Les enjeux relatifs aux régimes matrimoniaux
à l’ère du Code civil
LI Bei
Professeur associé à l’École de droit Koguan
de l’Université Jiao-Tong de Shanghai
Aujourd’hui, je suis ravi d’avoir l’opportunité de discuter avec vous des enjeux relatifs aux régimes matrimoniaux à l’ère du Code civil. Tout d’abord, il convient de noter que le Code civil n’a en réalité pas apporté de modifications substantielles aux régimes matrimoniaux en tant que tels. Les types de régimes matrimoniaux et la position du régime légal ont été préservés tels qu’ils étaient dans le droit antérieur. La seule modification significative concerne peut-être la reconnaissance des dettes communes des époux, mais même à ce sujet, le Code civil se limite à récapituler et à clarifier les règles qui avaient été établies par la jurisprudence précédente.
L’article 1065 du Code civil chinois joue un rôle central dans la réglementation des régimes matrimoniaux en Chine. Selon son premier paragraphe, « Les hommes et les femmes ont la possibilité de convenir, pendant la durée du mariage, de la propriété des biens acquis pendant cette période, ainsi que de la propriété séparée ou commune des biens acquis avant le mariage, ou encore d’une propriété séparée partielle et d’une propriété commune partielle. Cette convention doit être formalisée par écrit. En l’absence d’une telle convention ou en cas de convention non spécifique, les dispositions des articles 1062 et 1063 du présent code s’appliquent. » Or les articles 1062 et 1063 du Code civil chinois traitent du régime légal en Chine, c’est-à-dire de la propriété commune des biens acquis après le mariage, et ils énumèrent les types de biens qui sont considérés comme appartenant à l’une des parties individuellement ou aux deux conjointement. La principale différence par rapport au droit français réside dans le fait que, durant le mariage en Chine, les biens reçus par l’une des parties par don ou héritage sont généralement considérés comme étant la propriété commune des deux époux, sauf s’il existe un accord explicite du donateur ou du testateur stipulant le contraire.
De la disposition de l’article 1065, nous pouvons dégager deux conclusions qui semblent quelque peu contradictoires.
D’un côté, la législation chinoise en matière de régime matrimonial semble quasiment ne pas imposer de restrictions. Tout d’abord, en ce qui concerne le contenu des accords, les époux peuvent pratiquement convenir de n’importe quelle forme de régime matrimonial, sans être limités aux modèles restreints énoncés dans le Code civil. Cela explique également pourquoi en Chine, il n’existe pas de réglementation détaillée concernant les accords relatifs aux régimes matrimoniaux, car tout relève du domaine de l’autonomie de la volonté. Ensuite, en ce qui concerne le moment de la conclusion de ces accords, il n’existe aucune limitation temporelle, ce qui signifie que, du moins selon le sens du texte, les époux peuvent librement modifier le type de régime matrimonial pendant la durée du mariage. Enfin, sur le plan formel, la loi ne prescrit aucune exigence formelle spécifique pour ces accords relatifs aux régimes matrimoniaux, et il n’y a même pas d’obligation de les formaliser par écrit.
D’un autre côté, les dispositions relatives aux accords sur les régimes matrimoniaux ont presque peu d’impact dans la pratique juridique chinoise. À l’exception d’une petite minorité de personnes à hauts revenus, les régimes de séparation des biens suscitent peu d’intérêt. Cela découle en partie de facteurs culturels, mais surtout du manque de règles complémentaires. Conformément à l’article 1065, paragraphe 3, « Les biens acquis pendant la durée du mariage en vertu d’un accord de séparation des biens appartiennent à chaque conjoint séparément, et les dettes contractées par un époux envers des tiers, lorsque les tiers sont informés de cet accord, sont remboursées sur les biens personnels de cet époux. » En d’autres termes, les accords sur les régimes matrimoniaux ne peuvent être opposés à des tiers (créanciers) que lorsque ces tiers en ont connaissance. Cette exigence de connaissance suppose qu’il existe un moyen de publicité ou de divulgation permettant aux tiers de vérifier l’existence de l’accord, ce qui, cependant, est inexistant en Chine. Cela signifie que les conjoints rencontrent souvent des difficultés lorsqu’ils tentent de faire valoir un accord sur le régime matrimonial, car ils ont du mal à prouver son existence. Si les accords internes sur les biens ne peuvent pas s’opposer aux créanciers non informés, leur efficacité est donc considérablement limitée.
L’impossibilité de faire pleinement valoir les effets externes du régime matrimonial entraîne en grande partie une impasse dans la résolution fondamentale des questions liées aux dettes entre conjoints en Chine. Les législateurs et les juges semblent condamnés à osciller entre une protection excessive des débiteurs conjoints et une faveur excessive envers les créanciers. À mon avis, la véritable difficulté réside dans le manque d’une solution de compromis, et l’établissement d’un tel compromis dépend en réalité de la réglementation des régimes matrimoniaux. Dans ce contexte, les établissements notariaux ont un rôle potentiellement significatif à jouer. La création d’un inventaire des biens matrimoniaux doté d’une force juridique relativement forte permettrait une véritable séparation des biens entre les conjoints et permettrait la mise en œuvre effective du modèle de remboursement des dettes préconisé par la communauté académique, qui limite le remboursement des dettes aux biens matrimoniaux communs. De même, la question de la « publicité » des accords relatifs aux régimes matrimoniaux pourrait également être explorée dans le cadre des activités futures des établissements notariaux.
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