L’administration de la copropriété
Stéphane LELIÈVRE
Notaire
Aborder le thème de l’administration de la copropriété, c’est, dans un premier temps, étudier les actes fondateurs de la copropriété sur la base desquels celle-ci va être administrée : l’état descriptif de division et le règlement de copropriété.
A ce stade, deux professionnels interviennent comme nous le verrons : le géomètre expert et le notaire.
Ce sera la première partie de mon exposé.
Lorsque la copropriété fonctionne, c’est-à-dire lorsqu’au moins deux lots de copropriété appartiennent à deux copropriétaires différents dans un immeuble achevé, le législateur a déterminé les modalités de gestion de toute copropriété.
Ce sera l’objet de ma seconde partie.
I/ Les actes fondateurs de la copropriété : l’état descriptif de division et le règlement de copropriété
Arrêtons-nous, pour commencer, sur les actes fondateurs de la copropriété.
Comme le Professeur GIJSBERS vous l’a expliqué, notre réforme du 10 juillet 1965 sur le statut de la copropriété des immeubles bâtis a mis en avant un concept nouveau : le lot de copropriété qui a la particularité d’avoir 2 composantes :
- Une partie privative, dont l’article 2 de la loi nous dit que « sont privatives les parties des bâtiments et des terrains réservées à l’usage exclusif d’un copropriétaire déterminé » ; c’est par exemple, l’appartement, le local commercial, la cave, l’emplacement de stationnement. Cette partie privative doit être déterminée et elle est la propriété exclusive de chaque copropriétaire.
- Une quote-part de propriété dans les parties communes : c’est une indivision sur ces parties communes, mais une indivision forcée c’est-à-dire qu’aucun des copropriétaires ne peut en demander le partage. Cette quote-part dans les parties communes est la plupart du temps définie en fonction de la « valeur relative de la partie privative » : sa consistance, sa surface, sa situation dans les étages, son coefficient d’ensoleillement….
En France, c’est le géomètre expert qui va avoir deux missions et qui intervient en amont du travail du notaire :
1/ Première mission : déterminer les parties privatives et les parties communes, soit en se rendant sur place dans un immeuble achevé, pour établir la description et les plans des parties privatives et des parties communes, soit en travaillant sur les plans du permis de construire lorsqu’il s’agit d’un immeuble qui va être vendu par lots de copropriété en état futur d’achèvement.
La désignation d’un lot de copropriété peut être la suivante : « LE LOT NUMERO UN (1) : un appartement situé dans le bâtiment A, au 1er étage gauche composé d’une entrée, salon, salle à manger, cuisine, deux chambres, une salle de bains avec wc. Et les 50/1000èmes des parties communes générales »
Le géomètre-expert va définir l’ensemble des lots de la copropriété.
2/ Deuxième mission : déterminer les charges que chaque copropriétaire devra régler.
Sur la base de ce document, le notaire va établir un état descriptif de division dans lequel il va désigner tous les lots de la copropriété, lequel état descriptif de division va être publié au service de publicité foncière pour le rendre opposable aux tiers. Ce service va créer une fiche pour chaque lot en l’annotant ensuite des différents droits réels qui vont porter sur ces lots : ventes, hypothèques, servitudes …
En parallèle, le notaire va établir un autre document intitulé « règlement de copropriété ». Il s’agit d’ailleurs en général d’un seul acte qui va contenir, d’une part l’état descriptif de division et d’autre part le règlement de copropriété.
Le règlement de copropriété est un document très important en France car c’est la « charte fondatrice » de la copropriété. Il a une nature contractuelle en ce sens qu’il fixe des droits et des obligations qui doivent être respectés et qui s’imposent à tous les copropriétaires tant dans leurs relations entre eux qu’avec le syndicat des copropriétaires. La nature contractuelle du règlement de copropriété induit que chaque copropriétaire peut en demander le respect, sans avoir à prouver un préjudice ; en outre, les droits et obligations ne peuvent être modifiés qu’avec l’accord de tous ou d’une majorité.
Que va contenir ce règlement de copropriété ?
Tout d’abord la désignation de l’assiette foncière de la copropriété par référence au cadastre et l’origine de propriété du chef du propriétaire de l’immeuble : ce sont deux éléments indispensables pour individualiser l’immeuble et son propriétaire et donc pour publier l’acte au service de publicité foncière.
Il s’agira également de relater les éventuelles servitudes qui peuvent grever ou profiter à cette assiette foncière (une servitude de passage terrestre, une servitude de passage de canalisations…).
Le corps du règlement de copropriété est généralement divisé en plusieurs parties.
La première partie consiste à énumérer les parties communes et les parties privatives.
Trois catégories de parties communes peuvent coexister :
Les parties communes générales qui font l’objet d’une propriété indivise entre l’ensemble des copropriétaires. L’article 3 de la loi du 10 juillet 1965 énumère un certain nombre de parties de l’immeuble qui sont considérées comme des parties communes dans le silence ou la contradiction des titres : le sol, les cours, les jardins, les voies d’accès, le gros œuvre des bâtiments, les locaux des services communs, les éléments incorporés aux parties communes... Il convient également de définir les services collectifs et les éléments d’équipements communs (ex : les ascenseurs avec leurs accessoires, etc..).
L’article 3 n’étant pas d’ordre public, il appartient donc au propriétaire de l’immeuble, avec l’aide du géomètre-expert qu’il mandatera, de déterminer ces parties communes générales et de les indiquer au notaire. C’est donc seulement s’il y a un oubli ou une contradiction dans le règlement de copropriété que la loi intervient pour colmater cet oubli.
Certains droits sont également considérés par la loi comme étant communs : ce sont des droits dits « accessoires aux parties communes » qui pourraient être privatisés, mais dans le cas contraire qui appartiennent à l’ensemble des copropriétaires ; ainsi le droit de surélever un bâtiment, le droit d’édifier des bâtiments nouveaux dans les parties dans les parties communes, le droit de construire de manière plus générale. L’utilisation de l’un de ces droits nécessitera l’accord de la copropriété.
Il peut exister des parties communes spéciales qui font l’objet d’une propriété indivise entre certains copropriétaires seulement. Il pourra s’agir par exemple, de la structure, des fondations de chaque bâtiment dans l’hypothèse où il y aurait plusieurs bâtiments, d’une rampe d’accès à des parkings qui sera indivise entre les propriétaires de ces parkings, d’un toilette, d’un placard à chaque étage, appartenant aux différents propriétaires de cet étage.... A ces parties communes spéciales, seront affectées automatiquement des charges spéciales, et seules les copropriétaires auxquels elles appartiennent voteront lorsqu’il s’agira d’envisager des travaux sur ces parties communes.
Autre catégorie de parties communes : les parties communes à jouissance privative. Ce sont des parties communes qui restent appartenir à l’ensemble des propriétaires mais qui sont affectées à l’usage ou à l’utilité exclusif d’un lot. Ainsi, un jardin rattaché à un appartement situé au rez-de-chaussée. Le règlement devra préciser les différentes charges afférentes à cette partie commune ainsi que le redevable de celles-ci : le titulaire du droit ou l’ensemble des copropriétaires.
Il s’agira enfin de définir les parties privatives, c’est-à-dire toutes les parties des bâtiments et des terrains réservés à l’usage exclusif d’un copropriétaire déterminé. Cette notion comprend tout ce qui est intégré dans le lot de chaque propriétaire : les parquets, carrelages (à l’exception en général, du gros œuvre qui appartient à l’ensemble des copropriétaires) les portes, les fenêtres, les volets roulants, les revêtements superficiels des terrasses (à l’exception du gros œuvre en général également) …
L’énumération précise des parties communes et des parties privatives est importante pour éviter toute interrogation future sur la nature juridique commune ou privative d’un élément de l’immeuble.
Le règlement de copropriété devra également définir la destination de l’immeuble. Il s’agit d’une particularité Française. La destination d’un immeuble, ce sont toutes les raisons en vertu desquelles une personne a souhaité acquérir dans cet immeuble plutôt que dans un autre.
C’est une notion très importante en copropriété car c’est par référence à la destination de l’immeuble que l’on va pouvoir limiter le droit du copropriétaire ; ainsi, dans un immeuble de grand standing le propriétaire de l’immeuble va pouvoir préciser que les locaux accessoires (greniers, caves, parkings) ne pourront pas être loués ou vendus séparément du local principal; la division de lot pourra également être interdite, pour maintenir un standing de deux appartements par étage par exemple.
La destination des parties privatives qui est l’une des composantes de la destination de l’immeuble, devra également être définie; ainsi le règlement de copropriété pourra interdire l’exercice de toute activité professionnelle ou commerciale dans les lots.
Cette notion de destination de l’immeuble est très souvent visée dans la loi 1965 pour imposer un vote à l’unanimité des copropriétaires et, c’est pour cette raison qu’il convient d’être très attentif à sa définition, alors même que la jurisprudence considère que cette destination est évolutive.
Le règlement de copropriété pourra également prévoir différentes clauses dont le but sera d’assurer aux copropriétaires le respect d’une certaine harmonie, d’une sécurité, ou encore respect de la tranquillité de chacun :
- interdiction de mettre du linge aux fenêtres, emplacement et dimension des plaques professionnelles, interdiction d’entreposer des matières insalubres, inflammables, interdiction d’encombrer les parties communes…
- interdiction de faire des travaux susceptibles de gêner les voisins, obligation de tenir ses animaux en laisse dans les parties communes…
Autre élément important du règlement de copropriété : la détermination des charges faites par le géomètre-expert. Il existe deux catégories de charges en copropriété :
· Les charges dites « générales » qui concernent la conservation, l’entretien, l’administration des parties communes ; par exemple, le ravalement des façades, l’éclairage des parties communes, l’accès à l’immeuble (interphone, digicode), le nettoyage de l’immeuble, mais également, les frais de tenue des assemblées générales, les honoraires du syndic, l’assurance de l’immeuble…
Elles sont réparties entre les copropriétaires en fonction de la valeur relative du lot ; le plus souvent cette valeur sert également à l’établissement des quotes-parts de propriété dans les parties communes.
Tous les copropriétaires sans exception doivent participer aux charges générales.
· Les charges dites « spéciales » : ce sont celles relatives aux services collectifs et aux éléments d’équipement communs : l’entretien et le fonctionnement des ascenseurs, du chauffage central, des vide-ordures … Elles sont réparties en fonction de l’utilité objective que ces éléments d’équipement et services collectifs présentent à l’égard de chaque lot. A titre d’exemple, le copropriétaire d’un appartement du rez-de-chaussée ne participe pas aux charges d’ascenseur mais celui du dernier étage aura une quote-part importante alors même qu’il n’utilise jamais l’ascenseur.
II/ Les modalités de gestion de toute copropriété
Dans ce même règlement de copropriété, vont également être précisées toutes les modalités de gestion de la copropriété qui sont la reprise de la loi, mais qui permettent à tout copropriétaire de comprendre comment fonctionne une copropriété.
Ce sera l’objet de la deuxième partie de mon exposé.
Tous les copropriétaires composent « le syndicat de la copropriété ». Une loi du 24 mars 2014 dite la loi ALUR, a prévu la création d’un registre d’immatriculation des syndicats de copropriétaires pour les immeubles à destination partielle ou totale d’habitation, ce qui permettra de connaître toutes les copropriétés de France.
Devront figurer dans ce registre :
- le nom, l’adresse, la date de création du syndicat, le nombre et la nature des lots de copropriété et, le cas échéant, le nom du syndic.
- mais également l’existence d’un éventuel plan de sauvegarde ou d’une administration provisoire de la copropriété.
Ce sont les syndics qui doivent procéder à cette immatriculation, sous astreinte éventuellement.
Le notaire sera chargé de procéder aux formalités d’immatriculation dans deux hypothèses :
- lors de la mise en copropriété
- lorsqu’il n’a pas été procédé à l’immatriculation en raison de l’absence de syndic ou de son inaction.
Le syndicat des copropriétaires est représenté par un syndic bénévole ou professionnel. La durée maximale du mandat du syndic est de 3 ans, durée renouvelable.
Le syndicat dispose de la personnalité morale, c’est-à-dire d'une personnalité civile propre, distincte de celle de chaque copropriétaire ; il peut ainsi agir en justice tant en demande qu’en défense, il peut acquérir des lots, en créer sur des parties communes, les vendre et partager le prix entre tous les copropriétaires.
Lorsque la copropriété est composée de plusieurs bâtiments, il est également possible de créer des syndicats secondaires qui peuvent coexister en plus du syndicat principal. Cela permet de gérer certains immeubles indépendamment du syndicat principal, alors même que tous les immeubles font partie de la même copropriété.
Le rôle du syndicat des copropriétaires et donc du syndic est de veiller à la conservation et à l’administration de l'immeuble.
Dans ce cadre, les copropriétaires vont se réunir en assemblée générale au moins une fois par an, sur convocation adressée par le syndic au moins 21 jours avant la tenue de l’assemblée sauf urgence, pour décider notamment du budget prévisionnel annuel, des travaux nécessaires, du changement de syndic, des modifications éventuelles au règlement de copropriété.
Les décisions du syndicat des copropriétaires doivent être prises en assemblée générale des copropriétaires au cours d'un vote.
Le nombre de voix d’un copropriétaire est fonction de sa quote-part dans la propriété des parties communes.
Selon la nature de la décision qui doit être votée, elle devra être prise :
· soit à la majorité simple des présents et représentés
· soit à la majorité des voix de tous les copropriétaires c’est-à-dire à la majorité absolue des copropriétaires. Par exemple, si la quote-part des parties communes est exprimée en 1.000/1.000è, la décision sera prise à 501/1.000è
· soit à la majorité des membres représentant les 2/3 des voix des copropriétaires
· soit encore à l’unanimité si une décision est contraire à la destination de l’immeuble.
La loi prévoit également, dans l’hypothèse où la majorité requise n’est pas obtenue mais que le projet a recueilli un nombre minimum de voix et/ou de copropriétaires, la possibilité que la même assemblée se prononce à la majorité inférieure, sauf lorsqu’il s’agit de prendre une décision à l’unanimité.
Les copropriétaires opposants ou défaillants lors de la tenue de l’assemblée générale auront la possibilité de saisir le Tribunal judiciaire pour faire un recours contre l’assemblée, dans un délai de deux mois à compter de la notification qui leur sera faite du procès-verbal de l’assemblée. A défaut, l’assemblée est devenue définitive.
A un échelon inférieur à celui du syndic de copropriété, se trouve le conseil syndical qui se compose de membres élus pour 3 ans renouvelables par les copropriétaires en assemblée générale. Il n’y a pas de nombre minimum, mais en revanche le syndic, ses salariés ou certains de ses parents ne peuvent pas être membres du conseil syndical.
Il a un rôle de contrôle de la gestion du syndic, au niveau comptable notamment, un rôle consultatif sur toutes questions intéressant le syndicat mais également une mission d’assistance du syndic dans le choix des entreprises pour l’entretien courant de l’immeuble ou pour la réalisation de travaux.
Le formalisme de la tenue des assemblée générales, de la prise de décisions peut paraître très lourd d’autant qu’il est d’ordre public. C’est la raison pour laquelle le législateur a prévu un statut plus souple pour deux catégories de copropriété :
- les « petites copropriétés » : petites par leur taille avec un maximum de cinq lots à usage de logements, bureaux ou commerces ; mais également petites par leur budget : les copropriétés dont le budget prévisionnel sur une période de trois exercices consécutifs est inférieur à 15000 €.
Les décisions pourront être prises à l’unanimité au cours d’une réunion informelle ou par consultation écrite.
- Les « copropriétés à deux copropriétaires » dans lesquels existait un vrai blocage en cas de mésentente. Désormais, certaines décisions peuvent être prises par le copropriétaire majoritaire et chaque copropriétaire pourra également prendre seul des mesures nécessaires à la conservation de l’immeuble.
Voilà un rapide résumé de la manière dont sont administrées les copropriétés en France.
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