Les sources de la protection de l’environnement
en France et le rôle qu’y tient le notaire
Me
Antoine DESMIERS DE LIGOUYER
Délégué
du CSN pour la Chine, Président du Centre
Messieurs et Mesdames
les Hautes personnalités,
Mes
chers confrères, chers amis,
Je
suis très heureux de vous retrouver aujourd'hui à Shanghai pour ce colloque
réunissant autour du Centre Sino-français de formation et d'échanges juridiques
et notariaux à Shanghai, des délégations françaises et chinoises afin de
travailler sur le thème du notaire et de la protection de l’environnement.
L’eau,
l’air, la terre sont des biens communs à l’humanité. En tant que citoyens du
monde, nous sommes tous concernés par les enjeux actuels liés au réchauffement
de notre planète, à la dégradation de notre environnement et à l’augmentation
de la population mondiale entrainant la nécessité de nourrir et de loger des
milliards d’êtres humains.
Actuellement
notre planète vit des bouleversements liés au réchauffement climatique, à la
pollution et aux atteintes à l’environnement qui ont des conséquences terribles
imposant à une partie de la population mondiale de se déplacer et d’abandonner
la terre de leurs ancêtres, certains territoires devenant inhabitables. Et ce
phénomène risque de s’intensifier dans les années à venir si rien n’est fait.
En
France, la préoccupation pour l’environnement est ancienne, en 1669 une
ordonnance de Jean-Baptiste Colbert, Ministre du Roi Louis XIV, organise les
méthodes d’aménagement des forêts en règlementant les coupes et la vente des
produits forestiers. C’est essentiellement au 20ème siècle que le droit de l’environnement
s’est développé en France et dans le monde.
Je
citerai quelques moments importants qui ont bouleversé notre Droit et la
pratique des notaires en France et ailleurs :
-
1901 : la loi du 1er juillet permet la création d’association à but non
lucratif et ces associations auront un rôle important dans le domaine de
l’environnement
-
1930 : la loi du 2 mai crée les sites classés et inscrits (Mont Blanc, Mont
Saint-Michel, etc…)
-
1971 : création du Ministère de l’environnement (à l’époque 0,1% du budget de
la France)
-
1972 : conférence mondiale sur l’environnement à Stockholm qui aboutira à la
déclaration de Stockholm et à la mise en place du programme des Nations Unies
pour l’environnement
-
1976 : loi sur la protection de la nature, loi sur les installations classées
-
1986 : la loi du littoral
-
1992 : loi sur l’eau et sommet de Rio
-
2000 : création du code de l’environnement
-
2005 : loi constitutionnelle relative au droit de l’environnement « l’avenir et
l’existence même de l’humanité sont indissociables de son milieu naturel »
-
2005 : protocole de Kyoto sur les changements climatiques
-
2009 : loi dite Grenelle 1
-
2010 : loi Grenelle 2 portant engagement national de l’environnement, loi
quantitativement la plus importante depuis 1946 et modifiant 25 codes
législatifs français.
-
2015 : loi relative à la transition énergétique par la croissance verte dit «
accord de Paris » 195 pays sur 197 que compte l’ONU ont signé cet accord de
Paris sur le climat.
Les
sources françaises du droit de l’environnement sont multiples.
Depuis
2005, le préambule de notre constitution le mentionne : « le peuple français
proclame son attachement aux droits de l’homme et aux principes de souveraineté
nationale tel qu’ils ont été définis par la déclaration de 1789..., ainsi
qu’aux droits et devoirs définis dans la charte de l’environnement de 2004 ».
De plus, l’article 34 de la constitution prévoit que c’est la loi qui détermine
les principes fondamentaux de la protection de l’environnement.
Le
droit de l’environnement occupe une place transversale en droit français et est
la seule matière à bénéficier un fondement constitutionnel propre.
Le
législateur français a en effet donné une place très importante au Droit de
l’environnement par volonté politique mais aussi par obligation de
retranscription dans notre législation de directives et règlements européens.
Plus des 2/3 des lois et règlements français en matière environnementale qui,
le plus souvent, figurent dans le code de l’environnement ont pour source des
règlements et directives européens. On les retrouve aussi dans le code
rural et de la pêche maritime, comme le droit des pesticides agricoles ou le
droit des pêches maritimes.
Le
Droit de l’environnement est un droit contraignant et son volet pénal se trouve
aussi dans le code de l’environnement. En ce qui concerne l’application de
cette loi, sont à prendre en compte les textes règlementaires, arrêtés
ministériels, préfectoraux et pour finir municipaux. La jurisprudence des Tribunaux
est aussi une source précieuse et indispensable pour des sujets spécifiques et
lorsque les textes de droit commun sont difficiles à interpréter ou sont
imprécis.
Toutes
ces lois, ces traités ont façonné la pratique notariale qui, dans son activité quotidienne,
est soumise au droit de l’environnement. En va-t-il ainsi de nombreuses
servitudes environnementales prescrivant ou interdisant certaines activités
pouvant porter atteintes à l’environnement ou des garanties de passif
environnemental en matière de ventes de terrains pollués par des anciennes
installations industrielles (loi Duflot du 20 mars 2014).
Les
notaires comme la plupart des citoyens du monde ont conscience de la nécessité
absolue et urgente de protéger l’environnement et la planète. Mais en qualité
de juristes et de conseils des particuliers et des collectivités,
l’environnement est d’autant plus au cœur de leur métier. Lors d’une simple
vente immobilière le notaire doit fournir et informer ses clients sur l’état
sanitaire et environnemental de la construction ou du terrain vendu. Et au fil
du temps ces obligations se sont élargies.
Au
début de ma carrière il y a déjà 30 ans, les actes de vente étaient encore
simples.
Désormais
ils sont très complets ; préalablement à l’engagement de l’acquéreur, des
recherches sur le plomb, l’amiante, l’assainissement, doivent être fournies à
l’acquéreur.
C’est
une obligation d’information qui débouchera ou non sur des travaux de remise en
conformité. Monsieur CHARPENEL, avocat général honoraire à la Cour de Cassation
développera le sujet de la collecte d’informations environnementales par le
notaire.
Les
notaires sont aussi confrontés à la vente de sites industriels ou artisanaux,
d’installations classées ou non, certaines pouvant comporter un risque de pollution.
Les questions qui se posent et qui seront développées dans ce colloque par le
professeur GIJSBERS et Maitre Antoine BOUQUEMONT, sont très pertinentes :
peut-on vendre un bien pollué ? Qui est responsable de la
dépollution ? L’exploitant, le propriétaire ? Qui aura la charge de
cette dépollution ? Peut-on transférer cette obligation de dépollution à
un tiers, et si oui dans quelles conditions ? Quelle intervention de
l’administration en cas de défaillance du tiers acquéreur à qui a été
transférée l’obligation de dépollution ou de l’ancien exploitant ?
Toutes
ces questions sont quotidiennes dans l’activité notariale, le notaire ayant un
devoir d’information et de conseil très étendu dans ce domaine. Au cours de ce
colloque seront abordés les solutions possibles mais aussi la position des
tribunaux.
Le
notaire est aussi en France le conseil des collectivités territoriales
(communes, départements, régions) qui sont confrontées à l’aménagement du
territoire. Et cet aménagement a une importance capitale pour l’environnement
pour définir les zones d’activités industrielles.
Dans
les 20 dernières années, la construction de logements a été exponentielle en
France et notre pays est confronté à deux enjeux essentiels : loger sa
population dans les meilleures conditions de confort mais aussi protéger la
nature en évitant de consommer trop de foncier. Car un autre enjeu est de
nourrir dans les meilleures conditions de qualité la population.
Le
notaire a réellement un rôle de conseil en ce qui concerne l’élaboration des
plans d’occupation des sols et des différents documents d’urbanisme qui
régissent l’utilisation du foncier en France. Monsieur GUYOMAR, Conseiller
d’État nous exposera comment le juge administratif veille à la protection de
l’environnement.
Nous
attendons avec beaucoup d’impatience et d’intérêt les interventions de nos
collègues chinois et nous pourrons à l’issue de ces interventions débattre et
confronter nos législations et notre pratique.
Je
laisse maintenant la parole aux différents intervenants et souhaite que nous
ayons comme l’année passée des débats autour des exposés. Les intervenants
français seront à votre disposition pour répondre à vos questions qui,
j’espère, seront nombreuses.
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