L’organisme
numérique du notariat français, l’ADSN
François-Xavier
BARY
Directeur
Général Adjoint de l’Association pour le Développement du Service Notarial
Directeur
de l’Association du réseau européen des registres testamentaires
L’Association pour le Développement du Service
Notarial (ADSN)
Le Groupe ADSN est un
acteur majeur de la digitalisation du notariat et des autres professions
réglementées. Les 500 collaborateurs du Groupe ont pour mission d'assurer le
stockage et de garantir la sécurité des données et des échanges des professions
réglementées entre elles, avec leurs clients et avec les autorités publiques.
L'activité du Groupe est essentielle à
la protection du cycle des données personnelles les plus sensibles de nos
concitoyens. Le Groupe ADSN est le partenaire de confiance des notaires. Il les
accompagne par son expertise des métiers du droit, de la protection des
données, de la cybersécurité et de la relation client. Le Groupe ADSN garantit
aussi le secret professionnel de ces acteurs essentiels.
Le Groupe ADSN trouve sa genèse dans
la création du premier outil mutualisé du notariat qu’est le Fichier Central des Dispositions de Dernières Volontés (FCDDV),
fichier des testaments français. Un groupement de notaires de la Cour d’Appel
d’Aix-en-Provence souhaitent œuvrer pour l’ensemble de la profession. Maître
François CACHIA, notaire à Marseille, propose une idée :
créer un fichier commun, qui deviendra le FCDDV. En 1976, le Conseil Supérieur
du Notariat décide de généraliser l’application du FDDCV à l’ensemble des
notaires de France.
Le 17 octobre 1983 naît à
Aix-en-Provence l’ADSN, l’Association pour le Développement du Service Notarial
à qui le CSN confie la gestion opérationnelle du FCDDV.
En 2019, Pour structurer sa forte
croissance et gagner en performance dans le développement de ses services et
produits, le Groupe ADSN s'organise autour d'une nouvelle gouvernance :
-
Un Conseil de
surveillance : il fait le
lien avec la profession notariale et en relaie les orientations, contrôlant sa
bonne exécution par l'ADSN.
Il est
actuellement présidé par Maître Jean-François HUMBERT, ancien président du
Conseil Supérieur du notariat.
-
Un Directoire : il définit la stratégie de l'entreprise en
fonction des attentes de la profession et assure sa mise en œuvre
opérationnelle.
Il est
actuellement présidé par Didier ROSSIGNOL. Ses deux Vice-Présidents sont Maitre
Didier FROGER, notaire honoraire et Christian REVELLI, directeur SI du Conseil
Supérieur du Notariat.
Le groupe ADSN est l’usine numérique
du notariat Français, elle assure la mise en place de la stratégie numérique
arrêtée par le Conseil Supérieur du Notariat, sa sécurité et son bon
fonctionnement.
L’ADSN a conçu et exploite les
infrastructures sécurisées centrales du notariat, le réseau extra et intranet
privé (VPN), la signature électronique sécurisée des notaires, la
visioconférence sécurisée. Elle exploite également les archives des actes électroniques,
les registres notariaux (FCDDV) ainsi que les plateformes d’interconnexion avec
les registres d’état.
L’ADSN met en œuvre les moyens, pour
les éditeurs de logiciels notariaux d’intégrer les outils qu’elle développe
dans leur solution. Ces logiciels ne peuvent vendre leur solution qu’à partir
du moment où ils ont reçu un agrément de la profession.
Les principes de l’acte authentique
électronique
C’est tout d’abord un acte
complètement électronique, cela signifie qu’il n’existe pas de version papier
du document. Les pièces annexes sont indissociablement liées à l’acte, elles
sont donc elles aussi électroniques. Il s’agit pour le notaire, soit de les
recevoir sous cette forme, ce qui est le plus souvent le cas, soit de les
numériser et de les intégrer à l’acte. Lorsqu’une pièce reçue sous forme papier
est dématérialisée, les textes permettent au notaire, officier public, de
détruire la version papier. En effet, l’archive du minutier central est un
système d’archivage sécurisé au sens de la réglementation, et la signature
électronique du notaire est également qualifiée (conformément au règlement
européen e-Idas).
Une fois l’acte rédigé, au moyen des
mêmes outils qu’un acte papier, le notaire peut procéder à la séance de
signature en présence de ses clients.
Chaque client appose l’image de sa
signature manuscrite sur un écran tactile, tandis que le notaire appose l’image
de sa signature manuscrite puis le signe électroniquement, au moyen de sa clé
REAL. Cette opération de signature a pour conséquence, également, d’apposer
l’image de la signature manuscrite du notaire sur l’acte, en plus de sa
signature électronique. Ces actions sont précisément décrites dans l’article 17
du décret 2005-973 du 10 août 2005.
Les notaires disposent également des
moyens de recevoir des actes en participation dans plusieurs offices
simultanément, chaque notaire étant présent avec ses propres clients en
visioconférence sécurisée. Il n’est alors plus nécessaire de se déplacer, ce
qui dans certains cas représente un gain de temps tout à fait considérable.
En outre, le notaire a la possibilité
de recevoir un acte électronique en mobilité, dans ce cas il se déplace, par
exemple, sur le lieu où se trouve son client. Le notaire se connecte alors au
réseau Real au moyen d’un accès VPN sécurisé au travers d’une liaison internet.
La profession a également validé le
dispositif qui permet au notaire de recevoir une signature en présence
virtuelle de son client. Ce dispositif était en cours d’étude début 2020,
lorsque la crise de COVID-19 a entrainé un confinement généralisé en France et
a poussé les notaires à adapter leurs outils de production, pour être en mesure
de remplir leur mission d’officier public dans ce contexte particulier.
La réception de l’acte est alors
réalisée dans des conditions particulières, le client n’étant pas physiquement
présent devant le notaire, mais virtuellement par l’intermédiaire de la
visioconférence sécurisée. La séance de signature se déroule alors de la
manière suivante :
-
Dans un premier
temps, le notaire procède à la vérification de l’identité de son client, et met
en œuvre un service de délivrance de certificat de signature sécurisée.
-
Si le notaire
connait son client, qu’il a déjà réalisé des opérations avec lui, alors la
délivrance du certificat de signature est directe.
-
Sinon, le client
se connecte à un service dédié, sécurisé, qui lui attribue un certificat de
signature pour son acte.
-
Le notaire
procède ensuite à la lecture de l’acte, en s’assurant, via la visioconférence,
de la bonne compréhension de son client.
-
Enfin, toujours
sous le contrôle du notaire, via la visioconférence, le client appose sa
signature électronique sur le document.
La procuration à distance permet
notamment de régler le problème soulevé par l’abandon de la compétence des
ambassades et consulats de France à l’étranger et de recevoir des signatures
d’actes authentiques, particulièrement dans les pays où il n’y a pas de
notariat.
Une fois l’acte électroniquement
signé, celui-ci est immédiatement archivé dans les archives du MICEN, minutier
central électronique des notaires de France. Il y sera conservé pendant 75 ans
avant d’être versé aux archives départementales.
Une nécessaire mutualisation : le Minutier
Central du Notariat
La principale contrainte liée à l’acte
authentique sur support électronique repose sur la nécessité d’archiver la
minute, en un lieu où l’on pourra garantir :
-
Son authenticité
(notaire signataire, date et lieu de signature)
-
Son intégrité
dans le temps (soixante-quinze ans, voire un siècle de conservation, puis
reverser les éléments aux archives nationales).
-
Son unicité
(puisqu’il s’agit d’un document informatique, il est par définition
reproductible), c’est donc le lieu de conservation qui justifie qu’il est
unique.
Ces différentes contraintes ne peuvent
être supportées qu’à l’échelle de la profession. En effet, la mise en œuvre,
sécurisée, de tels dispositifs n’est absolument pas envisageable à l’échelle
d’un office notarial seul.
Il faut, par ailleurs, que le système
mis en œuvre garantisse au notaire ou à ses successeurs, qu’ils sont les seuls
à pouvoir exploiter directement leurs minutes.
C’est pourquoi, l’État a confié au
Conseil supérieur du notariat la mise en œuvred’un minutier central qui permet
l’enregistrement et la conservation des actes authentiques sur support
électronique.
Ceux-ci sont produits par les mêmes
outils que les actes papier, mais par un processus qui permet leur
formalisation et leur enregistrement dans le minutier central consécutivement à
leur signature.
Le minutier central est donc un
dispositif technique et humain qui permet l’hébergement dans un
espace qui est, sur le plan logique, l’extension des offices notariaux.
Pour cela, un projet informatique
inédit a été réalisé, dont l’objectif était la mise au point d’un système de
recueil des actes authentiques sur support électronique, et leur conservation
pour la postérité.
Cela ne signifie pas, contrairement
aux archives papier, la conservation du support, mais uniquement celle de
l’information contenue sur ce support, et de l’outil permettant de déchiffrer
(de lire) cette information. En effet, changer un fichier de média physique ne
l’altère aucunement.
Tout le monde a déjà reçu un message
électronique avec un fichier joint : celui-ci a donc changé au minimum
trois fois de support physique : le disque dur (ou la mémoire) de
l’ordinateur sur lequel il a été rédigé, les fils de cuivre ou optiques des
différents systèmes télécom traversés et enfin, le disque dur de l’ordinateur
sur lequel il est lu. C’est pourtant bien le même document, qui sera perçu
comme un document identique sur l’ordinateur sur lequel il a été enregistré, si
l’on vient à le réenregistrer !
Le minutier central doit donc, à son
échelle, être capable de supporter des changements de technologie, tout en
préservant l’intégrité, la lisibilité des actes qu’il emporte.
Des technologies nouvelles évoluant rapidement
Un certain nombre d’éléments technologiques
mis en œuvre dans la perspective de l’acte authentique sur support électronique
sont entièrement nouveaux, ou répondent à des critères, techniques et
juridiques récents. D’ailleurs, ces critères, surtout lorsqu’ils sont liés à la
signature et à la sécurité, sont susceptibles d’évoluer régulièrement et
demandent des adaptations constantes des systèmes informatiques.
La signature sécurisée, qui sert à
signer l’acte authentique sur support électronique, en est une
illustration :
Le décret du 10 août 2005 prévoit, en
effet, que le notaire procède à la signature électronique au moyen d’un outil
de signature sécurisé (au sens réglementaire du terme), et donc qualifié selon
le règlement européen E-Idas. Cela signifie qu’une personne venant à contester
la qualité de la signature d’un acte authentique devra faire la preuve que
celle-ci n’est pas admissible. Ce ne sera pas au notaire de prouver la qualité
de sa signature (c’est l’inversement de la charge de la preuve).
Il n’existe que très peu de systèmes à
ce jour, absolument adaptés à l’acte authentique sur support électronique. Des
adaptations constantes sont nécessaires pour pouvoir bénéficier d’un système
répondant au niveau de sécurité requis.
La plupart des systèmes d’archivage
actuellement disponibles ne garantissent pas une conservation au-delà de vingt
ans. Le système doit donc prendre en compte des évolutions majeures à des
fréquences diverses. Cependant, cette problématique est bien connue des milieux
scientifiques, industriels et militaires, qui ont des problématiques de
conservation sécurisée, sur le long terme, de données informatiques. Cette
contrainte est donc connue et mesurable.
Enfin, pour garantir la lisibilité des
informations contenues dans le minutier central, seuls des standards reconnus
et pérennes, qui sont par ailleurs dans le domaine public, peuvent être mis en
œuvre. Par exemple, le standard pour stocker les informations dans le minutier
central (comme pour les échanges Télé@ctes d’ailleurs) est le langage XML
(eXtended Markup Language), langage qui décrit de façon structurée, ordonnée,
hiérarchisée, les documents. Un autre standard mis en œuvre dans les actes
authentiques sur supports électroniques et le PDF/a, qui est une norme de
conservation des documents électroniques sous forme de facsimile, ayant
également fait l’objet d’une normalisation documentée et libre d’utilisation.
L’occasion de s’interroger sur sa mise œuvre
Pour finir, la mise en œuvre de l’acte
authentique électronique dans l’office est l’occasion de se questionner et de
repenser l’organisation du travail pour l’élaboration de l’acte ainsi que le
cérémoniel de signature.
En effet, comment la séance de
signature doit-elle se dérouler ? L’acte n’étant plus présent sous forme
papier, il faut cependant que les parties le « voient » et le
signent. Il faut conserver le cérémoniel de la signature d’un tel acte.
L’acte électronique n’est pas défini
par son support, mais uniquement par sa structure informatique. Comme il est
dématérialisé, il est donc tout à fait envisageable de l’exploiter à distance
depuis l’office d’un notaire en second. Bien entendu, cela n’est possible que
parce que les opérations se déroulent par le biais d’un réseau sécurisé dont
les qualités sont contrôlées par la profession, dans une session cryptée.
Enfin, les annexes de l’acte peuvent
comporter tout type de documents électroniques, puisqu’ils sont par essence
dématérialisés. Rien n’empêchera donc, à terme, d’annexer à l’acte, le film de
la séance de signature, ou tout autre élément multimédia. Ces documents
pourront être signés avec l’acte et stockés dans le minutier central. Seule se
pose la question de leur lisibilité dans le temps : qui aujourd’hui est
encore capable de lire une cassette vidéo au format V2000 ? C’est une des
raisons pour lesquelles l’archivage d’autres types de formats tels que texte ou
image n’ont pas encore été mis œuvre.
Le minutier central ne comporte que
des actes authentiques électroniques. Il n’est pas possible d’y déposer des
documents scannés, images d’actes authentiques papier. En effet, ce ne serait
alors pas des actes authentiques, mais des copies d’actes.
Retrouver un testament en Europe grâce à
l’ARERT
L’Association du réseau européen des registres
testamentaires (ARERT) est une association internationale de droit belge sans
but lucratif, créée par les notariats français, belge et slovène en 2005. Ce
réseau compte 21 membres (notariats)
et partenaires et permet de faciliter
la recherche des dispositions de dernières volontés en Europe.
Dans le respect de la Convention de Bâle du 16
mai 1972, relative à l’établissement d’un système d’inscription des testaments,
les Etats disposant d’un registre de dispositions de dernières volontés peuvent
interconnecter leurs registres au moyen du RERT (réseau européen de registres
testamentaires). Ainsi, les notaires, les professionnels du droit et donc les
citoyennes et citoyens européens, peuvent
facilement retrouver les dispositions d’un proche décédé quel que soit le pays
où cette disposition a été inscrite.
Aujourd’hui, 13
registres nationaux de testaments et 3 registres de certificats successoraux
européens sont interconnectés. Durant l’année 2022, 5225 interrogations ont été
transmises par le RERT, avec environ 11% de réponses
positives, c’est-à-dire que 500 testaments ont été retrouvés grâce au réseau.
Si les chiffres restent assez modestes, les résultats sont positifs et en
constante augmentation. Et pour effectuer
une recherche dans les pays qui ne sont pas encore interconnectés, l’ARERT met
à disposition des fiches pratiques pays par pays sur son site internet
(www.arert.eu).
Deux modes d’interconnexion sont proposés pour échanger des
informations via le RERT. Une connexion totalement automatisée et une connexion
manuelle nécessitant une intervention humaine.
Dans certains cas, et pour des raisons légales, les registres utilisent le RERT
pour interroger d’autres registres mais ne peuvent pas être interrogés.
La confiance est un des principes du RERT. Le
réseau est constitué de détenteurs fiables (notaires, professionnels du droit
ou l’Etat), qui garantissent la confidentialité de l’information pendant la vie
de la testatrice ou du testeur. Ce modèle d’interconnexion permet de respecter
les règles de protection des données personnelles et les législations
nationales en matière de successions. L’échange d’information se réalise dans
un cadre sécurisé, au moyen de systèmes d’authentification par token ou de certificat
client. Lors des deux dernières années, des améliorations techniques du RERT
ont permis plus de rapidité et maintenabilité de la plateforme. Les notaires
reçoivent une réponse en moyenne dans un délai de deux jours.
Plusieurs projets cofinancés par la Commission
européenne ont permis l’évolution et l’amélioration du réseau depuis sa
création. Entre 2009 et 2021, quatre projets ont amélioré la confiance, la
coopération et la connaissance mutuelle des régimes successoraux entre les
membres de l’ARERT. Ils ont permis d’éliminer les obstacles à l’interconnexion
pour certains registres et de construire une plateforme multilingue et
accessible à tous et à toutes.
L’ARERT est une expérience qui démontre que le
notariat européen est en mesure d’apporter un service à haute valeur ajoutées
aux citoyennes et citoyens européens. Le RERT est un outil efficace pour la
mise en œuvre du règlement européen pour les successions (N°650/2012) et
s’engage dans les prochaines années à interconnecter de nouveaux registres et à
promouvoir la circulation d’information concernant les certificats successoraux
européens.
|