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Comment appliquer la loi étrangère dans la pratique notariale concernant des successions internationales

Comment appliquer la loi étrangère dans la pratique notariale concernant des successions internationales[1]

 

ZHU Peiran

Directeur adjoint du Deuxième Secteur Financier de l’Étude notariale de Dongfang à Shanghai, Notaire

 

 

Remarque introductive

 

C’est la première fois que les notaires chinois appliquent directement une disposition du droit civil étrangère dans un acte authentique, conformément aux exigences de la Loi Chinoise sur l’application des règles dans les relations civiles internationales. Les notaires ont correctement rempli leur mission de contrôle de la légalité des actes. Dans la présente affaire, la validité de l’acte authentique a réussi à être reconnue par le Bureau d’enregistrement immobilier. (Commentateur : Me XUE Fan, Notaire à l’Étude notariale de Dongfang à Shanghai)

 

 

La présente affaire est une belle illustration de la pratique notariale concernant des successions légales internationales. Les successions légales internationales ne reflètent pas directement la volonté du défunt, son patrimoine passe à ses proches parents selon sa volonté présomptive fixée par la loi. Cependant, les législations sur les successions ab intestat présentent une grande diversité dans les différents pays, et l’application des règles de conflits dans ces successions est souvent source de conflits juridiques, ce qui oblige les notaires à choisir correctement la loi applicable pour régler les successions transnationales et à assumer le contrôle de la légalité des actes.

 

I.  Faits d’espèce et problèmes concernant la loi applicable

 

Les faits d’espèce sont les suivants : le défunt A est décédé en Chine et son conjoint est B. Son père est C et sa mère est D. A a laissé à sa mort un fils E et une fille F. Toutes ces personnes sont de nationalité coréenne. Le client E s’est présenté à l’Étude notariale de Dongfang à Shanghai afin d’hériter d’une maison appartenant à son père A, située à Shanghai. Après la vérification, A est décédé sans testament et il n’a conclu aucun pacte successoral aux fins d’aliments avec un tiers. En même temps, les autres proches parents B, C, D, F ont renoncé expressément à leurs droits héréditaires. Selon les règles des régimes matrimoniaux chinois, même si l’immeuble est enregistré sous le seul nom du A, il est considéré comme un bien commun des époux pourvu que l’acquisition soit réalisée au cours du mariage. S’agissant du partage, il faut d’abord soustraire la moitié appartenant au conjoint survivant, et c’est donc uniquement la moitié de la valeur du bien qui constitue la masse successorale du défunt. Cette part revient à E, et la maison devient la propriété de B et E. Néanmoins, selon le témoignage de B, en vertu de la loi de leur nationalité à savoir la loi coréenne, l’immeuble enregistré sous le nom d’une seule partie du couple est le propre de celui-ci, et n’entre pas dans la communauté. Ce faisant, E deviendrait le propriétaire exclusif de ladite maison. Par conséquent, il existe un conflit entre les différentes règles juridiques : pour savoir si la maison du défunt constitue ou non un bien commun des époux, les règles coréenne et chinoise apportent des réponses différentes, ce qui produit des effets juridiques radicalement contraires, affectant de manière profonde les droits et obligations des intéressés. Par conséquent, les notaires doivent identifier les relations juridiques dans cette affaire.

 

II.  Qualification des relations juridiques

 

En espèce, la qualification porte sur la nature communautaire ou non de la maison du défunt. En d’autres termes, il s’agit de déterminer la qualification juridique des biens entre époux. Le problème de ce type de qualification se pose généralement en cas de fin des relations conjugales suite à un divorce ou du décès de l’une des parties, ou en cas de responsabilité civile ou de manquement contractuel de l’une partie qui impliquent les intérêts d’un tiers. En général, dans la pratique judiciaire des différents pays, les contentieux portant sur les biens des époux après le divorce ou l’implication des intérêts de tiers sont qualifiés de problème des régimes matrimoniaux, et il faut appliquer des règles sur les régimes matrimoniaux pour en apporter une solution. Pourtant, en cas du décès de l’un des époux, puisqu’il existe un lien étroit entre les régimes matrimoniaux et les régimes successoraux conjugaux, il importe de savoir si les droits du conjoint survivant sur les biens consistent en un droit né de la communauté ou d’un droit dans les succesions, ce qui ajoute une difficulté supplémentaire à la qualification des relations juridiques. Dans la présente affaire concernant une succession légale internationale, les héritiers présomptifs autres que E ont manifesté leur volonté de renoncer à la succession, mais pour savoir l’étendue du droit successoral de E, les notaires sont tenus de déterminer si le bien litigieux entre dans la communauté. Pour les notaires, traiter cette question sous l’angle d’une succession légale internationale, ou sous l’angle indépendant des régimes matrimoniaux comportant des éléments d’extranéité, constitue une question de qualification. Les notaires considèrent qu’en espèce, même si la question présente un certain lien avec le problème successoral entre époux, au fond elle n’est pas une question successorale. En droit positif, les règles des régimes matrimoniaux régissent les relations patrimoniales des époux au cours du mariage, ainsi que le partage de la communauté après sa dissolution ; tandis que les règles successorales visent à déterminer à qui appartient le patrimoine du défunt, après avoir d’abord soustrait la part revenant au conjoint survivant. Cela signifique qu’en droit positif, les relations patrimoniales nées de la relation personnelle des époux se distinguent clairement des relations successorales, et les règles des régimes matrimoniaux sont logiquement privilégiées par rapport aux règles successorales dans ces hypothèses.

 

En ce qui concerne la présente affaire, les notaires considèrent qu’en traitant cette succession légale - peu importe si elle présente des éléments d’extranéité - pour savoir si les biens du défunt laissés à sa mort font partie ou non de la communauté, il faut l’apprécier d’après les règles des régimes matrimoniaux. Il faut noter que dans ce type de contentieux sur les successions internationales, il est courant de trouver deux catégories de relations juridiques distinctes : les relations patrimoniales entre époux, et les relations successorales. En outre, ces deux catégories de relations juridiques sont indépendantes, et ne doivent pas être confondues. C’est la condition préalable pour les notaires de déterminer la loi applicable.

 

III.  Détermination de la loi applicable

 

S’agissant de la loi applicable, et contrairement aux affaires domestiques qui sont soumis automatiquement aux règles substantielles du pays, dans les affaires avec des éléments d’extranéité, pour décider s’il faut appliquer la loi chinoise ou la loi étrangère, les notaires doivent d’abord recourir aux règles de conflit. Selon l’article 13 de l’Interprétation judiciaire de la Cour Suprême Populaire relative à l’application de la Loi Chinoise sur l’application des règles dans les relations civiles internationales, « lorsque le litige concerne au moins deux types de relations internationales, le Tribinal Populaire doit déterminer la loi applicable pour chacune de ces relations. » Cela signifie que dans une affaire notariale portant sur les successions légales internationales, pour résoudre les problèmes de la qualification des biens entre époux et du partage des biens successoraux, le notaire doit appliquer différentes règles de conflit dans ces deux relations juridiques.

 

A.  La loi applicable en matière des régimes matrimoniaux

 

Pour la présente affaire, le notaire considère que selon les règles de la Loi Chinoise du mariage ainsi que celles des interprétations judiciaires, sauf les biens propres de l’un des époux prévus par l’article 18 de la Loi Chinoise du mariage, les autres biens, acquis au cours du mariage, entrent tous dans la communauté. Par conséquent, dans les contentieux successoraux ordinaires, il est d’habitude de soustraire la moitié des biens du défunt au profit du conjoint survivant, et la moitié qui reste constitue la masse successorale, qui est partagée selon les règles des successions. Cependant, pour déterminer la loi applicable à une succession internationale, il faut d’abord appliquer les règles de conflit prévues par la Loi Chinoise sur l’application des règles dans les relations civiles internationales, conformément au principe selon lequel le droit spécial prime sur le droit commun. Selon l’article 24 de la Loi Chinoise sur l’application des règles dans les relations civiles internationales, « Pour régler les relations patrimoniales des époux, le couple peut choisir soit la loi de la résidence habituelle de l’un des époux, soit la loi de la nationalité de l’un des époux, soit la loi du lieu où se trouve le patrimoine principal. À défaut de choix, la loi applicable est celle de la résidence habituelle commune des époux, ou à défaut, la loi de la nationalité commune. » En d’autres termes, pour déterminer la loi applicable aux relations patrimoniales des époux, le premier principe est le respect de la volonté des parties et la loi choisie par les parties occupe une place privilégiée. Ce n’est qu’à défaut de choix et en absence de la résidence habituelle commune que la loi de la nationalité trouve à s’appliquer. Selon les investigations des notaires, le défunt A et son conjoint B n’ont pas choisi préalablement par contrat la loi applicable pour régler leur relation patrimoniale, et ils n’ont pas de résidence habituelle commune. Dès lors, il faut appliquer la loi de la nationalité commune des époux, à savoir la loi coréenne. Selon l’article 830 du Code Civil Coréen, les biens acquis avant le mariage ainsi que les biens acquis au nom de l’un des époux au cours du mariage sont des biens propres. Par conséquent, l’immeuble enregistré sous le seul nom du A doit être considéré comme son bien propre, et son conjoint B survivant n’a aucun droit patrimonial sur celui-ci.

 

B.  La loi applicable aux relations successorales

 

Selon l’article 36 de la Loi Chinoise des Successions, « Lorsque les citoyens étrangers héritent des biens situés en Chine ou reçoivent un héritage d’un citoyen chinois, la loi applicable à la succession mobilière est celle où se trouve le domicile du défunt, et la loi applicable à la succession immobilière est celle du lieu de situation des immeubles». Cette règle opère clairement une distinction entre les meubles et les immeubles pour déterminer les règles substantielles applicables. L’article 31 de la Loi Chinoise sur l’application des règles dans les relations civiles internationales contient une disposition similaire : « Pour la succession ab intestat, la loi applicable à la succession mobilière est celle se trouve le domicile du défunt, et la loi applicable à la succession immobilière est celle du lieu de situation des immeubles. » Selon ces dispositions législatives en vigueur, le notaire considère qu’en espèce, la loi applicable est la loi du lieu de la situation d’immeuble, à savoir la loi chinoise. Selon la Loi Chinoise des Successions ainsi que les interprétations judiciaires, l’héritage du A doit être partagé entre ses parents, son conjoint et ses enfants. Puisque les héritiers C, D, B, F ont renoncé à leur droits dans la succession de A, cet immeuble doit être hérité par le demandeur E.

 

En résumé, après avoir procédé au contrôle de la légalité, les notaires ont rédigé l’acte authentique suivant en se fondant sur les faits d’espèce :

 

......

 

Selon les dispositions de la Loi Chinoise du Notariat, la présente étude notariale a procédé au contrôle et à la vérification des pièces justificatives du droit et d’autres documents probatoires soumises par le demandeur, et a intérrogé le demandeur ainsi que les personnes intéressées. Les faits d’espèces sont les suivants :

 

1. Le défunt A est décédé à xx (lieu), le xx (date), xx (mois), xxxx (année) à cause de maladie.

 

2. B est le conjoint survivant de A ; C est le père de A ; D est la mère de A ; A a deux enfants : E et F.

 

3. Le client a demandé à notre étude à procéder aux démarches afin d’hériter de l’immeuble enregistré sous le nom de A, située à n°X, Rue XX, à Shanghai. Le numéro d’enregistrement de cet immeuble est : XXXXXXX.

 

L’article 24 de Loi Chinoise sur l’application des règles dans les relations civiles internationales dispose ainsi : « Pour régler les relations patrimoniales des époux, le couple peut choisir soit la loi de la résidence habituelle de l’un des époux, soit la loi de la nationalité de l’un des époux, soit la loi du lieu où se trouve le patrimoine principal. À défaut de choix, la loi applicable est celle de la résidence habituelle commune des époux, ou à défaut, la loi de la nationalité commune. » Selon le témoignage de B, le défunt A et son conjoint B n’ont pas choisi préalablement par contrat la loi applicable pour régler leur relation patrimoniale et ils n’ont pas de résidence habituelle commune, il faut donc appliquer la loi de la nationalité commune des époux, à savoir la loi coréenne. Selon l’article 830 du Code Civil Coréen, les biens acquis avant le mariage ainsi que les biens acquis au nom d’un époux au cours du mariage sont des biens propres. Par conséquent, l’immeuble enregistré sous le seul nom du A doit être considéré comme son bien propre.

 

Cet immeuble est grevé d’une hypothèque, afin de garantir le remboursement de l’emprunt fait par A pendant son vivant dont le montant est de XXXX. Le créancier (la banque) est XXX.

 

4. D’après les témoignages des héritiers légaux de A, le défunt est mort ab intestat, et il n’a pas conclu de pacte successoral aux fins d’aliments. Les héritiers sont d’accord sur ces faits et il n’y a pas de contestation sur ce point jusqu’au jour de la rédaction de l’acte.

 

Le xx (date) xx (mois) xxxx (année, notre étude a fait des recherches dans la base de données des testaments authentiques de Shanghai et n’a pas trouvé de testament authentique établi par A.

 

5. Le client E a demandé à hériter de la maison de A, tandis que C, D, B, F ont renoncé à leurs droits successoraux.

 

Selon les faits et conformément à l’article 3 de la Loi Chinoise des Successions et l’article 24 de la Loi Chinoise sur l’application des règles dans les relations civiles internationales, l’immeuble en question est l’héritage de A.

 

Selon les articles 5, 10 et 25 de la Loi Chinoise des Successions, le patrimoine de A doit être partagé entre les parents, le conjoint survivant et les enfants. Puisque C, D, B, F tous ont renoncé à leurs droits successoraux, le fils du défunt E hérite seul de la totalité de ces biens.

 

Selon l’article 33 de la Loi Chinoise des Successions, E doit acquitter les dettes dans la limite de la valeur reçue.

 



[1] Source : Compte officiel Wechat de l’Étude notariale de Dongfang à Shanghai


 

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