La Cour populaire suprême a promulgué récemment « Le Règlement concernant le jugement des affaires civiles ayant trait aux activités notariales ». Quelle portée positive revêt l’adoption de cette interprétation judiciaire ? Comment les professionnels la voient-ils ? C’est avec toutes ces interrogations que le journaliste du Quotidien du Droit a interviewé certains experts en droit, notaires et magistrats.
« En proposant une procédure tout à fait applicable,l’interprétation judiciaire aide à canaliser et à normaliser la compréhension judiciaire dans ce type de procédure et à encadrer davantage les pratiques notariales à travers les jugements rendus par les magistrats », selon M. Zhang Weiping, professeur à la faculté de droit de l’Université Tsinghua et Président de la Commission procédures civiles de la Law society.
Définir les parties à la procédure en matièredélictuelle notariale
L’interprétation judiciaire précise que le procès civil qu’entreprennent le client et les personnes concernées dans une affaire notariale devant le tribunal populaire pour la réparation des dommages en vertu de la Loi sur le Notariat doit être traité comme procédure en responsabilité délictuelle.
Le litige qui oppose le client et les personnes concernées par une affaire notariale à l’établissement notarial porte sur la question de savoir si l’intervention notariale viole les droits des parties. Selon Zhang Weiping, ce litige et le procès qui s’ensuit, se distinguent clairement des litiges ainsi que des procédures entre les parties à propos des droits et devoirs civils constatés dans l’acte notarié, le deuxième type de procès appartient à la catégorie des procédures civiles ordinaires qui règlent les litiges entre les parties concernant leurs droits et devoirs.« Selon l’interprétation judiciaire, le tribunal populaire ne reçoit pas la demande de procédure civile qui lui est soumise directement par le client et les personnes concernées dans une affaire notariale en cas de contestation sur les droits et devoirs produits par l’ acte de créance notarié doté d’une force exécutoire », Zhang Weiping souligne que, selon la Loi sur le Notariat, l’acte de créance notarié constituant déjà la base de l’exécution, le procès visant directement le litige sur les droits et devoirs civils n’est donc plus recevable. Mais à l’exception des instruments de créance authentiques que le tribunal populaire aura jugés non exécutables. Comme l’acte de créance notarié est jugé non exécutable, cela signifie que cet acte ne sert plus de base pour l’exécution, ainsi, les parties peuvent entreprendre une procédure civile à propos des droits et devoirs en question.
Et Zhang Weiping de continuer l’explication : ce genre de litige n’est peut-être pas, à proprement parler, une violation des droits des parties, mais fait partie des litiges civils en matière notariale. En réaffirmant et soulignant la non recevabilité du procès sur l’instrument de créance notarié, l’interprétation judiciaire aidera les magistrats à mieux traiter ce type de procès.
L’interprétation judiciaire a également défini les parties du procès en responsabilité délictuelle. En cas de procès demandant à engager la responsabilité d’indemnisation d’un établissement notarial pour la violation des droits, le client et les personnes concernées dans une affaire notariale sont les plaignants et l’établissement notarial, le défendant.Ce dernier assume la responsabilité des fautes commises par le notaire dans le cadre de l’exercice professionnel, le notaire ne peut pas être le défendant dans un procès pour violation des droits.
L’interprétation judiciaire indique que le client quifournit de fausses pièces justificatives entraînant des dommages pour un tiers par l’erreur dans un acte notarié, doit assumer la responsabilité d’indemnisation. L’établissement notarial ayant rempli son devoir d’examen et de vérification en vertu de la loi n’a pas à assumer ladite responsabilité ; s’il n’a pas rempli son devoir d’examen et de vérification en vertu de la loi, il doit en complément assumer la responsabilité d’indemnisation proportionnelle à la faute qu’il a commise ; la responsabilité d’ indemnisation solidaire lui incombe s’il savait clairement que les pièces justificatives étaient fausses ou qu’il a agi en complicité avec le client.
« La responsabilité d’indemnisation solidaire est une responsabilité parallèle tandis que la responsabilité d’indemnisation complémentaire est une responsabilité par ordre. » Selon Zhang Weiping,la règle procédurale relative à la responsabilité d’indemnisation complémentaire clarifiée par l’ interprétation judiciaire aidera les magistrats à distinguer et identifier précisément les deux différentes responsabilités dans ce type de procès.
Uniformiser l’application du droit et équilibrer les intérêts des parties
Selon M. Xue Wencheng, vice-Président de la Cour populaire du district Qingpu de Shanghai, l’interprétation judiciaire présente au moins trois originalités : uniformiser le critère d’application du droit de manière à éviter des jugements contradictoires ; définir le critère d’appréciation de faute en responsabilité de violation des droits en matière notariale ; innover la manière d’assumer la responsabilité civile d’indemnisation par un établissement notarial.
Ces dernières années, les procès contre les établissements notariaux sont plus fréquents en raison de l’intervention grandissante du notariat dans la vie quotidienne de tout un chacun. Nombreux sont les jugements contradictoires sur la nature des établissements notariaux, sur la question de savoir si les activités notariales peuvent engager la responsabilité ou de quelle manière celle-ci est assumée.
« Promulguée au bon moment, l’interprétation judiciaire va uniformiser le critère d’application du droit pour les procès d’indemnisation visant les établissements notariaux et jouer un rôle, à n’ en pas douter, positif pour mieux encadrer le développement du notariat et défendre les intérêts des parties. » L’interprétation judiciaire a précisé que le tribunal ne recevra pas les plaintes déposées par le client et les personnes concernées dans une affaire notariale portant sur la modification, l’annulation ou la confirmation de la nullité d’un acte notarié, ce qui mettra de l’ordre dans la confusion judiciaire où les procès sont traités d’une manière disparate : certains tribunaux acceptent la procédure, d’autres la refusent en raison de la différence de compréhension de la nature des actes notariés ; certains tribunaux la traitent comme procédure civile et d’autres comme procédure administrative.
M. Xue Wencheng indique que l’interprétation judiciaire en tenant compte de la particularité du travail des établissements notariaux et en fournissant une énumération et une synthèse, offre clairement un critère d’appréciation des fautes que pourraient commettre les établissements notariaux. Un établissement notarial peut être reconnu fautif dans l’un des trois cas suivants : divulguer les secrets commerciaux ou la vie privée, connus durant l’exercice de ses fonctions, ne pas corriger ou ne pas compléter l’acte notarié comportant des erreurs ;produire un acte notarié pour des affaires illégales. L’interprétation judiciaire indique que lorsque le client fournit de fausses pièces justificatives entraînant des dommages pour un tiers par l’erreur contenue dans un acte notarié, l’établissement notarial n’ayant pas rempli son devoir d’examen et de vérification en vertu de la loi, doit en complément assumer la responsabilité d’indemnisation proportionnelle à la faute qu’il a commise. Selon Xue Wencheng, il s’agit d’une mesure novatrice qui instaure un équilibre d’ intérêt raisonnable entre les différentes parties d’un acte notarié.
« La partie qui obtient par ruse un acte notarié en fournissant de fausses pièces justificatives et qui s’avère dans la réalité souvent insolvable financièrement, est incapable donc d’assurer la réparation des dommages subis par d’autres parties à l’acte notarié. En tant qu’instance de certification légale et professionnelle dans la vérification des éléments, l’établissement notarial doit remplir sa mission de vérification conférée par la loi et ne doit pas fermer les yeux sur les fausses pièces justificatives au point de laisser les dommages se produire ou s’aggraver. » a ajouté Xue Wencheng.
Mesure importante pour perfectionner le système d’assistance notariale
Me Zhou Zhiyang, Présidente de l’Association du Notariat de Pékin et directrice de l’Office Changan à Pékin, estime que la promulgation de l’interprétation judiciaire délimite les compétences entre l’établissement notarial et l’instance judiciaire pour devenir une mesure importante susceptible d’perfectionner le système d’assistance notariale.
Selon ses analyses, l’établissement notarial,organisme investi d'une délégation de puissance publique et professionnel de l’authentification des actes, jouit d’un statut juridique particulier. La Cour populaire a le droit de décider d’utiliser ou non l’acte authentique émis par l’établissement notarial,mais elle n’a pas le droit d’annuler ni de modifier son contenu. L’interprétation judiciaire accorde une ample attention à la spécificité notariale et délimite nettement les deux modes de recours, à savoir notarial et judiciaire : à l’établissement notarial de régler les problèmes de rectification, d’annulation ou de négation des effets de l’acte, au tribunal de s’occuper des litiges entre les parties à l’acte. Cela démontre le respect de la Cour à l’égard de l’acte notarié et indique clairement la voie à suivre pour les parties désireuses de défendre leurs droits.
Dans la pratique judiciaire, il arrive que le notaire n’ait pas pu démasquer les « fausses personnes » dans l’acte de mandat pour la vente immobilière, et permis la vente de ces biens immobiliers, selon les tribunaux certains offices notariaux se voient entièrement exemptés de responsabilité, d’autres partiellement,et quelques-uns sont condamnés à rembourser la totalité du prix de vente .
« Dans un contexte qui souffre d’une crise de fiabilité, quel que soit l’effort de la part des notaires dans la vérification des données, l’escroquerie ou la fraude sont inévitables. » La lourde responsabilité d’indemnisation fait que les établissements notariaux augmentent les limites pour ce type d’activité à haut risque, ce qui contraint la plupart des clients honnêtes et crédibles à payer plus cher et à multiplier les démarches. » indique Me Zhou Zhiyang.
L’interprétation judiciaire distingue deux situations en fonction de l’accomplissement ou non du devoir d’examen et de vérification et dispose que la responsabilité d’indemnisation qui incombe à l’établissement notarial fautif est une indemnisation complémentaire proportionnelle à la faute qu’il a commise. Selon Me Zhou Zhiyang, cette disposition clarifie, d’un côté, l’étendue de la responsabilité de l’escroc et celle de l’établissement notarial en cas d’ obtention par ruse d’un acte authentique, et de l’autre côté, l’objet et l’ordre de la réclamation des victimes en réparation des dommages.
« En ce qui concernant la connaissance et l’usage des fausses pièces, selon l’interprétation judiciaire,l’établissement notarial n’a pas à assumer la responsabilité d’indemnisation au cas où le client ou les personnes concernées dans une affaire notariale causent des dommages en utilisant un acte notarié qu’ils savaient pertinemment faux ou illégal. » Me Zhou Zhiyang pense que cette disposition va réduire dans une certaine mesure le risque de voir les parties à l’acte notarié agir en complicité avec d’autres personnes pour faire endosser à l’établissement notarial la responsabilité d’indemnisation. Elle a un effet tout à fait positif et décisif pour déterminer la responsabilité de chaque partie.
Sources : site-Internet Quotidien du droit, le 3 juin 2014
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