Tracfin :
Bilan et activité en 2017
Bilan de l’activité Tracfin des notaires en 2017[1]
Appréciation quantitative et qualitative
des déclarations
Premier contributeur des professions non
financières. Le notariat a fourni, en volume, un
effort déclaratif conséquent en 2017 en transmettant à Tracfin 1 401
déclarations de soupçon, soit une progression de 34% par rapport à 2016, après
de longues années autour de 1 000 déclarations quelle que soit l’évolution du
marché immobilier.
La profession atteint son score le plus
élevé depuis 1998 et confirme sa place de premier contributeur dans le secteur
des professions non financières devant les opérateurs de jeux.
Disparités géographiques. L’activité déclarative est marquée par des disparités géographiques.
Ainsi, il est constaté une forte polarisation des déclarations de soupçons
émises en Île-de-France (30%) et dans la région PACA (15%). La région Grand-Est
concrétise sa montée en puissance amorcée en 2016 avec 13% des signalements
adressés par la profession. Ces trois régions concentrent à elles seules 58%
des déclarations de soupçon adressées par les notaires.
Les notaires des autres régions déclarent
de manière très inégale.
Prédilection pour la dématérialisation. Le nombre toujours croissant de déclarations transmises via ERMES
(81% en 2017) démontre que les notaires s’engagent résolument dans la voie de
la dématérialisation.
Ce résultat positif est l’exemple à suivre
par les représentants de la profession encore nombreux dont les déclarations de
soupçon sont jugées irrecevables. Ainsi sur les 256 déclarations de soupçon
jugées irrecevables, toutes les professions confondues, 143 concernaient des
notaires.
L’envoi d’une déclaration de soupçon via
ERMES permet sa saisie de manière sécurisée et la garantie de la
confidentialité de l’accusé de réception.
Natures des opérations. L’attention des notaires se concentre quasi exclusivement sur les
opérations immobilières qui représentent 97% de l’objet des déclarations. Elles
concernent des opérations d’immobilier résidentiel et, à la marge, des cessions
de bail et des cessions de parts sociales.
Qualité des déclarations. Tracfin relève que si la contribution des notaires revêt en volume
un caractère ascendant, des marges de progression considérables subsistent en
matière qualitative.
En effet, près de la moitié des
déclarations de soupçon ne contient aucune pièce jointe. La déclaration reste
trop souvent lacunaire, dénuée d’analyse et d’élément de soupçon tangible.
L’exposé des faits ne doit pas consister en
une simple copie d’un acte notarié, mais être l’expression d’un doute sur la
licéité d’une opération.
Les éléments d’informations recueillis en
matière de connaissance client et transmis à Tracfin restent largement
perfectibles, de même que les éléments financiers et contextuels relatifs à
l’opération décrite.
Cependant, en 2017, les notaires ont
signalé à bon escient des acquisitions de biens immobiliers par des personnes
faisant l’objet de sanctions nationales ou internationales. Ils ont également
décrit des situations qui ne permettaient pas d’identifier le bénéficiaire réel
de la transaction (acheteur « de paille », utilisation de sociétés
opacifiantes) ou révélé des cas de fraude fiscale, fraude en lien
essentiellement avec des problématiques d’évasion fiscale.
Projets pour 2018. Des efforts restent à accomplir pour mettre en place une
cartographie des risques au niveau de chaque étude. La sensibilisation engagée
par Tracfin depuis plusieurs années s’intensifie avec le concours des instances
représentatives. En 2017, Tracfin a engagé des actions dans le ressort des
cours d’appel de Douai, Agen, Aix-en-Provence, Paris II, Nîmes et devant la
chambre départementale des Hauts-de-Seine.
En 2018, il est prévu que les notaires
disposent de l’accès à une base de données commerciales constituant un outil
pour détecter des personnes politiquement exposées et disposer d’informations
sur les protagonistes d’un dossier.
Par ailleurs, le CSN envisage de déployer
au cours de l’année un dispositif informatique qui permettra d’orienter les
professionnels et de parfaire leur analyse.
Cas typologique
L’attention du service fut appelée sur
plusieurs dizaines de transactions immobilières authentifiées par un même
notaire, qui furent toutes financées par la même banque à hauteur de plus de 8
000 000 €. Un salarié d’une
commune d’Île-de-France fut mandaté pour une large partie de ces transactions
qui présentaient des anomalies :
- adresses et professions des acquéreurs
erronées ou obsolètes ;
- acquéreurs ne disposant pas de la surface
financière nécessaire aux remboursements ;
- emplacement des biens éloignés de l’étude
notariale ;
- achat et revente rapide des biens, sans
que les acquéreurs y habitent ;
- obtention des prêts sur la base de faux
documents.
Révélations des investigations menées
par Tracfin :
- un écart de prix important et récurrent entre
les montants d’acquisition et les montants empruntés ;
- l’encaissement par le notaire de la
totalité des fonds débloqués par la banque ;
- reversement d’une partie aux vendeurs ;
- transfert de l’autre partie vers
plusieurs sociétés exerçant dans des domaines divers (garages automobiles,
conseil, commerce de métaux…) non parties aux opérations immobilières, pour
près de 2 000 000 €. Ces
sociétés sont par ailleurs suspectées d’avoir une activité de recyclage de
fonds issus d’activités criminelles.
Critères d’alerte pour un notaire :
- emplacement des biens éloignés de l’étude
notariale ;
- achat et revente rapide des biens, sans
que les acquéreurs y habitent ;
- profil socio-économique de l’acquéreur
peu compatible avec le prix d’achat du bien.
Critères d’alerte relatifs aux prêts
octroyés :
- présence d’un même notaire pour
authentifier des transactions immobilières afférentes à de nombreux dossiers de
prêts qui n’avaient, en théorie, aucun lien entre eux ;
- anomalies similaires dans les dossiers de
prêts ;
- les emprunteurs remboursent leurs
mensualités d’emprunt grâce à des versements de sociétés tierces, sans lien
connu avec leurs clients.
Critères d’alerte relatifs aux comptes
bancaires de sociétés :
- irrégularités relevées sur les comptes de
sociétés exerçant dans des domaines divers, dont des versements conséquents et
sans justificatif provenant d’un notaire ;
- les sociétés émettent mensuellement des
chèques de montants identiques, laissant supposer des salaires, vers de
multiples personnes physiques pourtant non salariées. Ces particuliers s’en
servent pour rembourser leur emprunt.
Activité de Tracfin en 2017[2]
La forte mobilisation des professions
assujetties au dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le
financement du terrorisme se maintient en 2017.
Après une hausse sans précédent du nombre
de déclarations de soupçon émanant des professions financières et non
financières en 2016, le nombre de déclarations de soupçon reçues par Tracfin en
2017 (68 661) a augmenté de 10% par rapport à 2016 et de 59% par rapport à
2015.
Tracfin ne peut s’autosaisir
Régi par le Code monétaire et financier, le
Service est habilité à recevoir différents types d’informations :
déclarations de soupçon émanant des professionnels assujettis au dispositif
LCB/FT, informations transmises par les services de l’État et informations en
provenance des cellules de renseignement financier (CRF) étrangères. En 2017,
Tracfin a reçu et analysé 71 070 informations (+10% en 1 an, +57% en 2 ans et
+160% en 5 ans). La participation d’une quarantaine de professions financières
(banques, établissements de paiement, assurances, etc.) et non financières
(notaires, secteur immobilier, casinos, administrateurs aux comptes, etc.)
témoigne d’une mobilisation continue des professionnels déclarants en matière
de lutte contre le blanchiment de capitaux, les fraudes aux finances publiques
et le financement du terrorisme.
Missions : recueillir, analyser et
exploiter le renseignement financier
En 2017, le Service a réalisé 12 518
enquêtes, issues d’informations reçues en 2017 ou antérieurement, qui ont
débouché sur l’externalisation de 2 616 notes (soit une hausse de 38%) :
891 notes à l’autorité judicaire (dont 468 notes portant sur une présomption
d’infractions pénales permettant d’initier une enquête policière) et 1 725
notes aux administrations partenaires (administrations fiscales, sociale,
douanière et services de renseignement).
L’action du Service est confirmée dans tous
ses domaines de compétences grâce à la mise en place de nouveaux instruments
juridiques, notamment par l’accès direct à certaines bases de données, dont les
fichiers transporteurs, passagers aériens (PNR), traitement d’antécédents
judiciaires (TAJ), personnes recherchées (FPR), et par l’utilisation de
techniques de renseignement. Elle est également le fruit de la mise en œuvre de
nouvelles méthodologies de travail facilitant le partage de l’information.
Tracfin a notamment mis en place le traitement prioritaire et rapide de
certaines informations permettant l’externalisation de « rapports
flash » et l’approfondissement des techniques d’analyse par la montée en
puissance du pôle Data science de Tracfin.
[1] Source : DEFRÉNOIS No28 19 juillet 2018
[2] Source : DEFRÉNOIS No16 19 avril 2018
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