Contrat de mariage en France
Angélique CHEN
Membre du pôle « Extrême-Orient »
du CSN
Notaire à Besançon
Dès le mariage,
les époux sont soumis à un régime matrimonial, c’est-à-dire à un ensemble de
règles fixant leurs droits et leurs devoirs. Par
défaut, si les futurs époux décident de ne pas établir de contrat de mariage,
leur patrimoine sera régi par les règles du régime de la communauté réduite
aux acquêts, plus communément appelé « le régime de la communauté ».
En fonction de
leur situation familiale et patrimoniale, les époux peuvent préférer un autre
régime en optant pour l’un des principaux contrats de mariage suivants :
·
La séparation de biens
·
La participation aux
acquêts
· La communauté universelle
Toutefois, des
règles obligatoires s’imposent à tous. Il s’agit du « régime primaire »,
c’est-à-dire un ensemble de règles découlant du mariage, qui s’applique à tous
les époux quel que soit le régime matrimonial qu’ils ont adopté.
Nous allons voir
successivement les règles du régime primaire et celles des principaux régimes
matrimoniaux du Code civil français.
Ensuite, nous verrons les conditions de forme et la procédure à suivre :
I.
Le régime primaire et les principaux régimes matrimoniaux du Code civil
A. Le régime primaire
Prévu par les
articles 212 et suivants du Code Civil,
le régime primaire organise l’ensemble des droits et des devoirs respectifs des
époux s’imposant du seul fait du mariage et notamment : l’assistance et le
devoir de secours entre époux, la contribution aux charges du mariage, les
pouvoirs entre époux, l’engagement entre époux, l’autonomie bancaire,
l’autonomie professionnelle…
La contribution aux charges du mariage
L’article 214 du Code Civil impose à chaque époux de
contribuer aux charges du mariage. On entend par charges du mariage les
dépenses, de logement (notamment les remboursements des échéances d’emprunts), de santé, d’entretien et
d’éducation des enfants, d’habillement, de nourriture… Les époux peuvent
déterminer cette contribution par convention ou contrat de mariage. À défaut,
chacun doit contribuer en fonction de ses possibilités même si son conjoint
n’est pas dans le besoin.
L’obligation aux dettes ménagères
L’article 220 du Code Civil prévoit une obligation
solidaire des époux à l’égard des créanciers s’agissant des dettes de la vie
courante. Cela signifie que chaque époux peut agir seul en matière ménagère,
engageant ainsi tous les biens du couple (propres et communs) à charge éventuellement
à celui des époux qui a payé de réclamer à l’autre sa contribution en fonction
des règles propres au régime matrimonial choisi.
Par dettes ménagères, il faut entendre les dépenses de la
vie courante à savoir principalement : la nourriture, les vêtements, l’eau,
l’électricité, le téléphone, les assurances, les frais de santé, les frais
scolaires, les transports, les loyers et les échéances d’emprunt modeste…
Les comptes bancaires et les biens mobiliers
Chaque époux a la
liberté de se faire ouvrir un compte de dépôt ou un compte de titres sans le
consentement de son conjoint. En outre, à l’égard du dépositaire, le déposant
est toujours réputé, même après la dissolution du mariage, avoir la libre
disposition des fonds et des titres en dépôt (Article 221 du Code Civil).
De même, les époux
bénéficient d’une présomption de pouvoir sur les meubles qu’ils détiennent
individuellement de sorte que chaque époux peut effectuer seul des actes de
disposition, d’administration et de jouissance, à titre gratuit ou onéreux.
L’article 223 du Code Civil dispose que chaque époux peut
librement exercer une profession, percevoir ses gains et salaires et en
disposer après s’être acquitté des charges du mariage. Les gains et salaires
constituent cependant des biens communs dans le régime légal de la communauté
réduite aux acquêts.
À ce régime
primaire, s’ajoutent les règles relatives au régime matrimonial choisi par les
époux.
B. Les principaux régimes matrimoniaux du Code civil
Les époux sont
libres de signer ou non un contrat de mariage.
Le choix d’un
régime matrimonial spécifique permet cependant de clarifier la situation
matérielle de chaque époux avant le mariage et d’anticiper les conséquences de
certains évènements pendant et après le mariage tels que le divorce, le décès
d’un des époux, la faillite d’un conjoint…
À défaut de
signature d’un contrat de mariage, le régime légal de la communauté réduite aux
acquêts s’appliquera.
a.
Le régime légal de la communauté réduite aux acquêts (Articles 1400
et suivants du Code civil)
La répartition des biens
Dans le régime
légal, la question de la propriété des biens est dominée par le principe de la
présomption de communauté.
L’article 1402 du Code Civil dispose en effet que «
Tout bien, meuble ou immeuble, est réputé acquêts de communauté si l’on ne
prouve qu’il est propre à l’un des époux par application d’une disposition de
la loi. »
Les acquêts sont
les biens acquis par les époux pendant le mariage, qui proviennent de leur
industrie ou des économies faites sur les revenus de leurs propres biens.
En revanche,
restent des biens propres, ceux acquis par les époux avant le mariage ou qu’ils
acquièrent pendant le mariage par succession, donation ou legs (Article
1405 du Code Civil).
Certains biens demeurent propres en raison de leur nature
(tels que les vêtements, les distinctions honorifiques, l’instrument de travail
nécessaire à la profession d’un époux, les indemnisations perçues en réparation
d’un dommage corporel ou moral, alors que d’autres biens deviennent propres par
accession ou subrogation (Article 1406 du
Code Civil).
La gestion des biens
S’agissant des
biens communs, le principe est celui de la gestion concurrente, chaque époux
pouvant les administrer seul. Néanmoins, ce principe comporte de nombreuses
exceptions (ex : en matière de logement familial).
De même, pour
certains actes « graves » (ex : donation de biens de la communauté, vente
d’immeubles…), la loi impose une gestion conjointe des époux ce qui signifie
que les époux ne peuvent passer l’acte, l’un sans l’autre.
En revanche, pour
les biens propres, le principe est celui de la gestion exclusive notamment pour
les biens professionnels (Article 1428 du Code Civil).
En conclusion,
l’intérêt de la communauté réduite aux acquêts est que l’enrichissement de l’un
profite à l’autre. Ce régime protège en conséquence celui dont les revenus sont
les plus faibles, celui qui renonce à son emploi pour s’occuper de sa famille ou
celui qui collabore gratuitement à l’activité professionnelle de l’autre.
Cependant,
réciproquement, les risques pris par l’un sont supportés par l’autre.
Enfin, les époux
peuvent aménager cette communauté légale en insérant des clauses dans leur
contrat de mariage et notamment, prévoir une communauté universelle (Article
1497 du Code Civil).
b.
Le régime de la séparation des biens (Articles 1536 et suivants du Code civil)
La séparation de
biens est le régime matrimonial le plus fréquemment adopté par contrat de
mariage. C’est également le régime qui s’applique aux époux qui obtiennent un
jugement de séparation de corps.
Dans ce régime, les époux sont patrimonialement
indépendants. Cela signifie que chacun des époux :
·
conserve la propriété personnelle et
exclusive des biens qui lui appartenaient au jour du mariage et qu’il acquiert
pendant le mariage,
·
dispose seul de l’administration, de la
jouissance et de la libre disposition de ses biens personnels (Article 1536
al 1 du Code Civil),
·
reste seul tenu de ses dettes contractées
avant et pendant le mariage.
Cependant, la vie
quotidienne est peu compatible avec un strict cloisonnement des revenus et des
patrimoines de sorte que le régime séparatiste supporte de nombreux
tempéraments et notamment :
·
lorsque les époux acquièrent un bien en
indivision ou lorsque l’un d’entre eux acquiert un bien au moyen des deniers
appartenant à l’autre,
·
en raison de la solidarité ménagère (Article
220 du Code Civil), de la solidarité des époux à l’égard de l’impôt sur le
revenu, de la solidarité consécutive à la souscription volontaire de dettes
(ex. : cautionnement)…
c.
Le régime de la participation aux acquêts (Articles 1569 et suivants du Code civil)
Ce régime est
relativement rare. Il est séparatiste pendant son fonctionnement et
communautaire lors de sa dissolution puisque chacun des époux aura droit à la
moitié de la valeur de l’enrichissement du conjoint acquis pendant la durée du
mariage.
Ainsi, les biens
et les dettes restent séparés et personnels à chaque époux pendant la durée du
mariage.
En revanche, au
moment de la dissolution du mariage, il conviendra de déterminer la consistance
du patrimoine d’origine et du patrimoine final (actif et passif) de chaque
époux.
Si le solde est
négatif, l’époux qui s’est appauvri supportera seul ce solde.
En revanche, si ce
solde est positif, l’époux qui s’est enrichi devra partager les acquêts nets
par moitié avec le conjoint.
Si les futurs
époux souhaitent opter pour l’un des régimes matrimoniaux que nous venons de
citer, ils doivent nécessairement établir un contrat de mariage. Après avoir
examiné les différents régimes matrimoniaux, nous allons voir comment établir
un contrat de mariage.
II. Établissement d’un contrat de mariage
Le contrat de
mariage doit être établi avant le jour du mariage. Pour établir un contrat de
mariage, le recours à un notaire est obligatoire. Le notaire expliquera les
différents régimes existants, conseillera aux futurs époux sur le choix du
régime et rédigera pour les futurs époux le contrat.
Il est possible de
modifier un contrat de mariage après le mariage. Il s’agit toujours d’une
modification du régime matrimonial, puisque si les époux sont mariés sans
contrat, ils sont soumis au régime légal de communauté réduite aux acquêts. En
établissant donc un contrat de mariage après le mariage, les époux changent
leur régime initial. Il faut également contacter un notaire qui est seul
compétent pour le faire.
A. Avant le mariage
Le contrat de
mariage est un contrat solennel. Il doit être passé par acte notarié en vertu
de l’article 1394 du Code civil. La
présence du notaire permet l’information et les conseils aux parties, et assure
la validité de l’acte. L’intervention d’un notaire est exigée à peine de
nullité absolue du contrat de mariage. Le même article exige la présence et le
consentement simultanés de toutes les personnes qui sont parties à la
convention ou de leurs mandataires, ces derniers devant être munis d’une
procuration spéciale et authentique.
Le contrat de
mariage doit être reçu par un seul notaire, excepté dans le cas où l’une des
parties au moins ne sache ou ne puisse apposer sa signature. Dans ce dernier
cas, le contrat nécessite la signature d’un second notaire ou de deux témoins.
Lors de la
célébration du mariage, les futurs époux déclarent à l’officier de l’état civil
s’il a été fait un contrat de mariage. Dans l’affirmatif, ce dernier notera la
date du contrat, le nom et lieu de résidence du notaire qui l’a reçu. L’acte de
mariage, comportant la mention des déclarations faites par les époux à
l’officier d’état-civil peut être consulté par les tiers. Ces derniers ne
peuvent avoir accès au contenu de ce contrat, sans l’accord des époux.
L’article 1395 du Code civil fixe deux règles. D’une part,
il impose que les conventions matrimoniales soient rédigées avant la
célébration du mariage ; d’autre part, il prévoir que ces conventions ne
prendront effet qu’au jour de la célébration du mariage. Toutefois, le Code civil ne pose aucune exigence de
délai quant à la rédaction du contrat de mariage.
Le contrat de
mariage ne peut prendre effet qu’à partir du moment même où a lieu la
célébration du mariage. Si le mariage n’est pas célébré, le contrat est frappé
de caducité.
B. Pendant le mariage
Il est toujours
possible pour les époux de changer, par acte notarié, leur régime matrimonial
initialement choisi. L’article 1397 du Code
civil précise que ce changement doit être justifié par l’intérêt de la
famille (ex: adoption d’un régime de séparation, pour protéger les biens de la
famille en cas d’activité à risque par un conjoint, adoption d’un régime de
communauté universelle pour protéger le conjoint survivant en cas d’âge avancé
des époux...).
La loi du 23 mars
2019 contribue à faciliter ce changement puisque depuis le 24 mai 2019, les
époux peuvent changer de régime dès qu’ils le souhaitent, alors qu’auparavant,
ils devaient attendre un délai de deux ans.
Par ailleurs, les
époux ne sont plus obligés de faire homologuer en justice l’acte notarié
portant changement du régime matrimonial en présence d’enfant mineur, alors que
jusqu’à maintenant, cette homologation judiciaire était automatique.
Les enfants
majeurs et les créanciers de chaque époux sont informés par le notaire de la
modification envisagée. Ils peuvent s’opposer à la modification du régime
matrimonial dans les 3 mois de l’information (par lettre recommandé avec avis
de réception pour les enfants majeurs ou suivant la publication au journal
d’annonce légales pour les créanciers). Dans ce cas, ils doivent avertir de
leur contestation au notaire qui établit l’acte.
Le changement de
régime matrimonial doit être homologué par le juge dans deux cas :
·
si un enfant majeur ou un créancier
s’oppose au changement,
·
dans les situations où le notaire
identifie un risque pour les intérêts patrimoniaux d’un mineur, il pourra
saisir le juge des tutelles des mineurs sur le fondement de l’article 387-3
du Code civil afin que celui-ci
décide, le cas échéant, d’instaurer un contrôle renforcé et de soumettre le
changement de régime matrimonial à son autorisation
L’acte notarié
doit contenir, à peine de nullité, la liquidation du régime matrimonial « si
elle est nécessaire ». La liquidation consiste à déterminer les droits que soit
appelés à recueillir chaque époux et non pas leur allotissement réel.
En l’absence
d’opposition dans les délais, le changement de régime matrimonial doit être
publié à l’initiative du notaire. La mention du changement de régime doit être
portée en marge de l’acte de mariage. Dans le cas où le changement de régime
matrimonial entraîne la mutation de biens immobiliers, le notaire devra
procéder aux formalités de publicité foncière.
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