Le Code civil de la République populaire de Chine (ci-après le Code civil chinois), qui est entré en vigueur le 1er janvier 2021, anime les milieux juridiques et la profession notariale de France. Le 17 décembre 2020, le Conseil Supérieur du Notariat et l’Institut de Droit Comparé ont tenu un Webinaire international « Code civil chinois - France/Chine : regards croisés », auquel le Centre a été invité à assister en ligne.
Ce Webinaire, réunissant des professeurs et des experts-juridiques, visait à présenter les contenus importants du Code civil chinois au grand public et monde juridique, ainsi qu’aux notaires français. Il souhaitait également mener une étude comparative et des discussions sur des questions relatives aux codes civils des deux pays. M. Yves CHARPENEL, Premier Avocat général honoraire à la Cour de Cassation et Administrateur du Centre, Mme Marie GORÉ, Professeur et Directrice de l’Institut de droit comparé à l’Université Panthéon-Assas, M. LI Bei, Professeur de droit à l’Université Jiao-Tong de Shanghai, M. Michel GRIMALDI, Professeur émérite de droit civil à l’Université Panthéon-Assas, M. Charles GIJSBERS, Professeur de droit civil à l’Université de Rouen-Normandie et Administrateur du Centre ainsi que Me Olivier VIX, Délégué du CSN pour la Chine et Administrateur du Centre ont donné respectivement des interventions enrichissantes. Les interventions ont porté sur le contexte législatif, le style législatif, les principes fondamentaux et les caractéristiques principales du Code civil chinois, et ont mis en lumière quelques systèmes représentatifs du Code civil chinois tels que la tutelle, le divorce, la responsabilité civil et la protection de la personnalité. Le Webinaire s’est déroulé d’une façon interactive et les intervenants ont répondu à des questions d’internautes. La traduction du Code civil chinois en français, à laquelle le Conseil Supérieur du Notariat et l’Université Panthéon-Assas ont participé, est en cours et devrait être achevée en juin prochain.
Extraits des interventions
Yves CHARPENEL, Premier Avocat général honoraire à la Cour de Cassation
Du point de vue d’un juriste de droit continental, le système juridique et judiciaire chinois moderne a la particularité d’être à la fois familier et dépaysant.
Le sentiment de familiarité tient singulièrement au plan juridique à l’existence de racines profondes privilégiant le principe de légalité déjà présent dans le code de Tang au 7ème siècle.
Deux caractéristiques principales en découlent dont le nouveau code civil chinois est la plus récente des illustrations :
La première est le primat de la loi sur la jurisprudence dont le Président Xi Jinping a récemment donné une traduction limpide avec sa recommandation de « gouverner selon la loi ».
La seconde est l’importance des principes généraux qui sont systématiquement rappelés au frontispice de grands codes adoptés par la République populaire de Chine comme celui sur les contrats de 1999, celui sur la responsabilité délictuelle de 2009 et bien sûr le code civil de 2021.
Exactement comme dans le système français de hiérarchie des normes, le droit chinois distingue clairement ces principes généraux des règles d’applications, profitant des vagues actuelles de codification pour rendre accessible ces différents degrés dans le corps mêmes des codes.
Cette constance dans les principes, comme chez nous le socle toujours présent des codes Napoléon, va de pair avec le souci de progresser sans cesse vers un ensemble législatif plus cohérent et adaptable aux évolutions de la société chinoise.
L’objectif des autorités chinoises est de concilier cohérence et adaptabilité par une capacité d’hybridation entre une tradition ancienne et des nécessités modernes de globalisation et d’internationalisation du droit.
Olivier VIX, Notaire, Délégué du CSN pour la Chine
On peut dire que le code civil chinois ne consacre pas beaucoup d’articles aux notaires, contrairement au code civil français. C’est assez logique car les champs de compétence ne sont pas tout à fait les mêmes et l’historique des deux notariats est très différent.
Il établit certes des actes publics en authentifiant les faits et les actes juridiques, et peut tout comme le notaire français conférer la force exécutoire aux prêts. Cependant très peu d’actes doivent obligatoirement revêtir une forme authentique, et de façon générale cette forme est exigée essentiellement à la demande des parties. Nos actes solennels, qui sont authentiques à peine de nullité, doivent en Chine simplement être des contrats écrits.
Pour vous donner quelques exemples, on peut citer le consentement à l’adoption qui ne doit être authentique que si l’une des parties le demande expressément (article 1105). Ou les hypothèques, qui chez nous, pour être valables, doivent être notariées, mais en Chine, simplement constatée par écrit (article 400). Parfois le code civil chinois va prévoir des effets renforcés lorsque l’acte est notarié. C’est le cas de la donation qui devient irrévocable lorsqu’elle revêt la forme notariée. (article 658).
De par nos échanges avec nos confrères chinois, que ce soit dans le cadre de notre coopération, on constate que les parties demanderont le plus souvent l’assistance du notaire pour les mêmes raisons qu’en France. Le notaire chinois est un officier public, indépendant qui se doit d’être neutre et de garantir la paix sociale et son harmonie. Cette notion très confucéenne d’harmonie, remise au gout du jour, se retrouve dans la mission du notaire. Il va être celui qui certifie les identités, la sincérité du consentement, il conservera les originaux des contrats pour le compte des parties et veillera tout particulièrement aux intérêts des personnes vulnérables. Le rôle du notaire chinois est donc avant tout préventif puisqu’il mettra tout en œuvre pour prévenir les litiges et éviter l’engorgement des tribunaux.
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