Plan de site  |  Contact
 
2024
eVous êtes ici: Accueil → Courrier du Centr

Le rôle du notaire dans les investissements internationaux

Le rôle du notaire

dans les investissements internationaux

 

Jérôme CAURO

Notaire à Paris

 

Les investissements internationaux, comme le projet chinois des Nouvelles Routes de la Soie (B.R.I.), sont des projets qui touchent le plus souvent au foncier, par la construction de routes, de voies ferroviaires, de bâtiments, avec les infrastructures liées à leur desserte, et à la détention en propriété de ces ouvrages.

Ces projets impactent les activités des notariats des pays où ils sont situés et touchent aux domaines d’expertise des notaires, et en particulier :

-          le foncier et l’immobilier,

-          les questions d’environnement,

-          et les problèmes de garantie des financements.

Ces investissements ne pourront s’opérer que si, d’abord, les transactions immobilières sont sécurisées, et leur financement garanti par des sûretés hypothécaires, et les notaires ont un rôle essentiel à jouer en la matière ( I ).

Et ce rôle est d’autant plus important que les actes notariés peuvent circuler et être exécutoires dans un autre pays que celui où ils ont été établis ( II ).

 

I - Le rôle des notaires dans les différents pays

 

Le rôle des notaires dans les différents pays peut varier : s’il y a des activités communes à tous les notaires, les systèmes juridiques leur accordent ou non des domaines réservés, et le développement économique ou social favorise chez les notaires certains types d’activités.

Pour autant, cette nature variée des notariats dans les divers pays s’appuie partout sur la valeur de l’acte authentique, qui permet de contribuer à sécuriser les transactions ( A ).

Mais cette contribution à la sécurité se fait à des degrés divers, en fonction du rôle que jouent les notaires dans chacun des pays concernés. La sécurité juridique est d’autant plus grande qu’elle peut s’appuyer sur un système de publicité foncière précis et fiable qui servira à assoir les sûretés hypothécaires garantissant les financements des investisseurs ( B ).

 

A. La valeur de l’acte authentique

Dans les pays de droit continental, les actes notariés ont en commun des caractéristiques essentielles ( 1 ) qui permettent de sécuriser les transactions ( 2 ).

 

1. Les caractères de l’acte authentique

Trois caractères s’imposent dans l’acte authentique tel qu’il est compris dans le notariat traditionnel de droit continental :

-          La date certaine,

-          La force probante : l’acte authentique fait foi de son origine, de son contenu et de sa date jusqu’à « inscription de faux », qui est une procédure de contestation très lourde à mettre en œuvre ; c’est dire que l’acte notarié, notamment en matière immobilière, assure une certitude de ne pas être contesté par des contractants de mauvaise foi. C’est en ce sens qu’il a une efficacité remarquable.

-          La force exécutoire : la force exécutoire attachée à l’acte notarié permet au créancier d’engager, sans besoin de l’intervention du juge dans certains pays, une procédure d’exécution rapide et efficace.

C’est par ces caractères que l’acte authentique s’impose face à l’acte sous seing privé, et cela se vérifie en particulier dans le domaine des mutations immobilières.

 

2. La sécurisation des transactions immobilières par le notariat

A la différence des pays ne connaissant pas le système notarial, où les litiges touchant à des questions d’ordre immobilier encombrent les tribunaux, dans les pays de droit continental, la sécurité juridique de la transaction est quasi absolue.

En France, dans la vente immobilière, c’est par les vérifications approfondies auxquelles le notaire se livre préalablement à la rédaction de l’acte que le contrat qu’il établit sera totalement sécurisé.

Le notaire assure cette sécurité juridique en effectuant un certain nombre de recherches préalables, et au niveau du contrat lui-même en le rédigeant, puis en l’authentifiant.

Quels sont ces contrôles auxquels le notaire doit se livrer ?

o    Il va tout d’abord analyser le titre de propriété du vendeur pour vérifier la désignation et la description des biens vendus, l’absence ou l’existence de servitudes, la régularité de l’origine de propriété, les éventuels droits des tiers,

o    Il va procéder à une vérification de l’identité et de la capacité juridique des parties,

o    Il va examiner l’ensemble du dossier technique désormais obligatoire avant toute vente d’un bien immobilier.

Le rôle du notaire quant à l’analyse de ces différents documents est essentiel : il devra en tirer toutes les conséquences sous son entière responsabilité et en informer les parties en s’assurant de leur parfaite compréhension.

C’est une fois toutes ces formalités accomplies que la signature de l’acte authentique de vente pourra intervenir.

Enfin, le notaire est tenu de conserver dans ses archives, tous ses actes (ses « minutes ») pendant une durée de 75 ans. Cette conservation permet de garder la preuve des engagements souscrits et des contrats passés, qu’elle qu’en soit la date.

Mais cette sécurité assurée par le notaire doit s’appuyer, en matière immobilière, sur un système de publicité foncière performant.

B. Le notariat s’appuie sur la publicité foncière pour sécuriser les transactions immobilières

Les droits des personnes sur les constructions et aménagements seront d’autant plus solides qu’ils pourront reposer sur un système de publicité foncière fiable ( 1 ) qui permettra l’inscription des hypothèques garantissant les financements des investisseurs ( 2 ).

 

1. Le rôle de la publicité foncière

La publication des actes de transfert de biens immobiliers est assurée en France exclusivement par le notariat, à la seule exception des ventes judiciaires. Cette publication se fait auprès des Services de publicité foncière répartis sur tout le territoire.

Depuis environ 20 ans, les Services de publicité foncière ont été informatisés, et la transmission de l’acte de mutation immobilière par le notaire au Service de publicité foncière s’opère de manière entièrement dématérialisée, ainsi que le paiement des droits d’enregistrement (c’est le système « Télé@ctes »).

Par ailleurs, à partir de février 2019, les notaires auront un accès direct au fichier immobilier et pourront consulter en temps réel la situation hypothécaire des immeubles (système ANF – Accès des Notaires au Fichier immobilier).

C’est ainsi que la publicité foncière joue pleinement son rôle d’information et de protection :

-           information en permettant à toute personne intéressée par un immeuble d’en connaître en temps réel la situation juridique (identité du propriétaire, existence de sûretés réelles),

-           protection en permettant de garantir à 100% un rang donné au créancier qui aura fait inscrire son hypothèque.

 

2. La garantie des financements par des sûretés hypothécaires

L’essor économique d’un pays moderne passe par l’accès de tous au crédit. Or, l’octroi d’un crédit nécessite des garanties. La garantie la plus sûre étant l’hypothèque, qui est une sûreté réelle, accordée à un créancier sur un immeuble en garantie du paiement d'une dette sans que le propriétaire du bien en soit dépossédé.

En France, c’est le notariat qui assure le monopole des inscriptions d’hypothèques conventionnelles, d’après l’article 2416 du Code civil.

L'hypothèque est inséparable d'un système de Publicité Foncière car c'est elle qui assure l'opposabilité aux tiers et la fixation du rang de l’hypothèque.

L'inscription de l'hypothèque confère au créancier qui en est titulaire deux effets très importants : un droit de préférence ( a ) et un droit de suite ( b ).

 

a. Le droit de préférence

Le droit de préférence donne au créancier le droit d'être payé par préférence aux autres créanciers, sur le prix de la vente du bien.

Le rang de l'hypothèque, qui détermine sa priorité par rapport aux autres hypothèques prises sur le même immeuble, prend effet à la date de son inscription.

L'hypothèque inscrite la première sur un immeuble est en conséquence préférée à celle qui est inscrite postérieurement, et ainsi de suite.

 

b. Le droit de suite

Le droit de suite permet au créancier de faire saisir dans n'importe quel patrimoine le bien grevé de l’hypothèque afin de le faire vendre.

Ce droit apparaît comme le prolongement nécessaire du droit de préférence et il ne peut être exercé que par les créanciers ayant fait inscrire leur hypothèque.

Mais les qualités de l’acte notarié que je viens d’évoquer, qui le rendent incontournable dans les investissements immobiliers, ne sont pas les seules. Sa force réside aussi dans sa capacité à circuler d’un pays à l’autre, pour être exécutoire dans un autre État que celui où il a été dressé.

II - La circulation internationale des actes notariés

 

Le notariat a su s’adapter à la mobilité croissante des personnes et des capitaux et il intervient aujourd’hui de plus en plus dans des situations internationales.

La circulation des actes authentiques a ses avantages : amoindrissement du coût des transactions internationales et simplification des procédures, qui aboutissent à une réduction du nombre des contentieux.

Il faut que l’acte authentique puisse circuler librement, tout en conservant sa valeur d’incontestabilité et sa force exécutoire, malgré la diversité des ordres juridiques existants dans les différents pays.

Cette circulation existe en droit commun, mais en passant par la procédure d’exequatur pour permettre de le rendre exécutoire dans un pays étranger ( A ), en revanche, dans le cadre de l’Union Européenne, la procédure visant à rendre exécutoire un acte notarié dans un autre pays est très simplifiée ( B ).

 

A. La circulation internationale des actes notariés en droit commun

La première question qui se pose est la notion d'authenticité susceptible d'exécution, et le niveau minimum d’authenticité qu’il convient d’exiger de l’acte authentique étranger.

La Cour de cassation a en droit commun une conception assez souple de l'authenticité. Selon un arrêt de la première chambre civile du 17 octobre 2000 (Cass. 1re civ., 17 oct. 2000 : Rev. crit. DIP 2001, p. 121), tout acte, quelle qu'en soit la nature, qui produit directement ou indirectement des effets de droit, doit être susceptible d'exequatur. La Cour de cassation exige également, comme la Cour de justice de l'Union européenne, que l'acte soit exécutoire dans l'État où il a été établi.

Pour mettre à exécution en France un acte authentique étranger, la procédure de droit commun nécessite de mettre en œuvre une procédure d’exequatur.

Il est de fait que cette procédure se caractérise par sa lourdeur et sa lenteur, car il s'agit d'une procédure contentieuse devant le Tribunal de grande instance. Pour accorder l'exequatur, le tribunal doit s'assurer que l'exécution de l'acte n'est pas incompatible avec l'ordre public international français.

L'acte dont on demande l'exécution doit être traduit, et il doit ensuite être légalisé, la légalisation étant définie comme « la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu ».

En principe, la légalisation a lieu devant le consul français dans le pays duquel l'acte notarié a été reçu, ou bien en France par le consul du pays étranger où l'acte a été établi.

Cependant, un certain nombre de conventions bilatérales prévoient que les actes publics établis dans l'un des deux pays sont admis sans légalisation sur le territoire de l'autre.

Mais heureusement, la France est partie à la Convention de La Haye du 5 octobre 1961 qui substitue, à la lourde procédure de légalisation, la formalité plus simple de l'apostille. L'apostille est apposée sur l'acte lui-même par les autorités compétentes du pays dont émane l'acte, sans devoir impliquer les autorités du pays dans lequel le document doit être présenté.

En France, la compétence appartient aux Procureurs généraux près les cours d'appel.

Cette Convention de La Haye compte un très grand nombre d'États contractants, ce qui lui assure une importante effectivité.

 

B. La circulation internationale des actes notariés en droit européen

En droit européen, la notion d'acte authentique susceptible d'exécution est plus restrictive qu’en droit français.

En effet, dans un arrêt « Unibank » du 17 juin 1999 (CJCE, 17 juin 1999 : Rev. crit. DIP 2000, p. 245), la Cour de justice de l’UE a exigé la réunion cumulative de trois conditions pour qu'un acte mérite la qualification d'acte authentique :

- l'authenticité doit avoir été établie par une autorité publique,

- elle doit porter sur la signature et sur le contenu de l'acte,

- et l'acte doit être exécutoire dans l'État où il a été établi.

Ainsi, la Cour de justice entend rappeler que, pour elle, un acte n'est authentique que si l'authentification s'étend au contenu de l'acte, et ne se limite pas à sa seule signature. Cela conduit à éliminer les actes qui se bornent à attester la signature figurant sur un document privé, et cela même s'ils sont exécutoires dans leur État d'origine.

Cette définition a été depuis reprise dans divers règlements européens, qui facilitent la circulation des actes notariés dans l'Union européenne. À cette fin, ils exigent une certification desdits actes.

J’ai choisi, parmi les différents règlements européens adoptés au fil du temps, deux exemples de règlements qui permettent l’application simplifiée d’actes notariés dans d’autres pays de l’UE :

 

1°. - Règlement (CE) n° 805/2004 du 21 avril 2004 portant création d'un titre exécutoire européen pour les créances incontestées

Ce règlement s'applique dans tous les États membres de l'Union européenne, à l'exception du Danemark.

Il a supprimé purement et simplement l'exigence de l'exequatur. Lorsqu'un acte a été certifié en tant que titre exécutoire européen, il est traité lors de son exécution comme s'il avait été délivré dans l'État où il doit être exécuté : aucun contrôle n'a à être exercé dans cet État. Il n'est plus nécessaire de lui faire reconnaître force exécutoire dans cet État avec les retards et les frais qui en résultaient.

Lorsqu'un acte notarié français a été certifié en tant que titre exécutoire européen, il est traité dans tous les pays membres de l'Union européenne comme s'il s'agissait d'un titre exécutoire émanant de leurs autorités. Pour obtenir son exécution, il suffit d'aller voir les agents d'exécution du pays dans lequel on souhaite l’exécuter muni d'une copie authentique de l'acte notarié et du certificat de titre exécutoire européen, et d'une traduction de ce certificat. L'acte authentique proprement dit n'a pas besoin d’être traduit.

La certification en tant que titre exécutoire européen se fait par les autorités de l'État d'origine, c'est-à-dire de l'État duquel provient l'acte authentique. Le règlement a laissé le soin aux États membres de donner la liste des autorités certificatrices. En France, ce rôle est désormais dévolu au notaire qui a rédigé l'acte, lequel assurera la délivrance du certificat de titre exécutoire européen de cet acte. Le contrôle à effectuer par le notaire certificateur est purement formel. Il s'agit d'une simple reprise de certains éléments de l'acte notarié qu’il a lui-même dressé.

 

2°. - Règlement (UE) n° 650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions, et l'acceptation et l'exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d'un certificat successoral européen

Ce règlement ne s’applique pas au Danemark, au Royaume-Uni et à l'Irlande.

L'article 60 dispose qu'un acte authentique qui est exécutoire dans l'État membre d'origine est déclaré exécutoire dans un autre État membre, conformément à la procédure prévue pour les jugements. En somme, il conviendra de se faire délivrer dans l'État d'origine une attestation certifiant que l'acte a bien force exécutoire. Puis muni d'une copie de l'acte authentique et de cette attestation, il faudra solliciter de l'autorité compétente dans le pays d'exécution une déclaration constatant sa force exécutoire. Aucun contrôle substantiel de l'acte authentique n'est à ce stade effectué.

Par ailleurs, l’article 62 crée un certificat successoral européen, qui a pour finalités de permettre aux héritiers, légataires, exécuteurs testamentaires, ou administrateurs d’une succession d’invoquer leur qualité et d’exercer leurs droits dans un autre État signataire.

Le certificat, d’après l’article 69, produit ses effets dans tous les États membres, sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucune procédure.

En France, c’est le notaire chargé du règlement de la succession qui dresse le certificat successoral européen.

Il existe d’autres règlements européens prévoyant des systèmes analogues pour les actes notariés, mais je m’arrêterai là avec les exemples, pour ne pas prolonger davantage mon propos.

Ainsi, on assiste sur le plan communautaire à la mise en œuvre de règles générales offrant à l’acte authentique un mécanisme simplifié d’exécution dans les États membres de l’UE.

 

Conclusion

Les investissements internationaux peuvent s’appuyer sur les diverses relations et organisations internationales que les notariats ont mis en place ; il s’agit notamment de :

o   L’Union Internationale du Notariat (UINL),

o   Le Conseil des Notariats de l’Union Européenne (CNUE),

o   Les notariats de la Méditerranée,

o   L’Asie et le Sud-Est Asiatique.

Ces organisations sont des plateformes communes qui permettront aux notariats des pays de droit continental d’établir des relais dans chaque pays pour jouer un rôle essentiel dans l’accompagnement des projets de développement économique et d’investissements internationaux.

Les notariats pourront s’appuyer sur la circulation internationale des actes notariés, consacrée en droit commun et simplifiée dans l’UE, avec la force exécutoire qui leur est attachée. C’est déjà une réalité qui va immanquablement se développer au niveau mondial.

 


 

© 2008 Centre sino-français de Formation et d’Echanges notariaux et juridiques à Shanghai.

版权所有 2008 上海中法公证法律交流培训中心

沪ICP备17007739号-1 维护:睿煜科技