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Évolutions en matière de négociation précontractuelle et similarités avec le droit français des contrats - Bref regard sur le Livre III du Code civil chinois

Évolutions en matière de négociation précontractuelle et similarités avec le droit français des contrats

- Bref regard sur le Livre III du Code civil chinois

 

Charles GIJSBERS

Agrégé des facultés de droit, Professeur à l’Université Rouen Normandie 

 

De prime abord, la lecture du nouveau Livre III du Code civil chinois consacré aux contrats n’est pas de nature à dépayser un juriste français. - Nul exotisme d’abord pour qui considérerait cette codification à travers sa structure. Le régime du contrat se déploie en effet autour d’une partie générale, qui fixe les règles applicables à toute convention (le droit commun des contrats), et d’une partie plus spécifique consacrée aux contrats nommés, tels la vente, la donation, le prêt, le cautionnement, le bail, le contrat de prestation de service…. la clef de répartition entre ces deux corps de règles, énoncée au sein de « dispositions préliminaires », évoquant furieusement notre actuel article 1107.

 

Nul exotisme encore lorsque l’on contemple les lignes de fond qui structurent la matière contractuelle. Si l’on s’en tient à tout le moins à la théorie générale, le code chinois et le code français convergent sur de nombreux points.

 

La formation du contrat, par exemple, obéit à des règles qui nous sont étonnamment familières. L’on y retrouve : le principe du consensualisme voulant que le contrat n’a pas besoin par principe d’être coulé dans une forme prédéfinie pour accéder à la vie juridique ; une définition classique de l’offre de contracter, dont il dit qu’elle doit être ferme et précise, et de l’acceptation de l’offre, qui n’enfante la convention que si elle concorde avec l’offre ; l’affirmation du principe de bonne foi et du devoir de confidentialité comme piliers de la phase précontractuelle ; le mécanisme de la représentation et son cortège de sanctions lorsque le représentant a agi sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs, etc.

 

Même constat lorsque l’on porte le regard sur l’exécution du contrat : exécution placée, comme en France, sous le double patronage du principe de la force obligatoire des conventions et du principe de loyauté contractuelle ; exécution encadrée par quantité de règles identiques aux nôtres, qu’il s’agisse du paiement, de la compensation, de la cession de créance, de dette ou de contrat.

 

Il en va pareillement du régime des sanctions de l’inexécution contractuelle, qui donne à voir un éventail de mesures assez comparable au nôtre : responsabilité contractuelle, droit à l’exécution forcée en nature sous certaines exceptions (notamment le coût manifestement excessif pour le débiteur), droit de résoudre le contrat, y compris de manière unilatérale (mais à charge de subir un contrôle judicaire a posteriori), possibilité de soulever l’exception d’inexécution, etc.

 

Mais l’exemple le plus frappant de ces concordances se rapporte à l’équilibre contractuel puisque deux mesures phare de l’ordonnance du 10 février 2016 trouvent leur équivalent dans le code chinois : d’une part, la lutte contre les clauses abusives dans les contrats d’adhésion, que la loi chinoise qualifie de « clauses standard », dont la nullité est encourue lorsqu’elles créent un déséquilibre flagrant entre les droits et obligations des parties ; d’autre part, la consécration de la théorie de l’imprévision qui est formulée en des termes qui évoquent furieusement ceux de l’article 1195 du Code civil français.

 

N’en déduisons pas qu’aucune différence ne s’observe entre les codifications chinoises et française du droit des contrats. - Il existe tout d’abord, mais c’est inévitable, des différences de style. En particulier, là où la loi civile française se veut économe de mots, le code chinois est volontiers plus disert. C’est ainsi qu’expédiés dans notre code en quelques lignes, certains aspects de la matière contractuelle ont parfois paru digne au codificateur chinois de nombreux et longs articles : voyez par exemple le régime de l’offre et de l’acceptation ou celui de l’exception d’inexécution.

 

On observe ensuite, entre nos deux modèles, des écarts substantiels, dont l’origine n’est d’ailleurs pas toujours identique.

 

Sur certains points, les solutions chinoises apparaissent tout simplement plus « modernes » que les nôtres, la fracture étant certainement appelée à se réduire les années passant. Ainsi quant au rôle du numérique pour la preuve des contrats, le Code chinois indiquant sans détour qu’un échange de courriels vaut preuve littérale là où, en France, le courrier électronique n’a pas encore conquis un tel statut dans la hiérarchie des preuves. Ainsi encore quant aux préoccupations environnementales, l’article 509 du Code chinois indiquant qu’« au cours d’exécution du contrat, les parties doivent éviter le gaspillage des ressources, la pollution environnementale ou la destruction écologique ». Ainsi toujours quant à la responsabilisation du créancier victime d’une inexécution contractuelle, l’article 591 du Code civil chinois l’obligeant à prendre des mesures appropriées afin d’éviter l’aggravation de son préjudice.

 

Sur d’autres points en revanche, les divergences semblent plus profondes, comme étant le reflet de cultures foncièrement différentes. L’exemple le plus frappant tient à la place de l’État qui, en France, est en retrait de la sphère contractuelle, du moins dans la théorie générale des obligations, alors que son ombre paraît planer constamment sur les conventions chinoises. Il est dit par exemple qu’en cas d’ambiguïté du contrat, celui-ci sera exécuté d’après les standards recommandés par l’État. Il est dit encore, au chapitre de la détermination du prix, que les parties peuvent se référer au prix fixé ou recommandé par le Gouvernement. On lit enfin, dans un article au ton comminatoire, que « lorsque les parties effectuent des actes attentatoires à l’intérêt de l’État ou à l’intérêt général de la Société, le département chargé de la surveillance et la régulation du marché ainsi que d’autres départements administratifs doivent les surveiller ou les réguler conformément aux lois et règlements ».

 


 

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