Le testament-partage : un outil à redécouvrir[1]
Pierre-Irénée PERRIN
Notaire à Issy-les-Moulineaux, chargé
d’enseignement à l’institut français du droit à Neuilly-sur-Seine
Le testament-partage est-il d’actualité
?
Introduit dans le Code civil de 1804[2],
codifié aux articles 1079 et 1080 par la loi du juillet 1971, il faudra
attendre la loi du 23 juin 2006, pour que le législateur élargisse son champ,
le permettant depuis lors par l’ascendant au profit de ses présomptifs
héritiers et non plus seulement par un ascendant à ses descendants[3]
et pouvant, en plus du partage qu’il opère, contenir des legs[4].
Depuis la loi du 24 décembre 2007, les
héritiers copartageants peuvent régler le droit de partage à l’occasion de
l’enregistrement de l’acte qui constate le partage (CGI, art. 636)[5]
et non plus lors du dépôt du testament qui devait être effectué initialement
dans les 3 mois du décès puis dans les 6 mois du décès.
La Cour de cassation a participé à son
actualité, en rappelant que les dispositions de l'article 1075-1 du Code civil
qui permettent un partage entre différentes générations de descendants
s’appliquaient au testament-partage et par là même, que le testament-partage
objet du litige n’était pas attaquable, parce qu’il partageait les biens du de
cujus entre ses enfants et petits-enfants[6]
; et surtout en requalifiant des actes dits de donation-partage en donation
simple, elle a rappelé qu’un partage ne pouvait consister en l’attribution de
quotes-parts indivises[7].
Par ailleurs, à l’heure où les partages
successoraux judiciaires s’éternisent, le testament-partage pourrait bel et
bien constituer un outil très efficace, entre les mains du notaire qui, plus
que jamais au service d’une justice de l’amiable, aiderait le disposant à
«faire justice »[8]
en le guidant et le conseillant pour créer un testament-partage et opérer une
répartition de ses biens des plus pérenne, applicable immédiatement au décès,
minimisant les raisons pour les héritiers allotis de créer un contentieux
postérieurement au décès.
Répartir les biens par testament-partage
ou par legs en avancement sur part successorale ?
En présence d’un testament-partage, les
héritiers n‘auront pas à rapporter à leurs cohéritiers les biens reçus par le
disposant ou le de cujus avec toutes les difficultés posées par les
principes d’évaluation du rapport de l'article 860 du Code civil, c’est-à-dire
que les copartagés sont quittes entre eux à hauteur des biens mis dans leur lot
par le de cujus et auront la propriété des biens mis dans leur lot dès
le décès.
En cas de libéralités rapportables,
celles-ci assurent la propriété du bien aux gratifiés depuis le jour du décès, mais
les héritiers devront à leurs cohéritiers, au titre du rapport, la valeur du
bien reçu. Cet inconvénient est à minimiser puisque le disposant peut figer le
montant rapportable en prévoyant que le rapport sera forfaitaire. L'excédent
correspondant à la différence entre le montant légalement rapportable et le
montant forfaitaire fixé pourrait être réductible compte tenu de son imputation
sur la quotité disponible de la succession.
Évidemment si les héritiers s‘entendent
bien, un partage des rapports pourrait être exclu, compte tenu d’une égalité
acceptée et reconnue par tous au moment du décès.
Cependant dans un contexte de mésentente
familiale, les héritiers pourraient très bien ne pas s’entendre sur la valeur
de rapport des biens légués, ce qui à court terme pourrait empêcher la
signature de la déclaration de succession, et à moyen terme empêcher la
signature de l’acte de partage des rapports et ouvrir la porte à un partage
judiciaire. Et plus le temps passe, plus l’évaluation des rapports posera des difficultés,
surtout si les biens légués ont depuis le décès été vendus, le produit de la
vente réinvesti ou le bien légué amélioré aux frais du légataire ou détérioré
par la faute, ou non, du légataire. Par ailleurs si les héritiers s’entendent
au jour du décès et décident de ne pas établir un acte de partage, rien ne dit
qu’ils continueront à s‘entendre dans le futur et que l’un d’eux ne viendra pas
contester la valeur des rapports dus et actionner ses cohéritiers en partage.
Quels sont les bénéfices d’un partage
accompli par le disposant et non par les copartagés ?
Les héritiers copartagés ne peuvent
renoncer au testament-partage sans renoncer à la succession[9].
L’égal allotissement en valeur de chacun
des présomptifs héritiers n’est pas une condition de validité de la
libéralité-partage.
La libéralité-partage peut s’affranchir de
l’égalité en valeur dans la limite de la quotité disponible[10].
L’édifice libéral est d’autant plus
solidifié depuis que la loi du 3 juillet 1971 a décidé que la lésion ne vicierait
plus les libéralités-partages. L’article 1075-3 du Code civil dispose, en
effet, que : « L’action en complément de part pour cause de lésion ne peut être
exercée contre les donations-partages et les testaments-partages. »
L’égalité dans le partage opéré par le de
cujus est d’autant moins un élément déterminant de sa validité depuis que
le législateur a décidé, par l’article 1079 du Code civil issu de la loi du 23
juin 2006, que « le testament-partage produit les effets du partage » et non
plus seulement que le testament-partage ne produit que l’effet d’un partage.
Dans un testament-partage, le de cujus peut donc prévoir des
attributions qui ne seront pas d’une stricte égalité en valeur.
Comme pour la donation-partage, l’héritier
qui aura le moins reçu aux termes du testament-partage pourra compléter sa part
de réserve sur les biens existants, si sa part de réserve n’est pas remplie par
les attributions du de cujus. Si jamais les biens existants ne sont pas
suffisants, il pourra alors attaquer en réduction les attributions consenties
aux autres héritiers du testament-partage.
Par ce testament-partage qui n’est plus
uniquement partage, cet article prévoit également que le disposant pourra aussi
consentir un legs qui, à défaut de stipulation de rapport, s’imputera
prioritairement sur la quotité disponible de la succession. Cette dernière sera
réductible s’il dépasse cette quotité disponible par application combinée de
l’alinéa 2 de l’article 843 et de l'article 919-2 du Code civil.
Attention, cependant, à ne pas trop
dénaturer le testament-partage car l’égalité dans le partage, ainsi que nous le
verrons ci-après (dans la partie consacrée à la rédaction du
testament-partage), demeure un indice d’identification. Et s’il se trouve que
la volonté du de cujus était plus d’avantager que de répartir ses biens,
le testament pourrait se voir contester sa nature de partage.
Allotis aux termes d’un testament-partage,
les héritiers pourront toujours contester la valeur des biens mis dans leur
lot, mais cependant à quelle fin ? Même s’ils ne respectent pas parfaitement
une égalité en valeur, les allotissements ne pourront être remis en cause.
C’est seulement si l’un d’eux n’est pas rempli de sa part de réserve, et s’il
ne trouve pas des biens suffisants parmi les biens existants de la succession
pour compléter sa réserve, qu’il agira contre les allotissements faits à ses
cohéritiers.
Le testament-partage est un moyen de
simplifier le règlement d’une succession en présence d’un mineur ou majeur
protégé[11]
car la capacité qui est requise pour l’accepter est celle pour hériter et non
pour partager.
Le coût imposé d’un partage est-il un
véritable obstacle ?
On pourrait reprocher au testament-partage,
le coût d’un partage imposé par le de cujus. En réalité le coût au décès
pourra être assez semblable. En effet, pour maintenir et sceller la concorde
qui est née de la répartition opérée par le disposant aux moyens de libéralités
rapportables, nous ne pouvons que conseiller la signature d’un acte de partage
des rapports, constatant définitivement l’égalité des allotissements et/ou le
rétablissement de l’égalité de valeur, qui sera aussi onéreuse qu’un acte de
partage sur les biens eux-mêmes.
Répartir les biens par testament-partage
ou par legs hors-part successorale ?
Le de cujus pourrait vouloir
répartir également ses biens au moyen de plusieurs libéralités hors part
successorale. Mais celles-ci s’imputeront sur la quotité disponible de sa
succession.
Le principal avantage du testament-partage
est donc de pouvoir faire cela sans être cantonné à la quotité disponible,
puisque les allotissements réalisés par le de cujus s’imputeront sur la
part de réserve du gratifié.
Le de cujus conserve aussi la
disposition de sa quotité disponible pour avantager un tiers ou un héritier.
Par conséquent, le testateur peut répartir
ses biens entre ses héritiers, sans que ces derniers n’en doivent le rapport et
sans renoncer à avantager un héritier ou un tiers à la succession.
La réduction est d’autant plus à craindre
lorsque :
- le
de cujus a consenti des donations antérieures à des tiers qui
s’imputeront avant les donations consenties aux héritiers postérieurement à
celles-ci ou aux legs puisque, par application de l'article 923 du Code civil,
les libéralités s’imputeront de la plus récente à la plus ancienne ;
- les
biens donnés hors part par le de cujus aux héritiers ont pris de la
valeur depuis la donation (si la masse de calcul de la quotité disponible
augmente autant que l’augmentation de la valeur du bien donné hors part, la
part de cette libéralité dans cette masse augmente également).
En revanche, la libéralité assurera par
principe la propriété du bien au gratifié, depuis le jour de la donation ou
depuis le jour du décès en cas de legs[12].
Le testament-partage présente-t-il des
avantages par rapport à la donation-partage ?
On ne présente plus la donation-partage.
Elle est et reste l’outil à privilégier pour transmettre et partager, à moindre
coût et dans les meilleures conditions.
Avantages du testament-partage. Le testament-partage peut, en fonction de sa particularité,
permettre un partage qui n’a pu aboutir du vivant du disposant. II bénéficie
des avantages de tout testament : confidentialité, absence de dessaisissement
du vivant du disposant et libre révocabilité.
Ces trois avantages sont assurément liés,
car le de cujus peut d’autant plus librement révoquer son testament
qu’il ne s’est pas dessaisi de ses biens de son vivant et n’a pas créé
d’attente auprès de ses héritiers en le gardant secret.
La confidentialité. Dans un contexte de fortes tensions familiales, le secret qui
entoure un testament ou un testament-partage sert avant tout à protéger le
de cujus. Il peut aussi servir à protéger le gratifié.
L’absence de dessaisissement du vivant
du disposant. La répartition opérée par le de
cujus prendra effet au jour de son décès ; de ce fait, le défunt ne saisira
pas ses héritiers de ses biens, de son vivant.
Cet avantage est à minimiser tout de même,
dans la mesure où le disposant peut réaliser le partage de ses biens de son
vivant, tout en conservant la jouissance des biens transmis, en particulier la
jouissance de biens frugifères.
En revanche, le testament peut être un
argument de poids pour un défunt en manque de liquidité qui ne pourrait pas se
permettre de régler les frais et droits de donation. Or ils peuvent s’avérer
extrêmement coûteux pour des héritiers qui ne souhaitent ou ne peuvent pas les
assumer.
La libre révocabilité du vivant du
disposant. Les dispositions prises par le de
cujus qui s’exécuteront au moment de son décès sont librement révocables
comme tout testament, ce qui peut présenter un avantage considérable,
comparativement à une donation-partage acceptée par les donataires, en cas de
variation décisive des biens mis dans les lots des héritiers.
Par exemple, dans une donation-partage, si
les cohéritiers étaient d’accord pour revoir les attributions actées à la
donation-partage après la donation, le de cujus pourrait décider, avec
l’accord des donataires, de réincorporer la donation-partage antérieure dans
une nouvelle donation-partage. Cette nouvelle donation-partage générerait à
nouveau des frais et droits de donation basés sur la valeur des biens
réincorporés et partagés. Elle ne générerait plus des droits de donation mais
un droit de partage de 2,50 % basé sur le montant de la réincorporation.
Avantages de la donation-partage. La donation-partage est indéniablement la solution la plus
économique lorsqu’on compare le coût global de la transmission, ceci s’explique
pour trois raisons :
- elle
évite l’application d’un droit de partage de 2,5 % sur l’actif partagé suivant
la règle non bis in idem puisque les biens donnés sont soumis aux droits
de donation ;
- elle
permet de minorer l’actif objet des droits de succession en s’en réservant
l’usufruit de son vivant ;
- elle
permet d’utiliser les abattements fiscaux disponibles et compter sur leur
renouvellement.
Donc comparons ce qui est comparable : le
testament-partage est aussi onéreux que si aucun testament-partage n’avait été
réalisé et que les héritiers procédaient entre eux à un partage.
Quel est le danger de proposer un testament-partage
?
Le plus grand risque pour ce
testament-partage serait de ne pas être un vrai partage.
Tout l’édifice prévu par le de cujus
risquerait de s’effondrer car, en cas de contestation, les attributions voulues
par le de cujus seraient alors requalifiées par le juge saisi en simples
legs, rapportables ou non, suivant les termes du testament.
La pratique notariale reproche au
testament-partage son évanescence. Il serait dangereux de le proposer compte
tenu du risque de modifications substantielles du patrimoine entre la rédaction
et le décès.
Cette crainte est-elle fondée ?
En cas de vente d’un bien attribué à
l’un des héritiers entre la rédaction du testament et le décès. Si le partage devient inégalitaire, assurément l’exécution du
testament-partage pourrait être délicate et être source de contentieux.
Néanmoins la critique n’est pas décisive.
En effet, une répartition opérée aux moyens
de simples legs serait tout aussi dangereuse, puisque l’héritier dont le bien
serait vendu perdrait le bénéfice de son legs et se retrouverait à devoir
partager avec les autres héritiers dont le legs n’est pas remis en cause,
l’ensemble des biens non légués. Évidemment dans cette hypothèse, la
stipulation de legs rapportables présente l’intérêt de pouvoir maintenir la
répartition sur les biens non vendus, sans désavantager les légataires des
biens vendus (toutes les réserves émises précédemment contre la répartition par
libéralité rapportable dans un contexte de forte mésentente restent par
ailleurs pertinentes).
Il suffirait pour parer cet inconvénient de
sensibiliser notre testateur à la nécessité de repenser son testament-partage
en cas de vente d’un bien successoral mais, plus décisivement encore, de
conditionner notre testament-partage à l’absence de disposition, entre l’établissement
du testament et le décès, par le testateur, de tel ou tel bien décisif à
l’équilibre du testament compris dans le lot des héritiers et de stipuler, en
conséquence de cette défaillance, des legs rapportables qui auront pour mérite
de pallier la défaillance du testament-partage.
En cas d’achat d’un ou plusieurs biens
entre la rédaction du testament et le décès. Le
reproche fait au testament-partage est infondé en ce cas, car le partage peut
n’être que partiel et ne pas comprendre l'ensemble des biens du testateur (C.
civ., art. 1075-5). Les biens non compris au testament-partage dépendront de la
succession et seront partagés entre les héritiers à proportion de leurs droits.
En cas de changement de valeur d’un ou
des biens attribués entre la rédaction du testament et le décès. Encore une fois la critique est infondée car le testateur peut
s’affranchir de la stricte égalité en valeur dans la limite de la quotité
disponible. D’autant plus que les biens existants non partagés pourront
parfaitement servir à compléter la part de réserve de l’héritier défavorisé.
Comment rédiger un testament-partage
efficace ?
Comment aider nos clients à rédiger un
testament-partage exécutable et qui ne sera pas requalifié, au regard notamment
des décisions des 6 mars et 20 novembre 2013 de la Cour de cassation ?
Il est essentiel que le de cujus
réalise un véritable partage de ses biens. Pour cela, l’idée d’allotir
également ses héritiers doit être la plus apparente possible (bien que le
testateur puisse avantager l’un de ses héritiers) et chaque héritier doit être
réellement alloti par l’attribution de biens divis ainsi que l’a
clairement rappelé la Cour de cassation au sujet de la donation-partage.
Réalisation d’un vrai partage qui doit
traduire la volonté par un acte d’autorité de répartir plus que d’avantager. Nous présenterons, avec une approche pratique, quelques arrêts qui
ont exclu ou admis la qualification de testament-partage, afin de pouvoir discerner
au mieux les critères de rédaction du testament-partage[13].
Exemple de critères intrinsèques
exclusifs de la qualification de testament-partage :
- lorsque l’idée d’égalité ne se trouve pas
incluse dans le testament et lorsque !e testateur ne fait rien pour réviser ses
dispositions testamentaires à la suite d’un déséquilibre d’allotissement lié à
un changement de circonstances économiques[14]
;
- quand prédomine la volonté d’accorder à
l'un de ses enfants un avantage[15].
Exemple de critères intrinsèques permettant de retenir la qualification de
testament-partage :
- lorsque l’intention d’attribuer également
ses biens entre ses enfants est révélée par l’application combinée des
testaments des deux parents qui se complètent [16];
- lorsque le testateur équilibre
l’attribution de biens à l’un des héritiers, par la mise à sa charge d’une
soulte au profit de l’autre[17].
Le testament-partage doit-il comprendre
l'ensemble des biens du de cujus ?
En principe, le de cujus peut ne
comprendre qu’une partie des biens qui lui appartiennent, et ce par application
de l'article 1075-5 du Code civil qui prévoit que «si tous les biens ou droits
que le disposant laisse au jour de son décès n’ont pas été compris dans le
partage, ceux de ses biens ou droits qui n’y ont pas été compris sont attribués
ou partagés conformément à la loi ».
Cependant, plus le testament comprendra de
biens du testateur, plus le testament s‘apparentera à un partage. La
jurisprudence a jugé, en ce sens, que le testament comprenant tous les biens du
de cujus ne pouvait s’analyser en un testament contenant des legs
préciputaires qui seraient, par voie de conséquence, tous réductibles[18].
Exemple de critères extrinsèques
permettant de retenir la qualification de testament-partage :
- lorsque
le testament paraît compléter une donation-partage antérieure[19] ;
- l’existence
d’un testament émanant de l’autre parent, paraissant opérer ensemble une
attribution équitable de leurs biens[20].
Réalisation d’un vrai partage où l’on ne
doit pas constituer des lots au seul moyen de quotes-parts indivises. Quelles conséquences sont à attendre, pour le testament-partage,
des décisions de la Cour de cassation du 6 mars et du 20 novembre 2013 qui ont
requalifié les donations-partages attaquées en donations simples ?
Au regard de ces arrêts, quelles sont les
attributi, ons que le testateur peut opérer ? Quelles sont celles qu’il ne peut
opérer sous peine de fragiliser l’édifice testamentaire ?
Les attributions compatibles avec la
qualification de testament-partage :
- l’attribution
privative de biens à chaque héritier ;
- l’attribution
privative de biens à l’un ou plusieurs des héritiers, à charge pour eux de
régler une soulte aux autres héritiers qui peuvent n’être allotis que par la
soulte qu’ils reçoivent.
Par application combinée des articles
1075-4[21]
et 828 du Code civil[22],
la soulte qui sera mise dans le lot de l’héritier copartageant sera révisée à
la hausse ou à la baisse en fonction de la variation de la valeur des biens mis
dans le lot du débiteur de la soulte lorsque la variation de valeur desdits
biens sera de plus du quart depuis la date du décès.
Dans ce cas, le testateur n’aura pas le
choix de déroger à cette revalorisation.
Dans les deux cas, peu importe que tout ou
partie des biens soit partagé aux termes du testament-partage, puisque le Code
civil permet un partage partiel des biens du testateur par application de
l'article 1075-5 du Code civil.
Les attributions qui remettent en cause
la qualification de testament-partage :
- l’attribution
à chacun d’une quote-part du ou des biens objets du testament-partage ;
- l’attribution
à l’un d’un bien privatif et aux autres d’une quote-part d'une partie des biens
donnés.
Le testament-partage est-il compatible
avec un patrimoine difficilement partageable ?
En présence de biens d’inégales valeurs qui
ne peuvent être tous attribués privativement aux héritiers, le disposant qui
souhaite respecter une stricte égalité entre ses héritiers peut-il établir un
testament-partage sans risque de requalification ?
Peut-il attribuer à chacun de ses héritiers
des droits privatifs et à chacun une quote-part indivise d’un ou plusieurs
biens ?
Comme nous l’avons envisagé dans l’analyse
des arrêts de la Cour de cassation, il est possible de se demander si une telle
disposition pourrait remettre en cause totalement ou partiellement le
testament-partage ? Face à cette incertitude, tant qu’une clarification n’est
pas opérée, il est préférable de ne pas recourir à ce type d’attribution dans
le testament-partage.
Si les attributions privatives opérées
sont équivalentes hors le bien restant à partager. Par
application de l'article 1075-5 du Code civil, les biens qui ne seront pas
compris au testament-partage seront partagés conformément à la loi. Le partage
peut n’être que partiel. Par conséquent, le testateur peut se dispenser
d’intégrer ce bien au testament-partage sans risquer une requalification de
l’acte.
Si le testateur veut à tout prix
maintenir une stricte égalité de valeur entre ses enfants et que l’un des biens
ne peut être attribué totalement à l’un sans créer une inégalité envers l’autre
héritier.
1re solution : le testateur pourrait attribuer ce bien à l’un des héritiers à
charge de soulte.
2e solution : le testateur pourrait « compléter ses attributions » au moyen de
legs d’une quote-part particulière propre à rétablir pour chacun une certaine
égalité.
Le testateur pourrait soit dans le
testament-partage, soit dans un testament annexe, léguer ledit bien dans des
quotes-parts indivises propres à assurer à chacun de ses héritiers des
attributions globales égales (testament-partage + testament ordinaire).
Le testament-partage peut contenir une
telle disposition depuis que l’article 1079 du Code civil, issu de la loi du 23
juin 2006, prévoit que le testament produit les effets d’un partage.
- Dans
l’hypothèse où les héritiers n’ont pas été remplis de leur réserve au moyen du
testament-partage : le testateur devra alors léguer le bien en question en
prévoyant une clause de rapport.
En effet, dans cette hypothèse, la réserve
des légataires sera complétée par les libéralités rapportables qui leur ont été
consenties. L’éventuel excédent (entre la valeur Iéguée et le montant propre à
compléter la réserve) sera alors remis dans la masse à partager. Ainsi
l’égalité voulue par le testateur sera-t-elle préservée.
En dehors de ce cas, si les héritiers
étaient déjà allotis de leur part de réserve via le testament-partage,
la libéralité se serait retrouvée entièrement dans la masse à partager dont le
légataire aurait été alloti en moins prenant. Ce legs n’aurait donc pu rétablir
l’égalité voulue par le testateur.
- Dans
l’hypothèse où les héritiers ont été remplis de leur réserve au moyen du
testament-partage : le testateur devra léguer le bien en question au moyen d’un
legs sans stipulation de rapport.
En effet dans cette hypothèse, le testateur
devra faire en sorte que ce bien ne se retrouve pas dans la masse à partager,
pour compenser les inégalités d’attribution entre les héritiers.
Donc le seul moyen de compenser l’inégalité
dans ce cas est de léguer le bien en question sans stipulation de rapport. Ce
legs s’imputera sur le disponible de la succession sans autre conséquence
puisque les héritiers sont déjà allotis de leur réserve au moyen des
attributions du testament-partage.
3e solution : l’apport du bien en question dans une société civile immobilière
avant son décès.
Cette solution est assez efficace pour
permettre au testateur dont le patrimoine est composé de biens d’inégales
valeurs, d’attribuer des lots de valeurs équivalentes à ses héritiers, sans
avoir à compléter ses attributions de legs, ou de devoir faire supporter à l’un
de ses héritiers le règlement d’une soulte.
Ces solutions trahissent quand même
l’impuissance du testateur, en cet hypothèse, de maintenir une égalité parfaite
entre ses héritiers tout en partageant l’ensemble de ses biens. En effet, dans
la première solution, le prix de l’égalité est le versement d’une soulte par
l’un des héritiers, et dans la seconde, le prix de l’égalité est la création
d’une indivision sur le bien. Dans la troisième solution, le prix de l’égalité
est l’association «forcée » des cohéritiers au sein d’une société.
Comment est taxé le testament-partage ?
Les partages testamentaires étant de
véritables partages de succession, tant civilement que fiscalement, ils sont
soumis au droit de partage de 2,50 %, prévu à l’article 746 du Code général des
impôts, et non au droit fixe de testament, et liquidés comme tel sur l’actif
net à partager (BOI-ENR-PTG-10-30, n° 10).
D’ailleurs, les biens partagés devront être
évalués pour la perception du droit de partage au jour du partage. Et pourront
être déduits de l’actif à partager (BOI-ENR-PTG-10-10-20130301) :
- les
droits de succession (si tant est que les droits de succession n’aient pas
encore été réglés au jour du partage) ;
- les
frais de l’acte de partage ;
- les
dettes du défunt envers les héritiers ;
- les
récompenses dues par la succession à la communauté.
Quand le droit de partage est-il versé ?
Le droit de partage n’est dû de façon
générale que lorsque l’indivision prend fin (BOI-ENR-PTG-10-10, n° 150).
L’article 636, alinéa 2, du Code général
des impôts, qui traite de la question, dispose que « les testaments-partages
déposés chez les notaires ou reçus par eux doivent être enregistrés au plus
tard lors de l’enregistrement de l’acte constatant le partage de la succession
». L’administration fiscale (BOI-ENR-DG-40-10-40, n° 180) précise que « les
testaments-partages doivent être enregistrés pendant la période qui court du
jour du décès jusqu’à celui de l’enregistrement de l’acte de partage ».
Puisque l’allotissement de l’héritier est
parfait dès le décès, nous pouvons nous poser la question, comme Me
Gilles Bonnet[23],
de la nécessité d’un écrit afin de réitérer les attributions opérées par le
défunt. Si aucun écrit n’est constaté pour réitérer ce partage, l’auteur ne
voit qu’une solution, celle de régler le droit de partage au moment du dépôt du
testament rendu obligatoire par l’article 1007 du Code civil ci-dessus visé.
Certains, aux risques et périls de leur client, pourront considérer, à défaut
d’avoir constaté le partage de la succession, que le droit de partage pourrait
ne jamais être exigible.
Lors du dépôt de la déclaration de
succession, les héritiers devraient-ils régler le droit de partage ? Le CRIDON
de Paris a répondu à ce sujet que « la constatation du partage, c’est-à-dire la
répartition des biens entre les héritiers dans la déclaration de succession,
pourrait être considérée par l’administration fiscale comme un acte mettant fin
à l’indivision dès lors que le testament-partage procède lui-même à la
répartition du bien sans qu’un acte postérieur soit nécessaire pour constater
ce partage. Pour autant, en pratique, il ne semble pas qu’il y ait lieu à une
taxation automatique dans cette hypothèse ».
[1] Source : DEFRÉNOIS No28 19 juillet 2018
[2] Au sein du chapitre VII des partages faits par père, mère, ou
autres ascendants, entre leurs descendants,
[3] Comme l’indique le professeur Michel Grimaldi, « d’un acte de
magistrature familial on est passé à un acte de propriétaire ». L’article 1075
du Code civil prévoit en effet que « toute personne peut faire, entre ses
héritiers présomptifs, la distribution et le partage de ses biens et de ses
droits ».
[4] En effet, le nouvel article 1079 du Code civil en vigueur depuis le
1er janvier 2007, prévoit que « le testament-partage produit les
effets d'un partage » et non plus seulement qu'il « ne produit que les effets
d’un partage » tel que la loi n° 71-523 du 3 juillet 1971, en vigueur du 1er
janvier 1972 au 1er janvier 2007 le prévoyait.
[5] Il a été longtemps délaissé en raison de l’obligation faite aux héritiers,
d’enregistrer le testament et le partage qu’il contenait (1,10 % puis 2,50 % de
droit de partage sur l’actif partagé) lors du dépôt du testament devant être
effectué dans les 3 mois du décès puis dans les 6 mois du décès.
[6] Cass. 1re civ., 7 nov. 2012, n° 11-23596 : « L’
attribution consentie aux petits-enfants serait constitutive d’un “legs imposé”
aux successibles non consentants qui devraient en toute logique s’imputer sur
la quotité disponible ordinaire de la succession, générant éventuellement une
indemnité de réduction comme l’envisage l'article 1080 du Code civil. », JCP N
2013, n°11, 1056, note Azincourt J.-D, qui considère que la Cour de cassation
pourrait avoir ici consacré un testament « intergénérationnel » ; « Vu par »,
p. 537, in Vareille B., « Le testament-partage transgénérationnel »,
Defrénois 30 mai 2013, n° 112r4, p. 531
[7] Cass. 1re civ., 6 mars 2013, n° 11-21892 ; Cass. 1re
civ., 20 nov. 201 3, n° 12-25681.
[8] Pour Saint Thomas d’Aquin, « La justice est l’habitus par lequel on
donne, d’une perpétuelle et constante volonté, à chacun son droit », Sum.
theol., lla-llae q. 58 a. 1 co « Justitia est habitus secundum
quem aliquis constanti et perpetua voluntate ius suum unicuique tribuit ».
La justice serait donc une vertu, déterminant la volonté de rendre toujours et
partout son droit à chacun. Le notaire serait donc au service de la justice en
permettant que les autres se fassent justice entre eux, en permettant que
s‘exprime dans les meilleures conditions leur vertu de justice.
[9] Les allotissements prévus par le de cujus sont d’autant plus
définitifs que le Code civil, tirant toutes les conséquences de la
qualification de testament et de partage, dispose à l'article 1079 que « ses
bénéficiaires ne peuvent renoncer à se prévaloir du testament pour réclamer un
nouveau partage de la succession ». L’égalité voulue par le de cujus
s‘impose aux héritiers, copartageants malgré eux, qui ne peuvent choisir de
répudier le testament pour partager les biens du de cujus comme ils
l’entendent, sans être alors considérés comme renonçant à la succession.
Voilà donc un moyen supplémentaire d’éviter pour des héritiers de ne
pas s’entendre sur un partage pendant des années.
[10] Le de cujus n’a pas à se soucier de l’égalité en nature
depuis que le partage ordinaire s‘en est affranchi, puisque l'article 826
alinéa premier, dans sa rédaction issue de la loi du 23 juin 2006, prévoit que«
l’égalité dans le partage est une égalité en valeur ».II peut, à ce titre,
attribuer à l’un de ses héritiers un immeuble et à l'autre une somme d'argent.
[11] En effet comme pour l’héritier alloti au moyen d’une
donation-partage, l’héritier alloti par testament-partage n’a pas à disposer de
la capacité à partager, puisque la répartition des biens est opérée par le
disposant, mais seulement de la capacité à hériter, c’est-à-dire de l’absence
d’indignité. Concrètement, cela veut dire qu’en présence d’un mineur ou d’un
majeur en tutelle, il n’est pas nécessaire d’être spécialement autorisé à
partager par le juge ou le conseil de famille et de soumettre, par la suite, le
projet de partage à l’approbation du juge ou du conseil de famille.
En présence d’un testament-partage, il sera simplement nécessaire
pour le représentant légal d’être autorisé à accepter purement et simplement la
succession si l’actif dépasse manifestement le passif, conformément au C. civ.,
art. 507-1.
[12] En effet, le rapport et la réduction s’opérant par principe en
valeur et non plus en nature, depuis la loi du 23 juin 2006, le gratifié
conservera la propriété du bien mais devra à ses cohéritiers une indemnité
égale à la valeur du bien sans avoir à remettre le bien dans la masse à
partager, que la libéralité soit rapportable ou réductible, ainsi que le
prévoient respectivement les articles 858 et 924 du Code civil.
[13] Arrêts proposés et classés par Grimaldi M., Droit patrimonial de
la famille, Libéralités-Partages, 2009, Dalloz action, chap, 411, § 212.
[14] Cass. 1re civ., 30 mars 1955 : Bull. civ. I, n° 152.
[15] Cass, 1re civ. 4 juin 2009, n° 08-13801, D : « Attendu
qu'après avoir relevé que, bien que le rédacteur d'un testament-partage puisse
composer des lots inégaux, si son intention première et essentielle est
d'avantager l'un de ses enfants, l’acte doit s’analyser en un testament
ordinaire comportant des legs préciputaires, l’arrêt retient qu’il résulte de
la clause contenant le legs de la quotité disponible à Mme Mélissa
X, placée en préambule, que le testateur, en rédigeant l’acte litigieux, avait
pour intention première et essentielle d’avantager sa fille, Mélissa, née d'un
adultère, pour compenser les effets de la loi alors applicable et qui
pénalisait les enfants adultérins, ce dont il résultait que prédominait sur
toutes les autres dispositions, la volonté d’accorder à l'un des trois enfants
un avantage, c'est à bon droit que la cour d'appel en a déduit que l’acte
litigieux ne saurait être considéré comme un testament-partage destiné à
répartir les biens successoraux et allotir les héritiers mais comme un
testament ordinaire comportant un legs préciputaire ».
[16] Cass. 1re civ., 17 avr. 1985, n° 84-11064.
[17] CA Nancy, 10 déc. 1987.
[18] CA Grenoble, 30 oct. 2000.
[19] Cass. 1re civ., 5 juill. 1989, n° 87-16476.
[20] Cass. 1re civ., 17 avr. 1985, n° 84-11064.
[21] C. civ., art. 1075-4 : « les dispositions de l’article 828 sont
applicables aux soultes mises à la charge des donataires, nonobstant toute
convention contraire. »
[22] C.cv., art, 828 : « Lorsque le débiteur d’une soulte a obtenu des
délais de paiement et que, par suite des circonstances économiques, la valeur des
biens qui lui sont échus a augmenté ou diminué de plus du quart depuis le
partage, les sommes restant dues augmentent ou diminuent dans la même
proportion, sauf exclusion de cette variation par les parties ».
[23] Me Bonnet G., « Le flou fiscal du testament-partage »,
Defrénois 30 mai 2013, n° 112r4, p. 531.
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