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Les relations du notaire et la lutte anti blanchiment

Les relations du notaire et la lutte anti blanchiment

 

Yves CHARPENEL

Premier avocat général à la Cour de Cassation 

 

Le notaire, professionnel de la lutte anti blanchiment

 

Depuis l'apparition de l'infraction de blanchiment dans la loi du 31 décembre 1987, le notariat français est engagé dans la lutte contre le blanchiment à un double titre, d’abord par ce qu’il figure parmi les 17 catégories de professionnels mentionnés à l'article L561-2 du code monétaire et financier qui crée l’obligation de déclaration de soupçon, en suite en sa qualité d’officier public en charge de l’application de la loi.

 

Le blanchiment étant une infraction consistant à masquer les origines des profits provenant de la commission d’infractions de manière à pouvoir les réinjecter dans le circuit économique et à les utiliser pour des activités licites.

 

Dans ses missions de sécurité du droit, le notaire est souvent placé au cœur de transactions économiques qui peuvent être détournées pour blanchir des profits illicites.

 

Le statut particulier du notaire français, à la fois officier public en lien étroit avec l’institution judiciaire et praticien libéral au service des intérêts juridiques de ses clients favoris le développement d’une large culture de la vigilance.

 

Il a ainsi l’obligation de conseiller ses clients afin de leur éviter de procéder à des opérations illicites, mais aussi de signaler aux services publics les anomalies qui peuvent suggérer un risque de blanchiment.

 

Il s'agit d'une priorité pour le notariat qui assume pleinement ce rôle de sentinelle de la régularité et de la licéité des transactions juridiques et économiques.

 

Aujourd'hui par exemple les notaires sont la profession juridique  qui émet le plus de déclarations de soupçons.

 

Tracfin est un service administratif de traitement du renseignement financier. Il dispose d’une autonomie opérationnelle pour mener à bien ses missions : lutter contre les circuits financiers clandestins, le blanchiment de l’argent et le financement du terrorisme.

Pour ce faire, Tracfin recueille, analyse, enrichit et exploite tout renseignement propre à établir l’origine ou la destination délictueuse d’une opération financière à partir des déclarations effectuées par les professionnels assujettis ou d’informations reçues par les administrations partenaires et les cellules de renseignements financiers étrangères.

Il est habilité à traiter des déclarations émanant uniquement des professionnels mentionnés à l'article L.561- 2 du Code monétaire et financier.

 

En 2017 il a reçu 68661 déclarations de soupçon, a procédé à 12518 enquêtes.

Et effectué 891 transmissions à l'autorité judiciaire.

 

La même année, les notaires ont transmis 1401 déclarations de soupçon loin devant les opérateurs de jeux ou les avocats.

 

Il est vrai que le notaire est un acteur incontournable du marché immobilier et que la modernisation de son fonctionnement favorise le processus délicat de déclaration :

en 2017 81% des déclarations ont ainsi été faite de manière dématérialisée, avec l’apport de sa plateforme sécurisée ERMES.

 

Le notaire et son cadre normatif exigeant

 

Ces obligations sont inscrites dans la loi, notamment depuis celle du 2 juillet 1998 qui a étendu aux notaires le dispositif anti blanchiment jusqu’alors réservé aux établissements bancaires et financiers.

 

Les articles L561-2 et suivants du code monétaire et financier sont régulièrement mis à jour par des lois successives qui vont à chaque fois vers le renforcement du dispositif de vigilance et de déclaration.

Les notaires sont à cette occasion relevés de leur secret professionnel à l’égard de TRACFIN.

 

Ces obligations relèvent aussi de la loi supranationale dont le dernier exemple est donné par la quatrième directive européenne qui a étendu depuis 2017 l’obligation de vigilance des professionnels de la lutte anti blanchiment à partir d’une évaluation des risques de blanchiment ou de financement du terrorisme pour chaque client ou opération.

 

Désormais les notaires doivent définir des critères d’évaluation des risques, les classer en fonction de la nature des services offerts, des conditions de transaction, des caractéristiques des clients ou encore du pays ou du territoire d’origine ou de destination des fonds.

 

Comme toutes les professions assujetties, les notaires sont tenus de déclarer les sommes inscrites dans leurs livres, les opérations ou tentatives d’opérations portant sur des sommes dont elles savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu’elles proviennent d’une infraction passible d’une peine privative de liberté supérieure à un an ou participent au financement du terrorisme ou d’une fraude fiscale.

 

Une ordonnance du 1er décembre 2016 a d’ailleurs donné à TRACFIN la possibilité de bloquer pendant 10 jours l’exécution d’une opération suspecte, et en cas de violation par un notaire de manière « sérieuse, répétitive ou systématique » de ses obligations anti blanchiment, une amende est encourue et les chambres des notaires disposent d’un pouvoir d’injonction et de sanction. 

 

Pour favoriser une mise en œuvre effective et efficace de ses obligations déclaratives, le notariat français développe deux types d’action de sensibilisation pour ses 12 000 membres :

 

D’une part la publication de recueils de bonnes pratiques inspirées notamment par les 40 recommandations du GAFI (groupe d’action financière créé en 1989), la dernière édition de ces bonnes pratiques ayant été diffusée en 2018.

D’autre part un partenariat actif avec TRACFIN en adaptant depuis 2015 son organisation interne pour favoriser la diffusion des retours des déclarations effectuées, et depuis 2017 en organisant des réunions d’information et de formation dans les régions.

 

La vigilance de la jurisprudence

 

La Cour de cassation, cour suprême judiciaire, est très attentive, au travers des pourvois qu’elle examine, à dégager des lignes directrices explicitant la nature et l’étendue des deux principales obligations des notaires en la matière : l’obligation déclarative et l’obligation de vigilance.

 

C’est principalement le rôle des chambres civiles de la Cour qui au cas par cas détermine les limites de la responsabilité d’un notaire dans l’accompagnement d’une opération fiscale complexe.  

C’est par exemple le cas dans un arrêt de la 3ème chambre civile de la cour qui rappelle que le notaire dans le cas d’une vente illicite ne peut être tenu que des conséquences de son erreur et non de la réparation des conséquences de l’annulation de la vente.

 

La chambre criminelle pour sa part met régulièrement en évidence l’apport des notaires dans la détection des risques de blanchiment elle met également en évidence […]

 

Elle rappelle également les contours exacts des obligations notariales en la matière comme par exemple dans sa décision rendue le 11 octobre 2017 où un notaire se voit imposer l’obligation de répondre favorablement à une injonction d’un juge pénal de saisir un compte détenu par un office dans le cadre d’une affaire pénale suivie des chefs d’escroquerie et blanchiment à l’occasion d’une vente en indivision d’un bien immobilier, alors même que le notaire pouvait douter du bien-fondé de la saisie compte tenu de sa connaissance détaillée de la transaction. 

 

Dans un arrêt rendu le 7 décembre 2016, la Cour avait également rappelé que la somme saisie dans une étude notariale représente la valeur de l'objet de l'infraction de blanchiment sur laquelle porte l'information et qu'une telle saisie est régulière, d'une part, quand elle ne nécessite pas l'avis préalable du ministère public, d'autre part, et qu'elle n'est pas subordonnée à la mise en examen du propriétaire des fonds saisis.

 

Au fil des jurisprudences les plus récentes qu’elles portent sur l’obligation de vigilance ou qu’elles évoquent des infractions de blanchiment révélées par un notaire se dessinent les principaux critères d’alerte pour un notaire : qu’il s’agisse de l’emplacement des biens éloignés de l’étude notariale, de l’achat et revente rapide des biens, sans que les acquéreurs n’y habitent et du profil socio-économique de l’acquéreur peu compatible avec le prix d’achat du bien.

 

Un exemple peut ainsi être tiré d'une décision rendue le 15 janvier 2014 par la Chambre criminelle qui confirme une condamnation pour une importante affaire de blanchiment de fraude fiscale internationale dont l'origine est le signalement déposé par l'État Luxembourgeois auprès d'une chambre départementale de notaires français,

 

Ainsi le notariat français depuis 20 ans développe la culture et la réalisation d’actions préventives contre les risques de blanchiment, en s’appuyant à la fois sur son organisation nationale et régionale qui peut assister chaque notaire dans la décision de déclarer, et par la relation de confiance pluriséculaire avec les services de l’État.

 

Il contribuer ainsi à l'œuvre de Justice illustrant la pensée de Confucius :

Occupe-toi du soin de prévenir les crimes, pour diminuer le soin de les punir.

 

 

 

 


 

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