Les testaments en France
Olivier VIX
Délégué du CSN pour le Chine
Administrateur
du Centre
Notaire
à Rouffach
La dévolution successorale est régie par
la loi. Elle peut être modifiée en recourant à un testament. On parle alors de
succession testamentaire s’opposant à la succession ab intestat. Avant
de donner quelques précisions sur la typologie des différents testaments
existant en droit français, il convient de faire d’abord quelques observations
générales :
I.
Observations générales
Le testament est un acte unilatéral
(plusieurs personnes ne peuvent rédiger leur testament sur le même support) et
solennel (il obéit à des règles de formes à peine de nullité). Il suppose un
écrit pour protéger la volonté du testateur. Il est révocable jusqu’au décès du
testateur. La révocation obéit aux mêmes règles de forme. Dès lors qu’il s’agit
d’un testament celui-ci peut révoquer n’importe quel autre testament quelle que
soit sa forme.
Pour faire un testament,
il faut être sain d’esprit. Sous cette réserve, un majeur sous curatelle peut
librement établir son testament.
En revanche, un majeur sous tutelle ne peut pas établir un testament
après la mise en place de la tutelle. Toutefois il peut y être autorisé par le
juge ou le conseil de famille. Le tuteur ne peut ni l’assister, ni le
représenter à cette occasion. De plus, seul le majeur sous tutelle peut
révoquer le testament
établi avant ou après l’ouverture de la mesure.
La liberté de celui qui rédige son testament
(le « testateur »)
est en principe totale. Cependant, la loi réserve une part minimale
de la succession à certains héritiers. Il en est ainsi des descendants ou s’il
n’en existe pas, du conjoint survivant.
En présence de ces héritiers, il n’est
donc possible de léguer qu’une partie de ses biens (la quotité disponible) et
impossible de déshériter totalement ses héritiers réservataires.
Lorsqu’un testament est conservé par un
notaire (qui est obligé de le conserver dans un coffre-fort ignifugé), le
notaire en informe le fichier central des dispositions de dernières volontés
(sauf opposition du testateur).
Qu’est-ce-que le Fichier Central des
Dispositions de Dernières Volontés ?
Ce fichier centralise les informations
ayant trait à l’existence et au lieu de dépôt des dispositions de dernières
volontés. Il a été créé par le notariat français et est actuellement géré par
l’ADSN, l’association gérant les outils informatiques indispensables au
notariat. Sont inscrits au Fichier Central les testaments (authentiques,
olographes ou mystiques), les donations entre époux et tout acte pouvant
influer sur le règlement d’une succession. Le FCDDV est aujourd’hui accessible
au public par un accès direct et sécurisé. Les héritiers doivent ensuite se
mettre directement en rapport avec le notaire détenteur de ces actes.
Un testament peut contenir différentes
dispositions :
Il peut prévoir l’attribution de biens à
certaines personnes déterminées.
- S’il porte sur la totalité des biens du testateur,
le legs
qui en résulte est universel. - Si le legs
est consenti à une ou plusieurs personnes et porte sur une quote-part des
biens, on parle de legs à titre universel, par exemple, le legs
de la moitié de mes biens à untel. S’il porte sur un ou plusieurs biens, il
s’agit d’un legs
à titre particulier, par exemple, le legs
de ma commode ou de ma voiture. Les legs peuvent également être assortis de
charges et de conditions, dont le respect peut être vérifié par un exécuteur
testamentaire. Enfin lorsque le testateur effectue la distribution et le
partage de ses biens entre ses héritiers présomptifs dans son testament
celui-ci est qualifié de testament partage qui peut revêtir toutes les formes
admises des testaments que nous allons à présent détailler.
II.
La typologie des testaments
Il existe plusieurs formes de testament
qui ne donnent pas les mêmes garanties à leurs bénéficiaires. Le code civil
français en a prévu trois. Le testament olographe, le testament authentique,
c’est-à-dire notarié, ou le testament mystique. À côté de ces testaments prévus
en droit interne cohabitent aussi le testament international et des testaments
établis dans l’urgence.
1.
Le testament olographe
Le testament olographe
doit être écrit entièrement de la main du testateur, l’écriture peut être faite en langue française, locale ou
étrangère, avec des signes majuscules le cas échéant, avec un stylo, un crayon
à bille, une plume ou même au crayon papier. Exceptionnellement, on peut
admettre d’autres moyens, tels que de la craie, du charbon, du sang, un
couteau, un stylet, un diamant, de l’encre sympathique.
Un testament dactylographié est nul. Tout
comme un testament fait par un message électronique.
Ce testament doit être signé par le
testateur.
La signature du testateur est une
condition essentielle de validité du testament car elle marque la volonté du
testateur.
Le testament doit enfin
être daté.
La date est essentielle, notamment pour
vérifier la capacité du testateur dont les facultés ont pu s’éroder au fil du
temps. Elle permet aussi de départager plusieurs testaments incompatibles.
La validité formelle du
testament olographe s’effectue après le décès par la procédure de l’envoi en
possession.
La loi n°2016-1547 dite de modernisation
de la justice du XXIe siècle du 18 novembre 2016 a réformé la procédure d’envoi
en possession. Il était auparavant nécessaire de le requérir auprès du tribunal
en constituant avocat, le juge étant chargé de la vérification du testament
pour l’autoriser. Depuis le 1er novembre 2017, le légataire universel institué
en l’absence d’héritiers réservataires n’a plus l’obligation de passer par le
juge pour demander l’envoi en possession : c’est désormais le notaire lui-même
qui procède, à la vérification de la vocation du légataire. Le notaire est
alors tenu de spécifier sur un procès-verbal d’état du testament qu’il a
effectué cette vérification, procès-verbal qui sera conservé au rang de ses
minutes.
2.
Le testament authentique
Le testament
est dit « authentique »
lorsqu’il est rédigé par le notaire lui-même, sous la dictée du testateur
et en présence de deux témoins ou reçu par deux notaires.
II est obligatoire dans le cas de
personnes saines d’esprit ne sachant pas écrire ou ne pouvant le faire en
raison de leur état de santé (ex : tétraplégique…). Le testament
authentique
est également obligatoire lorsqu’un époux souhaite priver son conjoint du droit viager
sur le logement ou en cas de reconnaissance d’enfant naturel.
II est conseillé lorsque le testateur
craint la contestation de son testament
après son décès car, comme tous les actes notariés, il a une force probante
renforcée (la signature du notaire atteste du contenu et de la date de l’acte).
Enfin, il s’avère particulièrement utile
lorsque le testateur
n’a pas d’héritier réservataire (descendant ou conjoint) parce qu’il dispense
alors les légataires d’avoir recours à la procédure d’envoi en possession.
3.
Le Testament mystique
Ce testament
est rédigé par le testateur
lui-même qui peut aussi le faire écrire par un tiers.
Il est ensuite présenté dans une enveloppe fermée à un notaire, en présence de
deux témoins. Le notaire dresse alors sur l’enveloppe un acte appelé acte de
suscription : il s’agit d’un procès-verbal constatant la remise du testament.
Cette forme de testament
est rarement utilisée. En effet, personne à part le testateur
ne sait ce qu’il contient. Cela rend impossible toute vérification par le
notaire d’une erreur qui rendrait le testament
inefficace ou difficile à exécuter.
4. Le
Testament international
Le testament
international est reconnu en France, au même titre que les autres formes de testament,
et dans tous les autres pays qui ont adhéré ou adhèreront à la convention de
Washington du 26 octobre 1973. Le testateur
écrit lui-même, fait écrire ou dactylographie un document dans lequel il expose
ses volontés et ce, dans n’importe quelle langue. En présence de deux témoins
et d’un notaire (ou d’un agent diplomatique ou consulaire français lorsque le testament
est fait par des Français à l’étranger), le testateur
déclare que le document présenté est bien son testament
et qu’il en connaît le contenu. Puis il le signe ou s’il l’a déjà signé, il
reconnaît et confirme sa signature.
Le notaire et les témoins signent à leur
tour le document. Le notaire date le testament
et établit une attestation indiquant que toutes les obligations prescrites par
la convention de Washington ont été respectées.
La convention ne prévoit pas de règles
obligatoires pour la conservation du testament
international. Les testaments internationaux établis en France peuvent faire
l’objet d’une inscription au Fichier central des dispositions de dernières
volontés.
5.
Les testaments particuliers établis dans l’urgence
Certains
testaments que l’on dénomme les testaments privilégiés obéissent à des règles
particulières en raison de la personne du testateur ou encore du lieu de
l’établissement. Ils sont établis sans respecter les formes habituelles en
raison des circonstances particulières dans lesquelles se trouvent le testateur
(en mer, confiné, impliqué dans une opération militaire). Le testament fait en
la forme privilégiée n’est valable que pendant une durée de 6 mois suivant le
moment où l’intéressé n’est plus dans la situation l’empêchant d’avoir recours
à un notaire. On en dénombre de trois sortes :
Le
Testament militaire
Il est fait un double original du
testament, sauf impossibilité auquel cas une expédition en tient lieu. Le
testament est enregistré sur un mémorial ou sur un carnet administratif. Ces
registres sont tenus par des officiers chargés de l’état civil et non par les
officiers chargés de rédiger. Les deux originaux ou l’original et l’expédition
du testament sont adressés, séparément et par courriers différents, sous pli
clos et cacheté, au ministre de la Défense nationale ou de la mer, pour être
déposés chez le notaire indiqué par le testateur ou, à défaut d’indication,
chez le président de la chambre des notaires du dernier domicile du testateur ( C. civ., art. 983 ).
Le
Testament établi au tribunal ou en mairie
L’acte est dressé par un juge du tribunal
judiciaire ou un officier municipal ; sa conservation est faite soit au greffe
du tribunal, soit aux archives de la commune. Il est recommandé de transmettre,
dès que l’isolement aura cessé, un double original ou une expédition du
testament à un notaire qui peut l’inscrire au Fichier des dernières volontés.
Le Testament
maritime
Les règles de rédaction du testament
militaire lui sont applicables. Toutefois, l’acte doit préciser les
circonstances justifiant le recours au testament privilégié. Au premier arrêt
dans un port étranger où se trouve un agent diplomatique ou consulaire français,
l’un des originaux ou l’expédition du testament est remis, sous pli clos et
cacheté, à celui-ci. Cet agent adresse ce pli au ministre chargé de la mer,
afin que le dépôt chez un notaire soit effectué. À l’arrivée du navire dans un
port du territoire national, les deux originaux du testament, ou l’original et
son expédition, ou l’original qui reste, en cas de transmission ou de remise
effectuée pendant le cours du voyage, sont déposés, sous pli clos et cacheté,
pour les bâtiments de l’État au ministre chargé de la défense nationale et pour
les autres bâtiments, au ministre chargé de la mer. Chacune de ces pièces est
adressée, séparément et par courriers différents, au ministre chargé de la Mer
qui en fait le dépôt chez un notaire. Mention de la remise des originaux ou de
l’expédition du testament est faite au rôle du bâtiment, en regard du nom du
testateur.
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