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Droit international des successions :La règlementation européenne.Son application à l’égard de pays tiers : le cas de la Chine

Droit international des successions :

La règlementation européenne.

Son application à l’égard de pays tiers : le cas de la Chine

Isidoro Antonio Calvo Vidal*

Notaire, Docteur en droit

1. Introduction

Robert Schuman, dans sa déclaration du 9 mai 1950 proposant la création d'une Communauté du charbon et de l'acier, embryon de l'actuelle Union européenne, affirmait : « L'Europe ne se fera pas d'un coup, ni dans une construction d'ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d'abord une solidarité de fait. »

Depuis lors, il y a eu de nombreuses réalisations concrètes qui ont contribué à construire l'Union européenne telle que nous la connaissons aujourd'hui, sans aucun doute l'une des plus belles réussites de l'histoire du vieux continent.

Si, à ses débuts, le processus de construction européenne s’est concentré sur le franchissement des barrières économiques entre les États membres et sur la recherche de l'unité des marchés, notamment à partir de l'affirmation de l'Union en tant qu'espace commun de liberté, de sécurité et de justice, d’autres étapes sont maintenant franchies pour consolider l'Europe des citoyens.

L’une de ces étapes est le règlement (UE) nº 650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l'acceptation et l'exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen.

On estime à 450 000 le nombre de successions internationales ouvertes chaque année dans l’Union européenne, pour un montant de plus de 123 milliards d’euros par an.

Le droit des successions a pour mission première de garantir la continuité dans les relations juridiques et la transmission ordonnée de la propriété des biens, droits, actions et obligations d'une personne après son décès. Par la certitude qu'il offre dans la vocation successorale de ceux qui doivent en être les destinataires, il contribue également de manière très importante au maintien de l'équilibre et de la paix sociale.

De même, le droit des successions constitue un élément fondamental pour assurer la stabilité tant dans les économies basées sur l’agriculture, dans lesquelles la valeur de la terre est prédominante, que dans les économies basées sur l’industrie ou le commerce, dans lesquelles la conservation de l'entreprise revêt un intérêt particulier.

Par conséquent, les différents systèmes ont adapté la régulation de la transmission suite au décès aux besoins de chaque communauté et de chaque moment historique.

L’une des plus grandes difficultés dans le cadre d’une succession transfrontalière au sein de l’Union européenne ne résidait pas tant dans la diversité des droits successoraux matériels que dans la disparité des critères contribuant à déterminer le droit applicable et la juridiction compétente, et dans l’inexistence d’un modèle uniforme permettant d’invoquer et de justifier la qualité d’héritier, légataire, exécuteur testamentaire ou administrateur de l’héritage, en toute sécurité et sans devoir engager de nouvelles procédures successorales dans chacun des États.

Prenons par exemple le cas de la succession d’un ressortissant de la République populaire de Chine décédé avant le 17 août 2015, date d’entrée en vigueur de l’application intégrale du règlement, ayant sa résidence habituelle en France et possédant des biens immobiliers en Espagne et aux Pays-Bas.

Si ses héritiers avaient décidé de régler la succession en France, le notaire français aurait appliqué la loi française à la succession des biens meubles, quel que soit le lieu où ils se seraient trouvés, ainsi qu’aux immeubles situés en France, et la loi espagnole à la succession des immeubles en Espagne et la loi néerlandaise aux immeubles des Pays-Bas.

En revanche, si les mêmes héritiers, se trouvant en Espagne, avaient décidé de faire appel à un notaire espagnol, celui-ci aurait dû appliquer la loi de la nationalité du défunt à l'ensemble de la succession, sans qu'il y ait lieu d’appliquer le renvoi auquel aurait conduit l'article 31 de la Loi de la République populaire de Chine pour déterminer la loi applicable aux relations avec les étrangers en matière civile, du 28 octobre 2010, en vigueur depuis le 1er avril 2011, dans la mesure où le droit espagnol s’applique selon le principe de l’unité et de l’universalité de la loi sur la succession.

Enfin, si les héritiers avaient décidé de faire appel à un notaire à Amsterdam, la solution aurait consisté à soumettre l’ensemble de la succession à la loi française, cette loi étant la loi de la résidence habituelle du défunt au moment de son décès.

L’insécurité de cette situation touchait non seulement les intéressés à une succession déjà en cours, mais aussi et surtout ceux qui voulaient préparer leur succession.

D’une telle diversité pouvaient dériver, en matière de compétence, à la fois des conflits positifs, quand des organes juridictionnels de plusieurs États membres se déclaraient compétents pour décider d'une même succession, et des conflits négatifs, quand aucun d'entre eux ne le faisait.

On peut ainsi comprendre à quel point la simplification de la tâche des acteurs des successions internationales a été l’objectif principal du règlement européen sur les successions.

Avant d’examiner certaines questions concrètes et, en particulier, l’application de ce règlement lorsqu’un élément non européen, de la République populaire de Chine par exemple, est impliqué dans l’affaire, il faut tout d’abord souligner que seules les autorités des États membres de l’Union européenne qui ont participé à son adoption sont liées par l’application immédiate du règlement sur les successions.

Dans l'Union européenne, ni le Royaume-Uni, ni l’Irlande ni le Danemark n’ont le statut de signataires et, en dehors de l'Union, aucun autre État non plus. Dans chacun d’eux, les questions relatives aux successions internationales continueront d’être réglées selon les normes de leurs systèmes respectifs de droit international privé.

Dans le cas de la République populaire de Chine, la réglementation qui contraint ses autorités est celle qui est établie au chapitre quatre (articles 31 à 35) de la Loi de la République populaire de Chine pour déterminer la loi applicable aux relations avec les étrangers en matière civile.

Dès lors, il convient de prendre connaissance des principales dispositions du règlement sur les successions, même s’il s’agit d’autorités d’États tiers, comme c’est le cas pour la République populaire de Chine, car le règlement s’attribue un caractère universel en matière de loi applicable. Cela suppose donc que la loi désignée en vertu de celui-ci s'applique même si ce n'est pas la loi d'un État membre.

En d'autres termes, le règlement d'une succession par les autorités des États membres peut entraîner l'application du droit matériel des successions de la République populaire de Chine ; parallèlement, le règlement sur les successions prévoit des mécanismes permettant aux ressortissants de la République populaire de Chine de maintenir, même en dehors des frontières de leur pays, l'application de leur droit matériel des successions.

Face à la situation en exemple ci-dessus, en matière de loi applicable, le règlement prévoit deux mesures inspirées essentiellement du principe d’harmonisation.

La première mesure, pour des raisons de sécurité juridique et dans le souci d’éviter la fragmentation de la succession, établit que la totalité de celle-ci doit être régie par une seule loi.

Les normes de type scissionniste, telles que celle de l’article 31 de la Loi de la République populaire de Chine pour déterminer la loi applicable aux relations avec les étrangers en matière civile, selon lequel, avant le règlement, les ordres juridiques belge, français et luxembourgeois, entre autres, s’inscrivaient dans l’Union européenne, sont abandonnées.

Ce critère, qui conduit à la formation d'une pluralité de masses héréditaires complètement indépendantes, malgré ses éventuels avantages (par exemple, il tend à assurer la cohérence entre la loi qui réglemente la succession, la loi qui régit la transmission des biens et la compétence de la juridiction ou de l'autorité chargée de leur application), a l'inconvénient de compliquer grandement la prévisibilité du déroulement du phénomène successoral et, ce faisant, la possibilité pour le futur défunt de le préparer.

Dans le même temps, le règlement veille à ce que la loi sur la succession couvre la plupart des aspects qui y prennent naissance ou qui y sont liés, depuis son ouverture jusqu’à la transmission aux bénéficiaires de la propriété des biens et droits composant l’héritage.

En deuxième lieu, le règlement a opté pour l’établissement de la résidence habituelle comme point de connexion commun le plus approprié afin de déterminer la loi applicable à la succession, tout en reconnaissant au testateur la possibilité de choisir la loi de sa nationalité comme loi applicable.

En outre, le règlement, pour atteindre son objectif, utilise d’autres mécanismes traditionnels du droit international privé, comme celui du renvoi, la clause d’ordre public et les critères de détermination de la loi dans les cas d’ordonnancements nationaux pluri-législatifs.

2. Champ d’application du règlement sur les successions

Pour ce qui est de la date, le règlement s'applique à la succession des personnes décédées le 17 août 2015 ou après cette date.

Les successions ouvertes antérieurement seront assujetties aux systèmes internes respectifs de droit international privé.

D'un point de vue matériel, il s'applique aux successions suite au décès : à savoir tout mode de transfert de biens, de droits et d'obligations suite au décès, qu'il s'agisse d'un acte volontaire de transfert en vertu d'une disposition suite au décès ou d'un transfert dans le cadre d'une succession ab intestat.

Cependant, toutes les successions suite au décès ouvertes dans les États membres à partir du 17 août 2015 ne seront pas soumises au nouveau règlement, qui ne s'applique qu'aux successions considérées comme internationales ou transfrontalières.

Si la succession ne peut être qualifiée d’internationale ou de transfrontalière, elle sera réglée conformément aux normes du système interne de droit privé correspondant.

3. La loi applicable à la succession

3.1. Le choix de la loi applicable

Dans le domaine du droit des successions, c’est un lieu commun que d’affirmer que la volonté du défunt tient lieu de loi de la succession, celle-ci devenant une des règles fondamentales de l'interprétation de tout acte ou transaction juridique suite au décès.

Toutefois, une telle primauté ne saurait être comprise dans son sens absolu, mais au contraire dans les limites dont disposent chacun des différents systèmes, tant au niveau formel que sur le plan matériel.

En règle générale, la première de toutes ces limitations est précisément l'assujettissement de la succession à un ordre juridique déterminé et concret.

D’un point de vue strictement subjectif, les raisons justifiant la préférence pour une certaine loi peuvent être de nature très variée, même si l’on peut en signaler une qui tend à dépasser toutes les autres : la recherche d’une plus grande liberté de disposition.

Ainsi :

En France, la part que la loi réserve aux enfants est de la moitié du patrimoine s’il n’y a qu’un enfant, de deux tiers s’il y a deux enfants et de trois quarts s’il y a trois enfants ou plus.

Aux Pays-Bas, la loi réserve aux enfants la moitié de l’héritage.

En République populaire de Chine, en revanche, aucune restriction n'est imposée sur la disposition du patrimoine héréditaire, hormis le droit d'attribuer une part aux personnes qui, sans être héritiers, dépendent du défunt, et sont dans l’impossibilité de travailler et n’ont aucune source de revenus, ainsi qu’à celles qui se sont chargées des soins au défunt.

En matière de liberté de disposition, le droit chinois des successions en reconnaît donc une beaucoup plus vaste.

En ce sens, le règlement dispose que la volonté du défunt est le premier facteur devant être pris en considération lors de la détermination de la loi applicable à sa succession, par le biais de ce que l'on a appelé une « autonomie contrôlée », cette possibilité étant encadrée dans des limites précises et déterminées.

En effet, le défunt ne peut opter que pour la loi de sa nationalité comme loi applicable à la succession, que ce soit la nationalité qu'il possède au moment de choisir ou celle qu'il pourrait posséder au moment de son décès. Si le défunt possède plusieurs nationalités, le choix de la loi applicable à la succession pourra relever de la loi de tout État dont il possède la nationalité au moment de faire le choix ou au moment de son décès.

Quant à la forme du choix, le règlement dispose que celui-ci devra se faire expressément sous forme de disposition suite au décès ou résulter des termes d'une telle disposition.

Par conséquent, quand un ressortissant de la République populaire de Chine a stipulé, dans une disposition suite au décès, que la loi de sa nationalité soit la loi régissant sa succession, ou qu’il résulte des termes de la disposition suite au décès que telle est sa volonté, les autorités des États membres statuent sur la succession selon le droit matériel contenu dans la Loi de la République populaire de Chine sur les successions du 10 avril 1985, en vigueur depuis le 1er octobre 1985.

3.2. La résidence habituelle

Dans le cas où le défunt n'aurait pas désigné la loi de sa nationalité comme loi successorale, le règlement a fixé comme critère ou point de connexion subsidiaire la résidence habituelle au moment du décès.

C’est à ce même critère que l’article 31 de la Loi de la République populaire de Chine pour déterminer la loi applicable aux relations avec les étrangers en matière civile fait appel, avec un caractère de généralité.

Ce choix s’explique par le fait qu’il s’agit du lieu qui est le centre d’intérêt du défunt et où se trouvent généralement la plupart de ses biens, tout en favorisant l’intégration dans l’État membre de résidence habituelle et en évitant toute discrimination à l’encontre des personnes ayant leur résidence dans un État dont elles ne sont pas ressortissantes.

Parallèlement à cette idée, il est également important de reconnaître qu'en utilisant ce point de connexion à travers la propre règle qui régit le conflit, on tend à favoriser la cohérence entre la loi applicable et la compétence des autorités devant intervenir dans les affaires liées à la succession, et à faciliter ainsi une plus grande application des différents droits nationaux des États membres.

Par conséquent, la succession d’un ressortissant de la République populaire de Chine décédé le 17 août 2015 ou après cette date sans avoir désigné sa loi nationale comme loi de succession et ayant, au moment de son décès, sa résidence habituelle en France, sera régie par la loi française ; et par la loi espagnole si sa résidence habituelle était en Espagne, ou par la loi néerlandaise si sa résidence habituelle était aux Pays-Bas.

De même, dans n’importe quel État membre, la succession d’un défunt décédé le 17 août 2015 ou après cette date, ayant sa résidence habituelle au moment de son décès en République populaire de Chine, quelle que soit sa nationalité, sera traitée en appliquant les normes du droit chinois sur les successions.

Nous analyserons ultérieurement dans quelle mesure le mécanisme du renvoi peut avoir une incidence sur ce cas.

3.3. La règle du lien le plus étroit

Une des nouveautés les plus importantes du texte final du règlement est de donner la possibilité de faire abstraction, en tant que loi de la succession, de la loi de l'État dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment du décès, au-delà du choix de la loi applicable.

Selon cette nouveauté, s'il résulte clairement de toutes les circonstances du cas d’espèce que, au moment du décès, le défunt entretenait un lien manifestement plus étroit avec un État autre que celui dans lequel il avait sa résidence habituelle, la loi applicable à la succession sera la loi de cet autre État.

Conformément au régime du règlement, la règle des liens les plus étroits sera exceptionnellement appliquée.

Cette règle opère, en réalité, comme correction de la règle générale qui fait que la résidence habituelle du défunt au moment de son décès détermine la loi applicable à la succession, et trouve sa justification dans la fragilité ou la labilité qui imprègne la notion de résidence habituelle.

Tout au long du processus d'élaboration du règlement, l'idée de maintenir l'équilibre entre les possibilités du défunt de déterminer – directement, par le biais du choix de la loi applicable, ou indirectement, par le biais de la résidence habituelle – la loi de la succession et les mesures de politique législative de chaque État pour la protection des droits des héritiers réservataires, a toujours été présente.

Si, dans la détermination des lois susceptibles d’être choisies, il a été tenu particulièrement compte du fait que d’autres possibilités de choix pourraient venir frustrer les attentes légitimes des héritiers réservataires, la règle du lien le plus étroit peut constituer le recours adéquat pour résoudre les situations dans lesquelles la résidence habituelle serait recherchée à cette fin.

En effet, les attentes des héritiers réservataires tendent à s’appuyer sur la législation qui serait objectivement applicable à la succession, et c’est généralement à celle-ci que la règle du lien le plus étroit conduit.

Ainsi, pour les autorités des États membres, lorsqu'un ressortissant de la République populaire de Chine décède et qu'il a sa résidence habituelle dans un autre État, s'il apparaît clairement de toutes les circonstances du cas d’espèce qu'il entretenait un lien manifestement plus étroit avec un État différent, la loi applicable à la succession sera la loi de cet autre État.

De même, pour les autorités des États membres, lorsqu'il apparaîtra clairement, dans toutes circonstances de l'affaire, que le défunt entretenait un lien manifestement plus étroit avec la République populaire de Chine qu'avec l'État dans lequel il avait sa résidence habituelle au moment de son décès, la succession sera régie par le droit matériel contenu dans la Loi de la République populaire de Chine sur les successions.

4. Les lois successorales anticipées

La loi sur la succession doit être déterminée au décès du de cujus. Toutefois, le règlement traite également une série de questions qui, directement liées à la recevabilité et à la validité des actes ou transactions juridiques suite au décès, doivent être évaluées du point de vue de la loi applicable, de manière anticipée, au moment de leur passation.

En ce sens, on peut parler de loi ou de lois successorales anticipées, dont la finalité est de garantir la sécurité juridique des personnes souhaitant planifier leur succession.

A cet effet, l’article 33 de la Loi de la République populaire de Chine pour déterminer la loi applicable aux relations avec les étrangers en matière civile établit que la validité juridique du testament sera régie par la loi du lieu où le testateur avait sa résidence habituelle ou par son droit personnel, au moment où il a établi sa disposition ou au moment de son décès.

A cette même fin, le règlement dispose que la recevabilité et la validité de fond des dispositions suite au décès autres que les pactes successoraux, leur modification et leur révocation, sont régies par la loi qui, en vertu du règlement lui-même, aurait été applicable à la succession du disposant si son décès était survenu à la date de l’établissement de la disposition, de la modification ou de la révocation.

Ces aspects sont donc régis, en premier lieu, par la loi de la nationalité du disposant qu’il aura désignée comme loi de la succession.

Faute de choix, ces questions seront régies par la loi du lieu de résidence habituelle du disposant au moment de l’établissement de l’acte, bien que, s’il résulte clairement de toutes les circonstances du cas d’espèce que le disposant entretenait un lien manifestement plus étroit avec un État autre que celui où il avait sa résidence habituelle, la loi applicable sera la loi de cet autre État.

Toutefois, le disposant pourra également choisir que la loi de sa nationalité soit la loi applicable à la recevabilité et à la validité de fond de ses dispositions suite au décès.

Selon le même ordre de principes, des critères de détermination de la loi applicable aux pactes successoraux ont été fixés en ce qui concerne leur recevabilité et leur validité de fond, mais aussi, puisqu’il s’agit là de pactes négociés, et en ce qui concerne leurs effets contraignants entre les parties, y compris les conditions de leur dissolution.

Il convient donc que, en fonction des circonstances du cas concret, conformément aux règles exposées, l’établissement d’une disposition suite au décès dans les États membres, qu’il s’agisse d’un testament ou d’un pacte successoral, soit soumis aux normes de la Loi de la République populaire de Chine sur les successions.

5. Le mécanisme de renvoi

Selon l'article 34 du règlement, lorsqu’il prescrit l'application de la loi d'un État tiers, il vise l'application des règles de droit en vigueur dans cet État, y compris ses règles de droit international privé, pour autant que ces règles renvoient à la loi d'un État membre ou à la loi d'un autre État tiers qui appliquerait sa propre loi. Toutefois, il n’y a pas lieu à renvoi lorsque la loi applicable à la succession est déterminée par l’application de la règle du lien le plus étroit ou par le choix de la loi de la succession, ni en cas de dispositions spéciales qui imposent des restrictions relatives ou applicables à la succession de certains biens.

L’une des questions que la recevabilité du renvoi soulève, est celle d’une dérogation éventuelle aux principes d’unité et d’universalité de la loi applicable à la succession.

En effet, la prise en considération des normes du droit international privé d'un État non membre, lorsqu'il s'agit d'un système ou d'un modèle de type scissionniste, pourrait entraîner l'atomisation de la succession en une pluralité de masses héréditaires indépendantes soumises à des lois diverses.

Tel peut être le cas d’un citoyen espagnol ayant sa résidence habituelle en République populaire de Chine qui, outre les biens meubles et immeubles qu’il possède dans ce pays, est propriétaire d’un immeuble en Espagne et d’un autre en France.

La loi du lieu de résidence habituelle du défunt déterminera la loi de la succession et, s’agissant de la loi d'un État tiers, il faudra tenir compte de ses dispositions de droit international privé.

Selon l’article 31 de la Loi de la République populaire de Chine pour déterminer la loi applicable aux relations avec les étrangers en matière civile, la succession légitime suite au décès est régie par la loi de la résidence habituelle du défunt au moment du décès. Cependant, les droits sur les biens immobiliers sont régis par la loi du lieu où ils se trouvent. Par conséquent, outre la loi chinoise, la loi espagnole s'appliquerait à l'égard de l'immeuble situé en Espagne et la loi française à l'égard de l'immeuble situé en France.

En droit espagnol, dans ces situations, le Tribunal Supremo (cour suprême) a tendance à considérer que les principes d’unité et d’universalité de la loi applicable à la succession prévalent et, compte tenu de ceux-ci, à accepter ou à refuser le mécanisme de renvoi en fonction des circonstances du cas d’espèce, selon que son application impliquerait ou non la fragmentation du règlement de la succession.

6. La clause d’ordre public

Une autre difficulté que peut poser l'application d'une disposition de droit étranger est que son contenu soit contraire à l'ordre public du for.

Ce qui n'est rien d'autre que le système idéal de valeurs dont s'i, nspire l'ordre juridique dans son ensemble et qui porte avec lui une fonction exclusive : empêcher que des normes étrangères contraires aient une efficacité juridique et qu’elles puissent être intégrées dans l'ordre juridique.

Dans le même ordre d’idées, le règlement sur les successions établit que l’application d’une disposition de la loi d’un État désignée par le règlement ne pourra être exclue que si cette application est manifestement incompatible avec l’ordre public de l’État membre du for.

C’est ainsi que dans certains cas, si le défunt laisse des descendants, s’applique le principe que le fils reçoive une part du double de celle de la fille ou, dans la succession entre époux, que le mari hérite de sa femme prédécédée le double de ce que cette dernière obtiendrait dans la succession du mari ; dans d'autres cas, certains appels à la succession sont exclus du fait de la non-appartenance à une croyance religieuse ou pensée politique.

Face à de telles dispositions, l'exclusion de leur application s'impose.

De cette manière, la question soulevée, même en l'absence d'une disposition expresse à ce sujet, devra être résolue conformément aux normes les plus appropriées de la législation étrangère réclamée comme étant compétente, c'est-à-dire en éliminant de celle-ci uniquement les principes inacceptables dans le système de valeurs du for. Si cela n'est pas possible, il conviendra de décider conformément au droit interne, dans la mesure où il faut estimer que, en l’espèce, la conception du législateur national doit en tout état de cause prévaloir.

7. Le certificat successoral européen

Le certificat successoral européen, ce dit « passeport » des héritiers dans l’Union européenne, constitue l’un des axes fondamentaux sur lesquels repose toute la réglementation établie dans le nouveau règlement. Son objectif est de mettre à la disposition des acteurs d’une succession internationale ou transfrontalière un modèle uniforme qui, sur la base d’un même contenu, permette d’invoquer et de justifier la qualité d’héritier, de légataire, d’exécuteur testamentaire ou d’administrateur de la succession dans chacun des États membres et ce, avec les mêmes effets.

On peut le définir comme un acte authentique, strictement européen, qui a pour objet la constatation et la fixation des faits sur la base desquels la déclaration de la qualité d’héritier, légataire, exécuteur testamentaire ou administrateur de la succession ainsi que le contenu de leurs droits et pouvoirs peuvent être fondés, afin d’attester de ceux-ci dans un État membre autre que celui de sa délivrance.

Le champ d’application du certificat, qui coïncide avec le champ d’application du règlement, est celui des successions transfrontalières et, pour cette raison, le certificat sera délivré pour être utilisé dans un autre État membre.

De ce point de vue, le certificat est né avec une claire vocation d'extraterritorialité.

Ainsi, quiconque a intérêt à prouver dans l’un des États membres sa qualité et/ou ses droits d’héritier ou, le cas échéant, de légataire, à l’attribution d’un ou de plusieurs biens concrets faisant partie de la succession en tant qu'héritier ou légataire, ou les pouvoirs lui revenant pour exécuter le testament ou administrer la succession, peut se servir du certificat.

Il est donc possible qu’un national de la République populaire de Chine, comme celui de n’importe quel autre État, puisse, dans de tels cas, demander et obtenir la délivrance d’un certificat successoral européen, conformément aux normes prévues par le règlement à cet effet.

Mais, la reconnaissance ou l’efficacité du certificat successoral européen en République populaire de Chine relève du droit interne de ce pays.

7.1. Compétence pour la délivrance du certificat successoral européen

Le règlement part d'un principe de neutralité par rapport aux compétences des autorités des États en matière de successions, mais, étant donné précisément le caractère européen du certificat, il établit les règles de compétence pour sa délivrance.

D’un point de vue fonctionnel, l'autorité de délivrance doit être soit un tribunal, soit une autre autorité qui, en vertu du droit national, est compétente pour se charger des successions suite au décès.

C'est donc aux États membres qu'il appartient de déterminer, dans leur législation interne, quelles autorités seront effectivement compétentes pour cette fonction.

Par exemple, en France, les notaires et, en Espagne, les juges et les notaires ont été désignés comme les autorités compétentes pour délivrer le certificat.

Quant à la délimitation de la compétence territoriale, la règle générale attribue la compétence aux autorités de l'État membre dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès.

7.2. Demande du certificat successoral européen

Conformément au caractère volontaire de son utilisation, le certificat n’est pas délivré d’office, ni du seul fait qu’une autorité compétente pour sa délivrance aurait reçu la mission de régler une succession déterminée suite au décès, même si les circonstances indiquent clairement qu’il s’agit d’une succession internationale.

La délivrance du certificat a donc lieu sur demande d’une partie.

A cet effet, le règlement sur les successions délimite la légitimation pour l’obtention du certificat et détermine le contenu de la demande.

7.3. Contenu du certificat successoral européen

L'utilisation obligatoire du formulaire pour obtenir la délivrance du certificat et, tout particulièrement, le choix des informations devant y figurer, dans les termes prévus par le règlement, sont des éléments fondamentaux pour disposer d'un modèle uniforme à la disposition des bénéficiaires d'une succession transfrontalière dans les États membres.

Malgré cela, avec la formule que le règlement emploie concernant le contenu en informations, le certificat peut être considéré comme un document ouvert ou flexible, ou un document à géométrie variable.

Les informations à communiquer dans le certificat peuvent être regroupées en :

Informations ayant trait à l’autorité qui émet le certificat et aux circonstances d’identification de celle-ci.

Informations concernant le demandeur.

Informations relatives au défunt.

Informations sur les bases juridiques de la succession.

Si les informations ci-dessus permettent de fixer les bases factuelles de la succession, l’autorité émettrice doit déployer toute l’activité conduisant à déterminer, en premier lieu et de manière préférentielle, la loi de la succession. Le certificat doit également mentionner les fondements sur lesquels cette loi a été déterminée.

Ces informations peuvent également comporter celles qui se rapportent au fait de savoir si la succession est testamentaire ou ab intestat, y compris les informations justifiant les droits ou les pouvoirs des héritiers, légataires, exécuteurs testamentaires ou administrateurs de la succession.

Il s’agit, en définitive, que le certificat contienne l’information relative au droit à bénéficier de la succession.

— Informations concernant les bénéficiaires.

Conformément à la finalité que le règlement sur les successions assigne au certificat, il estime que ces informations constituent l’élément le plus pertinent de son contenu. Elles constitueront, essentiellement, le fondement sur lequel reposent les effets que le certificat sanctionne.

L'autorité émettrice devra également mentionner dans le certificat les limitations des droits du ou des héritiers et, le cas échéant, du ou des légataires, ainsi que des pouvoirs des exécuteurs testamentaires et administrateurs de la succession en vertu de la loi applicable à la succession ou d’une disposition suite au décès.

C'est certainement dans ce domaine concret que l'on peut le mieux apprécier les difficultés qu'implique la prétention du législateur européen de réunir toute la richesse et toute la complexité d'une succession internationale ou transfrontalière dans le schéma d'un formulaire tel que celui qui a été conçu pour la délivrance du certificat et, en même temps, de quelle manière on peut contribuer, grâce à lui, à simplifier la tâche de ses protagonistes.

7.4. Effets du certificat successoral européen

Le législateur européen soutient comme principe que le certificat doit produire les mêmes effets dans tous les États membres, en ajoutant que cette identité des effets du certificat se produira sans qu'aucune procédure particulière ne soit nécessaire.

Selon le règlement, le certificat sera présumé prouver les faits qui ont été certifiés conformément à la loi applicable à la succession ou à toute autre loi applicable aux conditions concrètes de la succession.

Il dispose également que la personne figurant dans le certificat comme héritier, légataire, exécuteur testamentaire ou administrateur de la succession sera présumée avoir la qualité indiquée dans celui-ci ou être titulaire des droits ou des facultés qui y sont stipulées, sans autres conditions ou limitations que celles mentionnées dans le certificat.

Dans la mesure où il prouve les faits qui ont été attestés conformément à la loi de la succession, le certificat dispense la personne qui y est désignée de devoir se servir d'autres moyens de preuve, tout en obligeant ceux face à qui elle fait valoir le certificat à en accepter le contenu, pour autant que celui-ci n’ait pas été contredit.

Le certificat détermine également la position de la personne qui y est désignée, puisqu’il contient les informations relatives aux conditions ou limitations qui pourraient résulter de la loi applicable à la succession ou d'une disposition suite au décès.

Avec le certificat, le règlement sur les successions ne limite pas la présomption de véracité de l’information qu’il contient à sa simple formulation. Il la projette en outre dans les transactions, à travers la protection de la bonne foi.

C’est ainsi qu’il sera considéré que quiconque effectue des paiements ou remette des biens, en vertu des informations contenues dans un certificat, à une personne qui y figure comme étant habilitée à recevoir de tels paiements ou biens, a traité avec une personne autorisée à cet effet, à moins d'avoir connaissance que le contenu du certificat ne répond pas à la réalité ou de ne pas en avoir connaissance en raison de négligence grave.

Des hypothèses typiques d'application de cette règle de protection sont, par exemple, celle de l'acheteur d'un bien alors que le défunt était encore en vie, qui, ayant convenu avec lui un report de paiement d'une partie du prix, règle la somme restante à celui qui a le statut d’héritier du vendeur conformément au contenu du certificat ; ou bien celle de l'établissement financier qui, ayant en sa possession un dépôt de numéraire, d'effets ou de valeurs constitué par le défunt, procède à sa remise à la personne qui, selon le certificat, possède la qualité de légataire du testateur, cette attribution étant certaine et déterminée.

La deuxième règle de protection de la bonne foi dispose que si une personne habilitée dans le certificat à disposer de biens de la succession en dispose en faveur d’une autre personne, celle-ci sera considérée, si elle agit en vertu des informations contenues dans le certificat, avoir traité avec une personne habilitée à disposer des biens en question, à moins qu’elle n’ait connaissance que le contenu du certificat ne répond pas à la réalité ou qu’elle n’en ait pas connaissance en raison de négligence grave.

Dans ce cas, le règlement cherche à protéger la bonne foi du tiers qui acquiert un bien de la succession d’une personne qui, selon le contenu du certificat, se trouve dûment légitimée pour le transmettre.

La réglementation des effets du certificat culmine avec la disposition qui établit que le certificat sera un titre valable pour l’inscription de l’acquisition héréditaire dans le registre compétent d’un État membre, sans préjudice du fait que les droits réels et toute inscription de droits sur des biens meubles ou immeubles dans un registre, y compris dans le cadre des exigences légales d’inscription, et les effets de l’inscription ou de l’omission d’inscription de ces droits dans ce registre sont exclus du champ d’application du règlement sur les successions.

L’objectif de cette règle est de mettre à la disposition des acteurs d’une succession internationale un moyen adéquat d’accès aux systèmes internes de publicité foncière, de telle sorte que, lorsque la succession comprend des biens situés dans différents États membres, un seul titre – le certificat successoral européen – soit suffisant pour la pratique des inscriptions correspondantes.

Cet objectif se heurte à l'écueil, dont le législateur européen est pleinement conscient, que suppose la compétence exclusive des États membres en ce qui concerne le régime de propriété et, par dérivation, les systèmes de sa publicité foncière.

C'est donc dans les systèmes internes des États membres, caractérisés, là aussi, par une remarquable diversité, qu'il faudra rechercher les conditions requises pour pouvoir effectuer les inscriptions dans chacun des registres nationaux.

En ce sens, le caractère strictement européen que le règlement sur les successions confère au certificat, comme appartenant à l’espace commun de liberté, de sécurité et de justice que constitue l'Union européenne, doit contribuer à favoriser, dans ce cas aussi, sa prise en compte comme titre permettant l'inscription de l'acquisition héréditaire au registre foncier.

8. Conclusion

Le règlement sur les successions constitue une étape fondamentale dans le traitement des successions internationales au sein de l’Union européenne. Cependant, la mobilité croissante des citoyens fait qu’il convient également que les nationaux et les autorités des États tiers prennent conscience de l’impact que cette réglementation peut avoir sur l’organisation d’une future succession ou sur le règlement d’une succession en cours.

Dans ce contexte, cet article a été écrit spécialement pour ceux qui, en République populaire de Chine, s'inquiètent de connaître le cadre normatif qui régit toutes ces questions dans l'Union européenne et d'en offrir une première approche, tout en avertissant que la complexité du sujet obligera à de nouvelles lectures et études complémentaires et fournira l’occasion d’échanger.

 

 

 



* Auteur de El certificado sucesorio europeo (Le certificat successoral européen) Collection Temas LA LEY. Wolters Kluwer España, S. A. Madrid, 2015.


 

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