Le notaire et la gestion contractuelle
du risque environnemental
Charles
GIJSBERS
Agrégé
des facultés de droit
Professeur
à l’Université de Rouen Normandie
Chers
amis,
C’est
toujours avec le même plaisir et le même intérêt que je prends part aux
rencontres organisées par le Centre de Shanghai, consacrées cette année à une
question qui est au cœur des politiques publiques, j’ai nommé : la
protection de l’environnement, envisagée plus particulièrement aujourd’hui sous
l’angle du rôle que peut y tenir le notaire en France et en Chine.
J’aimerais,
pour introduire le sujet qui m’a été confié, revenir sur l’affinité qui existe
entre le notariat et le droit de l’environnement. Pourquoi n’est-il pas
excessif de dire que le notaire, en France, tient un rôle de premier plan dans
la protection de l’environnement ?
C’est,
je crois, le résultat de la conjugaison de deux facteurs :
-
C’est premièrement que la pollution,
qu’elle frappe le sol, le sous-sol, l’eau ou l’atmosphère, est toujours
intimement liée à un actif immobilier qui en est le siège. Et c’est souvent à
l’occasion du changement de propriétaire de cet immeuble que la difficulté va
émerger. Or les mutations immobilières, qu’elles aient lieu entre vifs ou à
cause de mort, passent toutes en France entre les mains expertes du notaire,
dont la mission première est d’assurer la sécurité juridique de ces transferts.
Or cette sécurité juridique, dont le notaire est débiteur à l’égard des parties
à l’acte, lui interdit de ne pas s’intéresser aux éventuels troubles à
l’environnement dont le bien transmis est à l’origine ou dont il est l’objet.
-
La deuxième raison est liée au statut
même du notaire qui, selon l’excellente définition qu’en donne une très vieille
loi, mais qui est toujours en vigueur, est un officier public établi pour
recevoir les contrats auxquels les particuliers veulent ou doivent donner le
caractère authentique des actes attachés à l’autorité publique[1].
Le notaire est donc un officier public qui tire ses prérogatives et son
autorité de l’État, et qui doit donc obéir à l’État. Or l’État n’hésite pas à
employer le notaire comme vecteur d’application de différentes politiques
publiques qu’il entend mettre en œuvre à l’occasion des transmissions
immobilières.
Nous avons déjà, à l’occasion de précédents
colloques, pu observer ce phénomène :
o
Qu’il s’agisse de la politique
fiscale : qui oblige le notaire français à collecter au nom de l’État les
différentes taxes que la mutation immobilière rend exigible ;
o
Qu’il s’agisse d’une politique de lutte
contre le logement précaire qui oblige le notaire à vérifier que l’acheteur n’a
pas été condamné en justice comme « marchand de sommeil »,
o
Qu’il s’agisse encore de la lutte contre
le blanchiment d’argent qui oblige le notaire à déclarer à un organisme
spécialisé les soupçons qu’il peut avoir à propos de telle ou telle opération.
Or c’est exactement le même phénomène que l’on
observe au sujet de la protection de l’environnement, qui n’est rien d’autre
qu’une nouvelle politique publique au nom de laquelle l’État demande au notaire
de procéder à différents contrôles, de mener différentes investigations, de
collecter différentes informations, etc. Autant de raisons qui font du notaire
un agent public d’application et de contrôle de la réglementation
environnementale en France.
***
Ces
données une fois rappelées, j’en viens au sujet qu’il m’a été spécifiquement
demandé de traiter, relatif à « la gestion contractuelle du risque
environnemental ».
Ce
sujet est parfaitement complémentaire de l’exposé qui vient d’être fait,
du moins sur un plan chronologique.
-
Monsieur Charpenel a dressé la liste des
informations d’ordre environnemental que le vendeur doit communiquer à
l’acheteur lors de la conclusion de la vente d’immeuble, et ce, sous le
contrôle étroit du notaire.
-
Le problème qu’il me faut résoudre est
de savoir quelle attitude adopter lorsque, malgré les
multiples déclarations du vendeur[2]
et malgré les différents audits communiqués à l’acheteur, un
doute subsiste sur le point de savoir si l’immeuble vendu est ou non pollué.
Cette
situation n’est pas du tout une hypothèse d’école.
-
La détection de la pollution est un art
particulièrement difficile. De même qu’il n’existe pas, en médecine, un
examen unique qui permettrait de repérer toute sorte de maladie, de même il
n’existe pas d’audit environnemental général qui permette d’identifier toutes les
pollutions dont pourrait être affecté le bien vendu. Ici comme ailleurs, on ne
trouve généralement que ce que l’on cherche !
-
C’est souvent un travail stratégique
de définir précisément la mission que l’on entend confier à l’expert au regard
du type de méthodologie qu’il va employer et au regard des types de pollution
qu’on lui demande de rechercher[3],
sachant que l’on ne peut pas multiplier à l’infini les investigations car elles
sont particulièrement coûteuses.
***
Voici
donc notre sujet. Comment traiter le risque environnemental lorsque les parties
n’ont pas pu, au moment de conclure la vente, acquérir une certitude quant à
l’existence ou à l’absence de pollution ? Et surtout, qui devra supporter
les conséquences financières de la découverte ultérieure d’une pollution ?
La
réponse à apporter à cette question dépend fondamentalement du point de savoir
si les parties ont organisé ou non les choses dans leur convention.
Par
conséquent, on distinguera deux situations :
-
le cas dans lequel les parties ne
prévoient rien dans l’acte et laissent pleinement la loi faire son œuvre en
tant que règle supplétive de volonté (I) ;
-
le cas dans lequel, au contraire, les
parties dérogent au régime légal au profit d’un traitement
« sur-mesure » de la difficulté, toute la question étant évidemment
de savoir quelle place peut être laissée aux volontés individuelles en ce
domaine (II).
– I –
Le régime légal
Nous
allons nous intéresser ici à ce qu’il advient lorsque les parties ne dérogent
pas à la loi. Il faut alors reporter à ce que prévoit le Code civil en matière
de vente d’immeuble, lequel met à la charge du vendeur deux obligations
principales, qui vont revêtir une importance particulière en cas de pollution
du bien vendu[4].
– A –
L’obligation de
délivrance
La
première de ces obligations, c’est l’obligation de délivrance (art. 1604 C.
civ.), également appelée « délivrance conforme » ou « obligation
de conformité ».
En
quoi consiste-t-elle pour le vendeur ?
Tout simplement à livrer un bien qui soit conforme à sa description
contractuelle, conforme autrement dit à ce dont les parties étaient convenues
au contrat.
Et
l’on comprend immédiatement le rôle qu’elle peut jouer en matière
environnementale :
-
Qu’un vendeur prétende par exemple
délivrer un immeuble non pollué ou faiblement pollué, et il encourra
inéluctablement une sanction contractuelle, comme ayant manqué à l’obligation
de délivrance conforme, si cette affirmation de l’acte de vente s’avère par la
suite contraire à la réalité[5].
-
L’acheteur pourra alors piocher
librement dans le panel des remèdes que la loi française offre à la victime
d’une inexécution contractuelle : soit poursuivre la résolution du
contrat, c’est-à-dire en demander la destruction judiciaire avec restitution de
la chose au vendeur et du prix à l’acheteur, soit plus modestement une
réduction du prix à la hauteur de la moindre valeur du bien du fait de la
révélation d’une pollution, soit encore des dommages et intérêts pour compenser
le préjudice souffert[6].
Tout
cela aboutit généralement à conseiller au notaire la plus grande
prudence dans la description de la chose vendue : s’il existe le moindre
doute quant à un risque de pollution, il ne faut pas désigner dans l’acte de
vente la chose comme non pollué car ce serait potentiellement exposé le vendeur
à une action sur le fondement de l’obligation de délivrance. Il faut, au
contraire, faire état de ce doute de sorte que, si la pollution redoutée existe
vraiment, l’acheteur ne pourra pas se plaindre d’avoir été mis en possession
d’un bien qui ne correspond finalement pas à la description qui en avait été
faite dans la convention[7].
Cela
ne signifie pas cependant, même dans ce cas, que l’acheteur n’aura aucun moyen
juridique pour mettre en cause le vendeur.
– B –
La garantie des vices cachés
A
côté de l’obligation de délivrance, le Code civil fait peser sur le vendeur une
obligation de garantie contre les vices cachés de la chose (art. 1641 C.
civ.).
Il
faut, pour qu’une telle garantie puisse être mise en œuvre par l’acheteur, que
celui-ci prouve que trois conditions sont simultanément réunies :
-
1/ que le vice ait existé antérieurement
à la vente ;
-
2/ qu’il n’ait pas été connu de
l’acheteur au moment de la vente[8] ;
-
2/ que ce vice rende la chose impropre à
sa destination.
Or
il n’est, là encore, pas difficile de s’apercevoir que de telles conditions
seront souvent remplies en matière de pollution, et notamment la troisième car,
selon sa gravité, la présence de pollution peut considérablement restreindre
les pouvoirs d’utilisation du site, notamment quant à l’accueil du public[9].
S’il
apporte la preuve de ces trois conditions,
l’acheteur a deux ans à compter de la découverte du vice pour choisir l’un des
deux partis que la loi lui offre. « L’acheteur, indique en effet le
Code civil, a le choix de rendre la chose et se faire restituer le prix, ou
de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix » (art.
1644 C. civ.). Il peut autrement dit faire résoudre la vente (on parle
d’ « action rédhibitoire ») ou en faire diminuer le prix
(on parle d’ « action estimatoire ») ; à quoi la
jurisprudence ajoute la possibilité de réclamer des dommages et intérêts, par
exemple pour couvrir les frais de dépollution que devra engager l’acheteur, ce
qui peut conduire à devoir lui verser une somme bien supérieure au prix de
vente[10].
***
Dépassant
le seul cadre des obligations nées de la vente, on ajoutera que si la pollution
de l’immeuble vendu cause des dommages à des tiers (comme les
propriétaires de fonds voisins, des salariés travaillant sur place, etc.), le
principe est que c’est le propriétaire au moment de la survenance du dommage
causé par l’immeuble qui devra en répondre.
De
deux choses l’une alors :
-
Si le dommage est survenu avant la
vente, c’est alors le vendeur qui pourra être directement actionné par les
tierces victimes.
-
Si le dommage survient postérieurement à
la vente, c’est l’acheteur qui devra répondre de l’action des tiers. Mais, si
ce dernier montre que le vendeur a manqué à l’une ou l’autre de ses obligations
(obligation de délivrance ou garantie des vices cachés), et que le fait
générateur de la pollution lui est imputable, il pourra se retourner contre lui
pour lui faire supporter le poids définitif de ces condamnations sur le
fondement de ce que l’on nomme techniquement en France un « recours
subrogatoire ».
***
Que
conclure de ces premiers développements sinon que, dans le droit français de la
vente d’immeuble, la survenance d’une pollution postérieure à la vente peut
être lourde de conséquences pour le vendeur ?
-
On a vu en effet que, selon les
circonstances de chaque affaire, le vendeur pourrait être poursuivi sur le
fondement de l’obligation de délivrance conforme, de la garantie des vices
cachés ou, si des tiers victimes ont obtenu la condamnation de l’acheteur, sur
le fondement d’un recours subrogatoire.
-
Et l’on comprend, au regard de ce
contexte peu favorable à ses intérêts, que le vendeur d’immeuble cherche, par
des clauses appropriées, à se « mettre à l’abri » de tels risques,
qu’il cherche autrement dit à ne plus pouvoir être inquiété, postérieurement à
la vente, des incidents qui pourraient survenir à l’immeuble vendu ou que cet
immeuble pourrait causer, quitte d’ailleurs à s’entendre d’emblée avec
l’acheteur sur une diminution de prix.
C’est
ce qu’il nous faut à présent envisager à travers l’étude des aménagements
contractuels.
– II –
Les aménagements contractuels
Les
aménagements contractuels aux obligations du vendeur sont d’ordinaire possibles,
sous réserve de certaines limites – assez peu contraignantes, on va le voir –
tirées du droit commun de la vente.
Il
faut cependant tenir compte du fait que l’on est ici sur un
terrain fortement pénétré d’ordre public, à savoir le droit de
l’environnement, qui restreint davantage qu’à l’accoutumée l’initiative des
volontés privées.
On
verra donc que la marge de liberté habituellement offerte aux
parties à une vente d’immeuble pour aménager à leur guise leurs obligations se
trouve ici rabotée par la circonstance que les intérêts dont il est
question dépassent le seul horizon des contractants.
Afin
de garder un tour concret à mes explications,
je tâcherai de présenter : d’abord, les aménagements permis (A) ;
puis ceux qui sont défendus par la loi en ce domaine (B).
– A –
Les aménagements permis
Les
aménagements permis peuvent toucher à l’obligation de délivrance ou à la
garantie des vices cachés.
1/
S’agissant premièrement de l’obligation de délivrance, les
volontés privées pourraient agir sur le contenu de l’obligation (a) ou sur sa
sanction (b).
a)
L’aménagement du contenu, d’abord, dont on a déjà dit un mot
précédemment, consiste à définir le bien vendu d’une manière suffisamment
prudente, quant à la pollution dont il fait l’objet, pour ne pas encourir
ensuite de reproches de la part de l’acheteur qui estimerait que ce qui lui a
été livré n’est pas ce qui avait été convenu.
Nous
avons ainsi souligné tout l’intérêt qu’il y a, en cas de doutes sur l’existence
d’une pollution, à faire ressortir ce doute dans la rédaction de la convention
de manière à ce que, si cette pollution existe bel et bien, l’acheteur ne
puisse pas reprocher un défaut de conformité.
b)
L’aménagement de la sanction repose sur une autre logique :
elle consiste, alors même que l’immeuble livré serait jugé non conforme à la
description que l’acte de vente en avait faite, à limiter les sanctions
encourues par le vendeur, par exemple en prévoyant une clause de limitation du
montant des dommages et intérêts dus[11],
ou en excluant la possibilité pour l’acquéreur de demander la résolution
judiciaire de la vente.
2/
S’agissant deuxièmement de la garantie des vices cachés,
le pouvoir des volontés est ici plus radical. Les parties peuvent en effet
exclure totalement la garantie (a) ; elles peuvent aussi, de manière moins
abrupte, en aménager les conséquences financières (b).
a)
Commençons par l’hypothèse la plus radicale, qui est aussi la plus
courante : l’exclusion pure et simple de la garantie.
C’est
une stipulation fréquente. Elle consiste pour le propriétaire à vendre
l’immeuble dans l’état qui est le sien au jour de la vente, sans assumer les
conséquences des vices dont il pourrait être infecté et qui apparaîtraient
postérieurement à la vente.
Cette
stipulation d’exonération de la garantie des vices cachés est possible à
plusieurs conditions :
-
1/ Il faut d’une part que le vendeur ne
soit pas de mauvaise foi, car l’on ne peut évidemment se laver les mains d’un
risque si l’on sait déjà, au moment où l’on vend, que ce risque va à coup sûr
se réaliser.
-
2/ Le vendeur ne doit pas, d’autre part,
être un professionnel de l’immobilier car la jurisprudence française présume
irréfragablement que les professionnels connaissent les vices de la chose
qu’ils vendent. Et la Cour de cassation a récemment retenu une approche
particulièrement compréhensive de la qualité de vendeur professionnel en
matière de terrain pollué[12].
La clause d’exonération ne redevient possible, en
présence d’un vendeur professionnel, que s’il traite avec un acheteur qui est
lui-même un professionnel de l’immobilier.
-
3/ Il faut enfin, pour que le vendeur
puisse s’exonérer efficacement, qu’il ait fourni les différents diagnostics et
révélé les différentes informations que la loi lui impose de communiquer au
moment de la vente à l’acheteur[13].
b)
A côté de l’exclusion pure et simple de la garantie, et toujours si les trois
conditions sont remplies, vendeur et acheteur pourraient convenir entre eux
d’une répartition des conséquences financières de la découverte d’une pollution.
Cela
pourrait par exemple consister :
-
à prévoir une participation financière
du vendeur à la réhabilitation du site en cas d’apparition d’une pollution ou
d’une pollution excédant un certain seuil ;
-
à prévoir une indemnisation du vendeur
pour certains préjudices liés à cette pollution ou à certains types de
pollution ; etc.
On
s’épuiserait à détailler davantage le contenu de tels accords qui, entièrement
tributaires des données propres à chaque dossier, sont en nombre
potentiellement infini.
– B –
Les aménagements
interdits
Reste
à présent à envisager les aménagements interdits, autrement dit les clauses que
les parties ne peuvent pas valablement insérer dans le contrat parce qu’elles heurtent
telle ou telle disposition impérative du droit de l’environnement.
J’en
prendrai trois exemples.
1)
Le premier est relatif à ce que l’on nomme, en droit de l’environnement, l’obligation
de remise en état.
Maître
Bouquemont expliquera dans un instant que, lorsqu’un terrain a abrité une
activité polluante atteignant un certain seuil fixé par les textes
réglementaires, et que cette activité polluante cesse, le dernier exploitant de
l’activité assume une obligation personnelle de remise en état du site.
Cette
obligation, nous le verrons, est extrêmement contraignante, notamment car le
dernier exploitant tenu de remettre le site en état ne peut normalement se
défaire de cette charge auprès d’un tiers, sauf à respecter une procédure
sévère sur laquelle les pouvoirs publics exercent un contrôle étroit.
Or
la Cour de cassation est récemment venue préciser qu’aucune clause ne pouvait
d’une manière ou d’une autre limiter cette obligation impérative de remise en
état. Elle a ainsi refusé que le vendeur, par ailleurs dernier exploitant,
puisse s’exonérer de la garantie des vices cachés à l’égard de l’acquéreur du
bien (Cass. civ. 3e, 3 nov. 2011, n° 10-14.986 et 10-30.549).
2)
Le deuxième exemple concerne les informations obligatoires.
Monsieur
Charpenel a dressé une liste impressionnante de toutes les informations que le
vendeur doit communiquer à l’acheteur.
-
Certaines de ses informations sont assez
faciles à obtenir, par exemple le fait que le bien figure dans le secteur
d’information sur les sols, qui est un fichier public aisément consultable.
-
Mais d’autres sont beaucoup plus
difficiles à se procurer, comme par exemple le fait que le terrain que l’on
vend a, par le passé, abrité ce que l’on appelle une « installation
classée pour le droit de l’environnement », c’est-à-dire une activité
polluante dépassant certains seuils de dangerosité[14].
-
Devant la difficulté à se procurer cette
information pourtant obligatoire, le vendeur est parfois tenté d’insérer une
clause visant à le dégager de sa responsabilité si la déclaration qu’il avait
fourni à cet égard s’avérait finalement fausse. Quoique la jurisprudence ne se
soit pas encore prononcée, il y a toutes les raisons de penser que ce type de
stipulation n’a aucune valeur.
3/
Le troisième exemple concerne les dommages causés à des tiers.
Étant
dans le domaine extracontractuel et non contractuel, le principe est que l’on
ne peut pas stipuler de clauses limitatives de responsabilité.
Autrement
dit, tout arrangement entre le vendeur et l’acquéreur sur la question de
dommages causés par la pollution du bien à des tiers serait radicalement
impuissant à empêcher la victime d’agir contre l’auteur du dommage, autrement
dit contre celui qui était propriétaire du bien le jour où est apparu le
préjudice.
***
Pour
conclure ces longs développements, on comprend que la gestion du risque
environnemental lors de la vente d’un immeuble dont on ignore s’il est ou non
pollué n’est pas une chose aisée.
-
Si les parties ne disent rien, le régime
légal de la vente immobilière est particulièrement favorable à l’acquéreur qui
disposera de plusieurs fondements pour agir contre le vendeur.
-
Si le vendeur entend se dégager de ce
risque, il faudra mettre sur pied des clauses dont on a vu qu’elles étaient
efficaces pour autant qu’elles ne franchissaient pas les bornes de l’ordre
public environnemental.
C’est évidemment au notaire de conseiller les
parties pour l’acte épouse le plus fidèlement possible la volonté des parties,
dans la limite de ce que la loi permet.
[1] La loi du 25 ventôse an XI, art. 1er.
[2] Déclarations sur la conformité de
l’activité aux réglementations en vigueur, sur l’obtention des autorisations
nécessaires à l’exploitation, sur l’état du sol, des eaux de surface et
souterraines, sur l’existence ou l’absence de litige environnementaux en cours,
etc.
[3] En pratique, on utilise une approche
statistique fondée sur l’approche de Monte Carlo qui va définir les pollutions typiques
de l’activité industrielle en cause en identifiant plusieurs scenarii
fondés sur le best case, reasonable case et worst case.
[4] Il est ici fait abstraction de la théorie
des vices du consentement, mais nul doute que l’acheteur pourrait, s’il a commis
une erreur ou s’il est victime d’un dol, poursuivre la nullité de la vente sur
l’un ou l’autre de ces fondements (sauf, s’agissant de l’erreur, lorsque
celle-ci procède d’un vice caché car l’acquéreur est alors contraint d’agir sur
le fondement de la garantie des vices cachés).
[5] Cass. civ. 3e, 29 fév. 2012, n° 11-10318
(à propos d’un terrain présenté comme dépollué alors qu’il demeurait une
pollution résiduelle) ; Cass. civ. 3e, 12 nov. 2014, n° 13-25079 (ou il
était fait état de l’absence de pollution importante alors que le bien était
lourdement pollué) : « Mais attendu qu’ayant constaté que le
terrain vendu était affecté d’une pollution en métaux lourds et relevé sans
dénaturer l’acte authentique de vente que l’absence de pollution importante
était entrée dans le champ contractuel et que le vendeur connaissait la
destination à usage d’équipement public des parcelles, la Cour d’appel, qui
n’était pas tenue d’effectuer une recherche que ses constatations rendaient
inopérantes, a pu retenir qu’il existait une différence substantielle entre la
chose livrée et qui avait été contractuellement prévue et que Réseau Ferré de
France avait manqué à son obligation de délivrance des parcelles conformes à la
convention des parties. »
[6] Dommages et intérêts qui pourraient
d’ailleurs parfaitement s’ajouter à la résolution du contrat ou à la réduction
du prix
[7] V. par ex. Cass. civ. 3e, 16
janvier 2013, n° 11-27101 : « attendu […] que la convention
des parties avait donc porté sur un terrain comportant un risque de pollution
connu de l'acquéreur, la cour d'appel a pu, par ces seuls motifs, en déduire
que la délivrance du terrain était conforme à la convention des parties et que
la SCI devait être déboutée de ses demandes dirigées contre le vendeur »
[8] Si la pollution ou même seulement le
risque de pollution est indiqué dans l’acte, le tribunal saisi pourrait estimer
que cela rend le vice apparent : v. par ex. Cass. civ. 1re, 14
oct. 2015, n° 14-15143 ; Cass. civ. 3e, 24 sept. 2013, n°
11-26642 ; Cass. Civ. 3e, 18 nov. 2009, n° 08-19052. – Sauf à ce que la
pollution finalement découverte dépasse, par son ampleur, les prévisions des
parties : Cass ; civ. 3e, 8 juni 2006, n° 04-19069.
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