Naissance du Notariat virtuel
en faveur du personnel pénitentiaire confiné
Association du Notariat de Shanghai
En application des principes de la profession notariale, Maître DING Wen, Secrétaire général de l’Association du Notariat de Shanghai et Directeur (Chine) du Centre sino-français de formation et d'échanges notariaux et juridiques à Shanghai, a pris l’initiative d’établir un service de « notariat virtuel » destiné au personnel pénitentiaire, service dont ont bénéficiés 12 prisons, 3 centres de désintoxication à isolement obligatoire pendant la période de confinement dû à la pandémie. Service qui s’est par la suite étendu à un hôpital rural. La majorité des actes notariés établis de cette manière furent des procurations.
Les principes du notariat
« En tant que notaire de la République populaire de Chine, je jure d’être fidèle à la patrie, au peuple, à la Constitution et aux lois, à soutenir la direction du Parti communiste, à soutenir l’État de droit socialiste, à exercer les fonctions conformément à la loi, à exercer objectivement et impartialement les activités, à respecter la déontologie, être diligent et dévoué, être intègre et avoir de l’autodiscipline, travailler dur pour la promotion du pays à tous les niveaux de la gouvernance en vertu de la loi et la construction d’un État de droit socialiste» : tel est le serment que prononcent les notaires qui entrent dans la profession. Lorsque Monsieur Ding fut contacté fin février, en plein confinement dû la pandémie par du personnel pénitentiaire de deux établissements, la question qui se posa immédiatement fut liée au devoir de trouver une solution.
Il est rare de prendre en considération les besoins de ce personnel qui est à la fois discret et rarement mis en avant dans les réflexions professionnelles et sociales alors qu’il fait partie de l’administration et des besoins de l’application du droit. Avec les mesures de confinement, ce personnel s’est retrouvé totalement coupé de leur famille, de la possibilité de répondre à leurs besoins privés. Leurs devoirs professionnels leur ont fait servir la « Grande famille », c’est-à-dire la société, et rester loin de la « petite famille » - leur famille. Au cours de la longue durée de confinement sur le lieu de travail, certains membres du personnel pénitentiaire se sont trouvés face à des problèmes que l’appel téléphonique à l’Association du notariat visait à résoudre. En effet, à la veille du confinement, certains d’entre eux avaient établi des contrats d’achat de biens immobilier à Shanghai ; ils avaient en particulier réalisé les procédures d’acompte mais, en raison du confinement, n’avaient pu achever la procédure de transfert si bien que le délai du transfert du titre de propriété allait être dépassé, alors qu’ils restaient toujours dans l’impossibilité de procéder aux démarches à accomplir en personne. Compte tenu des difficultés réelles des acheteurs, des négociations avec les vendeurs des biens, avaient permis de prolonger un peu le délai. Mais la durée du confinement restant encore floue, les acheteurs risquaient selon les règlements de devoir endosser les frais liés aux pertes subies par les vendeurs en raison du retard des transactions - un risque financier difficilement supportable pour eux.
En dehors de ces questions de transfert du titre de propriété, d’autres ennuis subis par ce personnel mettaient également en relation avec les notaires. Le Secrétaire général DING ayant été informé de ces difficultés a cherché immédiatement des solutions. En tant que membres de la même grande famille de la justice, les notaires et le personnel pénitentiaire se doivent de l’entraide – un système où si la police judiciaire se trouve sur le front de la mise en œuvre de la justice, les notaires sont, eux, tenus de l’assurer en arrière-plan.
Mais comment venir en aide à ce personnel vu que les notaires et les policiers ne pouvaient se rencontrer dans cette période de confinement ? La première idée de Me DING fut de procéder à une procuration authentique, par laquelle le policier confierait à un proche des actes tel le transfert d’un titre de propriété en sa faveur. Cependant les enceintes des établissements pénitentiaires ne tiennent pas seulement éloignés le personnel des notaires mais également de leurs proches. Ainsi la question s’est transférée à une solution pour établir une procuration authentique.
Me DING a envisagé de faire un dépistage du virus à ses propres frais afin de pouvoir se rendre à la prison et établir par lui-même la procuration authentique pour les policiers – visite qui serait suivie nécessairement d’un auto-confinement. Cependant, afin de garantir la sécurité absolue des établissements pénitentiaires, les restrictions exceptionnellement rigoureuses à l’égard du personnel ont écarté cette possibilité.
Le temps de réflexion pour trouver une solution étant aussi un allongement des délais menaçant les personnes concernées, Me Ding s’est engagé à trouver le plus rapidement possible d’autres moyens efficaces.
Aider rapidement – Aider à distance
La procédure d’assistance à mettre en place devait répondre à deux critères : aider ces personnes à procéder aux transactions pour lesquelles elles s’étaient engagées avant le confinement et cela tout en respectant la réglementation de confinement absolu. Me DING a repris contact avec le département pénitentiaire concerné pour se renseigner sur l’existence d’équipements informatiques et de logiciels lors du confinement des établissements concernés. Il a appris que sur suggestion du Ministère de la Justice de Chine, les établissements étaient en train de se doter de ces équipements pour le personnel, afin de lui permettre d’être en contact avec ses proches par visioconférence en tenant compte des emplacements des uns et des autres et des créneaux horaires.
Visioconférence : M. DING a vu immédiatement à travers cette expression une solution. Au cours de la gestion sanitaire, les offices notariaux de Shanghai communiquaient avec les personnes intéressées souvent par visioconférence : si les établissements pénitentiaires pouvaient également détenir de tels équipements, la procuration authentique pourrait-elle s’établir via une visioconférence entre les personnes concernées à distance ?
Sur la base de cette solution, Me DING a fait un compte-rendu aux autorités supérieures afin d’en présenter les détails. Après avoir obtenu l’attention et le soutien des dirigeants du Bureau de la Justice de Shanghai, il a immédiatement commencé à élaborer le plan d’exécution afin de pouvoir fournir l’aide attendue par le personnel afin de résoudre leurs problèmes aussi rapidement que possible.
Monsieur Ding travaille comme secrétaire général de l’Association du Notariat de Shanghai et bien qu’il n’ait pas traité de dossiers notariaux depuis un certain temps, il est resté titulaire de l’expérience d’un notaire de la génération 85 qui, plus tard, s’est converti à la fonction d’administration de la profession. C’est pourquoi, Me DING connaît clairement ses responsabilités. Il a ainsi décidé d’endosser de nouveau l’uniforme de notaire et de régler les difficultés réelles de ces personnes.
Fort de son expérience, Me DING a dressé un plan d’établissement de procuration authentique via visioconférence s’adaptant aux besoins du personnel pénitentiaire : le notaire élabore d’abord un acte de procuration conformément aux dossiers complets soumis par le demandeur et lui envoie la version électronique ; au cours de la visioconférence à distance, le notaire et son collaborateur communiquent avec l’employé de l’établissement pénitentiaire et en même temps avec la personne qui sera désignée par la procuration – seront comparés et vérifié les apparences de la personne et celles des pièces d’identité. Sera ensuite établit le procès-verbal pour que la personne confinée signe la procuration ainsi que les autres documents ; enfin, l’employé et la personne désignée par la procuration feront parvenir respectivement les documents concernés à l’étude notariale afin que cette dernière établisse l’acte authentique après l’examen. L’acte achevé sera directement délivré par l’étude à la personne désignée par la procuration afin qu’elle réalise les procédures pour mener à bien la transaction.
Le plan établi, Me DING ne s’est pas contenté d’être enfin satisfait d’avoir trouvé une solution : les difficultés rencontrées par ceux de 2 établissements pénitentiaire qui l’avaient contacté de ne devaient pas être des cas isolés ! Outre d’autre prisons, le personnel des établissements de désintoxication faisant l’objet d’un confinement renforcé, ne connaissait-il pas aussi ce type de besoins face aux mêmes problèmes ?
Dès que, Me DING a informé ces deux administrations elles ont immédiatement publié des avis, dans lesquels il était indiqué que si un membre du personnel rencontrait ce type de difficultés, il pourrait contacter directement Me DING afin de bénéficier de son aide en fonction du dossier à traiter.
Humanisme et professionnalisme pour résoudre les questions
Suite aux avis émis, Me DING a reçu de nombreux appels téléphoniques de ce personnel confiné étroitement. La majorité d’entre eux avait signé des contrats de transferts de biens immobiliers mais, confinés, ne pouvait pas se rendre en personne sur place pour la suite des démarches ; d’autres avaient besoin de faire transférer les livrets de famille dans un autre quartier en vue de l’entrée de leur enfant dans un établissement scolaire ; or, pour ce type de procédure, ils ne pouvaient non plus se rendre en personne au service qui gère ces dossiers d’état civil (la sécurité publique).
En dépit de leurs problèmes personnels, de nombreux policiers placent systématiquement les intérêts généraux au-dessus des leurs et restent silencieux car ne voulant pas causer des ennuis à la collectivité. Le total confinement sur le lieu de travail a constitué une charge importante pour la santé physique et psychologique de ce personnel. Quand ils ont appris que la profession notariale pouvait les aider, ils s’en sont fortement réjouis.
Voici quelques cas qui ont marqué Me Ding.
Ce sera d’abord le premier dossier : celui qui a amené à la mise en place de la plateforme de « notariat virtuel » -- Ce fut la question du transfert du titre de propriété de Mlle X, nouvelle employée dans le secteur pénitentiaire. Originaire d’une autre province, cela amenait aussi des complications au plan administratif. C’est pourquoi, Me DING a régulièrement sollicité le département des Ressources humaines de l’unité de travail de Mlle X afin de savoir quand les éléments de son statut seraient finalisés. En effet, la famille de Mlle X avait fait des sacrifices afin de lui acheter un logement près de son établissement – ce qui était sans aucun doute une grande affaire familiale. Le délai du transfert de propriété, devant se réaliser fin de mois de mars, était sur le point d’expirer. Or, en raison du confinement absolu du personnel sur leur lieu de travail, Melle X n’a pas eu d’autres solutions que de demander de l’aide à l’établissement. En cas d’impossibilité de réaliser la dernière étape dans les délais, le risque de voir le transfert du bien immobilier annulé et le dépôt de garanti perdu viendraient ruiner le sacrifice de la famille et mettre pour cela Melle X dans une situation matérielle et affective très difficiles à supporter. Ce fut donc pour aider Mlle X à franchir la dernière étape de cette opération immobilière grâce à une procuration que Me DING a mis en place la plateforme permettant un « notariat virtuel » et ceci dans des délais rapides. Très reconnaissante, Melle X a aussi compris le rôle essentiel de la solidarité entre les différentes professions, toutes au service de la société.
Un autre dossier a, lui, fait prendre conscience d’autres conséquences du confinement absolu du personnel de certains établissements. Suite à un appel téléphonique pour avoir des renseignements sur la procédure et les conséquences du divorce, Me DING s’est demandé, très sensibilisé, ce qui pouvait amener au divorce dans cette période déjà difficile de confinement absolu. Après avoir été bien renseigné, Me DING a appris que le mari voyait dans le divorce la seule solution en raison de son incapacité à permettre le transfert du livret de famille nécessaire à l’inscription de son enfant dans l’établissement scolaire. Divorcé, sa future ex-épouse, pourrait, elle, être en charge de cette procédure et donc permettre à l’enfant d’être enfin inscrit à l’école. Si Me DING l’a informé sur les dispositions et des délais du divorce par contrat et du divorce par procédure civile, il lui a cependant fourni un ensemble de conseils. Lors du second entretien téléphonique, Me Ding a appris que le couple avait négocié avec l’école et décidé de recourir à la procuration authentique pour transférer le livret de famille pour l’enfant. Afin que le livret de famille soit transféré dans le district où se situe l’établissement scolaire – mesure permettant ensuite l’inscription à l’école - Me DING s’est engagé afin d’établir la procuration authentique.
Hormis le professionnalisme, M. DING a également rencontré des problèmes qu’il devrait résoudre par humanisme. Certains employés des établissements, en raison de leur âge, non familier dans l’usage des outils informatiques, ne maitrisaient pas les logiciels de visioconférence et fournissaient aussi des documents erronés ; c’est pourquoi, Me DING communiquait patiemment avec eux via Wechat en les aidant à constituer étape par étape les documents pour enfin mettre au point les procurations. Professionnalisme et humanisme se sont conjugués dans cette action indispensable et irremplaçable du notariat.
Densité du travail et disponibilité
Lors de chaque vidéoconférence, Me DING s’est trouvé amené à percevoir l’aspect tragique pour les familles de cette situation de séparation en raison du confinement renforcé sur le lieu de travail. Au cours de la visioconférence entre les trois parties – la personne confinée, le membre de la famille qui recevra la procuration et le notaire – tristesse et douleurs étaient très perceptibles chez ceux qui trouvaient ainsi l’un des rares moments de se voir à distance. Percevoir aussi les effets du confinement absolu sur le lieu de travail sur les aspects physiques, la fatigue, a amené Me Ding à ne pas limiter son intervention à des conseils juridiques mais aussi à du soutien humain et à renforcer l’espoir de voir la situation bientôt s’améliorer.
En fait, depuis la mise en œuvre de la plateforme « notariat virtuel », Me DING a mis au point une pratique professionnelle intensifiée sous trois aspects :
Primo, l’augmentation des parcours kilométriques. Par besoin de la fonction, le lieu principal de travail de Me DING se situe à l’Association du Notariat de Shanghai mais afin d’établir les procurations authentiques, il a eu besoin de se rendre dans son étude d’exercice – l’Étude notariale Dongfang à Shanghai. Pendant cette période, il fréquentait ainsi tous les jours le Bureau de la Justice de Shanghai, l’Association du Notariat de Shanghai et l’Étude Dongfang. Les proches parents qui devaient aider les membres du personnel confiné en agissant pour eux via la procuration, sont des personnes liées à leur emploi et donc ne pouvant demander des congés pour réaliser les procédures nécessaires à l’établissement de la procuration. Afin que les proches puissent recevoir l’acte authentique au premier temps, Me DING les contactait toujours aussitôt en leur fournissant une version papier de l’acte et accomplissait les déplacements lui-même pour les procédures d’examen et de production de l’acte. La pratique que Me Ding a mise au point, a consisté à mener à bien toutes les procédures dans tous les départements concernés et de faire en sorte que les proches du personnel pénitencier confiné sur leur lieu de travail ne fassent au final qu’un seul déplacement pour l’établissement de la procuration.
Secundo, l’augmentation des « contacts ». Afin de mieux expliquer les procédures concernées, il arrivait à Me DING de communiquer par téléphone ou via Wechat directement avec les responsables de l’administration des établissements pénitentiaires. Ces contacts venaient en complément de ceux réguliers et patients avec les demandeurs des services et actes notariaux.
Tertio, une demande de longue disponibilité. Le personnel pénitentiaire étant engagé dans ses obligations professionnelles dans la journée, la plupart des consultations devaient donc se faire le soir. Cela a demandé à Me DING d’être disponible sur de longues journées. Pendant la lutte sanitaire, 12348, le numéro vert de service public et juridique du Bureau de la Justice de Shanghai, a ouvert une ligne spéciale réservée au personnel pénitentiaire, par laquelle ceux-ci pouvaient se renseigner. Me DING a volontiers publié son numéro de portable dans le numéro vert et le gardait allumé 24 heures sur 24. Quand le réceptionniste recevait des appels mettant en évidence des besoins notariaux, il transmettait au demandeur le numéro de Me DING afin qu’ils se contactent directement.
Me DING, en tant que notaire, a dans cette situation de crise sanitaire fait son possible afin de répondre aux besoins pressants des professionnels confinés sur leur lieu de travail. Tous ces efforts, cette coopération, ces moyens mis en place ont parfaitement illustré la solidarité qui existe entre les systèmes judiciaires, juridiques et administratifs. Cette solidarité qui s’est concrétisée par le pragmatisme, le professionnalisme et l’humanisme de Me Ding, a parfaitement exprimé la teneur du serment du notaire.
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