne
s’effectuerait pas selon les dispositions du testament, et une autre personne
serait nommée comme hériter. Des conditions comme celle-ci, on pourrait en
établir une ou plusieurs dans le testament. Ce qui permettrait dans une
certaine mesure d’assurer la conformité de l’exécution du testament aux
volontés du testateur, car lesquelles volontés ont été déjà toutes précisées formellement
dans le testament.
En outre, grâce au régime
de fiducie testamentaire prévu dans le quatrième alinéa de l’article 1133
du Code civil, nous pourrons également atteindre l’objectif de
diversifier le contenu du testament, c’est pourquoi ce régime constitue pour le
notaire un autre outil avec lequel il aide le testateur à disposer ses biens
successoraux. Mais ici nous nous dispensons de le développer en détail.
2. Guider le
testateur dans sa désignation de l’exécuteur testamentaire ayant à la fois la
volonté et la compétence
Une fois que le testament
a rempli les conditions formelles pour être exécuté par de multiples voies, il
est également nécessaire de déterminer un sujet de l’exécution. Dans le
processus traditionnel du traitement du testament, certains notaires ne
recommandent pas aux parties de nommer des exécuteurs testamentaires, car que
ce soit dans les documents de justification à remettre ou dans la vidéo qui
enregistre le déroulement de l’enquête, il faut ajouter les contenus y ayant
trait. Si le testateur ne comprenait pas la raison d’être de l’« exécuteur
testamentaire » et demandait au notaire de l’expliquer lors de
l’enregistrement de la vidéo, et que l’explication du notaire ne soit pas
suffisante ou claire, cela pourrait mettre le testateur dans le doute.
Cependant, au fur et à mesure que le contenu du testament se complexifie, la nomination
d’un exécuteur testamentaire s’avère vraiment nécessaire. Pour cette raison, dès
le stade de consultation, le notaire devrait expliquer aux parties la
signification et les conséquences juridiques de l’exécuteur testamentaire,
souligner le rôle et la fonction importants de ce dernier dans la réalisation
des volontés du testateur, et guider les parties dans la désignation d’un exécuteur
testamentaire qui a à la fois la volonté et la compétence d’exécuter le
testament. À l’heure actuelle, certains établissements notariaux ont mis
en place des « bases de données d’administrateurs de la succession »
composées de professionnels des services juridiques, financiers, d’assurance,
fiduciaires, etc. Ces professionnels sont tous susceptibles d’être choisis et
nommés par les testateurs comme exécuteurs testamentaires lors de
l’authentification des testaments, pour fournir à ces derniers des services
professionnels en matière d’exécution de testaments ou d’administration
successorale. Dotés de devoirs, de droits et d’obligations conférés par la loi, l’exécuteur
testamentaire et l’administrateur successoral sont capables de jouer un rôle
actif et d’assurer l’exécution effective du testament après le décès du
testateur et l’entrée en vigueur du testament, conformément aux conditions
légales convenues à l’avance.
Une question qui suscite
le débat, c’est de savoir si les établissements notariaux peuvent assumer le
rôle d’exécuteur testamentaire ; et cette question en engendre une
autre : est-ce que les établissements notariaux qui fournissent des
services de testament peuvent être en même temps nommés exécuteurs
testamentaires. À propos de ces questions, l’auteur de cet article estime
qu’il faut adopter une attitude plutôt ouverte. D’une part, on a la liberté de
faire tout ce que la loi n’interdit pas. Étant donné que les établissements
notariaux sont impliqués dans le domaine du droit de la famille depuis déjà
plusieurs décennies, et que chaque année ils traitent un grand nombre d’actes
de testament, de succession et de tutelle, ils sont tout à fait capables de faire
un bon travail dans l’exécution et l’administration des testaments, d’autant
qu’ils possèdent une riche expérience pratique et connaissent parfaitement des
mécanismes de résolution de conflits. D’autre part, la vocation des établissements
notariaux est de rendre service au peuple et faciliter la résolution de leurs
difficultés. Si les parties choisissent d’authentifier leurs testaments,
c’est qu’ils reconnaissent la crédibilité et le pouvoir probant des établissements
notariaux. Pour cette raison, charger un établissement notarial d’authentifier
le testament et le nommer en même temps exécuteur testamentaire afin d’obtenir
de lui des services « à guichet unique », tel est un choix à la fois économique
et pratique du testateur.
[1] Source
: Le Notariat chinois, parrainé par l'Association du Notariat de Chine,
no 6, 2022.
[2] Les
dispositions et le contenu du Code civil allemand dans cet article sont cités
de CHEN Weizuo (trad.), Code civil allemand, Maison d’édition juridique, 5e édition,
novembre
2020.
[3] Les dispositions et le
contenu du Code civil français dans cet article sont tirés de LUO Jiezhen
(trad.), Code civil français, Peking University Press, 1ère
édition, juin 2010.
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