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Authentification du droit d’habitation dans le Code Civil

Authentification du droit d’habitation dans le Code Civil[1]

        JIANG Mei

Étude notariale Shenzhen, ville de Shenzhen, province du Guangdong

 

Le Code civil de la République populaire de Chine (ci-après le Code civil) a officiellement instauré le système du droit d’habitation, stipulant clairement dans son livre « Le droit réel » que le droit d’habitation peut s’établir par contrat ou par testament. Ce qui prouve le respect de l’État chinois à l’égard du droit de disposition des biens immobiliers par leurs propriétaires, ainsi que sa considération à l’égard du droit d’habitation. En fait, avant même la sortie du Code civil, les besoins de l’authentification du droit d’habitation étaient déjà très nombreux. Mais faute de lois applicables, les notaires ont rencontré pas mal d’obstacles dans le traitement des actes en la matière. Avec l’entrée en vigueur du Code civil, on peut prévoir une augmentation significative du besoin de ce genre d’actes. Ceci dit, le droit d’habitation étant un dispositif juridique tout nouveau, les articles y ayant trait dans le Code civil s’avèrent un peu simples, c’est pourquoi les notaires auront encore à faire face à de nouveaux problèmes, notamment en ce qui concerne la vérification et la mise en valeur de façon positive de ce droit.

 

1. Les stipulations liées au droit d’habitation

 

Le droit d’habitation est un droit pour son titulaire d’occuper et d’utiliser un bien immobilier d’autrui et ses accessoires, dans les limites de ses besoins d’y vivre.[2] Des stipulations y ayant trait ont été prescrites dans les articles 366 - 371 du livre « Le droit réel » du Code civil, notamment concernant la nature du droit d’habitation, son établissement, son enregistrement, son contenu, son extinction, etc.

 

1.1 Le droit d’habitation est un droit d’usufruit

       

Selon la disposition prévue dans l’article 366 du Code civil : « Le titulaire du droit d’habitation est en droit d’occuper et d’utiliser le logement d’autrui en respectant les dispositions du contrat, afin de répondre à ses besoins d’y vivre et d’y demeurer. » Ce qui montre que le droit d’habitation est un droit d’usufruit et partant, fait partie du droit réel. Comme d’autres types de droit d’usufruit, le droit d’habitation a un effet erga omnes, c’est-à-dire opposable à tous. Au cas où ce droit serait atteint, son titulaire pourrait recourir directement à la cause d’action prévue par le droit réel pour se protéger. Le caractère erga omnes du droit d’habitation lui donne un effet protecteur supérieur au droit de location et donc ne se laisse pas remplacer par ce dernier. Si le droit de location, de même que celui d’habitation, est susceptible de satisfaire au besoin d’habiter de son titulaire, il n’en reste pas moins un droit d’obligation ayant seulement des effets relatifs. Autrement dit, le droit de location a son effet opposable seulement à condition que le transfert des biens loués ne compromette pas le bail, sinon il ne serait opposable qu’aux parties du bail. Au cas où le droit de location serait atteint, le locataire, au lieu de recourir directement à la cause d’action prévue par le droit réel, ne pourrait se protéger qu’en saisissant le bailleur.

 

1.2 Le droit d’habitation consiste en « occupation » et en « usage »

 

Le droit d’habitation, étant le droit d’occuper et d’utiliser le logement d’autrui, consiste en « occupation » et en « usage », il vise à satisfaire au besoin d’habiter du titulaire et en aucun cas ne lui donne droit à la jouissance. Ce qui le différencie d’autres droits d’usufruit, tels que le droit de jouissance découlant du droit d’usage des terrains à bâtir.

 

1.3 Le droit d’habitation s’établit par enregistrement

 

L’établissement d’un droit réel se fait selon deux modes : celui d’« enregistrement comme condition d’entrée en vigueur » et celui d’ « enregistrement comme condition d’opposabilité ».  Relevant du droit réel, le droit d’habitation adopte le premier mode, c’est-à-dire que le transfert du droit prend effet après l’enregistrement. Selon la disposition prévue par l’article 368 du Code civil : « Le droit d’habitation s’établit par l’enregistrement du contrat auprès des autorités compétentes, et prend effet dès que cet enregistrement est effectué. » Et l’article 370 : « L’extinction du droit d’habitation doit être précédée par l’enregistrement de la résiliation du contrat. » C’est dire que l’établissement du droit d’habitation a comme condition préalable l’enregistrement et la publicité du contrat, sans quoi ledit droit n’existerait pas.

 

1.4 Le droit d’habitation est personnel

 

Le droit d’habitation est établi pour répondre au besoin de vivre et d’habiter de son titulaire, c’est pourquoi il est lié à la personne de ce dernier. « Le droit d’habitation n’est ni cessible ni transmissible ; un bien immobilier grevé de droit d’habitation ne peut pas être loué, sauf accords préalables entre les parties. » « Le droit d’habitation prend fin au terme du délai prévu dans le contrat ou au décès de son titulaire. » En prescrivant la durée de vie du titulaire comme délai d’habitation, et en supprimant toute possibilité de transfert et d’héritage du bien concerné, ces dispositions montrent le caractère personnel du doit d’habitation.

 

2. La demande de l’authentification du droit d’habitation

 

Avant l’entrée en vigueur du Code civil, la notion de droit d’habitation figure déjà dans l’article 27 des Explications de la Cour populaire suprême sur quelques problèmes en matière d’application de « La loi de la République populaire de Chine sur le mariage (1) » (ci-après Explications sur la loi du mariage - 1) et ceci, en termes suivants : « En cas de divorce, l’une des deux parties peut utiliser le logement qui lui appartient pour subvenir à l’autre partie ayant des difficultés dans la vie, soit par transfert du droit d’habitation dudit logement, soit par celui du droit de propriété. » Nous voyons que ce qui est prévu dans cet article, c’est le droit d’habitation qui résulte de la relation matrimoniale des parties et qui, par conséquent, est un droit légal. En ce qui concerne la possibilité d’établir le droit d’habitation selon la volonté personnelle de la partie, rien n’a été précisé dans aucun texte.  Ce qui crée des obstacles à l’authentification des actes en la matière. Maintenant que le Code civil a stipulé clairement que le droit d’habitation peut s’établir par contrat ou par testament, nous avons toutes les raisons de prévoir une augmentation des demandes du traitement des actes liés à ce droit.

 

2.1 L’établissement du droit d’habitation par contrat

 

2.1.1 Le droit d’habitation gardé par les parents qui donnent leur logement aux enfants. Les parents donnent leurs logements aux enfants ou financent l’acquisition du logement par ces derniers. Afin de se garantir leur droit d’habitation du logement en question, eux, avec leurs enfants, recourent au notaire pour procéder à une authentification. Dans ce cas, il est prévu que le logement est donné aux enfants, ou que le droit de propriété du logement leur est transféré, mais les parents ont le droit d’y habiter et ce, jusqu’à leur décès. Avant l’entrée en vigueur du Code civil, ce type d’actes suscitait de nombreuses polémiques. D’un côté, l’établissement du droit d’habitation est la manifestation de la libre volonté des parties et susceptible de résoudre avec efficacité des problèmes liés à la répartition des biens familiaux ; mais de l’autre, il porterait atteinte à l’intégralité du droit de propriété du bien concerné et donc, entraverait le transfert de ce bien. En incluant le droit d’habitation dans le livre « Le droit réel », le Code civil a pu accorder un fondement juridique aux actes y ayant trait.

 

2.1.2 Le droit d’habitation établi par les parties dans leur accord de divorce. Les deux parties du couple concluent une convention de divorce dans lequel sont prévues les clauses sur la répartition des biens, avant de la faire authentifier au notaire. La convention prévoit que la partie A possède le droit de propriété sur le logement qu’elle avait acquis avant le mariage, mais la partie B aura le droit d’y habiter jusqu’à ce qu’elle se remarie. Avant la sortie du Code civil, seules les Explications sur la Loi du mariage - 1 ont évoqué dans l’article 27 le droit d’habitation après le divorce, mais cet article n’a pas d’effet obligatoire pour garantir ce droit. Ainsi, l’établissement du droit d’habitation au moyen d’une convention de divorce est certainement favorable à protéger la partie ayant des difficultés dans la vie après la séparation du couple.

 

2.1.3 Le droit d’habitation établi par les co-financeurs de l’acquisition du logement. Les deux parties, A et B, n’ont pas suffisamment de fonds pour s’acquérir chacune un logement, ainsi se sont-elles mises d’accord sur l’acquisition par co-financement. Elles ont convenu que le logement ainsi acquis serait enregistré sous le nom de A, mais B en bénéficierait le droit d’habitation. La procédure du transfert du droit de propriété accomplie, les deux parties demandent au notaire d’authentifier leur acte de droit d’habitation. Ce mode de co-financement aide à résoudre le manque de fonds nécessaire à l’acquisition du logement par des individus et en même temps, apporte une garantie à leur droit de propriété et à celui d’habitation sur le logement acquis.

 

2.1.4 Le droit d’habitation établi par l’entreprise propriétaire du logement pour ses employés. Afin de résoudre le problème de logement de ses employés et de les fidéliser, l’entreprise propriétaire du logement conclue un contrat avec ces derniers, dans lequel il est convenu que les employés, durant la période de service, ont le droit d’habiter le logement appartenant à l’entreprise.

 

2.2 L’établissement du droit d’habitation par testament

 

Beaucoup de parties ont un besoin réel d’établir un droit d’habitation dans leurs testaments. Certaines d’entre elles souhaitent préciser dans l’acte le successeur du droit de propriété de leurs logements, tout en conférant à une autre personne le droit d’y demeurer jusqu’à son décès. Dans la réalité, on rencontre fréquemment plusieurs cas de figure : (1) Le testateur précise le droit de succession du logement de ses enfants, et en même temps le droit d’habitation de son conjoint. Ce cas de figure se voit surtout parmi les couples remariés. D’une part le testateur souhaite que ce soit ses propres enfants qui héritent son logement, mais d’autre part il craint qu’après son décès, son conjoint de remariage ne soit privé d’hébergement. D’où sa demande d’établir dans son testament le droit d’habitation en faveur de son conjoint de remariage. (2) Le testateur indique ses enfants comme successeurs du droit de propriété de son logement, et ses parents comme titulaires du droit d’habitation. En général, les parties souhaitent que leurs logements soient hérités par leurs enfants. Mais afin d’assumer leur obligation alimentaire vis-à-vis de leurs parents déjà âgés et de s’assurer que ces derniers aient un hébergement, elles demandent d’établir sur leurs logements un droit d’habitation en faveur de leurs parents. (3) Le testateur indique le successeur du logement, mais pour garantir que d’autres successeurs ou son employé de ménage à domicile puissent continuer à y habiter après son décès, il prévoit dans son acte de testament ou de legs une clause qui leur confère un droit d’habitation, perpétuel ou non.

    

Voici quelques cas de figure de l’établissement du droit d’habitation souvent rencontrés dans les pratiques notariales actuelles ou susceptibles d’être rencontrés dans le futur. À mesure du développement de la société, il est possible de voir apparaître d’autres cas de figure. Par exemple, pour garantir le droit au logement de certains groupes sociaux spécifiques, le gouvernement peut leur conférer le droit d’habitation sur les immeubles qu’il fait construire. Dans le domaine de la vente en viager du bien immobilier, une personne âgée vend sa maison tout en convenant avec l’acheteur d’un droit d’habitation pour y demeurer ; le viager permet ainsi à la personne âgée de s’assurer à la fois d’un revenu régulier et d’un droit au logement jusqu’à la fin de ses jours.

 

3. Ce à quoi il faut faire attention dans le traitement des actes liés au droit d’habitation

 

3.1 Identifier la libre volonté des parties

 

Étant donné que l’établissement du droit d’habitation par contrat ou testament est une formule juridique toute nouvelle, il est possible que les parties n’en connaissent pas le sens ou la conséquence juridique. Pour cette raison, le notaire doit remplir sa responsabilité d’information auprès du propriétaire du logement, en lui prévenant par exemple qu’un bien immobilier grevé de droit d’habitation est non louable sauf accord spécial entre les deux parties, et serait éventuellement plus compliqué à vendre. C’est seulement après avoir informé les parties des conséquences de l’établissement du droit d’habitation, que le notaire cherche à identifier leur vraie volonté. Au cas où le propriétaire insisterait beaucoup sur la transférabilité de son bien immobilier, le notaire devrait lui recommander la prudence à propos de l’établissement du droit d’habitation.

 

3.2 Vérifier les clauses prévues par le droit d’habitation et aider la partie à les optimiser

 

3.2.1 Optimiser les clauses générales

 

Selon les dispositions prévues par l’article 371 du Code civil, les clauses générales du contrat qui établit le droit d’habitation précisent les éléments suivants : le nom et le domicile de la partie, la localisation du bien immobilier, les qualités requises de l’hôte du logement et les exigences à son égard, le délai du droit d’habitation, ainsi que les modes de règlement des différends. En traitant les actes du droit d’habitation, le notaire est tenu de vérifier si ces éléments prévus par les clauses générales sont conformes à la libre volonté des parties. « Les parties » et « le bien immobilier » étant respectivement sujet et objet du droit d’habitation, « le nom et le domicile » des premières et « la localisation » du second doivent être obligatoirement précisés dans le contrat, sans quoi le droit d’habitation ne serait pas établi.[3]

 

Quant aux autres éléments des clauses générales, ils ne sont pas conditions indispensables pour l’établissement du droit d’habitation. Mais pour éviter les différends, il vaudrait mieux les préciser dans le contrat. « Les qualités requises de l’hôte du logement et les exigences à son égard » prévoient l’identité du sujet du droit d’habitation – c’est-à-dire s’il s’agit simplement de la personne du titulaire de ce droit ou aussi de ses parents et de ses employés de ménage à domicile –, ainsi que ses obligations en matière de maintenance du logement. « Le délai du droit d’habitation » peut être aussi long que la vie du titulaire ; si ce délai n’était pas fixé, le droit d’habitation prendrait fin au décès de son titulaire ; dans le cas contraire, ce délai doit clairement figurer dans le contrat ou le testament.

 

3.2.2 Optimiser d’autres clauses

 

Dans la pratique, l’établissement du droit d’habitation pourrait se confronter à beaucoup d’autres problèmes, entre autre celui de la carte scolaire. En effet en Chine, dans beaucoup de régions, les écoles n’acceptent que les élèves domiciliés dans le secteur géographique où elles se trouvent. Quand un logement bien situé sur la carte scolaire se voit grever d’un droit d’habitation, cela pourrait produire des conséquences sur les titulaires des droits différents. Ce qui est notamment possible, c’est que le propriétaire d’un logement bien situé sur la carte scolaire n’est pas le titulaire du droit d’habitation de ce logement. Dans ce cas, il est particulièrement nécessaire de préciser dans le contrat le bénéficiaire de la carte scolaire. En outre, au cas où éventuellement un logement grevé de droit d’habitation ferait l’objet de la démolition, il vaudrait mieux préciser dans le contrat les droits et intérêts du titulaire ainsi que les modes de les garantir au moment de la démolition. Bref, en plus des clauses générales, le notaire est tenu d’assumer le rôle de conseiller auprès des parties pour qu’elles prévoient des clauses spéciales visant des problèmes éventuels et prévisibles, et à éviter les différends.

 

3.3 Informer la partie de l’obligation de l’enregistrement du droit d’habitation

 

Le droit d’habitation étant un droit erga omnes, son établissement doit être enregistré et rendu public. Selon la disposition prévue dans l’article 368 du Code civil : « Le droit d’habitation s’établit par enregistrement du contrat auprès des autorités compétentes, et prend effet dès que l’enregistrement est effectué. » Ce qui signifie que même si les parties avaient signé le contrat du droit d’habitation et l’avaient fait authentifier par le notaire, ce droit n’est pas valable tant qu’il n’est pas enregistré auprès des autorités compétentes. C’est pourquoi quand il reçoit des actes de droit d’habitation, le notaire doit informer les parties du devoir de l’enregistrement dudit droit, ainsi que des conséquences juridiques qui découleraient du manquement à ce devoir.

 



[1] Source: Association du notariat de la Chine, Notariat chinois, 2020, no.12

[2] WANG Liming, “Quelques problèmes en matière de droit d’habitation dans le livre ‘Droit réel’ du Code civil” dans Academic Monthly, vol.51, juillet 2019

[3] HUANG Wei, Interprétation du Code civil de la République populaire de Chine (Tome I), Law Press China, 2020, p.711


 

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