Réforme de la déontologie et de la responsabilité des notaires[1]
La loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire a réformé la responsabilité des notaires et refondu leur déontologie: élaboration d’un code de déontologie, conciliation obligatoire, mise en place de véritables juridictions disciplinaires régionales, d’une Cour d’appel nationale et réforme des peines applicables sont autant d’outils pour mieux encadrer la profession et renforcer la confiance du public dans l'action des professionnels du droit, au premier rang duquel sont les notaires.
Nouveauté : parution d’une ordonnance et d’un décret
La loi fixant les grandes orientations de la réforme et habilitait, dans son article 41, le gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance pour préciser cette réforme.
Une ordonnance n° 2022-544 du 13 avril 2022 et un décret 2022-545 du 13 avril 2022 sont venus compléter cette réforme.
Élaboration d’un Code de déontologie (article 32 de la loi du 22 décembre 2021- article 2 et 3 de l’ordonnance du 22 avril 2022)
Le notariat va se doter d’un Code de déontologie préparé par le Conseil supérieur du notariat (CSN) et adopté par décret en conseil d’État.
Un collège de déontologie, placé auprès du Conseil supérieur du notariat (CSN), reçoit pour mission de participer à l’élaboration de ce code et d’émettre des avis et des recommandations sur son application. Le décret n°2022-545 du 13 avril 2022 entré en vigueur le 15 avril 2022, définit l’organisation les missions et le fonctionnement desdits collèges.
Ce code énonce les principes et devoirs professionnels permettant le bon exercice des fonctions et s'applique en toutes circonstances aux notaires, dans leurs relations avec le public, les clients, les services publics, leurs confrères et les membres des autres professions.
En effet, il est rappelé que toute contravention aux lois et règlements, tout agissement contraire au code de déontologie, y compris se rapportant à des faits commis en dehors de l'exercice de sa profession, et toute infraction aux règles professionnelles commis par un notaire peuvent être sanctionnés disciplinairement.
Le CSN par la voie d’un règlement (approuvé par arrêté du garde des sceaux) va préciser les règles professionnelles propres à assurer le respect de ce code de déontologie.
Demande d’explications, rappel à l’ordre et injonction avec astreinte avant toute procédure disciplinaire (article 35 loi précitée et 6 de l’ordonnance)
En cas de manquement d'un notaire à ses obligations, l'autorité habilitée peut, même d'office, avant l'engagement éventuel de poursuites disciplinaires prendre des mesures préventives :
1. Demander des explications à ce professionnel et, le cas échéant, le convoquer ;
2. Lui adresser, à l'issue d'une procédure contradictoire, un rappel à l'ordre ou une injonction de mettre fin au manquement. Elle peut assortir cette injonction d'une astreinte, destinée à obliger le professionnel à exécuter son obligation. Elle consiste généralement dans le paiement d'une somme d'argent par jour de retard.
Amélioration de l’accueil des réclamations et conciliation obligatoire (article 36 de la loi et 4 de l’ordonnance)
Toute réclamation à l’encontre d’un notaire doit donner lieu à un accusé de réception (conformément aux dispositions de l’article L 112-3 du Code des relations entre le public et l'administration).
Le notaire concerné est informé et invité à présenter ses observations.
Lorsque la nature de la réclamation le permet, et sous réserve des réclamations abusives ou manifestement mal fondées, l'autorité convoque les parties en vue d'une conciliation, à laquelle prend part un membre au moins de la profession.
En cas d’échec de la conciliation, l’auteur de la réclamation peut saisir :
· Le procureur,
· ou directement les nouvelles juridictions disciplinaires.
De nouvelles juridictions disciplinaires sont créées (article 38 de la loi)
Des chambres de discipline composées d’un magistrat du siège de la Cour d’appel et de deux membres de la profession seront instituées auprès de chaque Conseil régional des notaires.
Ces chambres rendront des jugements contre lesquels il sera possible d’interjeter appel devant une Cour nationale d’appel, qui est instituée auprès du Conseil supérieur du notariat.
Elle sera composée de trois magistrats et de deux notaires.
Les arrêts qu’elle rendra, pourront faire l'objet d'un pourvoi devant la Cour de cassation.
Qui pourra déclencher des poursuites disciplinaires ?
L’article 29 de l’Ordonnance désigne pour exercer l’action disciplinaire :
· le président du conseil régional ou interrégional ;
· ou dans certains cas le président du Conseil supérieur du notariat (notamment en cas de carence du Président du conseil régional ou interrégional).
Le procureur général peut également exercer l’action disciplinaire (article 8 de l'ordonnance).
Enfin, après échec de la conciliation, l’auteur d’une réclamation peut saisir directement les instances disciplinaires (article 4 de l’ordonnance).
Quel est le rôle du procureur général (article 34 de la loi et 8 de l’ordonnance)
Le procureur général exerce une mission de surveillance de la déontologie et de la discipline des notaires du ressort de la Cour d'appel dont il dépend.
Il peut saisir les services d'enquête de ces professions et demander toute explication à un professionnel ou aux instances représentatives de la profession.
Il exerce l'action disciplinaire à l'encontre des notaires concurremment avec les autorités habilitées à l'exercer.
Création de services d’enquête (article 37 de la loi et 10 de l’ordonnance)
Auprès de chaque chambre de discipline, un service sera créé pour réaliser des enquêtes sur les agissements reprochés aux notaires et susceptibles de constituer une faute disciplinaire.
Il pourra être saisi par la juridiction disciplinaire ou les autorités qui exercent l’action disciplinaire.
Le notaire sera tenu de répondre aux convocations du service et de fournir tout document utile sans pouvoir opposer le secret professionnel.
Un décret en conseil d’État précisera sa composition et son fonctionnement notamment.
Suspension en cas d’urgence ou pour la protection d’intérêts publics ou privés (article 40 et 17 de l’ordonnance)
Lorsque l'urgence ou la protection d'intérêts publics ou privés l'exigent, le président de la juridiction disciplinaire de première instance ou son suppléant peut, à la demande d'une des autorités habilitées à exercer l'action disciplinaire, suspendre provisoirement de ses fonctions le professionnel qui fait l'objet d'une enquête ou d'une poursuite disciplinaire ou pénale, après avoir recueilli ses observations au terme d'un débat contradictoire.
La suspension ne peut excéder 6 mois et est renouvelable une fois. La décision de suspension peut faire l’objet d’un recours devant la cour nationale de discipline.
Échelle des peines remaniée (article 39 de la loi)
Outre les peines prononcées en matière de lutte contre le blanchiment (article L. 561-36-3 du Code monétaire et financier), les peines disciplinaires sont :
1. L'avertissement,
2. Le blâme,
3. L’interdiction d’exercer à titre temporaire pendant une durée maximale de 10 ans (sursis possible),
4. La destitution qui emporte interdiction d’exercice à titre définitif,
5. Le retrait de l’honorariat.
Une peine d’amende pourra également être prononcée et dont le montant ne pourra excéder la plus élevée des deux sommes suivantes : 10.000 euros ou 5% du chiffre d’affaires HT de l’année en cours.
Entrée en vigueur et mise en œuvre
La loi nouvelle a vocation à entrer en vigueur le 1er juillet 2022, excepté lorsque sont nécessaires des dispositions réglementaires (article 59, XIV).
L’ordonnance entre en vigueur au 1er juillet 2022 exception faite de celles concernant les collèges de déontologie (article 3) entrées en vigueur au 15 avril 2022.
L’ordonnance du 28 juin 1945 qui régissait jusqu’alors la discipline est abrogée par l’article 34 de la nouvelle ordonnance.
[1] Source : https://www.notaires.fr/, mis à jour le jeudi 7 juillet 2022
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