Le juge administratif français et
le droit de l’environnement
Mattias GUYOMAR
Conseiller d’État
Avec le développement des textes régissant la protection de
l’environnement (III),
et le renforcement contemporain des préoccupations en la
matière, le juge administratif
français se trouve saisi d’un nombre croissant de litiges portant sur leur mise en œuvre. Le droit
de l’environnement
industriel (I) ainsi
que les mesures de protection de la faune et
des
milieux naturels (II) ont ainsi
donné lieu au développement d’une jurisprudence abondante.
I.
Le contentieux de l’environnement
industriel
Le juge administratif est fréquemment saisi de litiges le conduisant à
mettre en
œuvre des règles, que l’on peut rassembler sous la désignation de « droit de l’environnement industriel », qui régissent la création, le fonctionnement et la
fermeture des installations susceptibles de porter
atteinte à l’environnement. Les
mesures prises par l’administration dans ce domaine relèvent
de
régimes dits de « police administrative spéciale » qui ont pour objet de prévenir et sanctionner les atteintes à l’environnement. Figurent notamment
parmi ces
régimes celui
des
« installations
classées
pour la protection de
l’environnement » et celui des installations nucléaires.
1.1 Le
contentieux des
installations classées pour la protection de l’environnement
Le régime juridique des installations classées pour
la protection de
l’environnement (ICPE) est fixé par les
articles
L. 511-1 et suivants
du code
de l’environnement. Les intérêts qu’il protège sont très variés et entendus
largement puisqu’en vertu de l’article L.
511-1,
il vise les « usines,
ateliers,
dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou
détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui
peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité,
la salubrité publiques, soit pour
l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement
et des paysages, soit
pour l'utilisation rationnelle de l'énergie,
soit pour la conservation des
sites et
des monuments ainsi que des éléments
du patrimoine archéologique ».
Ces installations sont soumises à un régime de contrôle administratif plus ou moins strict
selon
leur degré de dangerosité. Certaines d’entre elles peuvent
être créées après simple déclaration ou enregistrement
auprès de l’administration et font l’objet d’un suivi technique allégé, tandis que d’autres
doivent
être préalablement autorisées
par l’État et
font l’objet d’un suivi qui peut être très
approfondi. Il en va
ainsi, par exemple,
des installations générant
des « risques d’accident
majeur
» au sens de la directive du 9 décembre 1996, dite « directive Seveso
II ».
Le juge administratif est saisi, à ce titre, de litiges portant sur des installations
de valorisation ou de stockage de déchets ou encore sur des autorisations d’exploitation de carrières.
Le juge administratif est aussi conduit à contrôler les autorisations d’installations hydroélectriques. Il s’agit d’un contentieux de pleine
juridiction dans lequel le juge dispose non seulement du pouvoir d’annulation
de l’acte attaqué mais aussi de celui de substitution : il peut ainsi réformer
l’acte en litige ou en prendre un autre à la place de l’autorité
administrative.
Il
peut par ailleurs se prononcer sur la responsabilité pour faute des personnes publiques
dans la gestion de ces installations.
C’est ainsi que le Conseil d’État a été saisi de demandes tendant à la
condamnation de l’État à réparer le préjudice causé à divers riverains par l’explosion survenue en 2001 dans l’usine
AZF (CE, 17
décembre 2014, Ministre de l'écologie, du développement
durable et de l'énergie c/ M. D. et autres, n°367202).
1.2 Le
contentieux des installations nucléaires de production d’électricité
Le Conseil d’État se prononce également sur
des litiges concernant
la création, la mise en
service, le fonctionnement, ou encore l’arrêt
définitif et
le démantèlement d’installations nucléaires. Les règles qui régissent ce droit sont
notamment fondées sur les principes de sécurité, de sûreté et de continuité
du
service.
Il a ainsi tranché des
litiges portant sur les autorisations de création
d’installations nucléaires de base. Dans ce cadre, le Conseil d’État apprécie la
légalité de l’autorisation au regard
des
risques environnementaux présentés par l’installation projetée. Il peut également, le cas échéant, apporter des
précisions sur le cadre juridique applicable
à
la délivrance d’une telle autorisation. Il a ainsi jugé, par exemple, que le règlement d’un plan local d’urbanisme n’est pas opposable au décret autorisant la création d’une installation nucléaire de base, qui
relève d’une
législation distincte de celle régissant
les
installations classées pour la protection de l’environne |